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Dieu; et quand nous sommes avec Dieu, nous voyageons loin du corps. L'un et l'autre n'est qu'un voyage, et non point une entière séparation; parceque nous passons dans le corps pour aller à Dieu, et que nous allons à Dieu dans l'espérance de retourner à nos corps. D'où il faut tirer cette conséquence que lorsque nous vivons dans cette chair, nous ne devons pas nous y attacher comme si nous devions y demeurer toujours; et que lorsqu'il en faut sortir, nous ne devons pas nous affliger comme si nous n'y de- | vions jamais retourner.

Ainsi étant délivrés, par ces sentiments, des soins inquiets de la vie et des appréhensions de la mort, nous tournons toutes nos pensées à celui auquel seul aboutit tout notre voyage: et nous ne songeons qu'à lui plaire, soit que nous soyons absents ou présents; parceque, pendant ce temps malheureux que nous passons loin de sa présence, nous travaillons à nous rendre dignes de paroître un jour devant sa face et ideo contendimus, sive absentes, sive præsentes, placere illi.

Telle doit être la vie chrétienne; et pour vivre comme chrétiens, il faut vivre comme voyageurs car vivre chrétiennement, c'est vivre selon la foi, selon ce qui est écrit : Le juste vit de la foi: Justus autem ex fide vivit'. Or, vivre selon la foi, c'est vivre comme voyageur, en ne contemplant pas ce qui se voit, mais ce qui ne se voit pas, qui est la vraie disposition d'un homme qui passe son chemin. Non contemplantibus nobis quæ videntur, sed quæ non videntur2. Que si nous vivons comme voyageurs, nous devons considérer tout ce que nous possédons sur la terre, non pas comme un bien véritable, mais comme un rafraîchissement durant le voyage: instrumentum peregrinationis, non irritamentum cupiditatis, dit saint Augustin 3; comme un bâton pour nous soutenir dans le travail, et non comme un lit pour nous reposcr; comme une maison de passage où l'on se délasse, et non comme une demeure où l'on s'arrête. C'est pourquoi l'apôtre saint Paul appelle notre corps un tabernacle; c'est-à-dire une tente, un pavillon, une cabane: en un mot, un lieu de passage, non une demeure fixe.

et

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» ceux qui s'affligent, comme ne s'affligeant >> pas; et ceux qui se réjouissent, comme ne se réjouissant pas; et ceux qui achètent, comme »> ne possédant pas; et ceux qui usent de ce >> monde, comme n'en usant pas parceque la figure de ce monde passe : » Hoc itaque dico, Fratres, tempus breve est reliquum est ut qui habent uxores, tanquam non habentes sint; el qui flent, tanquam non flentes ; et qui gaudent, tanquam non gaudentes; et qui emunt, tanquam non possidentes; et qui utuntur hoc mundo, tanquam non utantur: præterit enim figura hujus mundi 1. C'est-à-dire, selon saint Augus tin, que ceux qui ont des femmes, ne doivent point y être liés par aucun attachement corporel; que ceux qui s'affligent par le sentiment du mal présent doivent se réjouir par l'espérance du bien futur; que la joie de ceux qui s'emportent parmi les commodités temporelles, doit être tempérée par la crainte des jugements éternels; que ceux qui achètent doivent posséder ce qu'ils ont, sans que leur cœur y soit engagé; enfin que ceux qui usent de ce monde, doivent considérer qu'ils passent avec lui; parceque la figure de ce monde passe. Qui habent uxores, non carnali concupiscentiæ subjugentur; et qui flent, tristitiá præsentis mali, gaudeant spe futuri boni; et qui gaudent, propter temporale aliquod commodum, timeant æternum supplicium; et qui emunt, sic habendo possideant ut amando non hæreant ; et qui utuntur hoc mundo, transire se cogitent, non manere 2.

