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les enfers, comme il a fait l'ange rebelle. Adam | à nous couvrir : mettons-nous devant Dieu; peutn'avoit pas encore appris à profi'er de ces repro- | être alors que sa bonté nous couvrira d'elleches, et comme à respirer à cet air plus doux plein des terreurs de sa conscience, il se cache dans la forêt, et n'ose paroître devant Dieu.

Nous avons vu l'homme pécheur qui ne peut pas se souffrir lui-même; mais sa nudité ne lui est jamais plus affreuse, que par rapport, non point à lui-même, mais à Dieu, devant qui tout est à nu et à découvert1, jusqu'aux replis les plus intimes de sa conscience. Contre des yeux si pénétrants, des feuilles ne suffisent pas. Adam cherche l'épais des forêts, et encore n'y trouvet-il pas de quoi s'y mettre à couvert. Il ne faut pas s'imaginer qu'il crût se soustraire aux yeux invisibles de Dieu : il tâcha du moins de se sauver de sa présence sensible qui le brûloit trop; à peu près comme feront ceux qui crieront au dernier jugement: Montagnes, tombez sur nous: collines, enterrez-nous 2. Mais la voix de Dieu le poursuit. Adam, où es-tu? Combien loin de Dieu et de toi-même! Dans quel abîme de maux, dans quelles misères, dans quelle ignorance, dans quel déplorable égarement!

A cette voix, étonné, et ne sachant où se mettre Je me suis caché, dit-il, parceque j'étois nu. Mais qui t'a dit que tu élois nu, dit le Seigneur, si ce n'est que tu as mangé du fruit défendu? Adam lui répondit: La femme que vous m'avez donnée pour compagne, m'a présenté du fruit, et j'en ai mangé 3. C'est ici que les excuses commencent; vaines excuses qui ne couvrent pas le crime, et qui découvrent l'orgueil et l'impénitence. Si Adam, si Ève avoient pu avouer humblement leur faute, qui sait jusqu'où se seroit portée la miséricorde de Dieu? Mais Adam rejette la faute sur la femme, et la femme sur le serpent, au lieu de n'en accuser que leur libre arbitre. De si frivoles excuses étoient figurées par les feuilles de figuier, par l'épaisseur de la forêt dont ils pensoient se couvrir. Mais Dieu fait voir la vanité de leur excuse. Que sert à l'homme de dire : La femme que vous m'avez donnée pour compagne? Il semble s'en prendre à Dieu même. Mais Dieu lui avoit-il donné cette femme pour compagne de sa désobéissance? Ne devoit-il pas la régir, la redresser? C'est donc le comble du crime, loin de l'avouer, d'en vouloir rejeter la faute sur sa malheureuse compagne, et sur Dieu même qui la lui avoit donnée.

Ne cherchons point d'excuse à nos crimes: ne les rejetons pas sur la partie foible qui est en nous; confessons que la raison devoit présider et dominer à ses appétits: ne cherchons point

Heb. IV. 15. - Luc. XIII. 30. Gen. ut. 10, 11, 12.

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même, et que nous serons de ceux dont il est est écrit: Bienheureux ceux dont les iniquités ont été remises, et dont les péchés ont été couverts'.

IXe ÉLÉVATION.

Ordre de la justice de Dieu.

Il faut ici distinguer l'ordre du crime d'avec l'ordre de la justice divine. Le crime commence par le serpent, se continue en Ève, et se consomme en Adam; mais l'ordre de la justice divine est de s'attaquer d'abord au plus capital. C'est pourquoi il s'en prend d'abord à l'homme, en qui se trouvoit dans la plénitude de la force et de la grace, la plénitude de la désobéissance et de l'ingratitude. C'étoit à lui qu'étoit attachée la totalité de la grace originelle; c'étoit à lui que les grands dons avoient été communiqués; et à lui qu'avoit été donné et signifié le grand précepte: c'est donc par lui que Dieu commence; l'examen passe ensuite à la femme; il se termine au serpent; et rien n'échappe à sa censure.

X ÉLÉVATION.

Suite des excuses.

