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» veut dire cet Alleluia? Amen, Il est vrai;

» Alleluia, Louez Dieu. Dieu est la vérité, im

» eau, ou pour un fruit de telle espèce, et les » souhaitent si passionnément qu'ils s'imaginent muable, qui ne connoit ni défaut, ni progrès,» devoir jouir de l'objet de leur desir. La santé » ni déchet, ni accroissement, ni le moindre >> revient et ces appétits s'évanouissent. Le ma

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• attrait pour la fausseté éternelle et stable,» lade commence d'avoir du dégoût pour les » elle demeure toujours incorruptible. Ainsi » choses qui lui causoient un appétit si immo» nous dirons effectivement Amen, mais avec » déré, parceque ce n'étoit pas lui, mais la fiè» une satiété insatiable: avec satiété, parceque » vre, mais la maladie qui cherchoit ces choses. » nous serons dans une parfaite abondance; » Or comme il y a beaucoup de desirs de ma» mais avec une satiété toujours insatiable, si » lades que la santé dissipe, ainsi l'immortalité » l'on peut parler ainsi, parceque ce bien, tou- » enlève toutes les cupidités, parceque notre » jours satisfaisant, produira en nous un plaisir » santé consiste dans l'immortalité. L'espérance » toujours nouveau. Autant donc que vous se- »> nous allaite, nous nourrit, nous fortifie. » » rez insatiablement rassasié de la vérité, autant Les esprits inquiets n'entendent pas cette » direz-vous par cette insatiable vérité : Amen, joie : « Ce peuple inquiet qui veut toujours » Il est vrai. Reposez-vous et voyez ce sera un » ètre en mouvement et ne sait point se reposer » sabbat continuel. Et telle sera la vie des »> ne plait point au Seigneur : » Hæc dicit Do» saints, telle l'action de leur paisible inaction. minus populo qui dilexit movere pedes suos, » Là il y aura une grande stabilité, et l'immor- et non quievit, et Domino non placuit ': « Goû» talité même de notre corps sera attachée à la >>tez et voyez. Restez en repos et voyez : » Gus>> contemplation de notre Dieu. Ne craignez tate et videte. Vacate et videte 2. Ils ne connois» donc pas de ne pouvoir toujours louer celui sent point d'action sans agitation, et ne croient » que vous pourrez toujours aimer. pas s'exercer s'ils ne se tourmentent: Vacale et videte: « Restez en repos et voyez. » Action paisible et tranquille. Voulez-vous, mes Frères, que je vous en donne quelque idée? Souffrez que je vous fasse réfléchir encore une fois sur l'action qui vous occupe dans cette église.

Ꭰ Quand on dit que tout le reste nous sera » désormais soustrait, et que Dieu fera le sujet >> continuel de notre délectation, l'ame accou» tumée à se délecter dans la multiplicité des » objets, se trouve comme angoissée. Cette ame » charnelle, attachée à la chair, dont les ailes » engluées par ses mauvaises cupidités l'empê» chent de voler vers Dieu, se dit: De quoi » jouirai-je quand je ne mangerai, ne boirai, » ni ne vivrai plus avec ma femme? quel plai-pable de pénétrer. Je ne sais si cette parole a eu » sir me restera-t-il alors? C'est la maladie et » non la santé qui vous fait goûter ce plaisir » imaginaire. Les malades sont sujets à certai»nes envies: ils brûlent d'ardeur pour une telle

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Quando dicitur quod cætera subtrahuntur et solus Deus erit quo delectemur, quasi angustatur anima quæ consuevit multis delectari, et dicit sibi anima carnalis, carni addicta, visco malarum cupiditatum involutas pennas habens ne volet ad

Deum, dicit sibi: Quid mihi erit ubi non manducabo, ubi non bibam, ubi cum uxore non dormiam? quale gaudium mihi tunc erit? Hoc gandium tuum de ægritudine est, non de sanitate.... Sunt quædam ægrotantium desideria: ardent desiderio ant alicujus fontis, aut alicujus pomi, et sic ardent ut existiment quia.... frui debeant desideriis suis. Venit sanitas, et perit cupiditas : quod desiderabat, fastidit ; quia hoc in illo febris quærebat.... Cùm multa sint ægrotantium desideria quæ ista sanitas tollit.... sic omnia tollit immortalitas, quia sanitas uostra immortalitas est 1.

