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main comme ce seul homme, où il a voulu le mettre tout entier, l'aura mérité. J'adore, Seigneur, votre justice, quoique impénétrable à mes sens et à ma raison : pour peu que j'entrevoie ses règles sacrées, je les adore et je m'y sou

mets.

II ÉLÉVATION.

Le père récompensé et puni dans les enfants; second fondement de la justice de Dieu dans le péché originel.

été récompensé dans tous ses enfants, et la justice originelle eût été leur héritage commun. Maintenant ils ont perdu en leur père, ce que leur père avoit reçu pour lui et pour eux; et privée de ce grand don, la nature humaine devient et malheureuse et maudite dans ses branches, parcequ'elle l'est dans sa tige.

Considérons la justice humaine : nous y verrons une image de cette justice de Dieu. Un père dégradé perd sa noblesse et pour lui et pour ses enfants, surtout pour ceux qui sont à naître; ils perdent en lui tous leurs biens, lorsqu'il mérite de les perdre. S'il est banni et exclu de la société de ses citoyens, et comme du sein maternel de sa terre natale, ils sont bannis avec lui à

justement proscrit, race dégradée et déshéritée par la loi suprême de Dieu; et, bannis éternellement autant que justement de la cité sainte qui nous étoit destinée dans notre origine, adorons avec tremblement les règles sévères et impénétrables de la justice de Dieu, dont nous voyons les vestiges dans la justice, quoique inférieure, des hommes. Mais voici le comble de

Quand Dieu fit l'homme si parfait, quand il voulut faire dépendre de lui seul l'être et la vie detoutes les nations, de toutes les races, de tous les hommes particuliers jusqu'à l'infini, si Dieu vou-jamais. Pleurons, malheureux enfants d'un père loit, il mit en même temps une telle unité entre lui et ses enfants, qu'il pût être puni et récompensé en eux, comme il seroit en lui-même, et peut-être plus. Car Dieu a inspiré aux parents un tel amour pour leurs enfants, que naturellement les maux des enfants leur sont plus sensibles et plus douloureux que les leurs, et qu'ils aiment mieux les laisser en vie que de leur survivre de sorte que la vie de leurs enfants leur est plus chère que la leur propre. La nature, c'est-à-dire Dieu, a formé ainsi le cœur des pères et des mères; et ce sentiment est si intime et si naturel, qu'on en voit même un vestige et une impression dans les animaux, lorsqu'ils s'exposent pour leurs petits et se laissent arracher la vie, plutôt que d'en abandonner le soin.

Ce caractère paternel a dû se trouver principalement dans celui qui est non seulement le premier de tous les pères, mais encore père par excellence, puisqu'il a été établi le père du genre humain. Après donc que dès l'origine et nouvellement sorti des mains de Dieu, il eut transgressé ce commandement si facile, par lequel Dieu avoit voulu éprouver sa soumission et l'avertir de sa liberté, il étoit juste qu'il le punît, non seulement en lui-même, mais encore dans ses enfants, comme étant une portion des plus chères de sa substance, et quelque chose qui lui est plus intimement uni que ses propres membres. De sorte que les enfants futurs de ce premier père, c'est-à-dire tout le genre humain, qui n'avoit d'être ni de subsistance qu'en ce premier père, devinrent le juste objet de la haine et de la vengeance divine. Tout est en un seul, et tout est maudit en un seul et ce père malheureux est puni dans tout ce qu'il contient en lui-même d'enfants depuis la première jusqu'à la dernière génération.

Si Dieu est juste à punir, il l'est encore plus à récompenser. Si Adam eût persévéré, il eût

nos maux.

III ÉLÉVATION.

La justice originelle dont Adam a été privé pour lui et pour ses enfants: troisième fondement de la justice de Dieu dans le péché originel.

Dieu a fait l'homme droil; et il s'est enveloppé dans plusieurs questions'. Cette droiture où Dieu avoit d'abord fait l'homme consistoit premièrement dans la connoissance. Il n'y avoit point alors de question: Dieu avoit mis dans le premier homme la droite raison, qui consistoit en une lumière divine, par laquelle il connoissoit Dieu directement comme un être parfait et tout puissant.