Si nous entrons comme il faut dans cet esprit de la foi, nous prendrons les choses comme en passant; et lorsque ceux qui nous sont chers s'en iront à Dieu devant nous, nous ne serons pas inconsolables comme si nous les avions perdus; mais nous travaillerons à nous rendre dignes de les rejoindre au lieu où ils nous attendent. De là vient que nous ne devons pas nous laisser abattre par une douleur sans remède, comme si nous n'avions plus aucune espérance; mais nous affliger seulement comme feroient des personnes proches, qui ayant long-temps voyagé ensemble, seroient contraints de se séparer; lesquels ayant donné quelques larmes à la tendresse naturelle, vont, continuant leur chemin, où leurs affaires les appellent, non sans quelque regret qui les accompagne toujours, mais qui est notablement allégé par l'espérance de se revoir. « C'est ainsi, dit saint Augustin3, qu'on permet

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⚫ à la tendresse des fidèles de s'attrister sur la mort de leurs amis, par le mouvement d'une douleur passagère. Que les sentiments de l'hu» manité leur fassent répandre des larmes momentanées, qui soient aussitôt réprimées par >> les consolations de la foi; laquelle nous per» suade que les chrétiens qui meurent, s'éloignent un peu de nous pour passer à une meil» leure vie » Permittuntur itaque pia corda charorum de suorum mortibus contristari dolore sanabili, et consolabiles lacrymas fundant conditione mortali; quas citò reprimat fidei gaudium, quá creduntur fideles, quando moriuntur, paululum à nobis abire, et ad meliora

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transire.

Mais si, dans les pertes que nous faisons, notre cœur est abattu et désolé, cela nous doit avertir de penser à nous car c'est par là que nous connoissons qu'une grande partie de nous-mêmes est appuyée sur la créature; puisque ce fondement lui ayant manqué, elle s'abat et tombe par terre; ou bien, demeurant comme suspendue, elle souffre beaucoup d'inquiétude, pour ne savoir plus où se reposer : ce q i nous doit faire recueillir nos forces, pour retirer et réunir au Créateur cette partie de nous-mêmes, qui se détachoit sans que nous nous en fussions aperçus: d'où, passant encore plus outre, nous devons apprendre à ouvrir les yeux pour reconnoître les autres liens également imperceptibles, par lesquels notre cœur, étant captivé dans l'amour des biens qu'il possède, ne se donne pas tout entier, et ne s'appuie qu'avec réserve sur celui en qui seul il doit espérer, s'il ne veut pas être confondu.

RÉFLEXIONS

SUR

n'est pas un mal de peu d'importance, qui doive être négligé, et dont le malade ait sujet de rire. Il n'y a point d'homme sage sur la terre, qui n'aimât mieux perdre tous ses biens, et la vie même, plutôt que de commettre un péché mortel. Les anges et les saints sont si sensibles à l'outrage que le péché fait à Dieu, que, malgré la charité dont ils sont remplis pour les hommes, le zèle de la justice, qui les dévore, les porte à demander vengeance contre les pécheurs impénitents. Saint Paul, transporté du même zèle, trouvoit qu'il lui seroit plus doux de mourir, et d'être anathème pour ses frères', que de voir régner dans leur cœur le péché qu'ils aimoient, qu'ils y souffroient sans se plaindre. Ce grand apôtre parloit sincèrement; parcequ'il connoissoit très bien les deux propriétés essentielles du péché de l'homme, qui sont d'être la vraie mort de l'ame immortelle, et la vraie cause de la mort d'un Dieu.

Vous qui employez les années à penser à d'autres choses qu'à votre salut et qu'aux affaires de l'éternité; ne refusez pas à votre conscience le temps, pour écouter ce qu'elle vous dira de la part de Dieu sur ce grand sujet. C'est alors que vous pourrez apprendre d'elle l'explication de ces paroles de saint Denis: que la lumière porte dans soi la connoissance de la nuit; qu'en se voyant et se connoissant elle connoît les ténèbres. Saint Denis veut dire que Dieu perise du péché de l'homme, ce que le soleil penseroit de la nuit, s'il pouvoit se voir, et se connoître lui-même.