Spes lactat ros, nutrit nos, confirmat nos.

Bossuet avoit placé dans son manuscrit ces textes latins, dans l'ordre où nous les rangeons ici. C'étoient autant de matériaux qui devoient servir à compléter son discours: ils nous ont paru mériter d'être ici donnés de suite, pour mieux faire sentir le dessein de l'auteur, qui en avoit lui-même mis en françois quelques phrases, que nous avons eu soin de conserver dans notre traduction. Edit. de Déforis.

1 S. Aug. Serm. CCLN. n. 7, col. 1033 et 1034.

Vous m'écoutez, ou plutôt vous écoutez Dieu qui vous parle par ma bouche. Car je ne puis parler qu'aux oreilles; et c'est dans le cœur que vous êtes attentifs, où ma parole n'est pas ca

la grace de réveiller au dedans de vous cette attention secrète à la vérité qui vous parle au cœur je l'espère, je le conjecture. J'ai vu, ce me semble, vos yeux et vos regards attentifs; je vous ai vu arrêtés et suspendus, avides de la vérité et de la parole de vie. Vous a-t-elle délectés? vous a-t-elle fait oublier pour un temps les embarras des affaires, les soins empressés de votre maison, la recherche trop ardente des vains divertissements? Il me le semble, mes Frères, vous étiez doucement occupés de la suavité de la parole. Qu'avez-vous vu? qu'avez-vous goûté? quel plaisir secret a touché vos cœurs? Ce n'est point le son de ma voix qui a été capable de vous délecter. Foible instrument de l'esprit de Dieu. discours fade et insipide, éloquence sans force et sans agrément; c'est ce qu'on peut par soi-même. Ce qui vous a nourris, ce qui vous a plu, ce qui vous a délectés, c'est la vue de la vérité.

Ainsi Marie, sœur de Marthe, étoit attentive

Jerem. XIV. 10. Ps. XXXIII. 8, LV, 10.

aux pieds de Jésus et écoutoit sa parole. Ne vous étonnez pas de cette comparaison. Car encore que nous ne soyons que des hommes mortels et pécheurs, c'est cette même parole que nous vous prêchons. Ainsi elle s'occupoit du seul nécessaire, et prenoit pour soi la meilleure part qui ne pouvoit lui être ôtée. Qu'est-ce à dire qui ne peut lui être ôtée? Les troubles passent, les affaires passent, les plaisirs passent, la vérité demeure toujours et n'est jamais ôtée à l'ame qui s'y attache; elle la croit en cette vie, elle la voit en l'autre; en cette vie et en l'autre elle la goûte, elle en fait son plaisir et sa vie. Mais si cette vérité nous délecte quand elle nous est exprimée par des sons qui passent, combien nous ravira-t-elle quand elle nous parlera de sa propre voix éternellement permanente! Ombres, énigmes, imperfection [ici bas]. Quelle sera notre vie lorsque nous la verrons à découvert! Ici nous proférons plusieurs paroles, et nous ne pouvons égaler même la simplicité de nos idées : nous parlons beaucoup et disons peu. Combien donc sommes-nous éloignés de la grandeur de l'objet que nos idées représentent d'une manière si basse et si ravalée! Et toutefois cette expression telle qu'elle de la vérité [nous plaît]. Là une seule parole découvrira tout Semel locutus est Deus: « Dieu a parlé une fois, »> et il a tout dit. Il a parlé une fois, et en parlant il a engendré son Verbe, sa parole, son Fils en un mot. C'est en ce Verbe que nous verrons tout; c'est en cette parole que toute vérité sera ramassée. Et nous ne concevons pas une telle joie? Vacate et videte: «Restez en repos et » voyez; » sortez de l'empressement et du trouble, quittez les soins turbulents. Écoutez la vérité et la parole: Gustate et videte: Goûtez et voyez combien le Seigneur est doux, et vous concevrez ce ravissement, ce triomphe, cette joie infinie, intime, de la Jérusalem céleste.