à

Cette connoissance tenoit le milieu entre la foi et la vision bienheureuse. Car encore que l'homme ne vît pas Dieu face à face, il ne le voyoit pourtant pas comme nous le faisons, travers une énigme, et comme par un miroir 2. Dieu ne lui laissoit aucun doute de son auteur, des mains duquel il sortoit; ni de sa perfection, qui reluisoit si clairement dans ses œuvres. Si saint Paul a dit que les merveilles invisibles de Dieu, et son éternelle puissance, et sa divinité, sont manifestes dans ses œuvres à ceux qui les contemplent; en sorte qu'ils sont inexcusables de ne le pas reconnoître et adorer 3,

Eccles. VIL. 30.-I. Cor. x111. 12. — Rom. 1. 20.

combien plus Adam l'eût-il connu? L'idée que nous portons naturellement dans notre fonds de la perfection de Dieu, en sorte que nous penchons naturellement à lui attribuer ce qu'il y a de plus parfait, étoit si vive dans le premier homme, que rien ne la pouvoit offusquer. Ce n'étoit pas comme à présent, que cette idée brouillée avec les images de nos sens se recule, pour ainsi dire, quand nous la cherchons : nous n'en pouvons porter la simplicité, et nous n'y revenons qu'à peine et par mille détours. Mais alors on la sentoit d'abord; et la première pensée qui venoit à l'homme dans tous les ouvrages et dans tous les mouvements qu'il voyoit, ou au dedans, ou au dehors, c'est que Dieu en étoit le parfait

auteur.

Par-là il connoissoit son ame, comme faite à l'image de Dieu, et entièrement pour lui; et au lieu que nous avons tant de peine à la trouver, et que nous la confondons avec toutes les images que nos sens nous apportent, alors on la démêloit d'abord d'avec tout ce qui n'étoit pas elle. De cette sorte on connoissoit d'abord sa parfaite supériorité au-dessus du corps, et l'empire qui lui étoit donné sur lui: en sorte que tout y devoit être dans l'obéissance envers l'ame, comme l'ame le devoit être envers Dieu.

Une si grande et si droite lumière dans la raison étoit suivie d'une pareille droiture dans la volonté. Comme on voyoit clairement et parfaitement combien Dieu est aimable, et que l'ame n'étoit empêchée par aucune passion ou prévention de se porter à lui, elle l'aimoit parfaitement, et, unie par son amour à ce premier être, elle voyoit tout au-dessous d'elle, principalement son corps, dont elle faisoit sans résistance ce qu'elle

vouloit.

Nous éprouvons encore un reste de cet empire que nous avions sur nos corps. Nous emportons sur lui beaucoup de choses contre la disposition de la machine par la seule force de la volonté; à force de s'appliquer, l'esprit demeure détaché des sens, et semble ne communiquer plus avec eux. Combien plus en cet heureux état, sans aucun effort, et par la seule force de la raison toujours maîtresse par elle-même, tenoit-on en sujétion tout le corps?

Il n'y avoit qu'une dépravation volontaire qui pût troubler cette belle économie, et faire perdre à la raison son autorité et son empire. Quand l'homme s'est retiré de Dieu, Dieu a retiré tous ses dons. La première plaie a été celle de l'ignorance; ces vives lumières nous ont été ôtées: Nous sommes livrés aux questions'; tout est mis en doute, jusqu'aux premières vérités. La

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raison étant devenue si foible par la faute de la volonté, à plus forte raison la volonté, qui avoit commis le péché, s'affoiblit-elle elle-même. Le corps refusa l'obéissance à l'ame, qui s'étoit soustraite à Dieu. Dans le désordre des sens, la honte, qui n'étoit pas encore connue, se fit bientôt sertir: chose étrange! nous l'avons déja remarqué; mais cette occasion demande qu'on repasse encore un moment sur ce triste objet.

