bourgs l'épée à la main. Monfieur de Tourville a mis à la voile avec foixanteonze Vaiffeaux, depuis cent jufqu'à foixante pieces de canon. Il a ordre de croifer aux Sorlingues fans entrer dans la Manche. Les Ennemis ont dix ou douze Vaiffeaux de plus, & font à l'Ifle de Wift, mais ils font mal armez, & nous ne les craignons point. Le Prince d'Orange eft campé à Gemblours avec foixante-dix mille hommes. Monfieur de Luxembourg eft à la Hayne Saint Paul avec foixante mille hommes. On dit que les deux Généraux veulent fe faifir du pofte de Piéton. Monfieur de Vivans Maréchal de Camp eft mort fubitement; il avoit reçû une bale dans la tête à Fleurus, cette balle qu'on n'avoit pû trouver est tombée dans fa cervelle. On a commencé à bombarder Montmélian, La 24. Juin Monfieur de Bulonde fit emporter l'épée à la main la Contrefcarpe de Coni. Le Marquis de Broüilly y a été tué. Il y a deux mille Barbets dans la Place qui font des forties l'épée à la main, parce qu'ils n'ont plus de poudre. Monfieur de Saint Ruth eft allé affiéger Koik avec vingt-mille Irlandois.Le Roy donna hier une fête à Trianon au Roy & à la Reine d'Angleterre.

CLXXXII. LETTRE.

Du Comte de Buffy à l'Abbé de Choify.

L

A Buffy, se 2. Juillet 1691.

Es actions furprenantes à la guerre d'ordinaire ne coûtent gueres, pour que trois cens hommes en battent deux

mille cinq cens ; il faut que ceux-ci fuyent & ne rendent aucun combat. La défaite de ceux qui fe vouloient jetter dans Coni hâtera la reddition de cette Place. Je suis bien-aise qu'on donne moyen au Duc de Noailles de faire parler de luy. Le Duc de la Force a pris le bon party pour fe fauver en ce monde & en l'autre. Je ne fais pas grand cas de la diverfion d'Irlande, & le Prince d'Orange me paroît fur cela dans les mêmes fenti. mens que moi. Je ne pense pas que Tourville fuye le combat. Piéton n'eft pas. loin de Senef où ces deux Généraux étoient Subalternes il y a prés de vingt ans;ils pourroient bien renouveller cette action. Quand le Piedmont feroit un païs abandonné, & que Monfieur de Sa

voye n'auroit pas un homme en campagne,nous ne ferions pas plus d'entrepri fes que nous en faifons. Le Colonel des Barbets qui eft dans Coni me paroît un homme ferme & bien réfolu à se défendre. Je croy qu'il donnera de la peine à Bulonde & à Feuquieres.

CLXXXIII. LETTRE.

Du Marquis de Tei mes au Com te de Buffy.

A Verfailles, ce 18. Juillet 1691.

I eve
Ly a
huit jours qu'il y eut une grande
fête à Trianon. La Reine d'Angleterre
y amena dix Dames Angloifes, & les
Princeffes y menerent quarante Dames
Françoifes. Bulonde a levé le Siége de
Coni un peu brufquement, & a aban-
donné fes bleffez & fes munitions. Il a
rencontré à une lieuë du camp Saint Sil-
veftre qui lui menoit un fecours de qua-
tre mille hommes. Les Affiégez avoient
fait la veille trois forties l'épée à la main
en plein jour. Le Duc de Savoye avec le
fecours d'Allemagne, n'aura pas plus
de vingt mille hommes. La campagne ne

commence en Hongrie qu'au mois de Juillet; le Grand- Vifir ne paroît pas encore, mais le bruit de fa mort s'est évanoüi; il eft certain qu'il a fait des choses bien hardies, il a déposé le Kam des Tartares, & a retranché la paye des Janiffaires. Monfieur de Boufflers avec un gros détachement de l'Armée de Lorges va brûler le païs de Juilliers. La Princeffe d'Orange veut obliger le Prince de Danemark à fortir du Royaume, ou à fe mettre à la Tour. La Flotte du Roy est à l'embouchure de la Manche; celle des Ennemis a paffé à la hauteur deCherbourg, on ne fçait où elle va. L'Evêque de Quebec qui eft arrivé, a laiffé le Ĉanada prêt à mourir de faim, ils n'avoient plus de vivres que jufqu'au 15. Juillet.

Monfieur de Louvois vient de mourir fubitement. Caprara Général de l'Armée de l'Empire veut paffer le Rhin à Manheim pour venir à Monfieur de Lorges,

Ον

CLXXXIV. LETTRE.

Du Comte de Buffy au Marquis de Termes.

D

A Crefcia, ce 29. Juillet 1691.

Ieu donne des talens aux grands Rois qu'il ne donne point aux particuliers. Quand j'ay eu un grand Procés fur les bras, j'ay été incapable de goûter aucun plaifir; je pense auffi que le Roy qui plaide contre l'Europe & qui eft naturel, a le cœur comme un autre homme. Mais parce qu'il eft obligé à des dehors politiques à quoi nous ne fommes pas fujets, il eft accoutumé à paroître dans des fêtes dont il n'eft point touché. L'affaire de Coni me paroît fâcheufe pour Bulonde; cependant il faut fçavoir à fond une action de guerre avant que d'en décider. Si le Duc de Savoye avoit vingt mille hommes cette campacela pourroit bien arrêter nos progrés, mais Monfieur de Catinat ne peutil empêcher le paffage aux Allemans? il fera difficile,à mon avis, que les Armées de Flandres fe féparent fans coup férir.

gne,