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en 1702 qui propagent les mauvaises doctrines et amènent de Mailly à transférer à la maison des Jésuites tous les séminaristes non boursiers; de là, grand préjudice porté aux leçons de la Faculté.

En 1720, dans un but de conciliation et de paix, le duc d'Orléans, régent du royaume, intervient et enjoint dans une Déclaration royale d'enregistrer enfin la bulle Unigenitus. Il fallut à Reims des mesures d'autorité pour réduire à l'impuissance le Jansénisme, si remuant et si tenace. De Mailly, devenu cardinal, obtint huit lettres de cachet qui condamnaient à l'exil les plus rebelles des docteurs (1).

(1) C'étaient: François de Beyne, docteur en théologie, chanoine, ancien recteur en 1704 et 1705, curé de Saint-Jean et de SaintSixte.

Louis Geoffroy, aussi docteur, chanoine de Notre-Dame et curé de Saint-Symphorien; enfant de Reims, élevé à l'Université de cette ville, puis envoyé par Le Tellier à la capitale pour y achever ses études, il en rapporta les principes jansénistes. En 1721, il fut exilé à Guise, puis il exerça le ministère à Troyes, sous l'évêque Bossuet « petit-neveu d'un grand oncle ».

Jean Gillot, chanoine, docteur en théologic, autrefois grandmaitre du Collège de l'Université, supérieur du séminaire de Le Tellier, exilé dès 1710 à Cousserans, mort à Auxerre en 1739, à quatre-vingts ans, dans les idées jansénistes.

Claude Hillet, docteur, né à Reims, recteur de l'Université en 1714, curé de la paroisse Saint-Martin, fut relégué à Lunel, revint aussi à Auxerre où il exerça son zèle janséniste jusqu'à l'âge de soixante-dix-huit ans.

Nicolas Legros, le protégé de Le Tellier, que nous avons vu à la tête de toutes les oppositions, au Chapitre et à l'Université ; exilé à Saint-Jean de Luz, il mena dès lors une vie errante; il mourut en 1751.

Nicolas Rogier, docteur en théologie, ancien supérieur du Séminaire, chanoine et théologal. Il avait adhéré d'abord à la Constitution, mais il rétracta publiquement et devant la Faculté ce

Sous le pontificat d'Armand-Jules de Rohan, la même lutte continua avec des phases diverses, moins violentes peut-être, mais toujours douloureuses. Ce sont les refus de sacrements aux opposants de la bulle, de sépulture à ceux qui sont morts sans repentir; les pamphlets, les délations, tout un cortège de réprésailles regrettables, et les Parlements s'attribuant la mission de juger ces causes, toutes de conscience et de foi.

Jean Lacourt, l'un des plus opiniâtres docteurs de la Faculté de Théologie, expia par six mois de prison à la Bastille (du 22 janvier au 10 août 1722) les mordantes satires dont il était l'auteur réel ou présumé. Il alla mourir à Rouen, en 1730, fidèle à la cause janséniste qu'il avait constamment servie. Une lettre de cachet, de 1723, avait prononcé contre le recteur Claude Legoix

qu'il considérait comme un acte de faiblesse. Suspens et interdit par M de Mailly, il fut dans toutes les oppositions jusqu'à sa mort, vers 1733.

Jean-Baptiste de Y. de Seraucourt, docteur, grand-archidiacre, et autrefois vicaire général de Le Tellier, mort à l'âge de quatrevingt-deux ans (1733).

Jean Godinot, docteur en théologie, syndic de la Faculté. Ses libéralités envers la ville, l'introduction de l'eau des fontaines, ses largesses envers la cathédrale ne sauraient faire oublier ses ardeurs jansénistes, non plus que ses instincts de démolition dans l'intérieur de notre belle basilique. A quatre-vingt-sept ans, il eut le triste courage de refuser les secours de l'Eglise, que vinrent lui offrir tour à tour ses collègues charitables du chapitre. La ville et le peuple lui firent de somptueuses funérailles, mais il n'emporta qu'à la majorité d'une voix, dans le chapitre métropolitain, l'honneur d'une sépulture chrétienne (1749).

Nouvelles ecclésiastiques, passim. Nous y prenons les indications et les dates, mais sans adopter les appréciations de ce journal janséniste et violent, qui transforme en martyrs et en saints tous les appelants.

et douze autres docteurs en Théologie l'exclusion des charges et des assemblées (1). Enfin les ordres du roi, très formels, prescrivirent l'acceptation définitive de la fameuse bulle et la rétractation de tout appel. Le 8 juin 1723, la Faculté signa sa soumission.