Et en effet, quoiqu'il n'y ait rien de ténébreux dans le soleil; néanmoins si cet astre avoit de l'intelligence et des yeux vivants, comme il verroit mieux que personne que la lumière est la plus parfaite des beautés visibles, il verroit aussi mieux que la laideur, la plus effroyable des laideurs, et la plus ennemie des yeux, c'est la nuit. Quoiqu'il n'ait jamais été

LE TRISTE ÉTAT DES PÉCHEURS, avec elle, et que jamais il ne l'ait vue; il suffi

ET LES RESSOURCES QU'ILS ONT

DANS LA MISÉRICORDE DE DIEU.

C'est une coutume ordinaire aux hommes de s'appliquer sérieusement et assidument à des affaires très inutiles, et de ne se donner aucun soin pour celles qui leur sont de la dernière conséquence. Vous dépensez beaucoup, et vous prenez bien de la peine, pour vous délivrer des maux que votre corps souffre. Certes le péché

roit à cet astre d'être parfaitement lumineux, pour la connoître, et la mesurer parfaitement. Il est vrai qu'il ne se trouve en Dieu aucune tache, ni aucun péché; que tout y est parfaitement lumineux néanmoins c'est dans cette essence pure et impeccable qu'il voit, mieux que tous les hommes ne l'ont jamais vu dans leur substance pécheresse et corrompue, que le péché.

ce que

c'est

Je vous laisse ici avec vous-même, ame chrétienne levez les yeux; contemplez en silence ces vérités théologiques, que Dieu par sa pro

Rom. IX. 5.

pre sainteté connoît votre péché, qu'il le consi- | que la pensée vous vienne de faire comme le pédère, qu'il l'examine, et qu'il en sait toutes les cheur dont parle le prophète, et de vous infordimensions; que c'est par elle qu'il mesure ce mer s'il n'y a point quelque endroit au monde que vous êtes durant vos désordres; qu'autant où Dieu ne soit point, et où vous puissiez n'être qu'il voit d'infinité dans les beautés et les gran-point vu de lui, et n'être point persécuté par sa deurs de ses perfections divines, autant il en voit dans les laideurs, les bassesses et les opprobres de votre vie criminelle. Il mesure votre état au sien; et il trouve qu'il n'y a pas plus de hauteur ni de gloire dans les plus sublimes élévations de sa sagesse, et de son amour envers son Verbe, qu'il y a de néant où vous êtes tombée en vous éloignant de lui. Il voit les unes et les autres par la même vision.

Qu'est-ce ceci, grand Dieu, s'écrie le prophète tremblant d'horreur? Faut-il donc que ce soit dans un jour si éclatant que vous contempliez les disgraces et les hontes de notre vie misérable; et que, parmi les splendeurs du paradis, le siècle de notre ingratitude soit un spectacle de votre éternité? Voilà comme Dieu connoit ce qui se passe parmi nous; et voilà ce qu'il pense d'un seul et du moindre des péchés.

Mais combien en voit-il? Regardez-vous tandis que votre juge vous regarde. Voyez dans votre ame ce qu'il y voit, ce nombre innombrable de péchés invétérés, cet amas de corruption ancienne et nouvelle, toutes ces funestes dispositions que Dieu contemple dans vous; contemplez-les vous-même; ne vous cachez rien. Il connoît vos pensées; connoissez les siennes, et considérez ce qu'il médite. Au moins voyez ce qui est autour de vous, à l'heure que je vous parle sa justice qui vous environne, qui observe et qui écrit votre vie : sa miséricorde qui vous délaisse, et qui vous livre à la mort; l'une et l'autre, qui par des cris intérieurs vous reprochent ce que vous êtes aujourd'hui, et vous annoncent ce que vous serez demain, ou cette nuit, et peut-être dans une heure; inopinément, au milieu de vos plaisirs, mort, jugé, condamné en trois minutes ce grand changement sera fait. C'est Dieu qui vous parle; pesez ses paroles: méditez, et accordez à votre conscience la solitude où elle vous appelle; afin que vous réfléchissiez un peu sur ces grands objets, et que vous délibériez avec elle. Il est question de vous résoudre ou à périr, en demeurant, par un choix de désespoir, dans le déplorable état où vous êtes, ou bien à vous en retirer au plus tôt par la pénitence.

