Images de page
PDF
ePub

c'étoit à dire l'esprit de prédiction et d'une effi- | essence, sans qu'il puisse y avoir en lui aucun cace divine.

J'ai vu le Seigneur assis sur un trône élevé et haut, et ce qui étoit au-dessous de lui remplissoit le temple. Des séraphins étoient autour; l'un avoit six ailes, et l'autre autant: deux ailes couvroient la face du Seigneur, deux voiloient ses pieds, et les deux autres servoient à voler. Et ils crioient l'un à l'autre, et ils disoient: Saint, saint, saint, le Seigneur Dieu des armées; toute la terre est remplie de sa gloire. Et les gonds des portes trembloient à la voix de celui qui crioit; et la maison fut remplie de fumée '. Voilà donc la sainteté de Dieu, voilà pourquoi il est appelé le Saint d'Israël. Il se manifeste à son prophète comme le très saint, le trois fois saint, dans ses trois personnes : et la gloire et la majesté qui remplissent toute la terre sont l'éclat de sa sainteté, dont il est revêtu comme d'un vétement 2, dit David. Et saint Jean dans l'Apocalypse voit quatre animaux qui ne cessoient de crier jour et nuit: Saint, saint, saint, le Seigneur Dieu tout-puissant, qui étoit, et qui est, et qui doit venir 3. Remarquez ce cri partout: il n'y a rien qu'on publie avec un cri plus grand et plus persévérant, rien qui éclate plus hautement dans tout l'univers, que la sainteté de Dieu. La sainteté est l'abrégé, et comme un précis des perfections divines. Le Fils de Dieu même dans sa dernière oraison parlant à son Père, comme pour renfermer en un seul mot ses perfections, l'appelle mon Père saint, mon Père juste *: et on ne trouve pas, dans son Évangile, qu'il lui ait donné d'autre titre que ces deux, qui n'en font qu'un. Lui-même est connu sous le nom de saint et de juste: La chose sainte qui naîtra en vous sera appelée le Fils de Dieu. Les démons parlent comme l'ange: Je sais qui vous êtes, le Saint de Dieu . Daniel l'avoit nommé en esprit à cause de son onction, le Saint des saints". Isaïe l'appelle le Juste 8. Saint Pierre unit ensemble ces deux qualités, en disant: Vous avez renié le Saint et le Juste 9.

XI ÉLEVATION.

Ce qu'on entend par la sainteté.

La sainteté est en Dieu une incompatibilité essentielle avec tout péché, avec tout défaut, avec toute imperfection d'entendement et de volonté. Premièrement. L'injustice, l'iniquité, le péché ne peut être en lui: il est la règle, et bon par

' Is. vi, 1, 2. 5, 4. - Ps. c, 2.3 Apoc. IV, 8. 4 Joan. XVII, 11, 25.- 5 Luc. 1. 35. 6 Marc, 1. 24. -7 Dan. IX. 24.8 Is. XLV. 21. -9 Act. m. 44.

défaut. Il n'entend et ne veut que ce qu'il faut entendre et vouloir; son entendre et son vouloir sont sa nature qui est toujours excellente. Sa perfection morale et sa perfection naturelle ne sont qu'un : il est également indéfectible par son être, et infaillible dans son intelligence et sa volonté par conséquent incompatible avec tout péché, avec tout défaut.

Secondement. Il appartient à lui seul de purifier du péché les consciences souillées : il est saint et sanctificateur: il est juste et justifiant le pécheur, comme dit saint Paul '.

Troisièmement. Il est incompatible avec les pécheurs, et les rejette de devant lui par toute sa sainteté, et par toute son essence. Le malin, et dans le temps que les pensées sont les plus nettes, et qu'on en doit offrir à Dieu les prémices, Seigneur, dit le Psalmiste, je me présenterai devant vous, et je verrai clairement, dans votre lumière, que vous êtes un Dieu qui ne voulez point l'iniquité. Le malin n'habile point auprès de vous; et les injustes ne subsisteront point devant vos yeux. Vous haïssez tous ceux qui commettent des péchés ; vous perdrez tous ceux qui profèrent des mensonges:l'homme sanguinaire et l'homme trompeur sont en abomination devant le Seigneur 2.

Quatrièmement. Les pécheurs l'attaquent inutilement par leur rébellion : et sa sainteté demeure inviolable au milieu des impiétés, des blasphèmes, des impuretés, dont tout l'univers est rempli par la malice des hommes et des démons.

