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SUR LE

CONCOURS D'HISTOIRE (

Par M. le Docteur O. GUELLIOT, Membre titulaire.

Les travaux envoyés cette année à l'Académie pour le Concours d'Histoire sont nombreux, quelques-uns ont une réelle valeur; leur appréciation rapide suffira pour remplir le cadre de ce rapport, et le désir de ne pas l'allonger outre mesure me dispensera d'entrer dans des considérations générales sur les qualités que l'on a droit d'exiger des auteurs et sur les défauts qui déparent quelquefois leurs œuvres. Au reste, mes prédécesseurs ont tracé les grandes lignes de ce qu'on pourrait appeler le « Manuel du parfait monographiste compétence et dans une forme telles qu'il serait superflu de rééditer cette introduction accoutumée de notre revue annuelle.

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Je dois d'abord signaler un travail qui, pour ne pas rentrer absolument dans les limites prévues du concours, n'en est pas moins digne de récompense et mérite assurément la médaille d'or que lui décerne l'Académie. M. l'abbé Frézet, vicaire à Charleville, a réuni les Inscriptions Mouzonnaises, soit soixante-dix textes épigraphiques concernant des personnages de Mouzon ou ayant

(1) La commission était composée de Mgr Cauly, président, MM. Jadart, secrétaire général, Balteau, Demaison, Haudecœur et Guelliot.

trait à des événements locaux. Les plus anciens datent du x et du XIe siècle; l'auteur aurait dù remonter plus loin encore et reproduire une des rares inscriptions romaines des Ardennes, celle qui fut trouvée à Mouzon en 1883, et qui rappelle le nom de Divixtilla, fille d'un légat de la Gaule-Belgique. Aidé par les notes de M. Poullet et par les estampages de M. Numa Albot, M. Frézet a reconstitué des textes inexactement publiés, et en a conservé plusieurs malencontreusement disparus lors des réparations de la vieille église bénédictine de Mouzon. Grâce à de patientes recherches faites aux Archives départementales et nationales, et dans les registres paroissiaux, il a pu accompagner la reproduction des inscriptions d'abondantes notes historiques.

Tout au plus pourrait-on dire que l'auteur, trop rempli de son sujet, s'est laissé parfois entraîner au-delà des limites que comporte un travail épigraphique : abondance de biens, avouons-le, qui nous vaut, par exemple, toute la généalogie de la famille de Wignacourt à propos de l'épitaphe d'un de ses membres, et l'histoire complète du couvent des Capucins comme commentaire d'une simple date de fondation.

Parmi les trois sujets d'histoire rémoise proposés par l'Académie, un seul a été traité, l'Histoire du Collège de Reims, fondé par Guy de Roye à Paris, au commencement du xve siècle.

Cette fondation n'était jusqu'ici qu'incomplétement connue par les notes de M. l'abbé Cauly et de M. Léon Le Grand (1); on savait que des documents existaient

(1) Abbé CAULY. Histoire du Collège des Bons-Enfants, 1885, p. 139. Léon LE GRAND. Le codicille de Guy de Roye, ses divers legs et la fondation du Collège de Reims à Paris. Travaux de l'Aca

aux Archives nationales et à la Bibliothèque de l'Université, mais ils attendaient leur metteur en œuvre. L'auteur du travail soumis au jugement de l'Académie a su en tirer le meilleur parti possible. Il nous montre le Collège s'établissant en 1412 dans l'hôtel des ducs de Bourgogne, acheté à Philippe, comte de Nevers et de Rethel, puis absorbant quelques années plus tard le Collège de Rethel que Gauthier de Launoy avait fondé au xII° siècle dans la rue des Poirées et que Jeanne de Presles avait doté de quatre bourses pour des écoliers originaires du Porcien. Pendant les siècles suivants, le Collège de Reims ne brille guère; pour qu'il sorte de l'oubli, il faut que ses bâtiments servent de théâtre et que les poètes de la fameuse pléiade, dont Ronsard était le soleil alors éclatant, y jouent leurs œuvres: Mellin de SaintGellais y fait représenter sa Sophonisbe, tandis que Jodelle, le rénovateur de la tragédie classique, y donne, devant Henri II, Cléopâtre captive, avec Remy Belleau et Jehan de la Péruse comme principaux acteurs.

