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doute déjà riche, en tout cas mercier de la ville de Paris (1), ait fait partie du nombreux personnel dirigeant cette grande affaire? M. Baluffe avoue qu'il y fut intéressé, mais les documents suivants, que nous empruntons à l'excellent Dic tionnaire critique de Jal, attestent que Pierre Pocquelin était l'un des plus intéressés à cette grande entreprise.

Le 21 janvier 1665, Pierre Pocquelin écrivait de Dunkerque à Colbert pour le remercier de ses bontés pour toute la famille Pocquelin (2), lui parler « du restablissement du commerce et négoce de Dunkerque », et lui dire qu'il « a pris un intérêt dans l'achat qu'ont fait quelques personnes de vaisseaux », et aussi que les Pocquelin ont « outre cela

TROIS VAISSEAUX A EUX ».

Et cette lettre écrite de Madrid au même ministre deux ans avant, le 25 mai 1663, par l'archevêque d'Embrun, ne doit-elle pas concerner le même Pierre Pocquelin, puisque déjà lui ou les siens avaient trois vaisseaux pour commer

cer :

« Monsieur, j'auois desja beaucoup de considération pour les intérests de M. Poquelin qui faict icy vn assez bon trafic de nippes de France, mais j'en auroy vn soing très particulier, sachant que vous luy donnez vostre protection, ainsy que j'espère qu'il pourra vous le tesmoigner par les offres que j'ay faictes à son correspondant de tout ce qui pourroit despendre de moy sans aucune réserue. »

(1) On sait que le corps des merciers était le troisième de Paris et aussi le plus considérable : leur bureau était rue Quincampoix.

Leurs statuts et règlements dataient de 1407, époque à laquelle ils furent réunis en jurande; mais sous Charlemagne, ils avaient déjà un Roi des Merciers, premier officier qui veillait aux intérêts du commerce. Il résidait à Paris, mais il avait des lieutenants pour faire exécuter ses ordres et exercer la juridiction qui lui était attribuée. La charge fut cependant supprimée par Henri IV, en 1597: ses lieutenants disparurent avec lui.

(2) Ses co-associés Robert Pocquelin le jeune et Jean-Baptiste Pocquelin, sans doute.

Plus tard, Philippe Pocquelin, fils de notre Pierre, marchand rue de la Truanderie, « loua à la Compagnie de Guinée un navire, ce qui donna matière à un contrat d'affrètement passé le 22 mai 1688, chez Me Maignain, notaire à · Paris ».

Nos Pocquelin étaient donc de vrais armateurs et devaient faire de beaux bénéfices, car la Compagnie prospéra à l'origine : il n'est donc pas surprenant que tous trois, Robert, Pierre et Jean-Baptiste Pocquelin, purent prêter, en 1654, la somme de 100,000 livres, énorme pour l'époque (1), au prince de Conti. Mais vraiment le comédien Molière, qui en 1654 n'avait encore fait jouer qu'une grande pièce, l'Estourdy (2), et était au cours de ses pérégrinations en province, pouvait-il contribuer à ce prêt? Sans que nous croyons qu'il ait été alors sans-le-sou, M. Baluffe nous permettra de douter, jusqu'à plus ample informé, qu'il ait pu prêter tout ou partie de cette très grosse somme de 100,000 livres.

Avons-nous maintenant besoin de dire que cette qualifi cation de Directeur de la Compagnie des Indes, nous l'avons prise d'un document, nous ne dirons pas authentique, mais exact, fait sur les papiers de famille, la Généalogie extraite d'un Tableau des alliances de la famille Brochant, existant dans les collections de la Bibliothèque Nationale, (Série M, numéro 572, pièce 34) : ce document, M. Baluffe l'eût trouvé, s'il avait daigné lire la Famille de Molière, à la page 64 des Pièces justificatives de notre livre.

Nous n'avons plus qu'à prier M. du Monceau de faire une recherche à ce sujet aux Archives Nationales, dossier

(1) Nous croyons qu'en argent, 100,000 livres d'alors vaudraient environ 500,000 francs d'aujourd'hui.

(2) Lyon, Janvier 1653.

de la Compagnie des Indes: M. du Monceau la fera quelque jour, n'est-ce pas, Monsieur le Directeur? car nous, nous sommes trop loin de Paris pour faire le voyage exprès.

