LXI. LETTRE.

Du Comte de Buffy au Perc
Bouhours.

A Chaffeu, ce s. Fevrier 1690.

E vous rends JE M. R. P. des fougraces, haits que vous me faites des bénédictions du ciel & de la terre, j'efpere ces premieres par vos prieres & par vos Penfées Chrétiennes, qui eft ma lecture ordinaire de dévotion, & je m'attends aux autres par la raifon que tout finit, les difgraces comme les profperitez, & fur tout par les fentimens que j'ay dans le cœur pour le Roy, & que je ne lui laisLe pas ignorer.

fe

Pour la réputation de mon efprit elle me coûte trop cher pour que je fois bien aife de la mériter. Il n'a pas tenu à moi que ma fortune ne fût auffi-bien établie ; mais il n'a pas plû à Dieu de recompenfer tant de peines que je ne prenois pas pour lui. Je fuis ravi de l'approbation que vous donnez à l'Abbé de Buffy, & que vous foyez auffi content chez vous de fes mœurs que de fon efprit.

Vous m'avez fait un grand plaifir de m'envoyer la lettre de Monfieur de la Chambre; elle eft fort bien écrite, & ne dit de vous que ce que tous ceux qui vous connoiffent doivent penfer. Madame de Colligny ne vous pardonneroit pas aifément de la prendre pour l'aînée, fi vous aviez vû fa fœur ; mais elle ne trouve point que ce foit une offense de l'avoir préfumé, il pouroit même y avoir un côté obligeant à cette méprise.

LXII. LETTRE.

De la Marquife de *** au
Comte de Buffy.

A Paris ce 21. Fevrier 1690.

JE croyois que je vous envoyerios une

lettre de Mademoiselle de**, Monfieur, elle m'avoit promis de vous écrire, mais elle m'a dit aujourd'hui qu'elle avoit commencé plufieurs fois, fans avoir pû se réfoudre d'achever, parce, dit-elle, qu'elle vous craint, & que vous avez rrop d'efprit pour elle. Je fuis fort fâchée que vous lui paroiffiez fi terrible, ce commerce-là nous auroit vallu

de jolies chofes de part & d'autre. Si vous venez à Paris, comme on le dit, Monfieur, vous accoutumerez la Demoiselle à ne pas croire qu'il faille faire tant de façon avec vous,

LXIII. LETTRE

De l'Abbé de Thefut au Comte de Buffy.

A Paris, ce 1. Mars 1690.

à vos

J'ai lû ces jours-ci un livre qui m'a fait beaucoup de plaifir:ce font les Penfées ingénieufes des Anciens & des Modernes. Ce qui m'en a plû, c'eft qu'il y eft parlé de vous avec dignité. On y rend justice à votre valeur, à votre politesse, à votre efprit, & fi je l'ofe dire, difgraces. L'Auteur vous en a envoyé un exemplaire fans cela je vous l'envoierois. Il faut maintenant vous parler de nouvelles. Les unes font vrayes, je ne réponds pas des autres. Le Roy partit Lundy pour Compiegne. Monfieur de Louvoy eft refté ici avec la fiévre. Monfieur de Croiffy a une violente goute. Monfieur de Seignelay ne l'a

guére moindre que fon oncle. Voilà bien des Miniftres fur le grabat. Dieu les fait fouvenir de temps en temps, qu'ils font hommes comme nous. Les Impériaux ont été battus par les Turcs & par les Tartares je n'en fçai point le détail. Cela retardera la paix entre les deux Empires. Les affaires du Prince d'Orange paroiffent en bon état en Angleterre. Il fe prépare à aller en Irlande avec un Corps confiderable. Si cela eft, je croi qu'il en fera bien-tôt le maître, & que Monfieur de Laufan aura fait un voyage defagréable.

Ces nouvelles nous interreffent autant que le bien de la patrie nous oblige d'y prendre part; mais nous devons regarder de plus prés, pour notre interêt particulier, à ce que feront les Suiffes. Le Capitaine Locman qui avoit une Compagnie au Régiment des Gardes Suiffes, dît il y a quelques jours au Roy, que fon Canton qui eft Zurich lui avoit ordonné de repréfenter à Sa Majesté qu'il ne s'étoit obligé qu'à sa Garde & à la fuivre par tout où elle iroit; mais non pas de faire la Guerre aux alliez de fa patrie, comme les Allemans & les Hollandois. Le Roy lui répondit, qu'il ne

vouloit payer que des Troupes qui fusfent difpofées à faire la Guerre à tous fes Ennemis, de forte qu'il eft party avec la Compagnie, & on lui a donné

une route.

Le Miniftre du Prince d'Orange qui eft à Zurich, follicite un fecours de quatre mille hommes qu'il pourroit bien obtenir.Pour moi je croi que cesMeffieurslà veulent s'entretenir avec tout le monde. Le Pape commence à bien faire : il a déja envoyé le Chapeau à Monfieur de Beauvais, qui a pris le nom de Cardinal de Janfon. Le Duc de Lorraine a déclaré la Guerre au Roy, & a fait afficher des placards dans toutes les Villes de Lorraine, où il invite fes Sujets de le venir trouver. C'est apparemment pour être compris dans le Traité de Paix.