Et Dieu dit à Eve: Pourquoi avez-vous fait cela? Elle répondit: Le serpent m'a trompée". Mais pourquoi vous laissiez-vous tromper? N'aviez-vous pas tout ensemble votre libre arbitre et ma grace? Pourquoi avez-vous écouté? La conviction étoit facile; mais Dieu en laisse l'effet à la conscience d'Eve; et se tournant vers le serpent dont l'orgueil et l'obstination ne lui permettoit pas de s'excuser; sans lui demander de, Pourquoi, ainsi qu'il avoit fait à Adam et à Ève, il lui dit décisivement et tout court: Parceque vous avez fait cela, vous serez maudit parmi tous les animaux : vous marcherez sur votre estomac, et la terre sera votre nourriture3. Voilà trois caractères du serpent; d'être en exécration et en horreur plus que tous les autres animaux ; c'est aussi le caractère de Satan, que tout le monde maudit : de marcher sur son estomac, de n'avoir que des pensées basses, et ce qui revient à la même chose, de se nourrir de terre, c'est-à-dire, de pensées terrestres et corporelles, puisque toute son occupation est d'être notre tentateur, et de nous plonger dans la chair et dans le sang. La suite marque encore mieux

1 Ps. XXXI. 4. — 2 Gen. 111. 45. — Ibid, 14.

le caractère du diable, qui le pousse à porter | l'un à l'autre, et un tourment dont on ne peut

des plaies en trahison, et à attaquer par l'endroit le plus foible; c'est ce que Dieu explique par ces paroles: Tu lui dresseras des embúches, et lui mordras le talon '. Comme donc les caractères du diable doivent être représentés par ceux du serpent, Dieu, qui le prévoyoit, le détermina à se servir de cet animal pour parler à Eve, afin qu'étant l'image du diable par ses embûches, il en représentât encore le juste supplice; en sorte que ces caractères que nous venons de marquer, convinssent au serpent en parabole, et au diable en vérité.

Considérez un moment comment Dieu attère cet esprit superbe, enflé de sa victoire sur le genre humain. Quel autre en a remporté une plus entière? Par un seul coup tout le genre humain devient le captif de ce superbe vainqueur. Vantez-vous de vos conquêtes, conquérants mortels : Dieu, qui a humilié le serpent au milieu de son triomphe, saura vous abattre.

XI ÉLÉVATION.

Le supplice d'Ève : et comment il est changé en remède.

Le Seigneur dit à la femme: Je multiplierai tes calamités et tes enfantements ; tu enfanteras dans la douleur 2. La fécondité et la gloire de la femme; c'est là que Dieu met son supplice: ce n'est qu'au péril de sa vie qu'elle est féconde. Ce supplice n'est pas particulier à la femme. La race humaine est maudite; pleine dès la conception et dès la naissance, de confusion et de douleur, et de tous côtés environnée de tourment et de mort; l'enfant ne peut naître sans mettre sa mère en péril; ni le mari devenir père sans hasarder la plus chère moitié de sa vie. Eve est malheureuse et maudite dans tout son sexe, dont les enfants sont si souvent les meurtriers: elle étoit faite pour être à l'homme une douce société, sa consolation, et pour faire la douceur de sa vie; elle s'enorgueillissoit de cette destination, mais Dieu y mêle la sujétion; et il change en une amère domination cette douce supériorité qu'il avoit d'abord donnée à l'homme. Il étoit supérieur par raison; il devient un maître sévère par humeur; sa jalousie lerend un tyran; la femme est assujettie à cette fureur, et dans plus de la moitié de la terre les femmes sont dans une espèce d'esclavage. Ce dur empire des maris, et ce joug auquel la femme est soumise, est un effet du péché. Les mariages sont aussi souvent un supplice qu'une douce liaison; et on est une dure croix

Gen. III. 15. Gen. III. 16.

se délivrer; unis et séparés on se tourmente mutuellement. Dans le sens spirituel, on n'enfante plus qu'avec peine; toutes les productions de l'esprit lui coûtent, les soucis abrégent nos jours; tout ce qui est desirable est laborieux.

