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Je m'informerois plûtôt des contes & des digreffions du Préfident. Mandezmoi enfin comment vous vous portez:fi vous avez mis quelque ordre à vos chaleurs de foye. Je ne fçay fi vous êtes de mon fentiment; mais je tiens la fanté le premier bien de la vie, les honneurs le fecond, & le troifiéme l'argent.

LXXXI. LETTRE.

De Monfieur Charpentier au
Comte de Buffy.

Ja

A Paris ce 16. Aouft 1690.

E commençois, Monfieur,à me plaindre, mais je n'ofois pas encore vous accufer; je rejettois fur les embarras du voïage le retardement de vos lettres, & je ne pouvois pas croire que vous euffiez oublié la promeffe que vous m'avez faite, & que je mérite bien, fi l'on s'en peut rendre digne par une eftime toute finguliere que j'ay de votre mérite. Dieu mercy nous voicy en beau chemin, puifque vous êtes maintenant dans votre belle maison de Buffy,où vous aurez le loifir vrai-femblablement de

tourner quelquefois la tête du côté de Paris. Ce n'eft pas qu'un Philofophe qui fe poffede foi-même en pleine paix ne fe puiffe paffer du refte du monde, mais on ne fe paffe pas fi facilement de vous. Vous tenez à toute l'Academie par des liens invifibles, & qui n'en font pas moins forts, on y parle fouvent de vous, on y cite l'autorité de vos pensées & de vos paroles, & quand vous fçaurez tout ce qui fe dit fur votre fujet, vous reconnoîtrez que vous n'êtes pas le Heros du feul Pere Bouhours. Notre Armée de Savoye a pris un pofte confidérable, appellé la Roche de Canours; on y a tué fept à huit cens hommes, la plufpart Barbets, on n'a épargné ni sexe ni âge. Monfeigneur a paffé le Rhin. On ne fçait rien de certain d'Irlande. Il n'eft. pas vrai que le Roy d'Angleterre soit parti de faint Germain. On affure que le Prince d'Orange n'eft pas mort. Les Armées de Flandres font affez proches les unes des autres; cependant on ne croit pas que les Ennemis veüillent hazarder un fecond combat, fur tout Monfieur de Brandebourg ne veut pas hazarder fes Troupes qu'il regarde comme la meilleure partie de fon bien.

Vous me faites trop d'honneur de me demander des nouvelles de ma fanté, je ne fuis pas encore hors d'affaire, mais je fuis toujours paffionnément à vous.

LXXXII. LETTRE.

De l'Abbé de Choify au Comte de Buffy.

A Paris ce 16. Aouft 1690.

N écrit de Londres que le Prince

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de Dublin qu'il eft à Londres. Bien plus, un Marchand écrit d'Amfterdam, qu'on commence à foupçonner qu'il y eft

mort.

Monfeigneur eft campé à Offembourg, & Monfieur de Baviere à Dourlach, où il fe fortifie. Monfieur de Saxe eft à Hifdeskin, à deux lieues de Bruxal, & ne veut pas, dit-on obéir à Monfieur de Baviere. Monfieur de Tilladet a pris de l'éinétique & le porte mieux. Monfeigneur mande au Roy qu'il eft dans un lieu où les fourages font en abondance. Monfieur deFeuquieres a brûlé tous les Villages des Vallées de Pra

gelas & d'Angrogne, pour empêcher les Barbets d'y fubfifter l'hyver. Monfieur de Catinat a forcé l'épée à la main la Roche de Canours, & a tué fix à fept cens Barbets. Les Piedmontois fe font faifis du Col de Feneftrelle qui empêchoit la communication de Pignerol avec le Dauphiné. Monfieur de Feuquie res fe prépare à les en chaffer.Les Algeriens ont déclaré la Guerre aux Anglois. Le Roy a la goutte, & fe fait traîner en roulette. Madame la Princeffe de Conty a un Rhumatisme. Il y a des Vaiffeaux fur les Côtes d'Irlande pour embarquer Meffieurs de Tirconel & de Laufun avec les Troupes, en cas qu'ils ne puiffent plus demeurer en Irlande. Monfieur de Signelay est toujours fort mal.

LXXXIII. LETTRE.

Du Comte de Buffy à l'Abbé de Choify.

A Buffy, cc 21. Aoust 1690.

A difficulté que fait Monfieur de

LA

Saxe d'obéir à Monfieur de Baviere

les empêchera d'entreprendre rien de

confidérable. Cette divifion doit bien faire fentir à l'Empereur la perte du Duc de Lorraine, à qui le Duc de Saxe obéiffoit fans contefte. Jufqu'ici les affaires du Roy en Piedmont vont fort bien. Je ne comprends pas les reffources du Du: de Savoye. La diverfion des Algeriens embarraffera les Anglois. Je me réjouis de la goutte du Roy, c'eft une marque de longue vie. La Fortune de Monfieur de Seignelay lui coupe la gorge; s'il n'avoit pas pû tout ce qu'il a voulu, il auroit vécu plus long-tems qu'il ne fera : Il meurt d'une maladie que les Médecins appellent, Ab exhaufto. Si Tirconel & Laufun font obligez de quitter l'Irlande, nous n'y retournerons pas fi-tôt.La banqueroute de l'Ambassadeur de Savoye marque le mécontentement que fon maître a de lui.

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