Cinquièmement. Il demeure saint, quoique pour punir les pécheurs il les livre à leurs mauvais desirs; parceque les y livrer n'est pas les produire. Dieu ne fait que se soustraire lui-même à un cœur ingrat; et cette soustraction est sainte, parceque Dieu se soustrait justement lui-même à ceux qui le quittent, et punit leur égarement volontaire en les frappant d'aveuglement. Il fait tout dans l'homme, excepté le seul péché, où son action ne se mêle point. Celui qu'il permet ne le souille point, parceque lui seul il en peut tirer un bien infini, et plus grand que n'est la malice de tous les péchés ensemble: comme quand il tire de la malice des Juifs un sacrifice si saint, qu'il y a de quoi expier tous les crimes.

Sixièmement. Il purifie les justes par mille épreuves: il les met dans le creuset et dans le feu, dans le feu de cette vie, dans le feu de l'autre: et rien de souillé n'entre en son royaume 3.

Enfin, sa sainteté est la conviction de toute l'iniquité des hommes. Malheur à moi, s'écrie

[blocks in formation]

Isaïe', après avoir vu la majesté du trois fois saint: malheur à moi avec mes lèvres impures, au milieu d'un peuple souillé. J'ai vu de mes yeux le roi des armées. Va, dit-il, et dis à ce peuple: Ecoutez, et ne comprenez pas. Aveugle le cœur de ce peuple, appesantis ses oreilles, ferme ses yeux. C'est l'effet de la sainteté de Dieu, lorsqu'elle a été méprisée. Je serai sanctifié au milieu d'eux en les punissant, je laverai mes mains dans leur sang; et ma juste vengeance fera éclater ma sainteté.

Les choses saintes sont pour les saints, s'écrioit-on autrefois avant la communion. Il n'y a qu'un saint, un seul Seigneur, un seul JésusChrist, répondoit le peuple. O Seigneur ! sanctifiez-nous, afin que nous sanctifiions et glorifiions votre nom. En vérité, en vérité, je vous le dis: Je ne vous connois pas: retirez-vous de moi, vous tous qui opérez l'iniquité 2.

Approchez, pécheurs pénitents: purifiez-vous dans la source de la pureté : Si vos péchés sont rouges comme l'écarlate, je les blanchirai comme la neige 3. Quel merveilleux changement! l'Éthiopien n'a plus la peau noire, elle éclate d'une céleste blancheur : la sainteté de Dieu a fait cet ouvrage. Soyez donc saints, parceque je suis saint, dit le Seigneur. Soyez saints, ministres de Dieu et de ses autels, dispensateurs de sa parole et de ses mystères, parceque Dieu vous a choisis pour sanctifier son peuple. Peuple de Dieu, soyez saint, parceque Dieu habile au milieu de vous: sanctifiez vos ames où il veut établir sa demeure, et vos corps qui sont les temples de son Saint-Esprit.

[ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small]

Pourquoi Dieu n'auroit-il pas de fils? Pourquoi cette nature bienheureuse manqueroit-elle de cette parfaite fécondité qu'elle donne à ses créatures? Le nom de père est-il si déshonorant et si indigne du premier être, qu'il ne lui puisse convenir selon sa propriété naturelle? Moi qui fais en fanter les autres, ne pourrai-je pas enfanter moiméme ? Et s'il est si beau d'avoir, de se faire des

1 Is. VI. 5, 9 10. - Matth. vII. 25. - 3 Is. 1. 18. - 4 Levit. XI. 43, 44. 1. Petr. L. 16. 5 Levit. XXVI. 2. I. Cor. 111. 46, 17. II. Cor. VI. 16.—6 Is. LXVI. 9.

enfants par l'adoption, n'est-il pas encore plus beau et plus grand d'en engendrer par nature? Je sais bien qu'une nature immortelle n'a pas besoin, comme la nôtre mortelle et fragile, de se renouveler, de se perpétuer, en substituant à sa place des enfants qu'on laisse au monde quand on le quitte. Mais en soi-même, indépendamment de cette nécessaire réparation, n'est-il pas beau de produire un autre soi-même par abondance, par plénitude, par l'effet d'une inépuisable communication, en un mot par fécondité, et par la richesse d'une nature heureuse et parfaite?