Nos premiers parents ne furent pas plutôt tomtés dans le péché, qu'ils connurent leur nudité; et contraints de la couvrir d'une ceinture, dont nous avons déja montré l'usage, ils témoignèrent par-là où la révolte et la sédition intérieure et extérieure s'étoit mise. Comment avez-vous connu, et qui vous a indiqué que vous étiez nu? D'où vient que vous vous cachiez dans l'épaisseur de la forêt 1, pour ne point paroître à mes yeux? Craigniez-vous que je ne trouvasse quelque chose de mal et de déshonnête dans mon ouvrage, moi qui ne puis rien faire que de bon, qui en effet, en revoyant ce que j'avois fait, avois loué la bonté? Étrange nouveauté dans l'homme, de trouver en soi quelque chose de honteux! Ce n'est pas l'ouvrage de Dieu, mais le sien, et celui de son péché. Et quels yeux craignoit-il en se cachant ? Ceux de Dieu, ceux de la compagne de son crime et de son supplice, les siens propres. O concupiscence naissante, on ne vous reconnoît que trop!

et

en

Mais quoi! disons en un mot que c'est de là que nous naissons. Tout ce qui naît d'Adam lui est uni de ce côté-là; enfants de cette révolte, cette révolte est la première chose qui passe en nous avec le sang. Ainsi, dès notre origine, nos sens sont rebelles : dès le ventre de nos mères, où la raison est plongée et dominée par la chair, notre ame en est l'esclave, et accablée de ce poids. Toutes les passions nous dominent tour à tour, et souvent toutes ensemble, et même les plus contraires. Dieu retire de nous les lumières, comme il avoit fait à Adam, et encore plus. Ainsi nous sommes frappés de la plaie de l'ignorance et de celle de la concupiscence; tout le bien, jusqu'au moindre, nous est difficile; tout le mal, quelque grand qu'il soit, a des attraits

pour nous.

Toutes les pensées de l'homme penchoient au mal en tout temps 2. Pesez ces paroles : Toutes les pensées, et celles-ci: En tout temps. Nous ne faisons pas tout le mal, mais nous y penchons ; il ne manque que les occasions, et les objets déterminent : l'homme laissé à lui-même n'éviteroit aucun mal. Ajoutez ces paroles qui pré

Gen. I 18. Gen. VI. 4.

cèdent: La malice des hommes étoit grande sur la terre; et celles-ci: Mon esprit ne demeurera pas en l'homme parcequ'il est chair'.

Je l'avois fait pour être spirituel même dans la chair, parceque l'esprit y dominoit : et maintenant il est devenu charnel même dans l'esprit, que la chair domine et emporte. Cela commence dès le ventre de la mère : Erraverunt ab utero3. Dieu voit le mal dans sa source, et il se repent d'avoir fait l'homme. L'homme n'étoit plus que péché dès sa conception: Je suis conçu en iniquité; ma mère m'a conçu en péché. Tout est uni au péché d'Adam, qui passe par le canal de la concupiscence. L'homme livré à la concupiscence la transmit à sa postérité, et ne pouvoit faire ses enfants meilleurs que lui. Si tout naît avec la concupiscence, tout naît dans le désordre; tout naît odieux à Dieu et nous sommes tous naturellement enfants de colère".

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IVe ELEVATION.

Les suites affreuses du péché originel par le chapitre XL de l'Ecclésiastique.

Il y a une grande affliction, et un joug pesant sur les enfants d'Adam, depuis le jour de leur sortie du sein de leur mère, jusqu'au jour de leur sépulture dans le sein de la mère commune1. Nos misères commencent avec la vie, et durent jusqu'à la mort : nul ne s'en exempte. Quatre sources intarissables les font couler sur tous les états et dans toute la vie, les soucis, les terreurs, les agitations d'une espérance trompeuse, et enfin le jour de la mort. Les maux qui viennent de ces quatre sources empoisonnent toute la vie. Tout en ressent la violence et la pesanteur, depuis celui qui est assis sur le tróne, jusqu'à celui qui est abattu à terre et sur la poussière; depuis celui qui est revêtu de pourpre et des plus belles couleurs, jusqu'à celui qui est couvert d'une toile grossière et crue: on trouve partout fureur, jalousie, tumulte, incertitude et agitation d'esprit, les menaces d'une mort prochaine, les longues et implacables colères, les querelles et les animosités. Quelle paix parmi tant de furieuses passions? Elles ne nous laissent pas en repos pendant le sommeil. Dans le silence et la tranquillité de la nuit, dans la couche où l'on se refait des travaux du jour, on apprend, on expérimente un nouveau genre de trouble. A peine a-t-on goúté un moment les douceurs d'un premier sommeil, et voilà qu'il

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se présente à une imagination échauffée toutes sortes de fantômes et de monstres, comme si l'on avoit été mis en sentinelle dans une tour. On se trouble dans les visions de son cœur. On croit étre poursuivi par un ennemi furieux, comme dans un jour de combat: on ne se sauve de cette crainte qu'en s'éveillant en sursaut; on s'étonne d'une si vaine terreur, et d'avoir trouvé tant de périls dans une entière sûreté.

