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moins le Titre qu'on vient de lui donner. Le départ de Vauban pour la Flandre fait juger que le Roy veut attaquer quelque Place dans ce païs - là, & malheur à celle qu'il attaquera. La faifon eft trop rude pour mener des Dames à la guerre; ce ne feroit pas un voyage de plaifir pour elles, ni pour ceux qui les y meneroient. L'activité de Monfieur de Louvois eft admirable; le premier Miniftre d'Augufte, qui étoit maître du monde, ne dépêchoit pas vingt-deux Couriers en un jour. Le Roy eft bienheureux d'avoir formé un fi habile homme; mais il faut dire la vérité, un Prince qui peut mettre en huit jours cent mille hommes en campagne, & les faire fubfifter au mois de Mars, eft unterrible ennemi, & d'ordinaire il eft maître de fes voifins. Je ne fuis pas furpris que les Alliez foyent embarraffez, mais ils ne font pas excufables de n'avoir pas prévû leur embarras. Il y a longtems que la fortune & la bonne conduite du Roy devroient les avoir corrigez de luy faire la guerre. Plus l'entreprise de Nice eft importante & difficile, & plus je m'attends à la voir réüffir; le Roy prend bien fes mesures, & Catinat

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s'acquitte dignement des Emplois qu'on lui confie. Les fervices éloignez de la Cour font bien ingrats ; & quoiqu'il foit fâcheux de mourir en quelque lieu qu'on meure, la mort d'un Enfeigne de gens de pied en Flandres à la vue du Roy, fait plus de bruit & d'honneur à l'Enfeigne, que celle du Gouverneur de SaintDomingue ne lui en a fait : ces gens qui vivent dans un autre monde, font comme morts pour celui-ci.

CLXV.

LETTRE.

De l'Abbé de Broffe au Comte de Buffy.

A Paris, ce 21. Mars 1691.

LE Roy partit Samedy pour aller affiéger Mons. On y ouvrira la Tranchée; il y a devant la Place cinquanteun Bataillons, & quatre vingt Efcadrons. Monfeigneur eft Généraliffime fous le Roy, avec des Patentes fcellées du Grand-Sceau. Monfieur eft Géné ral fous lui, Les Maréchaux de Luxembourg & de la Feüillade fous Monfieur, Meffieurs de Vendôme, Soubize, de

Joyeuse, de Bouflers, de Rubantel & de Rofen, Lieutenans Généraux fous les Maréchaux. Monfieur le Duc, Monfieur le Prince de Conty, Monfieur le Puc du Maine, Monfieur le GrandPrieur, Monchevreuil & Villars, Maréchaux de Camp. Il y a dans cette Armée quatre-vingt piéces de gros canon, & quarante mortiers.

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Monfieur de Lorges commandera l'Armée d'Allemagne. Le Maréchal d'Humiéres défendra les Lignes avec dix-fept Bataillons & cinquante-un Efcadrons & fous lui le Duc de Choifeul, & Daugé Lieutenans Généraux; & pour Maréchaux de Camp, la Valette, Vivans, Vatteville, & Gaffé. Il y a entre Sambre & Meuse foixante-dix Escadrons prêts à marcher. Le Prince de Bergues eft Gouverneur de Mons, & a huit mille hommes de Garnifon. Monfieur de Vauban qui s'étoit trouvé mal, & qui fe porte mieux eft auprésdu Roy. On avoit commandé dix-huit mille Pionniers, il s'en eft trouvé vingt-fix mille. Le Mar quis d'Harcour commande fous Treves un camp de cinq mille hommes de pied, & douze cens Chevaux. Le Comte de Guifcard commande fix mille hommes

&

fous Dinan. Le Roy campera, perfonne ne fera dans les maifons, afin de donner l'exemple aux Soldats. Le Quartier du Roy eft à la Porte d'Avray.

Les Troupes du Roy étoient le 14. devant Nice; on y alloit ouvrir la Tranchée, le Comte de Fronfafco en eft Gouverneur; on dit qu'il eft bravehomme. Madame de Montefpan s'eft retirée aux Filles de Saint-Jofeph au Fauxbourg Saint-Germain. Le Roy a donné fon appartement à Monfieur du Maine, & celui de Monfieur du Maine à Mademoiselle de Blois. On a trouvé dans une cave d'une maifon de la rue du Mail, fix hommes & deux femmes morts, mais encore rouges & fort bons visages, fans aucune bleffure, ils avoient des outils, & avoient commencé à faire un trou qui n'avoit que trois pieds de profondeur. On dit qu'ils cherchoient un tréfor,& qu'une vapeur les a

tuez.

Lorfque le Roy partit de Versailles, Monfieur le Duc de Bourgogne lui dit, qu'il avoit lû dans l'Hiftoire, que des Princes auffi jeunes que lui avoient été à la guerre, & le dit en pleurant. Le Marquis de Sillery eft mort d'une colli

que en douze heures. Le Régiment du Roy en arrivant devant Mons, a emporté l'épée à la main deux Redoutes, où il y avoit cinq ces hommes. Daugery le Major y a été tué.

Ma Lettre eft demeurée fur ma table du dernier Ordinaire, ma Gazette en fera plus longue; car je vous envoye des nouvelles du Siége de Mons, que je viens de recevoir dattées du 22. & du 25. Hier en arrivant le Roy s'alla promener à la portée du moufquet de la Place, on lui tira force coups de mous quet qui paffoient bien loin derriere lui. Un coup de canon tua le cheval de la Chefnaye affez proche de Sa Majefté, & plus proche encore de Monfieur le Comte de Toulouse, qui voyant tomber la Chefnaye lui fit donner un de fes chevaux, & dit froidement: Quoi ! un coup de canon, n'eft-ce que cela ? une Vedette vouloit empêcher le Roy d'avancer dans un lieu où on l'avoit posté; on lui dit : C'est le Roy. Il répondit: Je le connois bien ailleurs, mais je le méconnoiffois là. Le Roy a quatre Aides de Camp: le Prince d'Eibeuf, le Prince de Turenne, Cominges, & le Chevalier de Nogent. Monfeigneur en a quatre auffi;

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