C'est par une participation de cette bienheureuse fécondité que l'homme est fécond. Quand il seroit demeuré immortel, selon le premier dessein de sa création, quand il eût plu à son créateur de consommer au temps destiné sa félicité sur la terre; on entend toujours que de soi il est beau d'être fécond, et d'engendrer de soi-même, et de sa propre substance, un autre soi-même. Qu'on laisse cette féconde efficacité dans sa pureté primitive et originaire, elle pourra cesser quand Dieu voudra, quand le nombre d'hommes qu'il veut rendre heureux sera complété; mais d'elle-même elle sera toujours regardée comme riche et comme parfaite. Et d'où viendroit cette perfection, sinon de celle de Dieu toujours fécond en lui-même et toujours père ?

Quand le Sage a prononcé ces paroles: Qui est celui qui est élevé au plus haut des cieux par sa puissance, et qui en descend continuellement par ses soins? qui tient les vents en ses mains? qui tient la mer dans ses bornes, et mesure les extrémités de la terre? Quel est son nom, et quel est le nom de son fils, si vous le savez1? Ce n'est pas là une simple idée, et des paroles en l'air : il a prétendu proposer un mystère digne de Dieu, et quelque chose de très véritable et de très réel, quoique en même temps incompréhensible. Dans sa nature infinie il y a vu un père qu'on ne comprend pas, et un fils dont le nom n'est pas connu. Il n'est donc plus question que de le nommer, et on le doit reconnoître, pourvu qu'on avoue qu'il est ineffable.

C'est-à-dire que, pour connoître le Fils de Dieu, il faut s'élever au-dessus des sens, et de tout ce qui peut être connu et nommé parmi les hommes: il faut ôter toute imperfection au nom de fils, pour ne lui laisser que ceci, que tout fils est de même nature que son père, sans quoi le nom de fils ne subsiste plus. Un enfant d'un jour n'est pas moins homme que son père : il est un homme moins formé, moins parfait; mais pour moins homme

'Prov. XXX. 4.

cela ne se peut, et les essences ne se peuvent pas diviser ainsi. Mais si un homme et un fils de l'homme peut être imparfait, un Dieu et un Fils de Dieu ne le peut pas être. Otons donc cette imperfection au Fils de Dieu, que demeurera-t-il autre chose, sinon ce qu'ont dit nos Pères dans le concile de Nicée, et dès l'origine du christianisme, qu'il est Dieu de Dieu, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu fils parfait d'un père parfait, d'un père qui, n'attendant pas sa fécondité des années, est père dès qu'il est, qui n'est jamais sans fils: dont le fils n'a rien de dégénérant, rien d'imparfait, rien à attendre de l'âge; car tout cela n'est que le défaut de la naissance des hommes.

Dieu le Père n'a non plus le besoin de s'associer à quelque autre chose que soi, pour être père et fécond: il ne produit pas hors de luimême cet autre lui-même; car rien de ce qui est hors de Dieu n'est Dieu. Dieu donc conçoit en lui-même ; il porte en lui-même son fruit, qui lui est coéternel. Encore qu'il ne soit que père, et que le nom de mère, qui est attaché à un sexe imparfait de soi et dégénérant, ne lui convienne pas, il a toutefois un sein comme maternel où il porte son fils: Je t'ai, dit-il', engendré aujourd'hui d'un sein maternel, ex utero. Et le Fils * s'appelle lui-même le Fils unique qui est dans le sein du Père 2: caractère uniquement propre au Fils de Dieu. Car où est le fils, excepté lui, qui est toujours dans son père, et ne sort jamais de son sein? Sa conception n'est pas distinguée de son enfantement; le fruit qu'il porte est parfait dès qu'il est conçu, et jamais il ne sort du sein qui le porte. Qui est porté dans un sein immense est d'abord aussi grand et aussi immense que le sein où il est conçu, et n'en peut jamais sortir. Dieu l'engendre, Dieu le reçoit dans son sein, Dieu le conçoit, Dieu le porte, Dieu l'enfante : et la sagesse éternelle, qui n'est autre chose que le Fils de Dieu, s'attribue dans Salomon, et d'étre conçue, et d'être enfantée 3: et tout cela n'est que la même chose.

Dieu n'aura jamais que ce fils, car il est parfait, et il ne peut en avoir deux: un seul et unique enfantement de cette nature parfaite en épuise toute la fécondité, et en attire tout l'amour. C'est pourquoi le Fils de Dieu s'appelle lui-même l'Unique, le Fils unique, Unigenitus: par où il démontre en même temps qu'il est Fils, non par grace et par adoption, mais par nature. Et le Père, confirmant d'en-haut cette parole du Fils, fait partir du ciel cette voix: Celui-ci est mon * C'est saint Jean-Baptiste qui parle ainsi du Verbe incarné. ( Édit. de Déforis.)- Joan. 1. 48.3 Prov. VIII. 24, 25. 4 Joan. 1. 18.

