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CXIX. LETTRE.

De l'Abbé de Choify au
Comte de Buffy.

A Paris, ce 15. Novembre 1690.

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N attend en Hollande le Prince d'Orange à la fin du mois. L'Electeur de Baviere eft allé en poste à Vienne. Monfieur de Catinat eft en marche pour aller à Suze. Il a partagé fon Armée en trois Corps pour marcher plus commodément; mais on apprehende que les Ennemis, qui marchent auffi, & qui ont fait le même partage de leur armée, ne faffent plus de diligence; d'autant plus que les pluies prefque continuelles ont fait déborder les rivieres & groffir les torrens, de forte que cela pourra bien empêcher nos Troupes de marcher. On n'a point de nouvelles de Hongrie.

On fait monter la perte de SaintChristophle à vingt millions.

Monfieur l'Evêque de Rofalie n'eft point à Malaca, comme on l'avoit dit ; on croit qu'il a continué fa route, & qu'il eft entré dans la Chine, d'où l'on a

avis que l'Empereur des Chinois fait un tres-bon traittement aux Chrétiens. Un Jefuite qui eft dans ce païs-là, mande, dans fa feule réfidence il y en a plus que de vingt mille.

C'eft Monfieur de Ximenés, & non pas Monfieur Daugé, qui commande entre Sambre & Meufe.

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Le Roy a fait augmentation de Chardans le Parlement, dont il tirera des fommes confidérables: il a créé deux Charges de Préfident à Mortier, qui feront vendues chacune quatre cens mille livres. Monfieur Talon en prend une, & Monfieur de Menars l'autre. Il a créé une troifiéme Charge d'Avocat Général, qui fera vendue trois cens cinquante mille livres. Monfieur Bignon la prend; & celle qu'avoit Monfieur Talon, est achetée par Monfieur de Harlay fils du Premier Préfident, trois cens cinquante mille livres, comme la nouvelle. Le Roy crée encore quatorze Charges de Confeillers qui feront vendues cent mille livres chacune. Il y aura auffi une création de quelques Charges de Préfidents aux Comptes.

Le 12. de ce mois le Roy tint Confeil de Marine avec Meffieurs de Pontchar

train, Bonrepos, & Tourville.

LeRoy a la goutte depuis deux jours, avec peu de douleurs. On ne fçavoit pas encore hier au foir s'il iroit à Marly.

Le Roy d'Angleterre eft allé à la Trappe avec le Maréchal de Belfonds, & Miford Daberton. Il a donné la Jartiere au Duc de Tirconel, vacante par la mort du Duc de Grafton.

Monfieur de Catinat a pris la Ville de Suze & les deux Châteaux. Il y avoit dedans quatre mille hommes, qui fe retirerent à l'approche de l'Armée. Il n'y refta que quatre cens hommes, qui aprés deux jours de Tranchée ouverte, fe font rendus. On va tâcher d'y faire quelques Fortifications, pour y laiffer des Troupes en hyver. Monfieur de Savoye étoit à trois lieuës de là avec fon Armée. Les Impériaux défendent toujours le Pont d'Effek contre les Turcs qui l'affiégent.

Le vieux la Fitte quitte les Gardes-duCorps, & céle le Gouvernement de Guife au Major qui lui céde celui de Pecais.

On dit que la Grande-Ducheffe va plaider contre Madame de Guise pour la fucceffion de feuë Madame.

Je vous envoye un bon mot du Pape

mis en vers.

Ottoboni tout fage & faint qu'il eft

Ne laiffe pas de dire,

Comme un de nous quand il lui plait,

Le petit mot pour rire.

L'Ambaffadeur d'Espagne avec la gravité,

Remontroit à fa Sainteté,

Que le Roy des François n'avoit plus de reffource, Ni de crédit, ni d'argent dans fa bourse,

Qu'il étoit prêt de fuccomber,

Et qu'au Printems on le verroit tomber.

Un pareil jugement, repartit le Saint-Pere,

Ne me paroît pas téméraire.

Le Roy de France aprés tant de combats,
Pour entretenir des Soldats,

Pourroit bien manquer de monnøye,

De vivres & de magasins,

Car nous voyons qu'il les envoye

De tous côtez vivre chez fes voifins,

CXX. LETTRE.

Du Comte de Buffy à l'Abbé de Choify.

A Chafeu, ce 27. Novembre 1690.

Oà moindre prix que fait le Roy, car fa goute n'eft pas douloureufe. Il eft heureux en toute chofe; entant qu'homme il faut qu'il fouffre, mais fes maux font legers.

N ne peut acheter une longue vie

Le Roy d'Angleterre eft un véritable homme de bien; & quoyque for zele un peu indifcret foit caufe de tous fes malheurs, tôt ou tard Dieu l'en récompenfera. Je voudrois pourtant que fa dévotion eût eu des dehors moins éclattans. Il me femble que les Têtes couronnées font affez leur devoir de bons Chrétiens, quand ils prient, qu'ils font des actions de juftice, qu'ils afsistent les miferables, & qu'ils réforment leurs mœurs. Il faut qu'ils laiffent au peuple, & aux gens d'Eglife les régularités exterieures de la Religion.

Les gens comblez de bien & d'hon

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