Par la rédemption du genre humain, le supplice d'Eve se change en grace. Sa première punition lui rendoit sa fécondité périlleuse; mais la grace, comme dit saint Paul, fait qu'elle est sauvée par la production des enfants 1. Si sa vie y est exposée, son salut y est assuré, pourvu qu'elle soit fidèle à ce que demande son état ; c'est-à-dire, qu'elle demeure dans la foi conjugale, dans un amour chaste de son mari, dans la sanctification et la piété, comme naturelle à son sexe; bannissant les vanités de la parure et toute mollesse, par la sobriété, la modération et la tempérance, comme ajoute le même saint Paul.

XII ÉLÉVATION.

Le supplice d'Adam, et premièrement le travail. Dieu dit à Adam: Parce que tu as écouté la parole de ta femme 2. C'est par où commence l'accusation l'homme est convaincu d'abord d'une complaisance excessive pour la femme; c'est la source de notre perte, et ce mal ne se renouvelle que trop souvent. Continuons: Parceque tu as mangé du fruit que je t'avois interdit, la terre est maudite dans ton travail; tu ne mangeras ton pain qu'avec la sueur de ton visage; et le reste. C'est par où commence le supplice ; mais il est exprimé par des paroles terribles : La terre est maudite dans ton travail : la terre n'avoit point péché; et si elle est maudite, c'est à cause du travail de l'homme maudit qui la cultive on ne lui arrache aucun fruit, et surtout le fruit le plus nécessaire, que par force et parmi des travaux continuels.

Tous les jours de ta vie 3. La culture de la terre est un soin perpétuel qui ne nous laisse en repos ni jour ni nuit, ni en aucune saison : à chaque moment l'espérance de la moisson et le fruit unique de tous nos travaux peut nous échapper: nous sommes à la merci du ciel inconstant, qui fait pleuvoir sur le tendre épi, non seulement les eaux nourrissantes de la pluie, mais encore la rouille inhérente et consumante de la niellure.

La terre te produira des épines et des buissons". Féconde dans son origine et produisant

1 I. Tim. II. 15. —2Gen. 111. 17, 18, 19. —3Ibid. — 4 Ibid. 18.

d'elle-même les meilleures plantes, maintenant | quoi t'enorgueillir dans tes habits? Dieu ne te

si elle est laissée à son naturel, elle n'est fertile qu'en mauvaises herbes ; elle se hérisse d'épines; menaçante et déchirante de tous côtés, elle semble même nous vouloir refuser la liberté du passage, et on ne peut marcher sur elle sans combat.

Tu mangeras l'herbe de la terre. Il semble que dans l'innocence des commencements, les arbres devoient d'eux-mêmes offrir et fournir à l'homme une agréable nourriture dans leurs fruits; mais depuis que l'envie du fruit défendu nous eut fait pécher, nous sommes assujettis à manger l'herbe que la terre ne produit que par force; et le blé dont se forme le pain qui est notre nourriture ordinaire, doit être arrosé de nos sueurs. C'est cequ'insinuent ces paroles: tu mangeras l'herbe; et ton pain te sera donné à la sueur de ton visage. Voilà le commencement de nos malheurs : c'est un continuel travail qui seul peut vaincre nos besoins et la faim qui nous persécute.

Jusqu'à ce que tu retournes à la terre dont tu as été formé, et que tu deviennes poussière 2. Il n'y a point d'autre fin de nos travaux ni d'autre repos pour nous, que la mort et le retour à la poussière, qui est le dernier anéantissement de nos corps. Cet objet est toujours présent à nos yeux la mort se présente de toutes parts: la terre même que nous cultivons nous la met incessamment devant la vue c'est l'esprit de cette parole, L'homme ne cessera de travailler la terre dont il est pris 3, 3, et où il retourne.

Homme, voilà donc ta vie : éternellement tourmenter la terre, ou plutôt te tourmenter toi-même en la cultivant; jusqu'à ce qu'elle te reçoive toi-même et que tu ailles pourrir dans son sein. O repos affreux! O triste fin d'un continuel travail !

XIII ÉLÉVATION.

Les habits et les injures de l'air.

