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51400

BLIOTHEQUE CANTONAL

LAUSANNE

UNIVERSITAIRE

Ce volume est le complément naturel de tous ceux que nous avons précédemment publiés : on y trouvera tour à tour des portraits de femmes, d'historiens ou de poëtes, et il contient de plus quelques études de l'antiquité.

5 mars 1846.

M. DAUNOU.

(Cours d'Etudes Historiques.)

Je voudrais parler assez à fond d'un homme respectable que j'ai beaucoup connu, que j'ai pratiqué durant des années, et aussi familièrement que ce mot peut convenir à des relations où la déférence et, par moments, la dissidence sousentendue avaient tant de part. Il semblera peut-être que ce soit venir bien tard aujourd'hui, et qu'il y ait peu de chose à ajouter aux hommages de plus d'une sorte qui lui ont été publiquement rendus. Nulle mémoire, en effet, autant que celle de M. Daunou, ne s'est vite couronnée de ce concert florissant d'éloges auxquels sa modestie échappait de son vivant. Il avait défendu qu'aucun discours ne fût prononcé sur sa tombe, mais il n'a pu réprimer également les voix du lendemain. Peu après sa mort, M. Natalis de Wailly a parlé de lui dans le Journal des Savants, et a retracé avec une précision affectueuse comme une première esquisse de cette grave figure. M. Taillandier, exécuteur testamentaire de M. Daunou, n'a pas tardé à publier, sous le titre de Documents biographiques, un excellent volume où le texte tout entier de cette vie si pleine est, en quelque sorte, établi, où toutes les pièces à l'appui sont compulsées, mises en œuvre,

et les moindres curiosités littéraires soigneusement indiquées : on n'a plus guère, pour le fonds, qu'à puiser là. L'examen des écrits a été repris ensuite et développé dans une Notice de M. Guérard avec le soin et la rectitude qui distinguent ce consciencieux érudit. Au sein des compagnies académiques, M. le baron Walckenaër, successeur de M. Daunou comme secrétaire-perpétuel des Belles-Lettres, a discouru de lui avec diversité et effusion; M. Mignet, l'éloquent organe des Sciences morales et politiques, lui a consacré un de ses cadres majestueux. M. Victor Le Clerc enfin, en tête du vingtième volume de l'Histoire littéraire, a plus particulièrement apprécié le continuateur des bénédictins. Que reste-t-il à dire après tant d'habiles gens? A les résumer peut-être, à creuser, ce qu'ils n'ont pu faire, de certains replis, mais aussi, je crois, à aborder M. Daunou par un côté qu'il n'entrait pas dans leur office principal de rechercher et de célébrer, je veux dire le point de vue de l'écrivain proprement dit. M. Daunou aurait pu être membre de l'Académie française, il en aurait été infailliblement si sa modestie ne l'avait tenu à l'écart; c'est là un aspect de son talent qu'il nous reste à démêler, l'homme de style en lui, le critique littéraire, le connaisseur en fait de langage. Nous n'interdirons pourtant pas à nos souvenirs la liberté d'excursion sur les autres points.

Que si, chemin faisant, nous sommes conduit, en louant ce qu'il était, à marquer du même trait ce qu'il n'était pas, ce qu'il ne voulut pas être, ce que d'autres eussent pu considérer comme un développement légitime, ou du moins glorieux, et comme une conquête, aurons-nous besoin d'excuse? Lui-même, dans ses jugements littéraires les plus bienveillants, il n'apporta jamais de complaisance, et il sut relever le prix du moindre de ses éloges en les retenant toujours dans la limite de ce qu'il croyait la vérité.

Pierre-Claude-François Daunou naquit à Boulogne-sur-Mer, au mois d'août 1761. Son père, chirurgien estimé, sorti de l'Agenois, était venu prendre femme dans le Boulonais et s'y

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