XCIX. LETTRE: De l'Abbé de Choify au M A Paris, ce 20. Septembre 1690. Onfeigneur eft campé à une lieüe de Fribourg,à trois de Brifac, & à quatre du Rhin. Il a fçeu que Monfieur de Baviere marchoit par les montagnes pour fe faifir de la pleine de Stoloffen où il y a beaucoup de fourages, c'eft ce qui l'a obligé d'occuper les paffages, & préfentement les Ennemis ont à paffer douze lieues d'un païs ruiné avant que de joindre Monseigneur qui a tout en abondance. On ne doute point que les Ennemis ne fe féparent. Monfieur de Saxe fait cuire du pain à Heidelberg. Le Tekely a forcé les paffages de Tranfilvanie, défait quatre mille Allemans, & fix mille Tranfilvains & pris le Genéral Heufler. Le prince de Bade, fur cette nouvelle a fait paffer le Danube à fon armée à Semendria fans plus fonger à fecourir Niffa. On croit que le grand Vifir laiffera Niffa Bloqué & marchera ! marchera en Tranfilvanie. Les Venitiens preffent toujours Napoly de Malvaifie. Le Roy d'Angleterre a eû nouvelle que Monfieur de Laufun s'eft jetté dans Limerick avec fix cens dragons & trois cens chevaux; que les Vaiffeaux François on fait entrer dans la Place foixante milliers de poudre, & qu'on croit que les Anglois en leveront le fiege. Le bruit eft plus grand que jamais que le Prince d'Orange eft retombé malade. Il a paru quelques jours au fiege de Limerick & puis il a difparu, mais conftamment il n'eft pas mort. Il est arrivé en Irlande un Portugais de l'ancienne maison de Tirconel qui prétend fuivant une prophetie rétablir le Roy Jacques. Les peuples le fuivent, il a déja raffemblé dix mille hommes dans le Nord d'Irlande. Les Anglois ont pris l'Isle de faint Chriftophle, ils y ont mis huit mille cinq cens hommes à terre. Le Chevalier de Cuittaut qui y commande, s'eft jetté dans un Fort avec cinq cens François. Les fucreries vont ceffer,& nos autres Ifes courent fortune. Les Anglois & les Hollandois ont qua. rante Vaiffeaux en mer. Nous en avons Tome VII. H fur les coftes d'Irlande quinze gros & vingt fregates. Le Roy d'Espagne a tauricidé pour la victoire de Fleurus Nous lui permettons auffi de faire chanter le Te Deum à pareil prix. Monfieur le Comte de Saint-Ruth a défait douze cens Savoyards, commandez par le Comte de Sales qui a été pris; deux cens tuez, quatre cens prifonniers, le refte en fuite. Moutier, & faint Jean de Morienne ont envoyé les clefs. On mene des bombes à Montmelian. Les Irlandois ont fait merveil le. Milord Mont-Caffel a eu un coup de moufquet à la mamelle.Mr.de Catinat attend quelques Troupes pour aller attaquer Monfieur de Savoie à Montcallier, où il fe retranche. Saint-Silvestre a forcé l'épée à la main le Bourg de Sommerive, où cinq cens hommes ont été tuez, & le Bourg pillé. On ne l'a pas brûlé, parcequ'il appartient au Marquis d'Urfey. Le Marquis de Clerambaut a été échangé avec des Piedmon tois. L'Electeur Palatin eft mort. Madame de Tirconel s'ett mife dans un Couvent auprés de Breft, le Roy a donné à Saint-Pierre, Exempt, un petit Gou vernement fur le Rône, qui vaut deux mille cinq cens livres, Meffieurs de Choifeuil & de Tilladet font guéris. Madame de Bouillon eft arrivée à Marseille; & le Prince de Türenne eft allé joindre Monfieur de Catinat. Monfieur le Cardinal de Bouillon eft encore à Rome. croïant Le Comte de Grammont eft allé en pofte trouver Monfeigneur voir encore une fois en fa vie, une Bataille. Il y a plus de cinquante ans qu'il n'en a vû. Monfieur le Duc du Maine ayant écrit à Bruxelles pour avoir des dentelles, Monfieur de Caftanaga lui a envoïé dans une chaife-roulante, une belle Marchande avec toute fa Boutique. Les Anglois, donnerent le 9. de ce mois un affaut à Limerick. Boiffelot les laiffa monter fur la bréche, où il leur fit lâcher du canon chargé à cartouches, en tua deux mille, & reprit fa Contrefcar pe. Il mande au Roy, que les Irlandois font devenus des Céfars. Madame de Senneterre vient de perdre fon Procés contre le Chevalier de Senneterre, Madame de Florenfac eft à plaindre. C. LETTRE. Du Comte de Buffy à l'Abbé de Choify. A Chafeu, ce 24. Septembre 1690. E ne pense pas qu'il y ait cette année de grande action en Allemagne ; & en l'état où font les affaires, ce feroit moins à Monfeigneur de gagner une Bataille que d'empêcher, comme il fait, les Ennemis de faire aucun progrès. A ce que je vois, les affaires de Hongrie vont encore plus mal pour l'Empereur, que celles du Rhin; le nouveau Vifir & Tekely embarraffent fort le Prince de Bade. Napoli de Malvaifie dure long-tems; mais je n'entends rien dire de mon ami Gadagne qui eft à ce Siége, & qui affu rément y fait fon dévoir. Le Tirconel Prophete eft un des évemens qui peuvent quelquefois avoir de grandes fuites, quand il plaît à la Providence d'entêter les peuples d'une Pucel le d'Orleans. A propos des réjouiffances qu'on a faites à Madrid pour la Bataille de Fleu |