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XCV. LETTRE.

De Madame de Maifon au
Comte de Buffy.

A Autun, ce 19. Septembre 1690.

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Ous avez fort bien jugé de mon `mal, Monfieur, j'en ai été quitte pour une faignée, & pour avoir gardé le lit quelques jours. Je vous crois fur ce que vous me mandez, qu'une inflamation de cœur ne feroit pas fi aifée à guerir qu'une inflamation de gorge; on s'en peut raporter à vous, aprés le manuscrit que vous m'avez fait lire. Je n'ai jamais oui parler de pareille chofe, mon Coufin, vous méritez de paffer fur l'arc des loïaux Amans, & d'avoir rang parmi les Héros qui pleuroient, qui tomboient malades, & qui mouroient pour leurs Maîtreffes. J'avois crû jufqu'à présent, qu'il ne s'en trouvoit que dans les Romans, mais vous avez fait voir qu'on en peut faire une Hiftoire.

La premiere lettre que vous écrivîtes à l'infidelle, quand elle voulut vous quitter, eft incomparable; je ne crois pas

qu'en ce genre-là, il s'en puiffe trouver de plus belle. Avec tout votre efprit, mon Coufin, je vous défierois d'en faire autant à l'heure qu'il eft. Vous ne vous en souvenez peut-être plus de cette lettre, mais je l'ai bien dans la tête; je trouve vos folies belles, mais enfin je les trouve folies.

J'aime fort l'approbation que vous donnez à la Harangue de mon frere, & quelque modeftie que vous aïez fur le refpect que vous rendez au jugement du Roy, je me défierois des applaudiffemens qu'a eû mon frere, s'il n'en avoit pas eû de votre part. Sur ce pied-là je dois bien être contente de moi, quand vous en dites du bien; la liberté que je vous ai donnée d'en dire du mal, me rend vos louanges bien plus honorables. Si on avoit des inflamations de vanité, comme de gorge, j'aurois de la peine de m'empêcher d'en être malade fur votre parole. En verité, mon Coufin, vous me mettez en péril au moins de me faire tourner la tête. C'eft à vous d'y fonger, & de me faire rentrer en moi-même au premier faux pas que je ferai. Voici une grande lettre, elle n'en vaudra pas mieux; mais toujours y verrez-vous le

plaifir que j'ai de vous entretenir, & cela lui donnera du mérite.

XCVI. LETTRE.

Du Comte de Buffy à Madame de Maison.

A Chafeu, ce 21. Septembre 1690.

Depuis

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que nous avons commerce enfemble ma chere Coufine vous ne m'avez pas écrit une fi jolie lettre que celle que j'ai reçûë de vous. Elle eft toute naturelle, avec des pensées agréables & fines. Voilà comme je vous voulois. Il me fouvient en gros, que la premiere lettre que j'écrivis à mon Infidelle, quand elle voulut rompre avec moi, eft une des plus belles qu'on puisse écrire fur ce fujet, & je demeure d'ac cord avec vous, que je n'en écrirois pas une de cette force à préfent que je crois avoir plus d'efprit que je n'en avois alors. C'eft qu'il faut fentir de l'amour pour en bien parler. Je ne fuis point fcandalifé de vous voir juger fi habilement des fentimens tendres que vous n'avez point eus; mais il faut auffi que

je croïe, que l'efprit en cette rencontre vous tient lieu de cœur. Je ne vous mets point en péril fur la vanité, ma Coufine, vous avez la tête bonne, fi j'étois capable de vous la faire tourner, ce ne feroit pas fur cela.

XCVII. LETTRE.

De Monfieur Charpentier au Comte de Buffy.

V

A Paris, ce 20. Septembre 1690.

'Ous n'avez que trop bien deviné, Monfieur, quand vous avez crû que je ne me portois pas bien,& je vous fuis fort obligé de l'impatience que vous avez euë fur ce fujet. La plus grande incommodité que je reçoive de mon mal, c'eft qu'il m'ôte le fommeil. Je ne fçaurois m'accoûtumer à perdre la moitié de ma vie, & il me déplaît de ne paroître pas fur le théatre avec les hommes, quoique je ne fois pas un des grands Acteurs. Mais, Monfieur, vous avez trouvez moïen de me confoler de mes maux en me donnant des marques de votre fouvenir, & de l'honneur de votre amitié.

L'Armée de France, & celle des Impériaux font fi proches, que l'on croioit ces derniers jours qu'il y auroit un combat. Monfeigneur a fait faire un mouvement à fon Armée pour la mettre en état que les Ennemis ne la puiffent attaquer qu'avec un grand delavantage. Monfieur de Baviere vouloit à toute force donner Bataille; mais Monfieur de Caprara, qui a la confiance de l'Empe reur, lui a déclaré qu'il avoit ordre de ne pas hazarder les Troupes de fon Maître,ce qui a donnéà lieu quelque mécontentement entr'eux. On tient que Monfitur de Caprara lui a fait entendre, qu'il y avoit dans l'Armée de Monfeigneur quinze à feize mille hommes de Troupes invincibles, avec lefquelles il y a tout à perdre & rien à gagner. Le Comte de Grammont eft parti ces derniers jours en pofte, pour le trouver auprés de Monfeigneur dans une Bataille, s'il y en a. On vient d'apprendre que Monfieur de Bavière s'eft éloigné de notre Armée; ce qui fait croire qu'il ne fe paffera rien cette Campagne de confiderable en Allemagne. On parle de quelques avantages remportez en Savoye par l'Armée du Roy; le Comman

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