On a peine à se remettre d'une si étrange épouvante, et on sent que sans aucun ennemi on se peut faire à soi-même une guerre aussi violente que des bataillons armés. Les songes nous suivent jusqu'en veillant. Qu'est-ce que les terreurs qui nous saisissent sans sujet, si ce n'est un songe effrayant? Mais qu'est-ce que l'ambition et une espérance fallacieuse, qui nous mène de travaux en travaux, d'illusion en illusion, et nous rend le jouet des hommes, sinon une autre sorte de songe qui change de vains plaisirs en des tourments effectifs? Que dirai-je des maladies accablantes, qui inondent sur toute chair, depuis l'homme jusqu'à la bête, et cent fois plus encore sur les pécheurs? Et où arrive-t-on par tant de maux, et à quelle mort? Laisse-t-on du moins venir la mort doucement et comme naturellement, pour nous être comme une espèce d'asile contre les malheurs de la vie? Non; l'on ne voit que des morts cruelles, dans le combat, dans le sang, l'épée, l'oppression, la famine, la peste, l'accablement, tous les fléaux de Dieu toutes ces choses ont été créées pour les méchants, et le déluge est venu pour eux. Mais le déluge des eaux n'est venu qu'une seule fois : celui des afflictions est perpétuel, et inonde toute la vie dès la naissance.

Après cela peut-on croire que l'enfance soit innocente? O Seigneur! vous jugez indigne de votre puissance de punir les innocents'. Pourquoi donc répandez-vous votre colère sur cet enfant qui vient de naître? A qui a-t-il fait tort? de qui a-t-il enlevé les biens? A-t-il corrompu la femme de son prochain? Quel est son crime? Et pourquoi commencer à l'accabler d'un joug si pesant? Répétons encore: Un joug pesant sur les enfants d'Adam2. Il est enfant d'Adam : voilà son crime. C'est ce qui le fait naître dans l'ignorance et dans la foiblesse, ce qui lui a mis dans le cœur la source de toutes sortes de mauvais desirs il ne lui manque que de la force pour les déclarer. Combien faudra-t-il le tourmenter pour lui faire apprendre quelque chose? Combien sera-t-il de temps comme un animal? N'est-il pas bien malheureux d'avoir à passer par

Sap. XII. 13. — Eccli. XL.

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une longue ignorance, à quelques rayons de lu- | dans cette prison du corps. Voilà ce qu'on poumière? «< Regardez, disoit un saint', cette en- voit dire quand on ne connoissoit pas la chute du fance laborieuse, de quels maux n'est-elle pas genre humain dans son auteur. Les mêmes phiopprimée? Parmi quelles vanités, quels tour- losophes se plaignoient encore contre la nature, ments, quelles erreurs et quelles terreurs comme étant non pas une bonne mère, mais » prend-elle son accroissement? Et quand on une marâtre injuste, qui nous avoit formés avec » est grand, et même qu'on se consacre à ser- un corps nu, fragile, infirme et mortel, et un es» vir Dieu, que de dangereuses tentations, par prit foible à porter les travaux, aisé à troubier » l'erreur qui nous veut séduire, par la volupté par les terreurs, inquiet dans les douleurs, et » qui nous entraîne, par la douleur et l'ennui enclin aux cupidités les plus déréglées. De dures » qui nous accable, par l'orgueil qui nous enfle! expériences ont fait connoître à ces philosophes Et qui pourroit expliquer ce joug pesant dont le joug pesant des enfants d'Adam; et, sans en » sont accablés les enfants d'Adam; ou croire savoir la cause, ils en sentoient les effets. Ado» que sous un Dieu bon, sous un Dieu juste, on rons donc ce Dieu qui nous en révèle les prin» dût souffrir tant de maux, si le péché originel cipes; adorons les règles sévères de sa justice, » n'avoit précédé? » et acquiesçons en tremblant à la rigoureuse sentence du ciel.

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Ve ÉLÉVATION.