Mais, mes Frères, pour parvenir à ce repos il ne nous faut donner aucun repos. Nul travail quand nous serons au lieu de repos; nul repos tant que nous serons au lieu de travail. Pour être chrétien, il faut sentir qu'on est voyageur; et celui-là ne le connoît pas qui ne court point sans relâche à sa bienheureuse patrie. Écoutez un beau mot de saint Augustin : Qui non gemit peregrinus, non gaudebit civis 2: « Celui qui »> ne gémit pas comme voyageur ne se réjouira » pas comme citoyen. » Il ne sera jamais habitant du ciel, parcequ'il séjourne trop volontiers sur la terre; et s'arrêtant où il faut marcher, il n'arrivera pas où il faut parvenir.

Ps. LXI. 11. "In Ps. CXLVIII, n. 4, tom. Iv, col. 1675.

Mes Frères, nous ne sommes pas encore parvenus, comme dit le saint apôtre'; notre consolation, c'est que nous sommes sur la voie. JésusChrist est la voie, la vérité et la vie 2. » C'est à lui qu'il faut tendre et c'est par lui qu'il faut avancer. Mais, mes Frères, dit saint Augustin, « cette voie veut des hommes qui marchent : » Via ista ambulantes quærit; c'est-à-dire des hommes qui ne se reposent jamais, qui ne cessent jamais d'avancer; en un mot des hommes généreux et infatigables: Via ista ambulantes quærit. Tria sunt genera hominum quæ odit, remanentem, retrò redeuntem, aberrantem 3 Écoutez: « Elle ne peut souffrir trois sortes » d'hommes: ceux qui s'égarent, ceux qui re» tournent, ceux qui s'arrêtent: » ceux qui se détournent, ceux qui s'égarent, ceux qui sortent entièrement de la voie; ceux qui suivent leurs passions insensées, et qui se précipitent aux péchés damnables.

Je n'entreprends pas de vous dire tous les égarements et tous les détours; mais je vous veux donner une marque pour reconnoître la voie, la marque de l'Évangile, celle que le Sauveur nous a enseignée. Marchez-vous dans une voie large, dans une voie spacieuse; y marchet-on à son aise, y marche-t-on avec la troupe et la multitude, avec le grand monde, etc.: ce n'est pas la voie de votre patrie. Vous n'êtes pas sur la voie, c'est la voie de perdition; le chemin de votre patrie est un sentier étroit et serré. Le train et l'équipage embarrassent dans cette voie, je veux dire l'abondance, la commodité. Les vastes desirs du monde ne trouvent pas de quoi s'y étendre. Les épines qui l'environnent se prennent à nos habits et nous arrêtent. Tous tantôt les jours il nous en coûte quelque chose, un desir, tantôt un autre; comme dans un chemin difficile le train diminue toujours: et tous les jours dans un sentier si serré, il faut laisser quelque partie de notre suite, c'est-à-dire quelqu'un de nos vices, quelqu'une de nos passions; tant qu'enfin nous demeurions seuls, nus et dépouillés, non seulement de nos biens, mais de nous-mêmes. C'est Jésus-Christ, c'est l'Évangile [qui nous le disent]. Qui de nous [refusera de le croire ]? Tous les jours plus à l'étroit......

