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LXXXIV. LETTRE.

De l'Abbé de Choify au Comte de Buffy.

A Paris, ce 23. Aoust 1690.

Plbrac difoit que le bon fens eft dans les Proverbes , par exemple, Tout ce qui reluit n'eft pas or. Vous me jugez affurément par mes propos joïeux dans une fanté admirable, cependant je fuis malade depuis trois femaines. Une bile noire, âcre & mordicante me tient à la gorge. J'ai réfilté long-tems avec mes propres forces, mais enfin il a fallu des fecours étrangers, & je me fuis abandonné pourtant en tenant toujours la bride à un petit Charlatan, foy difant Empirique; il ne m'a faigné qu'une fois ce n'eût pas été contentement pour la Faculté. L'Empirique m'a donné ensuite certaines poudres Cephaliques qui m'ont fait jetter fans effort deux bonnes pintes d'huile dont mont eftomach n'avoit que faire. Mais je fais ici le méchant plaifant. Si par cas fortuit Madame la Comteffe de Dalet vou

loit lire ma lettre, (ce que je vous fupplie d'empêcher) n'auroit-elle pas raifon de dire: Qu'avons-nous à faire de fon eftomach & de fa bile ? Que voulezvous, Monsieur, cela m'a échapé, j'étois plein, cela a voulu fortir, & m'a fait autant de plaifir que l'évacuation. J'ofe me flater que cela ne vous déplaira pas: on eft bien aife de voir fon ami en état de manger un poulet, ce que je n'é tois pas il y a trois jours. Mais il faut finir cette Jeremiade. Non, c'eft un chant d'allegreffe, je fuis auffi aife d'être guéri, que le Prince d'Orange de n'être pas mort. Et puifque vous m'avez permis. de vous écrire fans façon & fans fonger à qui j'écris; je le ferai toutes & quantes-fois qu'il m'en prendra l'envie. Je viens de parier contre le bon-homme la Fontaine, tous fes Ouvrages contre le prix qu'ils valent, que le Prince d'Orange n'eft pas mort.

Monfieur de Beauvilliers eft Gouver neur de Monfieur le Duc d'Anjou, Monfieur le Marquis de Saumery en eft Sousgouverneur, & même de Monfieur le Duc de Bourgogne, conjointement avec Monfieur de Denonville. Monfieur de la Roche eft premier Valet de Chambre,

Monfieur de Gerfan premier Valet de Garderobe, l'Abbé de Fénélon Précep teur des deux Princes, & l'Abbé de Langeron leur Lecteur. L'Abbé de Polignac arriva hier de Rome, on ne fçait pas encore ce qu'il apporte. La Reine d'Angleterre a dit que le Prince d'Orange devoit partir de Dublin le 1 2. pour repaffer en Angleterre. Il ne laiffe pas d'y avoir encore des parieurs pour fa mort. Le Roy d'Angleterre dîna hier à Paris chez l'Evêque d'Autun, & il alla de là voir la mere Agnés. L'Archevêque de Cambray eft fort malade. Le Marquis de Nangis a un coup de piftolet à la tête, on ne croit pas qu'il en meure. Le Roya créé des Gendarmes & desChevaux-Legers de Bourgogne & de Berry. L'Evêché d'Ax n'eft pas donné. Le Grand-Maître de Malte eft mort. Monfieur de Vignacourt, Picart, a été élû, il a soixantefeize ans ; il eft fort homme de bien, & grand-oncle du Duc de Noailles. Le neveu de Monfieur de Catinat, arrivé dans ce moment, dit, que Monfieur de Savoye ayant paffé le Po avec feize mille hommes, a été défait, fon Infanterie taillée en pièces, deux Régimens de Cavalerie noyez, qu'il a fait merveille de

La perfonne & s'eft à peine fauvé. Monfeigneurs'eft faifi de deux Châteaux, où l'on a trouvé une prodigieufe quantité de fourages, plus de cinquante mille facs de grains, avec les meilleurs effets des païfans des Villes voifines. Voilà quatre vers qu'on a faits fur le Prince d'Orange.

Qu'il

U'il foit mort, ou qu'il foit en vie

Il est toujours digne d'envie.

S'il eft mort, il eft glorieux,

S'il eft vivant, il eft heureux.

LXXXV. LETTRE.

Du Comte de Buffy à l'Abbé de Choify.

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A Buffy, ce 26. Aoust 1690,

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Ous les Proverbes font de bon fens ; mais tout le bon fens n'eft pas dans les Proverbes, avec le refpect que je dois à Pibrac. Votre lettre fait voir la joye que donne une prompte convalefcence acquife avec peine, & combien cette joye éveille l'efprit. Quelque pré

caution que vous ayez prife pour empê cher la Comteffe de Dalet de voir votre lettre, je l'ai trouvée trop vive & trop plaifante pour la lui cacher ; & fur ce fu jet elle dit que vous la faites rire & pleurer quand il vous plaît. Je fuis ravi de la nouvelle grace que le Roy vient de faire au Duc de Beauvilliers, il n'y a que de la recevoir moi-même qui me fit plus aife, & plus aimer Sa Majefté, ce n'eft pas que notre ami n'ait lieu d'être con

tent.

Je t'ai comblé de biens, je t'en veux accabler,

Je ne connoiffois perfonnellement pas un des autres gens que le Ray a mis dans la maifon des petits Princes, ni dans la Gendamerie, que le Marquis d'Epinac, qui eft frere de ma belle-four de Toulonjon, & un homme de mérite,

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