Peut-être que ni l'un ni l'autre ne vous plaît. Vous ne répondez que par des larmes, comme un malade désespéré, étendu sur son lit, et agité par la violence de son mal, qui ne peut s'exprimer que par des cris ou des soupirs. Il semble

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voix foudroyante. Vous sentez combien il est terrible d'être vu d'un Dieu, tandis qu'on est dans le péché, et qu'on ne fait aucun effort pour en sortir; combien il est malheureux d'être appelé à une nouvelle vie par des inspirations si fortes et si douces, tandis qu'une longue accoutumance nous tient attachés à la vie mondaine, et qu'une cruelle et invincible passion nous engage à aimer la créature. Grand Dieu! ditesvous, ayez pitié de moi. Je ne vous demande qu'une grace, qui est que vous me disiez ce que vous savez vous seul; en quel endroit du monde je pourrai m'enfuir pour me cacher à vos yeux, et pour ne plus entendre les menaces de votre justice, ni le bruit des poursuites et des invitations de votre amour.

Voilà certes une résolution bien étrange, de demander à Dieu même ce qu'il faut faire, et où il faut aller, pour s'enfuir de sa présence: mais c'est une merveille plus admirable, que ce grand Dieu ne refuse pas de répondre au pécheur et de l'instruire. La réponse qu'il lui donne, et que je vous adresse, ame chrétienne, c'est d'aller à l'endroit où habite la miséricorde, c'est-à-dire, sur le Calvaire; que là, pourvu que vous disiez sincèrement ce qui doit être dit à la miséricorde souveraine, et que vous la laissiez faire ce qu'il lui plaira dans votre cœur, vous y trouverez le repos et la sûreté que vous desirez.

Jusqu'à ce que les ombres se dissipent, et que le jour de la bienheureuse éternité paroisse, j'irai dans la solitude, sur la montagne de la myrrhe, et sur la colline de l'encens, pour contempler de là les vérités éternelles, et pour m'élever à Dieu par la pénitence et par l'oraison, comme l'encens monte au ciel en se détruisant lui-même, et en se consumant dans la flamme.

Ce n'est point ma voix, ame chrétienne, ni la voix de l'homme ; c'est quelque chose de plus puissant et de plus digne d'être écouté, qui vous appelle au Calvaire, et qui vous y attend, comme à l'endroit le plus propre pour apaiser les agitations de votre cœur, et pour vous établir en l'état heureux où vous aspirez. Dites-y d'abord ce que votre douleur vous inspirera. Continuez de vous y plaindre de la nécessité fatale où vous pensez être d'aimer partout votre péché, et partout d'être vu d'un Dieu, et persécuté par ses inspirations et par ses menaces. Levez ensuite les yeux, et contemplez celui qui paroît sur la croix. Vous verrez, dans son cœur ouvert,

une miséricorde qui voit à la vérité les pécheurs | brisant ce qu'il rencontre, terrassant ceux qui en quelque endroit qu'ils puissent être; mais l'arrêtent, et les foulant aux pieds, s'égare où qui ne les regarde que pour mesurer les graces il peut et où la fureur le conduit, à travers les qu'elle leur destine sur ses bontés, et les pro- précipices, cherchant partout son remède, et portionner à la grandeur de leurs fautes et des partout semblant demander où est la mort. Tel châtiments qu'ils ont mérités. Vous y verrez est l'état des pécheurs livrés aux cruels remords que ce Dieu, que vous fuyez, ne vous poursuit de leur conscience. que parcequ'il a dans ses mains ce que vous cherchez en le fuyant, le repos de votre ame; et ce que vous ne trouverez jamais, si cet incomparable bienfaiteur manque à vous atteindre, avant que la mort, qui vous poursuit elle-même, l'ait prévenu.