Ceux qui retournent en arrière, ils sont sur la voie ; mais ils reculent plutôt que d'avancer. Entendons et pénétrons: vous avez embrassé la perfection, vous avez choisi la retraite, vous êtes consacré à Dieu d'une façon particulière, vous avez banni les pompes du monde,

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Vous

Serm. de Cantic.

vous avez appréhendé de plaire trop. Vous avez recherché les véritables ornements d'une femme chrétienne, c'est-à-dire la retenue et la modestie, retranchant les vanités et le superflu. La prière, la prédication, les saintes lectures ont fait votre exercice le plus ordinaire. Vous vous lassez dans cette vie : vous ne sortez pas de la voie, vous ne vous précipitez pas aux péchés damnables; mais vous faites néanmoins un pas en arrière. Vous prêtez de nouveau l'oreille aux dangereuses flatteries du monde ; vous rentrez dans ses joies, dans ses jeux, et dans son commerce; vous prodiguez le temps que vous ménagiez; vous ôtez à la piété ses meilleures heures. Si vous ne quittez pas votre modestie, vous voulez du moins qu'elle plaise, et vous ajoutez quelque chose à cette simplicité qui vous paroit trop sauvage. Ah! cette voix intérieure du Saint-Esprit qui vous poussoit dans le désert avec Jésus-Christ, c'est-à-dire à la solitude et à la vie retirée, vous la laissez étourdir par le bruit du monde, par son tumulte, par ses embarras : vous n'êtes pas propre au royaume de Dieu. « Celui-là n'y est pas propre, dit le Fils » de Dieu, qui ayant mis la main à la charrue >> regarde derrière '. » Il ne dit pas qui retourne, mais qui regarde en arrière. Ce ne sont pas seulement les pas, mais les regards mêmes qu'il veut retenir tant il demande d'attention, d'exactitude, de persévérance. Songez à la femme de Lot et au châtiment terrible que Dieu exerça sur elle 2, pour avoir seulement retourné les yeux du côté de la corruption qu'elle avoit quittée. Vous faites injure au Saint-Esprit et à la vocation divine, à cet esprit généreux qui ne sait point se relâcher ni se ralentir: vous ramollissez sa force, vous retardez sa divine et impétueuse ardeur; et par une juste punition il vous abandonnera à votre foiblesse. Vous aviez si bien commencé ! Vous vous repentez d'avoir bien fait vous faites pénitence de vos bonnes œuvres, pénitence qui réjouit non l'Église, mais le monde ; non les anges, mais les démons.

Mais il y en a encore d'autres : elle ne souffre pas même ceux qui s'arrêtent, ceux qui disent: J'en ai assez fait, je n'ai qu'à m'entretenir dans ma manière de vie : je ne veux pas aspirer à une plus haute perfection, je la laisse aux religieux: pour moi, je me contente de ce qui est absolument nécessaire pour le salut éternel. Nouvelle espèce de fuite et de retraite : car pour arriver à cette montagne, à cette sainte Sion, dont le chemin est si roide et si droit, si l'on ne s'efforce pour monter toujours, la pente nous emporte et

A Luc. 13. 62.-Gen XI. 26.

5.

notre propre poids nous précipite. Tellement que, dans la voie du salut, si l'on ne court, on retombe; si on languit, on meurt bientôt; si on ne fait tout, on ne fait rien: enfin marcher lentement, c'est rendre la chute infaillible.

Ne menez pas une vie moitié sainte et moitié profane, moitié chrétienne et moitié mondaine, ou plutôt toute mondaine et toute profane; parcequ'elle n'est qu'à demi chrétienne et à demi sainte. Que vois-je dans ce monde de ces vies mêlées! On fait profession de piété, et on aime encore les pompes du monde. On est des œuvres de charité, et on abandonne son cœur à l'ambition. « La loi est déchirée, et le juge»ment ne vient pas à sa perfection: » Lacerata est lex, et non pervenit ad finem judicium '. La loi est déchirée, l'Évangile, le christianisme n'est en nos mœurs qu'à demi; et nous cousons à cette pourpre royale un vieux lambeau de mondanité. Nous réformons quelque chose dans notre vie; nous condamnons le monde dans une partie de sa cause; et il devoit la perdre en tout point, parcequ'il n'y en a jamais eu de plus déplorée. Ce peu que nous lui laissons marque la pente du cœur.