Quant à la date de naissance de François Pocquelin, l'année 1688 est une erreur pour 1668: nous l'avouons, maintenant que nous savons que le « conseiller référendaire à la Cour des Comptes, qui mourut à Yvry le 11 mai 1772 », s'appelait Pierre Antoine, surnommé de Bois Fouré, et qu'il était fils de Pierre Pocquelin, marié à Marie Suisse : Pierre Antoine eut pour femme Barbe des Godets: on ne lui connaît point d'enfants.

Jean-Baptiste Pocquelin, l'associé de Pierre, l'un des Directeurs de la Compagnie des Indes (1), demeurant sur le territoire de Saint-Jacques-la-Boucherie, fiança, le 19 septembre 1649, avec Anne de Faverolles, fille de Nicolas et d'Anne Garraud: ces fiançailles, dit M. Jal, eurent lieu chez M. de Faverolles, par permission de l'official de Paris; le mariage fut béni le 21 septembre suivant, à Saint-Eustache.

Leurs enfants furent au nombre de plus de cinq, car nous connaissons :

1o Agnès Pocquelin, baptisée le 20 janvier 1659, mariée le 29 juillet 1683, à Pierre de Loynes, écuyer, seigneur de Parassi;

2o Jean-Baptiste Pocquelin, baptisé le 23 mars 1660, marié le 30 août 1668 avec Marie Bosc;

3o Robert, le 16 mars 1661, tenu par Robert Poclin (sic), marchand bourgeois de Paris: il mourut le 2 avril suivant;

(1) Son neveu Claude fut Directeur général des gabelles et des traites en Picardie, et presqu'à la même époque Philippe, directeur de la manufacture des glaces.

4° Marie-Anne, le 3 mars 1662, présentée par Pierre Pocquelin et Marie Pocquelin, femme de Charles Maillet, marchand;

5° Louis, le 11 octobre 1664: marraine, Marie Lempereur, veuve de feu Louis Poclin, vivant marchand;

6° Charles-Henri, né vers 1666, correcteur des comptes, qui continua cette branche des Pocquelin;

7o François, né vers 1668, auditeur des Comptes.

Ma lettre est, hélas ! trop longue: si, au moins, elle me remettait en grâce avec M. Aug. Baluffe; car il en sait plus que moi peut-être, mais il ne pardonne rien !

J'avoue que je suis de l'avis de notre Maître à tous, même en fait de discussions littéraires ou historiques:

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Ne mettent point les gens en compromis pour eux (1).

Recevez, Monsieur et cher Directeur, l'assurance de mes sentiments de particulière estime.

E. RÉVÉREND DU MESNIL.

(1) Dépit Amoureux, acte 5, scène vi.

1

A PROPOS DU COMTE DE BIEULE

Dans la dernière livraison du Moliériste, M. L. de la Pijardière parlait incidemment du comte de CardaillacBieule, qui tint les Etats de Béziers en 1656, au moment où fut representé le Dépit amoureux, et il faisait observer que Louis de Cardaillac signait lui-même Bieule et non Bioule.

Je profite de l'occasion qui ramène le nom de l'un des premiers protecteurs de Molière pour compléter ce que je disais dans la livraison de novembre 1884 sur la vraie forme de ce nom.

Quoique sa comté s'appelât géographiquement Bioule, Louis de Cardaillac, en modifiant, d'après la prononciation parisienne, l'orthographe quercynoise du mot, suivait une habitude plus que séculaire; Bieule était le nom officiel, comme nous dirions aujourd'hui, de ses ancêtres, et par conséquent, de lui-même.

C'est ce qui résulte de deux documents trouvés par feu Emile Dufour, le savant historien de l'ancien Quercy, et conservés par ses héritiers. Le propriétaire les avait luimême signalés, l'un dans ses Documents inédits pour servir à l'histoire de l'ancienne province de Quercy, 1865, p. 125 et suiv., l'autre dans son Etude sur l'Assemblée provinciale de la Haute-Garonne, 1881, p. 12 et suiv. Ils portent l'un et l'autre le nom de Bieule, fidèlement transcrit, j'ai pu m'en assurer naguère, par E. Dufour.

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