Au xvn siècle, le Collège de Guy de Roye se relève un peu, grâce aux hommes éminents qui le dirigent: les Gilmer, les Jean Morel, les Nicolas Barrois, les René Watry, les François Copette, qui tous comptent parmi les illustrations de l'ancien Rémois.

L'auteur a parfaitement rempli le programme de l'Académie, et la médaille d'or affectée à ce sujet de concours lui est légitimement due. Du reste, la sobriété élégante du texte, le choix et l'exactitude des pièces justificatives, nous assuraient que l'auteur était depuis longtemps initié aux recherches historiques. L'ouverture

démie de Reims, 97o vol., p. 87. - Voy. aussi : Topographie historique du vieux Paris; région centrale de l'Université, 1897, pp. 395, 545, etc.

du pli cacheté nous a révélé, en effet, le nom de M. H. Lacaille, archiviste paléographe, un de nos plus érudits correspondants.

Chaque année, l'Académie est heureuse de remarquer et de récompenser un certain nombre de monographies de communes. Elle a la prétention de provoquer ainsi des recherches fructueuses, de révéler des documents souvent pleins d'intérêt et restés enfouis dans les dépôts des départements ou des villes, de contribuer enfin dans la mesure de ses moyens à l'édification, pierre à pierre, de notre histoire nationale.

Quatre mémoires de cette catégorie lui ont été adressés pour le concours de 1898.

L'un d'eux, un gros registre de près de 500 pages, bien calligraphié et orné de figures, a pour titre : Histoire de Grandpré, de son comté et de l'abbaye de Belval.

Sujet bien vaste, mais digne de tenter un travailleur! Aussi nous nous réjouissions d'avance de lire enfin une description complète de ce comté formé au x° siècle du démembrement du Dormois, une généalogie détaillée de cette puissante maison de Grandpré dont la suzeraineté s'étendait sur les bords de l'Aisne et de l'Aire, et de la famille illustre de Joyeuse qui lui succéda au xv° siècle; plus encore, on allait faire revivre la riche abbaye de Belval, dont l'histoire a été à peine esquissée jusqu'ici. Hélas! nos espérances furent vite déçues. Dès la première page, nous eûmes la sensation du déjà connu. Les nombreuses recherches que l'auteur annonce dans sa préface n'ont pas été très compliquées et l'élaboration de son œuvre n'a pas été fatigante. Il s'est contenté de réunir quelques

volumes bien connus et d'y copier, ici un chapitre, là une monographie entière, depuis le premier mot jusqu'au dernier point, en oubliant de mentionner la source où il puisait si largement. Ni Miroy, ni J. Hubert, ni G. de Pouilly, ni M. Graffin, ni M. Anatole de Barthélemy, ni les autres n'ont l'aumône d'une simple citation; par contre, l'auteur s'empresse de donner comme siennes les laborieuses recherches faites par ce dernier dans les archives de Paris, de Reims, des Ardennes, de la Meuse! Seul, M. Vincent trouve grâce devant lui, sans doute parce que son ouvrage est trop récent et trop connu pour qu'il puisse être démarqué sans protestation. Le procédé est vraiment trop naïf, le plagiat trop flagrant ; la commission a dù éliminer d'emblée ce peu difficile travail de mosaïque, et ses membres sont restés un peu confus en songeant qu'un candidat pouvait les croire assez ignorants de l'histoire de leur pays pour leur tendre un piège si grossier.

Passons aux travaux vraiment originaux.

Voici d'abord une courte Monographie de Lametz (canton de Tourteron). Le texte, illustré de quelques photographies, renferme des pièces justificatives qu'il eût été préférable de rejeter en appendice; elles sont extraites des papiers des derniers seigneurs du village et des registres paroissiaux. L'histoire est surtout étudiée depuis le xvi siècle et l'on peut regretter que l'auteur n'ait pas eu davantage recours aux archives des Ardennes (titres de l'abbaye de Longwé) et au fonds de l'Archevêché, où il aurait puisé certainement des renseignements utiles; la charte communale de Lametz méritait aussi d'être reproduite en entier. Enfin on s'étonnerait de ne pas trouver de détails plus étendus sur le couvent des

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