Écoutez donc l'Évangile : Contendite2. « Ef» forcez-vous. » En quelque état [que vous soyez], «faites effort, » contendite. Si pour avancer à la perfection, combien plus pour sortir du crime? Marchez par la voie des saints: ils ne sont pas tous au même degré; mais tous ont pratiqué] le même Évangile. « Il y a plu» sieurs demeures dans la maison de mon » Père 3, » mais il n'y a qu'une même voie pour y parvenir, qui est la voie de la croix, c'est-àdire la voie de la pénitence. Si cependant Dieu vous frappe, etc., ne vous laissez pas abattre. « Ne craignez pas, petit troupeau : » Nolite timere, pusillus grex *. Il vous corrige, il vous châtie; ce n'est pas là ce qu'il faut craindre: Ne timeas flagellari, sed exhæredari. « Ne » craignez pas que votre Père vous châtie: crai» gnez qu'il ne vous déshérite. » En perdant votre héritage, vous perdrez tout; car vous le perdrez lui-même. Et ne vous plaignez pas qu'i vous refuse tant de biens qu'il accorde aux autres. Si vous voulez qu'il vous exauce toujours, ne lui demandez rien de médiocre, rien moins que lui-même, « rien de petit au grand : » A magno parva: son trône, sa gloire, sa vérité, etc.

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FRAGMENT

éternellement immuables dans le bien que vous aurez choisi? Ce sera lorsque la mort sera venue confirmer et ratifier pour jamais le choix

D'UN DISCOURS SUR LE MÈME SUJET, que vous avez fait sur la terre de cette meil

Où, à l'occasion de la solennité des bienheureux, il est parle des fidèles qui achèvent de se purifier dans le purgatoire. Comment leur sainteté est-elle confirmée ?

Puisque l'Église unit de si près la solennité des bienheureux qui jouissent de Dieu dans le ciel, et la mémoire des fidèles qui, étant morts en notre Seigneur sans avoir encore obtenu la parfaite rémission de leurs fautes, en achèvent le paiement dans le purgatoire; je ne les séparerai pas par ce discours, et je vous représenterai en peu de paroles quel est l'état où ils se trouvent. Je l'ai déja dit en deux mots, lorsque je vous ai prêché que leur sainteté étoit confirmée, quoique non consommée encore. Mais encore que ces deux paroles vous décrivent parfaitement l'état des ames dans le purgatoire, peut-être ne le comprendriez-vous pas assez, si je en vous en proposois une plus ample explication. Disons donc, messieurs, avant toutes choses ce que veut dire cette sainteté que nous appelons confirmée et afin de l'entendre sans peine, posez pour fondement cette vérité, qu'il y a une différence notable entre la mort considérée selon la nature, et la mort considérée et envisagée selon les connoissances que la foi nous donne. La mort considérée selon la nature, c'est la destruction totale et dernière de tout ce qui s'est passé dans la vie : In illá die peribunt omnes cogitationes eorum «En ce jour-là >> toutes leurs pensées périront. » [Le Psalmiste] regardoit la mort selon la nature; mais si nous la considérons d'une autre manière, c'est-à-dire selon les lumières dont la foi éclaire nos entendements, nous trouverons, chrétiens, que la mort, au lieu d'ètre la destruction de ce qui s'est passé dans la vie, en est plutôt la confirmation et la ratification dernière. C'est pourquoi le Sauveur * a dit: Ubi ceciderit arbor, ibi erit 2: « Où l'arbre sera tombé, il y demeurera pour » toujours. » C'est-à-dire tant que l'homme est en cette vie, la malice la plus obstinée peut être changée par la pénitence, la sainteté la plus pure peut être abattue par la convoitise. Gémissez, fidèles serviteurs de Dieu, de vous voir en ce lieu de tentations, où votre persévérance est toujours douteuse, à cause des combats continuels où elle est exposée à tous moments.

