écrive à la hâte, je vous dirois trop de fottifes, & je ferois contrainte de me retrancher fur le bon cœur, car c'eft fur cela où l'on ne me fçauroit rien

montrer.

XXXIV. LETTRE.

De l'Abbé Thefut au Comte de Buffy.

A Paris, ce 15. Novembre 1689.

Omme vous m'avez témoigné,

CMonfieur, fouhaiter que je vous

mandaffe des nouvelles, je le vais faire, ravi de mériter l'honneur de vôtre amitié par quelque endroit. Ce n'est pas qu'il n'y ait des inconvéniens à écrire des nouvelles ; car les premiéres ne font pas toûjours bien feures, & tout le monde fçait les autres.

Les Ennemis mettent leurs troupes en quartier d'Hyver affez loin de nos Places, car les brûlemens les en ont éloignez. Monfieur de Lorraine, Monfieur de Bavière, & la plupart des autres Electeurs font allez trouver l'Empereur à Ausbourg pour l'élection d'un Roy

des Romains. Brandebourg & SaxeLavembourg ne s'y veulent pas trou

ver.

Les affaires de Rome vont bien, Monfieur de Chaunes gouverne toûjours le Pape. Le Roy vient de donner l'Evêché d'Angoulême à l'Abbé de Rezay frere de vôtre ami.

XXXV. LETTRE.

Du Comte de Buffy à l'Abbé de Thefut.

Q

A Chafeu, ce 21. Novembre 1689.

Uoi qu'il n'y ait rien de mieux dit ni de plus véritable, Monfieur, que ce que vous me mandez fur les nouvelles, qui eft qu'elles font incertaines quand on fe preffe de les écrire, & que quand elles font fûres tout le monde les fçait; il vaut mieux les sçavoir de deux côtez que de ne les point fçavoir du tout, & même s'en est une confirmation. D'ailleurs fi tout le monde craignoit la même chofe,on ne les fauroit point du tout.

Voilà les fiéges & les batailles remi

fes au moins jufqu'au Printems: d'ici là il ne fe fera que quelques enlévemens de quartiers, & peut-être quelques incendies.

Le Pape eft affurément nôtre ami; Tout ce qu'il y auroit à craindre c'est qu'il ne le fût trop déclaré & que cela ne lui ôtât la créance que doit avoir un Médiateur & un pere commun. Je fuis ravi que le Roy ait donné l'Evêché d'Angoulême à l'Abbé de Rezay. Le Prefident fon frere, qui eft mon intime ami, est un des plus honnêtes hommes du Roïaume. J'efpére que je vous ferai au premier jour un compliment fur une pareille grace.

XXXVI. LETTRE.

Du Comte de Buffy à Monfieur l'Archevêque de Paris, du Harlay.

A Chafeu, ce 29. Novembre 1689.

Com

Omme je n'ai perfonne de ma famille à Paris, Monseigneur, pour vous prefenter l'Abbé de Buffy mon fils, trouvez bon que je vous le pre

fente par cette Lettre. L'impatience où je fuis qu'il ait l'honneur d'être connu de vous ne me permet pas d'attendre que j'aille à Paris pour vous le mener moi-même. Je vous fupplie, Monfeigneur, de le recevoir comme aïant l'honneur d'être dans votre alliance. Je fuis affuré que l'état de ma fortune ne vous le fera pas moins confidérer. Bien loin que ma difgrace vous ait refroidi, je vous ai vû avoir plus d'empreffement pour moi, que quand j'étois tout auprès des grands honneurs de la guerre. J'ai rendu cette justice à vôtre vertu, Monfeigneur, de le dire par tout où j'en ai trouvé l'occasion, & je ne l'oublierai jamais. Cependant foïez perfuadé qu'avec une reconnoillance infinie, j'aurai toute ma vie pour vôtre perfonne, Monfeigneur, tout le refpect & toute l'amitié imaginables.

XXXVII. LETTRE.

De l'Abbé de Thefut au Comte de Buffy.

A Paris, ce 30. Novembre 1689.

E ne fçai, Monfieur, que vous dire fur le retardement de vôtre voïage; car d'un côté le mauvais tems invite à garder la Maison, & de l'autre la Cour n'a jamais été plus belle. Je fus derniérement témoin de toute fa magnificence. J'y vis briller tous les petits maîtres nouvellement revenus de l'armée.

Les Impériaux font des merveilles en Hongrie. Voilà trois batailles que Monfieur de Bade a gagnées cette campagne fur les Turcs. Je ne fçay fi cela ne fera point faire la paix entre les deux Empires. On dit qu'il y a déja des divifions parmi les Confédérez, tant la fucceffion de Lavembourg pour que pour un Roy des Romains. Ils feront beaucoup plus incommodez que nous pour les quartiers d'Hyver qu'ils font obligez de prendre chez eux, nous