Sur un autre passage, où est expliquée la pesanteur de l'ame accablée d'un corps mortel.

Le corps qui se corrompt appesantit l'ame: et cette demeure terrestre rabat l'esprit qui voudroit penser beaucoup, et s'occuper de beaucoup de soins importants. Nous trouvons difficile de juger des choses de la terre; et nous trouvons avec peine les choses que nous avons devant les yeux: mais qui pourra pénétrer celles qui sont dans le ciel ? C'est pourtant pour celles-là que je suis né. Mais que je suis malheureux! je veux me retirer en moi-même, je veux penser, je veux m'élever à la contemplation dans un doux recueillement, et aux vérités éternelles : ce corps mortel m'accable; il émousse toutes mes pensées, toute la vivacité de mon esprit ; je retombe dans mes sens; et, plongé dans les images dont ils me remplissent, je ne puis retrouver mon cœur qui s'égare, et mon esprit qui se dissipe.

C'est cet état malheureux de l'ame asservie sous la pesanteur du corps, qui a fait penser aux philosophes que le corps étoit à l'ame un poids accablant, une prison, un supplice semblable à celui que ce tyran faisoit souffrir à ses ennemis, qu'il attachoit tout vivants à des corps morts à demi pourris. Ainsi, disent ces philosophes, nos ames vivantes sont attachées à ce corps, comme à un cadavre. Ils ne pouvoient concevoir qu'un tel supplice se pût trouver dans un monde gouverné par un Dieu juste, sans quelque péché précédent; et ils donnoient aux ames une vie hors du corps avant la naissance, où, s'abandonnant au péché, elles fussent précipitées des cieux

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VIe ÉLÉVATION.

Sur d'autres passages, où est expliquée la tyrannie de la

mort.

Souvenez-vous que la mort ne tarde pas : connoissez la loi du sépulcre, et que rien ne vous la fasse oublier. Elle est écrite sur tous les tombeaux, et dans tout le monde : quiconque naît mourra de mort'.

C'est une loi établie à tous les hommes de mourir une fois; et après viendra le jugement2.

L'empire est donné au diable sur tous les mortels durant toute leur vie : il tient caplifs sous la terreur de la mort tous ceux qui vivent asservis à cette dure loi3.

Voilà deux terribles servitudes que nous amène l'empire de la mort. On ne peut avoir de repos sous sa tyrannie : à chaque moment elle peut venir, et non seulement renverser tous nos desseins, troubler tous nos plaisirs, nous ravir tous nos biens; mais, ce qui est encore infiniment plus terrible, nous mener au jugement de Dieu.

On est pour ces deux raisons dans une éternelle et insupportable sujétion: l'on n'en peut sortir que par Jésus-Christ. Celui qui croit en lui ne sera point jugé : celui qui n'y croit pas est déja jugé1. Sa sentence est sur lui, et à tout moment elle est prête à s'exécuter.

Tels sont les effets de la chute d'Adam et du péché originel. Comment pouvons-nous nous en relever? C'est ce que nous avons maintenant à dire.

A Eccli. XIV. 42. 4 Joan. II. 18.

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VII ELEVATION.

tion d'Enos, d'un faux culte : le premier sens est le plus naturel. Quoi qu'il en soit, il seroit tou

Le genre humain enfoncé dans son ignorance et dans son jours vrai que le faux culte auroit bientôt commencé, même parmi les pieux et dans la famille de Seth.

péché.

Quelque temps après on remarque par deux fois comme une chose extraordinaire, même dans la race de Seth, qu'Henoch, un de ses petits enfants, marcha avec Dieu, et que tout d'un coup il cessa de paroître parmi les hommes, parceque Dieu l'enleva', d'un enlèvement semblable à celui d'Elie, et le retira miraculeuse

L'apôtre saint Jude, par inspiration particulière, nous a conservé une prophétie d'Henoch, dont voici les termes : Le Seigneur va venir avec des milliers de ses saints anges, pour exercer son jugement contre tous les hommes, et reprendre tous les impies de toutes les œu