Remarquez que le dernier état, et le plus bas où l'homme puisse se trouver, est l'état du péché; et que l'éclat le plus haut et le plus divin où puisse être un Dieu, est celui de la grande miséricorde. Dieu et l'homme sont parvenus chacun à cette dernière extrémité, l'un de la hauteur, et l'autre de la bassesse, le jour de la passion; l'homme en répandant le sang du Sauveur crucifié, et Dieu le Père en recevant l'oblation de ce sang précieux. Voilà de quoi contempler, et vous arrêter un peu. Je n'ai pas de longs discours à vous faire, pour vous porter à entrer dans les sentiments que demande de vous ce grand spectacle. Il me suffit de vous dire, que s'il y a de grands péchés dans l'homme, il y a en Dieu une grande miséricorde.

Quelque terrible que soit l'extrémité où ils se trouvent réduits, qu'ils ne perdent pas confiance: car ils ont encore une ressource assurée dans la grande miséricorde de leur Dieu. La grande miséricorde, c'est celle qui contemple ce spectacle du pécheur épuisé par de vains efforts, avec des sentiments de compassion, et qui entreprend efficacement d'y remédier. Elle le fait lorsque rassemblant ce qu'il y a de plus fort et de plus doux dans sa grace victorieuse, elle en forme une lumière semblable à celle de l'aurore. C'est par cette lumière répandue sur le visage des pécheurs profondément endormis, qu'elle ouvre leurs yeux aveugles; et que, sans violence et sans douleur, brisant toutes les chaines de leur sommeil, elle les éveille et les éclaire, et leur fait voir inopinément dans un grand jour toutes les beautés de la vertu. Grande et adorable miséricorde, qui n'a point de bornes dans l'étendue de ses bienfaits; et qui ne voit aucun crime sur la terre qu'elle ne soit prête d'oublier, si le pécheur, après toutes ses impiétés, ses réLes grands péchés sont ceux qui se commet- voltes et ses désordres, entroit dans les sentitent contre les préceptes divins, et qui naissent ments d'une sincère pénitence, et soumettoit son dans le cœur de l'homme ingrat, après le bap-orgueil à faire l'aveu humble de toutes ses initême, au milieu des graces et des bienfaits de la rédemption; qui y renaissent après le pardon reçu, et après toutes les promesses de la pénitence; qui se multiplient par les rechutes, qui se fortifient par l'impunité, qui s'endurcissent par le châtiment. Voilà les différents degrés par lesquels le pécheur est conduit dans l'abîme le plus profond de l'iniquité. Alors insensible sur ses désordres, il parvient à étouffer les cris de sa conscience; il perd de vue les jugements de son Dieu, et bannit toutes les craintes qui pouvoient le retenir au commencement.

Mais si Dieu, pour troubler le funeste repos que goûte le pécheur, étend sur lui sa main, et lui fait voir l'horreur de sou état; bientôt cette fausse paix, dont il jouissoit, se dissipera; il ne pourra plus se souffrir lui-même; et continuellement pressé par les inquiétudes qui le dévoreront, il se répandra de tous côtés pour se délivrer de ces insupportables agitations de son cœur semblable à un cheval qui couvert d'une armée d'abeilles, et piqué jusqu'aux enirailles par leurs aiguillons, se met en fuite, portant avec soi ses ennemis et son mal; et qui

quités.

Chrétiens, qui lisez ces lignes, combien de péchés en votre vie, depuis le premier jour que vous avez commencé d'être pécheurs; et combien de bonté dans Dieu depuis ce moment! Quel jour s'est-il passé où cet aimable père des enfants prodigues ne vous ait attendus, où il ne vous ait été chercher pour vous tendre la main, et pour vous aider à sortir de cet état d'impénitence? Que n'a-t-il pas fait pour vous ramener des portes de la mort et de l'enfer, où vous a conduits votre vie licencieuse? De quelque côté que vous vous considériez, vous ne voyez en vous que de grands péchés et d'effroyables ingratitudes: mais aussi de quelque côté que vous examiniez la conduite que Dieu a tenue sur vous jusqu'à ce jour, vous ne découvrez en lui que d'ineffables miséricordes. Voudriez-vous ensuite exécuter la résolution que vous aviez prise de vous enfuir assez loin de Dieu pour ne plus entendre sa voix paternelle, et pour courir où le désespoir et l'aveuglement vous mèneront? Ne préférerez-vous pas plutôt de vous abandonner à cette miséricorde si pleine

de tendresse qui vous ouvre son sein, et vous invite avec tant d'amour à vous y réfugier?