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leure part qui ne vous sera plus ôtée: grand
privilége de la mort qui nous affermit dans le
bien, et qui nous y rend immuables. Que si vous
voulez savoir, chrétiens, d'où lui vient cette
belle prérogative, je vous le dirai en un mot
par une excellente doctrine de la divine Épître
aux Hébreux. Saint Paul nous y enseigne, mes
Frères, que la nouvelle alliance que Jésus-Christ
a contractée avec nous, n'a été confirmée et ra-
tifiée que par sa mort à la croix '. Et cela pour
quelle raison? C'est à cause, dit ce grand apô-
tre, que cette mort est un testament: Novum
testamentum 2. Or nous savons par expérience
que le testament n'a de force qu'après la mort
du testateur: mais quand il a rendu l'esprit,
aussi le testament est invariable: on n'y peut
ni ôter ni diminuer: Nemo detrahit* aut su-
perordinat3. Et c'est pour cela, chrétiens, que
notre Sauveur nous apprend lui-même qu'il
scelle son testament par son sang: Novum tes-
tamentum in meo sanguine". Jésus-Christ fait
son testament; il nous laisse le ciel pour notre
héritage, il nous laisse la grace et la rémission des
péchés; bien plus, il se donne lui-même. Voilà
un présent merveilleux. Mais il meurt sans le
révoquer: au contraire il le confirme encore en
mourant. Cette donation est invariable, et éter-
nellement ratifiée par la mort de ce divin testa-
teur. Reconnoissez donc, chrétiens, que la mort
de notre Seigneur est une bienheureuse ratifi-
cation de ce qu'il lui a plu de faire pour nous:
mais il veut aussi en échange que notre mort
ratifie et confirme ce que nous avons fait pour
lui. Il a confirmé par sa mort le testament par
lequel il se donne à nous; il ne s'y peut plus
rien changer; et il demande aussi, chrétiens,
que nous confirmions par la nôtre le testament
par lequel nous nous sommes donnés à lui. Ce
qui se pouvoit changer avant notre mort,
vient éternel et irrévocable aussitôt que nous
avons expiré dans les sentiments de la foi et de
la charité chrétienne. C'est pourquoi, ô morts
bienheureux, qui êtes morts en notre Seigneur,
dans la participation de ses sacrements, dans sa
grace, dans sa paix et dans son amour, j'ai dit
que votre sainteté étoit confirmée. Votre mort
a tout confirmé; et en vous tirant du lieu de
tentations, elle vous a affermis en Dieu pour

de

Mais quand est-ce que vous serez fermes et l'éternité tout entière. Mais pourquoi donc di

Ps. CXLV. 3.

'C'est l'Ecclésiaste qui dit ce que Bossuet attribue au San

veur. Edit, de Déforis.

Eccles. XI. 3.

Hebr. IX. 45, 16. 17.-2 I. Cor. x1. 25.

Bossuet suit ici la leçon du grec. Edit. de Déforis.

3 Galat. III. 15.- Luc. XXII. 20.

sons-nous que leur sainteté si bien confirmée,» n'a pas fait la mort', mais qu'elle est entrée n'est pas encore consommée? Cela dépend d'une » dans le monde par l'envie du diable » et par autre doctrine qu'il faut encore que je vous le péché de l'homme. Mais l'homme en consenexplique, pour vous renvoyer bien instruits de tant au péché, s'est assujetti à la mort; ainsi, la foi de la sainte Église touchant le purga- contre l'intention du Créateur, l'homme qui étoit sorti immortel de ses saintes et divines mains, est devenu mortel et caduc par la malice du diable.

toire.

SERMON

POUR LE JOUR DES MORTS*.

SUR LA RÉSURRECTION DERNIÈRE.

Deux sortes de mort, deux sortes de résurrection: celle de l'ame doit précéder celle du corps. Comment l'une et l'autre s'opèrent.

Novissima inimica destruetur mors.

Le dernier ennemi qui sera détruit sera la mort. 1. Cor. XV. 26.