Et le Seigneur Dieu fit à Adam, et à sa femme, des habits de peaux; et il les en revétit 4. L'homme ne devient pas seulement mortel, mais exposé par sa mortalité à toutes les injures de l'air d'où naissent mille sortes de maladies. Voilà la source des habits que le luxe rend si superbes : la honte de la nudité les a commencés; l'infirmité les a étendus sur tout le corps; le luxe veut les enrichir, et y mêle la mollesse et l'orgueil. O homme! reviens à ton origine! pour

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donne d'abord que des peaux pour te vêtir : plus pauvre que les animaux dont les fourrures leur sont naturelles; infirme et nu que tu es, tu te trouves d'abord à l'emprunt: ta disette est infinie; tu empruntes de tous côtés pour te parer. Mais allons à l'origine, et voyons le principe du luxe : après tout il est fondé sur le besoin; on tâche en vain de déguiser cette foiblesse en accumulant le superflu sur le nécessaire.

L'homme en a usé de même dans tout le reste de ses besoins, qu'il a tâché d'oublier et de couvrir en les ornant. Les maisons qu'on décore par l'architecture, dans leur fond ne sont qu'un abri contre la neige et les orages, et les autres injures de l'air: les meubles ne sont dans leur fond qu'une couverture contre le froid: ces lits qu'on rend si superbes, ne sont après tout qu'une retraite pour soutenir la foiblesse, et soulager le travail par le sommeil : il y faut tous les jours aller mourir, et passer dans ce néant une si grande partie de notre vie.

XIV ÉLÉVATION.

Suite du supplice d'Adam : la dérision de Dieu.

Et Dieu dit: Voyez Adam qui est devenu comme un de nous, sachant le bien et le mal; prenons donc garde qu'il ne mette encore la main sur le fruit de vie, et ne vive éternellement'. Cette dérision divine étoit due à sa présomption. Dieu dit en lui-même et aux personnes divines, et si l'on veut, aux saints anges: Voyezmoi ce nouveau Dieu, qui ne s'est pas contenté de la ressemblance divine que Dieu avoit imprimée au fond de son ame; il s'est fait Dieu à sa façon: voyez comme il est savant, et qu'en effet il a bien appris le bien et le mal à ses dépens: prenons garde qu'après nous avoir si bien dérobé la science, il ne nous dérobe encore l'immortalité. Remarquons que Dieu ajoute la dérision au supplice. Le supplice est dû à la révolte; mais l'orgueil y attiroit la dérision. Je vous ai appelés, et vous avez refusé d'entendre ma voix; j'ai tendu le bras, et personne ne m'a regardé; vous avez méprisé tous mes conseils, vous avez négligé mes avis et mes reproches, et moi aussi à mon tour je rirai dans votre perte; je me moquerai de vos malheurs et de votre mort 2. C'est, direz-vous, pousser la vengeance jusqu'à la cruauté; je l'avoue: mais Dieu aussi deviendra cruel et impitoyable. Après que sa bonté a été méprisée, il poussera la rigueur

Gen. 11. 22. - Prov. 1. 24, 25, 26.

jusqu'à tremper et laver ses mains dans le sang | de sa défection par son inévitable séparation

d'avec le corps qui lui est uni; et la perte que fait le corps par nécessité, de l'ame qui le gouverne et le perfectionne, est le juste supplice de celle que l'ame a faite volontairement de Dieu, qui la

Justice de Dieu, je vous adore! il étoit juste que composé de deux parties dont vous aviez rendu l'union immuable, tant que je demeurerois uni à vous par la soumission que je vous devois, après que je me suis soulevé contre vos ordres inviolables, je visse la dissolution des deux parties de moi-même auparavant si bien assorties, et que je visse mon corps en état d'aller pourrir dans la terre, et de retourner à sa pre

du pécheur. Tous les justes entreront dans cette dérision de Dieu: Et ils riront sur l'impie, et ils s'écrieront: voilà l'homme qui n'a pas mis son secours en Dieu; mais qui a espéré dans | l'abondance de ses richesses; et il a prévalu | vivifioit par son union. par sa vanité. Cette vanité insensée lui offroit une flatteuse ressemblance de la divinité même. Adam est devenu comme un de nous: il a voulu être riche de ses propres biens; voyez qu'il est devenu puissant. Ainsi ces redoutables et saintes dérisions de la justice divine suivies de celles des justes, ont leur origine dans celle où Dieu insulte à Adam dans son supplice. Jésus-Christ qui nous a mis à couvert de la justice de Dieu, lorsqu'il en a porté le poids, a souffert cette dé-mière boue. O Dieu, je subis la sentence, et rision dans son supplice: S'il est le fils de Dieu, qu'il descende de la croix, et nous croirons en lui; que Dieu, qu'il se vante d'avoir pour père, le délivre 2. C'est ainsi que lui insultoient les impies dans son supplice, mêlant à la cruauté l'amertume de la moquerie de cette sorte il a expié la dérision qui étoit tombée sur Adam, et sur tous les hommes.