Quoi! pécheur, vous hésitez? vous êtes incertain sur le choix que vous devez faire? Hélas! disoit saint Pierre, à qui irons-nous, Seigneur, vous avez les paroles de la vie éternelle? Ad quem ibimus, verba vitæ æternæ habes ? Divin Sauveur, la grace et la vie sont sur vos lèvres pour se répandre sur les hommes mon cœur soupire après l'une et l'autre. Je suis pécheur, et je suis mort. Je porte dans mon sein la mort et le péché, qui m'étouffent; il ne me reste qu'un moment de vie; et une éternité de peines m'attend, si je ne pense sérieusement à ma guérison. Où chercherai-je mon remède, si ce n'est auprès de celui qui peut seul me délivrer des maux que je souffre, et de ceux qui me menacent? Où irai-je, sinon à vous qui avez les paroles de la vie éternelle 2? Pesez ces paroles; et tâchez d'entendre ce qu'on vous répond du ciel.

Je n'ai rien à vous dire davantage, que ce que je viens de vous représenter: vous avez de grands péchés; vous avez par conséquent besoin d'une grande miséricorde. Allez au Calvaire; c'est l'unique endroit où elle se trouve, et l'unique endroit où vous la devez chercher. Il est vrai qu'on vous y accusera d'avoir répandu le sang du Sauveur, et d'être le parricide qui l'avez crucifié on vous y montrera sur le haut d'un arbre le plus énorme de tous les crimes; et c'est à vous qu'on l'attribue. Mais ne vous effrayez pas: ayez seulement soin, d'abord que vous entrerez et que vous verrez le Crucifié, de faire sortir la vérité de votre cœur et de votre bouche. Confessez que vous êtes le coupable contre qui le ciel et la terre crient vengeance: dites avec le prophète, et dans les mêmes dispositions: Je reconnois mon iniquité 3: Iniquitatem meam ego cognosco. Vous verrez aus

4 Jean. VI. C. - Ibid. - Ps. L. 3.

sitôt la miséricorde qui sortira du cœur de Dieu, pour venir à votre rencontre, pour vous embrasser, et joindre sur vos lèvres la grace avec la vérité, c'est-à-dire, la confiance du pardon à la sincérité de la douleur qui vous aura fait confesser votre injustice.

Parlez donc, et avouez votre crime; dites avec David Mon péché est toujours présent devant moi: Peccatum meum contra me est semper. Il est vrai, Seigneur, mon péché est grand; puisqu'il comprend la multitude infinie des péchés que j'ai commis. Je le vois imprimé sur votre croix qui me le reproche: mais votre miséricorde y est aussi gravée en caractères ineffaçables. C'est sur elle que vous devez régler les desseins de votre cœur envers moi; et c'est par elle qu'il faut que vous appreniez la réponse que vous devez donner à mes larmes. Je n'implore pas la miséricorde des anges et des saints, ni la miséricorde d'un Dieu glorieux dans le ciel. J'ai besoin de la grande et suprême miséricorde, que je ne trouve que dans un Dieu crucifié. Celui que j'ai fait mourir est le seul qui me doit ressusciter. O Dieu souffrant et mourant, le mal que je vous montre en moi n'est pas un mal passager ou indifférent; c'est la mort de l'ame, pour le temps et l'éternité. Ramassez la multitude de vos graces et des pardons que vous avez accordés aux pécheurs depuis le commencement du monde; ramassezles aujourd'hui pour moi seul. Vous trouverez en moi tous les pécheurs : il faut que je trouve en vous toutes les bontés, et tout l'amour qui les a convertis jusqu'à cette heure. Divin Sauveur, glorifiez votre puissance; et faites voir dans cette créature si criminelle, ce que c'est qu'un Dieu fait homme pour le salut des hommes, et ce que peut sa grace sur un cœur désespéré.

P.. L. 5.

FIN DES OPUSCULES.

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