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classique. Il enfourchait fréquemment son dada favori pour courir sus aux eaux fortistes, à certains d'entre eux du moins, dont les gribouillages l'horripilaient et qu'il appelait des hacheurs de paille. Que voulez-vous? La mode, qui n'a pas à justifier ses caprices, le heurtait dans ses convictions, dans sa carrière d'artiste; il était excusable de ne pas subir ses lois sans protester; mais la mode ne s'émeut pas de ces vaines estocades, et comme les moulins à vent de Don Quichotte, elle continue à tourner.

Adolphe Varin se distinguait encore du vulgaire maniaque en un point essentiel : il raisonnait ses recherches et poursuivait toujours un but défini. C'était la Champagne et ses graveurs qui en faisaient l'objet habituel. Il s'était notamment donné à tâche de rassembler l'œuvre d'un graveur Châlonnais, bien oublié aujourd'hui, mais qui par son talent et ses relations fut activement mêlé au mouvement artiste de son temps, Pierre-Quentin Chédel. Adolphe Varin se prit d'un véritable culte pour cet artiste, son compatriote, qui, de plus, avait été le premier maître de son grand-père Charles-Nicolas Varin, nous dit M. Armand Bourgeois dans le vif et léger pastel qu'il nous a donné de Chédel (1).

Né à Châlons, le 14 novembre 1705, mort en cette ville le 1er juin 1763, élève de Lemoine et de Laurent Cars, Chédel fut lié avec tous les grands artistes de son temps: Boucher, Watteau, Oudry, le chevalier de la Touche, dont il interpréta les tableaux et les dessins. Indépendamment des planches qu'il exécuta d'après ces

(1) Pierre-Quentin Chédel et son ruvre, par Armand BOURGEOIS, Châlons-sur-Marne, Thouille, imprimeur, 1895.

maîtres, il a composé et gravé par centaines, pour les publications d'alors, des paysages, des batailles, des frontispices, des vignettes, culs-de-lampe, etc. Au fur et à mesure qu'Adolphe Varin colligeait l'œuvre de cet artiste, il en tenait le catalogue à jour, et il y a lieu de penser que ce travail intéressant ne sera pas perdu.

Adolphe Varin vécut sa vie de bénédictin dans le cercle intime de la famille, trouvant dans l'activité de son esprit d'inépuisables distractions. Un peu bourru à la surface et prompt aux boutades, il était au demeurant le meilleur et le plus droit des hommes, et le plus obligeant aussi, car il communiquait volontiers ses livres et documents; mérite plus rare qu'on ne croit. Stable dans sa vie comme dans ses goûts, ce qui est le signe d'un bon équilibre moral, il occupa pendant quarante-deux ans son appartement de la rue Chanoinesse. Il ne le quitta que sous l'imminente expectative d'une expropriation, et loua, tout auprès, rue Boutarel, Ile Saint-Louis, quartier paisible apprécié des gens de savoir et d'étude, un nouvel appartement où Mme Varin eût enfin le salon point trop encombré qu'elle désirait depuis si longtemps. Comme on s'oubliait volontiers dans ce salon accueillant qu'égayaient deux fenêtres s'ouvrant, à plein ciel, sur la Seine sillonnée de bateaux, avec, pour toile de fond, les maisons du quai Saint-Bernard dominées par les dômes et les campaniles de la montagne Sainte-Geneviève! Hélas! la tristesse devait y entrer bientôt avec la maladie. Une suprême joie vint pourtant y éclairer les derniers jours de notre ami. Il fut aussi touché que surpris de recevoir, à la promotion de janvier 1897, les palmes d'officier d'Académie qu'il n'avait point sollicitées. Un ami resté

inconnu, et que nous devons tous remercier de sa généreuse et délicate pensée, avait demandé pour lui cette modeste et trop tardive récompense. C'est à peine si le ruban violet fleurit une fois ou deux sa boutonnière; fleur de deuil qui ne devait plus parer qu'un cercueil.

M. LE CHANOINE CERF

Discours prononcé sur sa tombe le 12 mai 1898

par Mg CAULY,

Président de l'Académie de Reims.

MESSIEURS,

Se peut-il que nous laissions disparaitre dans la tombe sans un mot de souvenir, de regret et d'adieu, celui que pleurent et que louent tant de cœurs brisés, l'homme de bien, le prêtre modèle, et pour nous le collègue aimable et bon de qui l'on peut dire en toute vérité :

Multis ille bonis flebilis occidit!

J'en appelle à cette foule confondue de dignitaires et de lettrés, de riches et de pauvres, d'humbles et de petits, qui l'accompagnent à sa dernière demeure.

Il n'y a pas encore six mois (1), M. le chanoine Cerf célébrait les noces d'or de son sacerdoce, et en dépit de sa modestie trop grande qui réclamait le silence et l'oubli, tout un concert de sympathies et d'éloges s'élevait, dont l'écho renaît à cette heure, non plus comme un chant de gloire, mais comme un hymne funèbre.

Ny revenons pas. Laissons à la reconnaissance publique et privée le soin de dire ailleurs les exemples et les bienfaits que rappellera longtemps le nom de M. Cerf.

(1) Le 14 novembre 1897, fête de la Dédicace.

Ici je n'apparais et ne veux parler qu'au nom de l'Académie nationale de Reims, et en qualité de Président annuel de cette Société savante qui le compta parmi les plus méritants et les plus dévoués de ses membres. Je ne louerai donc que l'Académicien de Reims, correspondant honoraire du Ministère de l'Instruction publique.

M. le chanoine Charles Cerf fut élu en 1864 membre titulaire de notre Compagnie, dont il avait été trois fois le lauréat en 1856 pour une étude sur l'imprimerie à Reims, en 1859 et 1860 pour ses importants travaux descriptifs et historiques sur la Cathédrale de Reims.

C'est donc une collaboration de trente-quatre années que notre confrère a donnée à l'Académie, années laborieuses et fécondes, marquées par un incessant concours, comme en fait foi la table analytique de nos travaux depuis le demi-siècle d'existence de notre Société.

Lorsqu'en 1898 l'Académie nationale désigna M. Cerf pour la présidence annuelle, ce fut un hommage bien mérité rendu à ce travailleur infatigable.

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Ses œuvres demeurent et perpétueront sa mémoire. Je ne veux ici rappeler que les principales: La Monographie de Notre-Dame de Reims - histoire et description qui ouvrit à notre confrère les portes de l'Académie; le Livre d'Or du dévouement dans le diocèse de Reims, durant l'invasion de 1870, ouvrage couronné en 1897 par l'Académie française; la Vie des Saints du diocèse de Reims, publiée cette année même, au moment où l'auteur célébrait son jubilé sacerdotal, fruit dernièrement éclos des recherches et des labeurs de toute une vie.

Mais, entre temps, que de biographies rémoises, que

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