'Ps. CIX. 3.

[ocr errors]

4

[ocr errors][merged small][merged small]

Dieu de Dieu : le Fils de Dieu ne dégénère pas.

Un Dieu peut-il venir d'un Dieu ? Un Dieu peut-il avoir l'être d'un autre que de lui-même ? Oui, si ce Dieu est fils. Il répugne à un Dieu de venir d'un autre comme créateur qui le tire du néant; mais il ne répugne pas à un Dieu de venir d'un autre, comme d'un père qui l'engendre de sa propre substance. Plus un fils est parfait, ou, si l'on peut ainsi parler, plus un fils est fils, plus il est de même nature et de même substance que son père, plus il est un avec lui: et s'il pouvoit être de même nature et de même substance individuelle, plus il seroit fils parfait. Mais quelle nature peut être assez riche, assez infinie, assez immense pour cela, si ce n'est la seule infinie et la seule immense, c'est-à-dire la seule nature divine? C'est ainsi qu'il nous a été révélé que Dieu est père, que Dieu est fils, et que le Père et le Fils sont un seul Dieu, parceque le Fils engendré de la substance de son Père, qui ne souffre point de division et ne peut avoir de parties, ne peut être rien moins qu'un Dieu et un même Dieu avec son Père; car qui dit substance de Dieu la dit toute, et dit par conséquent Dieu tout entier.

Qui sort de Dieu de cette sorte, c'est-à-dire de toute sa substance, possède en même temps son éternité tout entière, selon ce que dit le prophète: Sa sortie est dès le commencement, dès les jours de l'éternité 2, parceque l'éternité est la substance de Dieu; et quiconque est sorti de Dieu et de sa substance en sort nécessairement avec une même éternité, une même vie, une même majesté. Car si un père transmet à son fils toute sa noblesse, combien plus le Père éternel communique-t-il à son Fils toute la noblesse avec toute la perfection et l'éternité de son être; ainsi le Fils de Dieu nécessairement est coéternel à son Père: car il ne peut y avoir rien de nouveau ni de temporel dans le sein de Dieu. La mutation et le temps, dont la nature est de changer toujours, n'approche point de ce sein auguste, et la même perfection, la même plénitude d'être qui en exclut le néant, en exclut toute nature changeante. En Dieu tout est permanent, tout est immuable; rien ne s'écoule dans son être, rien n'y arrive de nouveau; et ce qu'il est

› Luc. IX. 53. - Mich. v. 2.

un seul moment, si on peut parler de moment en | elle-même, sans attendre le progrès du temps. Dieu, il l'est toujours.

Au commencement le Verbe étoit '. Remontez à l'origine du monde, le Verbe étoit. Remontez plus haut si vous pouvez, et mettez tant d'années que vous voudrez les unes devant les autres, il étoit : il est comme Dieu celui qui est. Saint Jean disoit dans l'Apocalypse 2: La grace vous soit donnée par celui qui n'est autre que celui qui est, qui étoit et qui viendra : c'est Dieu. Et un peu après, c'est Jésus-Christ, dont saint Jean dit: Le voilà qui vient dans les nues. Et c'est lui qui prononce ces paroles: Je suis l'alpha et l'oméga, le commencement et la fin, dit le Seigneur Dieu, qui est et qui étoit, et qui viendra. Jésus-Christ est donc comme son Père, celui qui est et qui étoit : il est celui dont l'immensité embrasse le commencement et la fin des choses et comme Fils, et étant de même nature, de même substance que son Père, il est aussi de même être, de même durée et de même éternité.

[blocks in formation]

Voyez cette délicate vapeur que la mer doucement touchée du soleil, et comme imprégnée de sa chaleur, envoie jour et nuit comme d'ellemême vers le ciel, sans diminution de son vaste sein. C'est pourtant le plus pur de sa substance, et quelque chose de même nature, quoique non de même matière, que les eaux qu'elle se réserve. Ainsi, dit Salomon, la sagesse que Dieu engendre dans l'éternité est une vapeur de sa toute puissante vertu, et une très pure émanation de sa clarté 3.