Quand l'ordre des siècles sera révolu, les mystères de Dieu consommés, ses promesses accomplies, son Évangile annoncé par toute la terre; quand le nombre de nos frères sera rempli, c'est-à-dire quand la sainte société des élus sera complète, le corps mystique du Fils de Dieu composé de tous ses membres, et les célestes légions, où la désertion des anges rebelles a fait vaquer tant de places, entièrement rétablies par cette nouvelle recrue; alors il sera temps, chrétiens, de détruire tout-à-fait la mort, et de la reléguer pour toujours aux enfers d'où elle est sortie: Et infernus et mors missi sunt in stagnum ignis1: «Alors l'enfer et la mort furent » jetés dans l'étang de feu; » comme il est écrit dans l'Apocalypse**. Il est écrit que « Dieu

* On ne voit pas précisément pour quel jour l'auteur avoit destiné ce sermon ; il nous a paru qu'il n'y en avoit pas auquel il pût mieux convenir qu'à celui des Morts, d'autant plus que nous n'en avons point trouvé de direct pour leur commémoration. Édit. de Déforis.

Apoc. xx. 14.

** Maintenant tout semble être sourd à la voix de Dieux, puisque les hommes même y sont insensibles, auxquels toutefois il a donné, et des oreilles pour écouter sa parole, et un cœur pour s'y soumettre; et alors toute la nature sera animée pour l'entendre......

Si j'annonçois à des infidèles cet Evangile de vie et de résurrection éternelle, je m'efforcerois, chrétiens, de détruire les raisonnements qu'oppose ici la sagesse humaine à la puissance de Dieu et à la gloire de notre nature si puissamment réparée. Mais, puisque je parle à des chrétiens, à qui cette doctrine céleste n'est pas moins fa

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milière ni moins naturelle que le lait qu'ils ont sucé dès leur enfance, je n'ai pas dessein de m'étendre à vous prouver par un long discours la réalité de ces trois présents, mais seulement de vous préparer à les recevoir en ce dernier jour de la justice de Dieu, et de sa main libérale.

J'ai déja dit, chrétiens, que c'est l'ame qu'il faut préparer, comme la partie principale pour recevoir en nos corps ces dons précieux. J'ai dit et j'ai promis de vous reusement renfermées dans celles de la pénitence. Que faire voir que ces saintes préparations sont toutes heuvous demande-t-on dans la pénitence? que vous vous re tiriez de tous vos péchés, que vous preniez des précautions pour ne tomber plus, que vous vengiez sur vouschute. Ainsi la volonté de vivre à la grace, acquerra à mêmes par une satisfaction convenable, la honte de votre vos corps une vive nouvelle : les sages précautions pour n'y plus mourir, assureront à vos corps l'immortalité : le zèle de satisfaire un Dieu irrité par les saintes humi liations de la pénitence, méritera d'être revêtu d'une gloire toute divine. Deux paroles du Fils de Dieu adressées aux morts.... la première, aux pécheurs, pour les appeler à la pénitence: la seconde, aux morts ensevelis, pour les rappeler à la vie : la première, disposition à rendre la seconde salutaire. Il faut commencer par l'ame, pour préparer le corps à la vie. Pour joindre ces deux choses, et la pénitence dont voici le temps, et la résurrection des morts, qui, par l'ancienne institution de cette paroisse, doit être prêchée aujourd'hui dans cette chaire... O Jésus, vous vous êtes réservé à vous-même de prononcer la parole qui appellera les morts à la résurrection générale; mais vous voulez que les autres morts, que vous voulez vivifier par leur conversion, soient appelés à cette vie par vos ministres. Donnez moi donc votre parole par la grace de votre Esprit saint et l'intercession

Ce qu'on vient de lire est l'extrait d'un autre exorde fait sur ce texte: Venit hora in quả omnes qui sunt in monumentis audient vocem Filii Dei, etc. Joan. v. 28. Bossuet l'avoit composé pour adapter ce sermon à un autre jour et à un autre lieu comme il s'y trouvoit plusieurs choses entièrement conformes au premier exorde, nous nous sommes bornés à en extraire ce qu'il y avoit de différent, pour le donner ici en note. Edit. de Déforis.

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