C'est au milieu de cette amère et insultante dérision, que Dieu le chasse du paradis de délices, pour travailler à la terre d'où il a été pris3. | Et voilà à la porte de ce paradis délicieux un cherubin qui roule en sa main une épée de feu* : en sorte que ce même lieu auparavant si plein d'attraits, devient un objet d'horreur et de ter

reur.

XVe ÉLÉVATION.

La mort vraie peine du péché.

Au jour que vous mangerez du fruit défendu, vous mourrez de mort. Dans l'instant même vous mourrez de la mort de l'ame, qui sera incontinent séparée de Dieu, qui est notre vie, et l'ame de l'ame même. Mais encore que votre ame ne soit pas actuellement séparée de votre corps à l'instant même du péché, néanmoins à cet instant elle mérite de l'être : elle en est donc séparée quant à la dette, quoique non encore par l'effet nous devenons mortels: nous sommes dignes de mort: la mort nous domine: notre corps dès-là devient un joug à notre ame, et nous accable de tout le poids de la mortalité et de l'infirmité qui l'accompagnent. Justement, Seigneur, justement: car l'ame qui a perdu vo- | lontairement Dieu, qui étoit son ame, est punie

Ps. LI. 8. 9. -Math. XXVII. 40, 42, 45. — 3 Gon. III. 23. —1 Gen. Alt. 24. - Ibid. n. 47.

toutes les fois que la maladie m'attaquera, pour petite qu'elle soit, ou que je songerai seulement que je suis mortel, je me souviendrai de cette parole: Tu mourras de mort; et de cette juste condamnation que vous avez prononcée contre toute la nature humaine. L'horreur que j'ai naturellement de la mort, me sera une preuve de mon abandonnement au péché: car, Seigneur, si j'étois demeuré innocent, il n'y auroit rien qui pût me faire horreur. Mais maintenant je vois la mort qui me poursuit, et je ne puis éviter ses affreuses mains. O Dieu! faites-moi la grace que l'horreur que j'en ressens, et que votre saint fils Jésus n'a pas dédaigné de ressentir, m'inspire l'horreur du péché qui l'a introduite sur la terre. Sans le péché nous n'aurions vu la mort que peut-être dans les animaux encore un grand et saint docteur semble-t-il dire, qu'elle ne leur seroit point arrivée dans le paradis, de peur que les yeux innocents des hommes n'eussent été frappés de ce triste objet. Quoi qu'il en soit, ô Jésus! je déteste le péché plus que la mort, puisque c'est par le péché que la mort a régne sur tout le genre humain depuis Adam 2 notre premier père, jusqu'à ceux qui vous verront arriver dans votre gloire.

XVIe ÉLÉVATION.

La mort éternelle.

Mais la grande peine du péché, celle qui est seule proportionnée, c'est la mort éternelle : et cette peine du péché est enfermée dans le péché même. Car le péché n'étant autre chose que la séparation volontaire de l'homme qui se retire de Dieu, il s'ensuit de là que Dieu se retire

'S. Aug. opimperf. contr. Jul, lib. in. n. 147.—2 Rom. v,

42. 14.

aussi de l'homme, et s'en retire pour jamais, l'homme n'ayant rien par où il puisse s'y rejoindre de lui-même : de sorte que, par ce seul coup que se donne le pécheur, il demeure éternellement séparé de Dieu, et Dieu forcé par conséquent à se retirer de lui, jusqu'à ce que, par un retour de sa pure miséricorde, il lui plaise de revenir à son infidèle créature. Ce qui n'arrivant que par une pure bonté que Dieu ne doit point au pécheur, il s'ensuit qu'il ne lui doit autre chose qu'une éternelle séparation et soustraction de sa bonté, de sa grace, et de sa présence; mais dès-là son malheur est aussi immense qu'il est éternel.