On peut entendre encore, par cette vapeur, la chaleur même qui sort du soleil, dont nul ne se peut cacher, comme dit David. Quoi qu'il en soit, on voit que le Sage cherche, par toutes ces comparaisons, à nous faire entendre une génération qui n'altère ni n'entame point la substance; et dans le Père et le Fils, une distinction qui n'en ôte point l'unité. C'est ce qui ne se trouve pas dans les créatures, et encore moins dans les créatures corporelles: mais il nous propose pourtant ce qu'il y a de plus épuré dans la nature sensible, pour en tirer des images les plus dégagées qu'il sera possible de l'altération qui paroît dans les productions ordinaires.

Considérez cet éclat, ce rayon, cette splendeur qui est la production et comme le fils du soleil : elle en sort sans le diminuer, sans s'en séparer

1 Joan. 1. 1. — Apoc. 1. 4, 7, 8. —3 Sap. v11. 25. 4 Ps.

XVII, 7.

Tout d'un coup, dès que le soleil a été formé, sa splendeur est née et s'est répandue avec lui, et on y voit toute la beauté de cet astre. Ainsi, disoit Salomon, la sagesse sortie du sein de Dieu est la délicate vapeur, la très pure émanation, le vif rejaillissement, l'éclat de sa lumière éternelle': ou, comme parle saint Paul, c'est le rayon resplendissant de la gloire de Dieu et l'empreinte de sa substance 3. Dès que la lumière est, elle éclate: si l'éclat et la splendeur du soleil n'est pas éternelle, c'est que la lumière du soleil ne l'est pas non plus: et par une contraire raison, si la lumière étoit éternelle, son éclat et sa splendeur le seroient aussi. Or, Dieu est une lumière où il n'y a point de ténèbres; une lumière qui, n'étant point faite, subsiste éternellement par elle-même, et ne connoît ni commencement ni déclin. Ainsi son éclat, qui est son Fils, est éternel comme lui, et ne se divise pas de sa substance. Tous les rayons, pour ainsi parler, tiennent au soleil ; son éclat ne se détache jamais: ainsi, sans se détacher de son père, le Fils de Dieu en sort éternellement et mettre Dieu sans son Fils, c'est mettre la lumière sans rayon et sans splendeur.

Mais passons à l'autre expression de saint Paul. Le Fils de Dieu, dit l'apôtre, est le caractère et l'empreinte de la substance de son Père 3. Lorsqu'un sceau est appliqué sur de la cire, cette cire, sans rien détacher du sceau qui s'imprime en elle, en tire la ressemblance tout entière, et se l'incorpore, en sorte qu'on ne peut plus l'en séparer. Regardez-la bien, aucun trait ne lui est échappé, et cependant tout est demeuré dans le sceau sous lequel elle a pris sa forme. Ainsi le Fils de Dieu a tout pris du Père sans lui rien ôter: il en est la parfaite image, l'empreinte, l'expression tout entière non de sa figure, car Dieu n'en a point; mais, comme parle saint Paul, de sa substance: selon la force de l'original, on pourroit traduire, de sa personne. Il en porte tous les traits: c'est pourquoi il dit, Qui me voit, voit mon Père ; et ailleurs: Comme le Père a la vie en soi, ainsi il a donné à son Fils d'avoir la vie en soi 5. Comme le Père ressuscite les morts et leur rend la vie, aussi le Fils donne la vie à qui il lui plaît. Et il n'exprime pas seulement son Père dans les effets de sa puissance; il en exprime tous les traits, tous les caractères naturels et personnels; en sorte que si on pouvoit voir le Fils sans voir le Père, on le verroit tout entier dans son Fils.

Mais qui pourroit expliquer quels sont ces traits et ces caractères du Père éternel qui relui-3 Ibid. 5. Sap. VII. 25. - Heb. 1. 3. 5 Ibid. v. 26.6 Ibid. v. 24.

- 4 Joan. XIV. 9.

sent dans son Fils? Cela n'est pas de cette vie : et tout ce qu'on en peut dire, c'est que n'y ayant rien en Dieu d'accidentel, tous ces traits du Père que le Fils porte empreints dans sa personne sont de la substance ou de la personne du Père. Il est cette impression substantielle que le Père opère de tout ce qu'il est; et c'est en opérant cette impression qu'il engendre son Fils.

