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CCV. LETTRE.

Du Comte de Buffy à l'Abbé de Choify.

A Chafeu, ce 9. Février 1692.

:

Oilà une belle Charge donnée à Monfieur de Bouflers, il a bien fervi le Roy, mais il eft bien récompenfé. Je fuis fort aife du mariage de Monfieur deChartres pour le plaifir que cela fait au Roy. Le voyage du Roy à VillersCotterets embaraflera les Flamands. On ne perd rien en la perfonne du Duc de Richemont il eft bien jeune. Je fuis fort furpris que le Prince de Courtenay ait été auffi long-tems à la Bastille que la Vauguyon, & je trouve qu'on a attendu bien tard à mettre de la difference à leur punition. Il y a autant de diftance entre leur faute, qu'entre leur naiffance. Le Comte du Mailly eft un bon fujet, à ce que j'ay oui dire; ce garçon-là, s'il vit, fera fon chemin. L'Abbé d'Etrées eft un jeune Ambaffadeur, fon oncle lui aura fait de bonnes leçons. Le Roy ne veut pas que Monfieur de Tome VII.

Luxembourg foit inferieur en Flandres. Voilà ce qui s'appelle des Armées cela. Le Prince d'Orange a fait fort bien de deftituer Mylord Churchil; il ne faut pas que l'utilité de la trahifon, empêche de punir le traître.

CCVI. LETTRE.

Du Comte de Buffy à Mademoifelle du Pré.

A Chafeu, ce s.

Février 1692.

Apprends avec bien du plaisir,Made-' moifelle,que vous vous occupez à lire les ouvrages des anciens; cela vous donnera un grand goût pour toutes choses, & ne diminuera rien de cette haine irré conciliable que vous avez jurée contre l'amour. Je voudrois que votre exemple pût faire quelque impreffion fur nos Dames, dont la moitié de la vie fe passe dans l'amour des plaifirs, & l'autre dans une dévotion fouvent mal reglée. Elles ont beau dire qu'il y a un tems pour le plaifir, & un pour la dévotion : J'ai été long-temps dans cette erreur, mais enfin j'en fuis revenu, & je crois comme

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vous, Mademoiselle, qu'il faut commencer de bonne heure à être fage. Les vers que je vous envoye vous le diront encore mieux que moi.

A M***

Je ne le fçay que trop dans le cours du bel age,
Quand la nature ardente échaufant nos defirs

Nous rend fi propre aux plaifirs,

Qu'il est mal aifé d'être fage.

Cependant malgré tant d'attraits

On ne peut trop le dire & le faire connoitre)

En ce temps la mème il faut l'être,

Ou l'on court grand rifque de ne l'être jamais.

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Il n'eft pas vray que la vicillefte

Ramene chez nous le bon fens
Ce que l'on y voit de sagesse

N'eft que l'effet de la foibleffe,

Qui rend fes defirs impuiffans.

En vain elle paroit renoncer aux délices
Qui firent autrefois fon crime ou fon erreur:
Rendez à tous fes fens leur premiere vigeur
Vous verrez auffi-tôt revivre tous fes vices.

C'est à tort qu'un vieux débauché

Sur quelques vains regrets fonde son esperance

Ce remors dont il eft touché

N'est qu'une fauffe pénitence,

Qui fans expier son offense

Ne fert qu'à punirr fon péché.

Dans les pleurs qu'on luy voit répandre

Pour les crimes qu'il a commis,

Qui fait s'il fe repent des plaifirs qu'il a pris, Ou s'il regrette ceux qu'il ne fçauroit plus prendre?

Le pecheur qui tranquilement

Attent à revenir de fon égarement

Qu'il foit au bout de fa carriere

Se trompe malheureusement.

C'est une grace finguliere

Que Dieu ne fait que rarement.

CCVIII. LETTRE.

De Mademoiselle du Pré au Comte de Buffy.

J

A Paris, ce 12. Février 1692.

'Ay lû avec bien du plaifir, Monfieur, les vers que vous m'avez envoyez:ils contiennent des veritez dont il n'eft pas permis de douter. Ceux que je vous envoye font dans le même goût, & un peu plus remplis de moralitez. Quoique vous m'en ayez voulu cacher l'Auteur, je crois cependant l'avoir découvert, &je veux, fans vous le nommer, que vous conveniez avec moi, que les vôtres & les miens font de la même main. Je ne vous mande point de nouvelles, car je fçai que vous avez un nombre d'amis qui ne manquent point de vous les faire fçavoir des premiers. Je vous avois deftiné un bout-rimé, mais vous n'aurez rien davantage.

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