En 1730, c'est la Faculté de Théologie elle-même qui se déchire. Sur trente-quatre docteurs qui la composent, onze seulement, dociles aux bons conseils de Mgr Robuste, évêque de Nitrie, suffragant de M" de Rohan, tiennent pour les saines doctrines et excluent de la Faculté vingt-trois de leurs collègues (2). Il fallut un arrêt de la Cour pour maintenir cette exclusion.

Le Jansénisme avait vécu comme secte il subsista longtemps encore comme esprit et comme école. C'est la gloire du fondateur de notre Académie, l'éminent cardinal Gousset, de lui avoir porté le dernier coup en propageant dans l'Église de France et dans le diocèse de Reims la saine doctrine de Rome par sa Théologie morale, si sùre et si lumineuse.

(1) Dans cette liste nous retrouvons les plus ardents docteurs de la Faculté, objet déjà des censures et condamnations précédentes.

(2) Parmi eux, nous relevons le nom d'Antoine Curiot, docteur, doyen de la Faculté, recteur en 1708, curé de Saint-Symphorien, puis de Saint-Jacques. Né à Reims en 1675, il avait eu des alternatives de soumission et de résistance. Il mourut en 1755, ayant obtenu avec peine les Sacrements des mains d'un prêtre habitué.

V.

Grâce à Dieu, l'histoire de la Faculté théologique de Reims s'achève sous un ciel moins sombre : il y eut des années réparatrices et plus consolantes. De 1740 à 1790 nous pouvons relever les noms des docteurs reçus à la Faculté et trouver dans des annales moins éloignées de nous quelques traces de leur existence. En 1792 la Faculté de Théologie comptait 55 docteurs existants (1), dont 31 régents en résidence à Reims et 14 non résidents. Parmi les premiers, on comptait deux agrégés venus d'autres Facultés de France; quatre religieux, dont trois dominicains et un augustin; cinq étaient en même temps curés de paroisses de la ville, trois enseignaient dans la Faculté des Arts, et les autres étaient chanoines ou participaient à l'administration diocésaine. Parmi les non résidents, douze administraient des paroisses urbaines ou rurales du diocèse; deux étaient chanoines de la Collégiale de Mézières.

Ces seuls documents que nous ayons (2) donnent à peu près la moyenne des docteurs de la Faculté de Reims durant la période des vingt années qui précédèrent la Révolution. Le recrutement annuel n'était donc que de deux ou trois docteurs ceux-ci constituaient une élite.

Depuis la suppression de la maison des Jésuites, les séminaristes, tous rentrés sous la houlette des Génovéfains, avaient repris le chemin de l'Université pour les

(1) Voir en Appendice C la liste complète des docteurs théologiens de Reims à l'époque de la Révolution.

(2) Almanachs de Reims, 1752 à 1792.

cours de théologie. Il en fut de même après que Talleyrand de Périgord, archevêque de Reims, eut transmis, en 1787, son Séminaire aux prêtres de SaintSulpice.

Cependant les idées modernes avaient fait leur chemin, et la philosophie du xvII° siècle portait ses fruits. Préparée par le Protestantisme d'abord, par le Gallicanisme ensuite, puis fomentée par l'esprit janséniste et philosophique, la Révolution était à nos portes.

Le décret du 4 août 1789, qui mit à la disposition de la nation tous les biens d'églises et celui du 2 juillet, qui proclama la Constitution civile du clergé, eurent leur contre-coup c'était le schisme dans l'Église et tout à la fois la ruine des Universités. Notre Faculté de Théologie sombra comme tant d'autres institutions que les âges avaient respectées.

Du moins elle finit noblement. L'erreur et le schisme avaient pu l'atteindre, mais l'apostasie la trouva inébranlable et courageuse. L'Archevêque de Reims avait refusé le serment constitutionnel. Ce serment, on ne l'exigea d'abord que des prêtres qui exerçaient le ministère pastoral. Mais on l'étendit bientôt aux prêtres enseignants. Le personnel ecclésiastique de l'Université de Reims fut unanime à le refuser. Ce fut le signal de la dispersion, puis, bientôt de l'émigration et de l'exil.

Le vertueux M. Paquot, recteur de l'Université, docteur en théologie et curé de Saint-Jean, paya de son sang, le 4 septembre 1792, la fidélité à sa foi et à son ministère on lui trancha la tête sur la place de l'Hôtelde-Ville, et la Faculté de Théologie de Reims eut en lui sa victime expiatoire.

Ses docteurs subirent l'exil et la souffrance. Au lendemain de la grande tourmente, quelques-uns se

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