Voici dans le Sage quelque chose de plus délicat. La sagesse, éternellement conçue dans le sein de Dieu, est un miroir sans tache de sa majesté, et l'image de sa bonté. C'est quelque chose de trop grossier pour le Fils de Dieu, que l'impression d'un cachet, ou que l'expression de la ressemblance dans une image qu'on taille avec un ciseau, ou qu'on fait avec des couleurs. La nature a quelque chose de plus délicat : et voici, dans de claires eaux et dans un miroir, un nouveau secret pour peindre et faire une image. Il n'y a qu'à présenter un objet, aussitôt il se peint lui-même, et cet admirable tableau ne dégénère par aucun endroit de l'original: c'est en quelque sorte l'original même. Cependant rien ne dépérit ni à l'original, ni à la glace polie où il s'est imprimé luimême tout entier. Pour achever ce portrait, on n'a pas besoin du secours du temps, ni d'une ébauche imparfaite; un même instant le commence et l'achève; et le dessein comme le fini n'est qu'un seul trait.

IVe ÉLÉVATION.

Image plus épurée dans la créature raisonnable. Tout cela est mort: le soleil, son rayon, sa chaleur; un cachet, son expression; une image ou taillée ou peinte; un miroir et les ressemblances que les objets y produisent, sont choses mortes. Dieu a fait une image plus vive de son éternelle et pure génération; et afin qu'elle nous fût plus connue, c'est en nous-mêmes qu'il l'a faite.

Il l'a faite, lorsqu'il a dit: Faisons l'homme 2. Il voulut alors faire quelque chose où fùt déclarée l'opération de son Fils, d'un autre luimême, puisqu'il dit: Faisons. Il voulut faire quelque chose qui fût vivant comme lui, intelligent comme lui, saint comme lui, heureux comme lui: autrement, on ne sauroit ce que voudroit dire, Faisons l'homme à notre image et ressemblance. A notre image, dans le fond de sa nature; à notre ressemblance, par la conformité de ses opérations avec la nôtre, éternelle et indivisible.

C'est par l'effet de cette parole, Faisons l'homme à notre image, que l'homme pense; et penser, Sap. vi. 26.

- Gen. 1. 26.

c'est concevoir. Toute pensée est conception et expression de quelque chose: toute pensée est l'expression; et par-là une conception de celui qui pense, si celui qui pense pense à lui-même et s'entend lui-même: et c'en seroit une conception et une expression parfaite, éternelle, substantielle, si celui qui pense étoit parfait, éternel, et s'il étoit par sa nature tout substance, sans rien avoir d'accidentel en lui-même, ni rien qui puisse être surajouté à sa pure et inaltérable substance. Dieu donc qui pense substantiellement, parfaitement, éternellement, et qui ne pense, ni ne peut penser qu'à lui-même, en pensant connoît quelque chose de substantiel, de parfait et d'éternel comme lui: c'est là son enfantement, son éternelle et parfaite génération. Car la nature divine ne connoît rien d'imparfait; et en elle la conception ne peut être séparée de l'enfantement. C'est done ainsi que Dieu est Père; c'est ainsi qu'il donne la naissance à un Fils qui lui est égal: c'est là cette éternelle et parfaite fécondité, dont l'excellence nous a ravi, dès que sous la conduite de la foi nous avons osé y porter notre pensée. Concevoir et enfanter de cette sorte, c'est être la perfection et l'original: et concevoir et enfanter comme nous faisons à notre manière imparfaite, c'est être fait à l'image et ressemblance de Dieu.

3

[ocr errors]

Nous pouvons donc maintenant répondre à la question de Salomon: Dites-nous son nom, et le nom de son Fils, si vous le savez 1. Nous le savons à présent qu'il nous l'a appris. Son nom est le Verbe, la parole: non une parole étrangère et accidentelle; Dieu ne connoît rien de semblable; mais une parole qui est en lui une personne subsistante, coopératrice, concréatrice, composant et arrangeant toutes choses avec lui3, comme dit le même Salomon: une personne qui n'a point commencé, puisque, dit saint Jean, Au commencement elle étoit : une personne qui est un avec Dieu, puisque, dit le même saint Jean, elle est Dieu, et que Dieu essentiellement est un: une personne qui est pourtant distincte de Dieu, puisque, continue le même apôtre, elle est en Dieu, avec Dieu, chez Dieu, apud Deum, son Fils unique qui est dans son sein, in sinu Patris, qu'il envoie au monde, qu'il fait paroître dans la chair comme le Fils unique de Dieu. Voilà son nom: c'est le Verbe, c'est la parole, la parole, dis-je, par laquelle un Dieu éternel et parfait se dit lui-même à lui-même tout ce qu'il est, et conçoit, et engendre, et enfante tout ce qu'il dit; enfante par conséquent un parfait, un coéternel, un coessentiel et consubstantiel.

[blocks in formation]
« PrécédentContinuer »