Voici l'effet le plus malheureux, et tout ensemble la preuve la plus convaincante du péché originel. Le genre humain s'enfonce dans son ignorance et dans son péché. La malice se déclare dès la première génération. Le premier enfant qui rendit Eve féconde fut Caïn, malin et envieux. Dans la suite Caïn tue Abel le juste; et le vice commence à prévaloir sur la vertu. Lement du monde, qui n'étoit pas digne de l'amonde se partage entre les enfants de Dieu, qui | roir 2. Tant la corruption étoit entrée dès-lors sont ceux de Seth, et les enfants des hommes, même dans la race de Seth. Henoch étoit le sepqui sont ceux de Caïn : la race de Caïn, qui eut tième après Adam, et Adam vivoit encore : et le monde et les plaisirs dans son partage, est la cependant la piété dégénéroit à ses yeux, et la race aînée. C'est dans cette race qu'on a com- corruption devenoit si universelle, qu'on regarmencé à se faire une habitation sur la terre: doit comme une merveille, même parmi les enCaïn bátit la première ville, et l'appela du nom fants de Seth, qu'Henoch marchât avec Dieu. de son fils Henoch. On commencoit à vouloir s'immortaliser par les noms, et on sembloit oublier l'immortalité véritable. Dans cette race, les filles commencent à se faire de nouveaux attraits : les enfants de Dieu s'y laissent prendre; le plaisir des sens l'emporte : et ce sont les filles de ceux qu'on appeloit les enfants des hommes,vres de leur impiété, et de toutes les paroles duc'est-à-dire les enfants de la chair, qui attirent dans la corruption par leur beauté, par leur mollesse, par leurs parures, par leurs caresses trompeuses, ceux qui vivoient selon Dieu et selon l'esprit. C'est dans cette race que l'on commence à avoir deux femmes Lamec épousa Ada et Sella. Le meurtre de Caïn s'y perpétua : Lamec dit à ses deux femmes, comme en chantant : J'ai tué un jeune homme 2. Cette qualité, et l'aveu qu'il avoit fait à ses femmes de ce meurtre, font soupçonner que sa jalousie contre une jeunesse florissante avoit donné lieu à ce meurtre. Quoi qu'il en soit, la race de Caïn continue à verser le sang humain et non seulement cette race prévaut, mais encore elle entraîne l'autre dans ses désordres. Tout est perdu; Dieu est contraint de noyer le monde dans le déluge.

Ainsi la piété n'eut rien de ferme. Avant que de mourir, Adam la vit périr en quelque façon dans toute sa race, et non seulement dans la postérité de Caïn, mais encore dans celle de Seth. Il est dit d'Enos, fils de Seth, qu'il commença à inroquer le nom du Seigneur3. Dieu étoit en quelque sorte oublié : il fallut qu'Enos en renouvelât le culte, qui s'affoiblissoit même dans la race pieuse.

Quelques uns veulent entendre cette invoca

Gen iv. 17. ----2 Gon. IV. 23. Ibid, 26.

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res et blasphématoires que les pécheurs impies ont proférées contre lui. C'est ainsi, dit saint Jude, que prophétisoit Henoch, le septième après Adam 3. Quoique les hommes eussent encore parmi eux leur premier père qui étoit sorti immédiatement des mains de Dieu, ils tombèrent dans une espèce d'impiété et d'athéisme, oubliant celui qui les avoit faits et Henoch commença à leur dénoncer la vengeance prochaine et universelle que Dieu devoit envoyer avec le déluge.

Les choses furent dans la suite poussées si avant, qu'il ne resta qu'une seule famille juste, et ce fut celle de Noé. Encore dégénéra-t-elle bientôt : Cham et sa race furent maudits; la famille de Japhet, comme Cham et ses enfants, fut livrée à l'idolâtrie. On la voit gagner peu à peu aussitôt après le déluge: la créature fut adorée pour le créateur : l'homme en vint jusqu'à adorer l'œuvre de ses mains. La race de Sem étoit destinée comme pour succéder à celle de Seth d'où elle étoit née; mais le culte de Dieu s'y affoiblit si tôt, qu'on croit même que Tharé, père d'Abraham, étoit idolâtre, et qu'Abraham fut persécuté parmi les Chaldéens d'où il étoit, parcequ'il ne voulut point adhérer à leur culte impie. Quoi qu'il en soit, pour le conserver dans la piété, Dieu le tira de sa patrie, et le sépara de tous les peuples du Ep. Jud 44, 43,

Gen. V. 22 24.

Heb. x. 5.

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