seul homme, se répande sur toute la terre '. C'est ici une des plus belles et des plus remarquables singularités de la création de l'homme. Nous ne lisons point que les animaux viennent de même d'un seul, ni que Dieu les ait réduits d'abord à un seul mâle et à une seule femelle; mais Dieu a voulu que tant que nous sommes d'hommes répandus par toute la terre, dans les îles comme dans le continents, nous sortissions tous d'un seul mariage, dont l'homme étant le chef, un seul homme par conséquent est la source de tout le genre humain.

Le desir de nous porter tous à l'unité est la cause de cet ordre suprême de Dieu, et les effets en sont admirables.

sent autant que les générations humaines; et il a voulu encore que toutes les races humaines se réduisissent à la seule race d'Adam : en sorte que tous les hommes, et selon le corps et selon l'ame, dépendissent de la volonté et de la liberté de ce seul homme.

Car que peut-il arriver à' la créature privée de Dieu, c'est-à-dire de tout bien? Que lui peutPremièrement, Dieu pouvoit donner l'être à il arriver, sinon tout mal? Allez, maudits, au tous les hommes, comme à tous les anges, indéfeu éternel: et où iront-ils ces malheureux re- pendamment les uns des autres; surtout l'ame poussés loin de la lumière, sinon dans les ténè- raisonnable ne pouvant, comme incorporelle, bres éternelles? Où iront-ils éloignés de la paix, dépendre par elle-même d'aucune génération. sinon au trouble, au désespoir, au grincement Néanmoins il a plu à Dieu que non seulement de dents? Où iront-ils, en un mot, éloignés de le corps, mais encore l'ame dépendît selon son Dieu, sinon en toute l'horreur que causera l'ab-être de cette voie, et que les ames se multipliassence et la privation de tout le bien qui est en lui, comme dans la source? Je te montrerai tout le bien, dit-il à Moïse, en me montrant moimême. Que pourra-t-il donc arriver à ceux à qui il refusera sa face et sa présence desirable, sinon qu'il leur montrera tout le mal, et qu'il le leur montrera non seulement pour le voir, ce qui est affreux; mais, ce qui est beaucoup plus terrible, pour le sentir par une triste expérience. Et c'est là le juste supplice du pécheur qui se retire de Dieu, que Dieu aussi se retire de lui, et par cette soustraction le prive de tout le bien, et l'investisse irrémédiablement et inexorablement de tout le mal. O Dieu! ô Dieu! je tremble: je suis saisi de frayeur à cette vue. Consolez-moi par l'espérance de votre bonté : rafraîchissez mes entrail

les, et soulagez mes os brisés, par Jésus-Christ votre Fils, qui a porté la mort pour me délivrer de ses terreurs, et de toutes ses affreuses suites, dont la plus inévitable est l'enfer.

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Vous portez deux nations dans votre sein 2, disait Dieu à Rébecca. Quel spectacle! en deux enfants encore enfermés dans les entrailles de leur mère, deux grandes et nombreuses nations, et la destinée de l'une et de l'autre. Mais combien est-il plus étonnant de voir en Adam seul toutes les nations, tous les hommes en particulier, et la commune destinée de tout le genre

humain!

Dieu avoit fait l'homme si parfait, et lui avoit donné une si grande facilité de conserver, et pour lui et pour toute sa postérité, le bien immense qu'il avoit mis en sa personne, que les hommes n'avoient qu'à remercier cette divine bonté d'avoir renfermé en lui tout le bonheur de ses enfants qui devoient composer tout le genre humain. Regardons-nous tous en cette source: regardons-y notre être et notre bien-être, notre bonheur et notre malheur. Dieu ne nous voit qu'en Adam, dans lequel il nous a tous faits. Quoi qu'Adam fasse, nous le faisons avec lui, parcequ'il nous tient renfermés, et que nous ne sommes en lui moralement qu'une seule et même personne s'il obéit, j'obéis en lui; s'il pèche, je pèche en lui : Dieu traitera tout le genre hu

* Act. xvII. 26. — 2 Gen. xxv. 25.

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