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influence pour qualifier juste ou injuste un acte quelconque qui eût précédé sa publication. Mais les lois d'organisation, de compétence, de procédure et de notariat n'ayant d'autre objet que de procurer des moyens de garantir des droits à l'égard desquels le juge ne prononce qu'en vertu des dispositions de la loi sous l'empire de laquelle ils ont été. acquis (avis du conseil d'état du 5 fructidor an 9), on n'a point à craindre les injustices de la rétroactivité (a).

Ce serait surtout en matière criminelle que ces injustices seraient funestes: aussi l'article 4 du Code pénal dispose en termes exprès que «< nulle con<< travention, nul délit, nul crime, ne peuvent être << punis de peines qui n'étaient pas prononcées par << la loi avant qu'ils fussent commis. >>

Cependant la justice et l'humanité veulent que les lois répressives rétroagissent en faveur de l'accusé, principe formellement consacré par l'article 6 du décret du 23 juillet 1810 déjà cité, qui est ainsi conçu :

« Les cours et tribunaux appliqueront aux cri<< mes et aux délits les peines prononcées par les <«<lois pénales existantes au moment où ils ont été

(a) L'arrêté du gouvernement du 5 fructidor an 9 porte: « Tout ce qui << touche à l'instruction des affaires, tant qu'elles ne sont pas terminées, « se règle d'après les formes nouvelles, sans blesser le principe de non-ré«troactivité, que l'on n'a jamais appliqué qu'au fond du droit ».

La même pensée était exprimée par la loi romaine : « Hoc obtinente non solum in futuris negotiis, sed etiam in judiciis pendentibus. » (L. 21, in fine; Cod., lib. 1, tit. 2, de sacrosanctis ecclesiis.)

«< commis: néanmoins, si la nature de la peine pro<< noncée par le nouveau Code pénal était moins << forte que celle prononcée par le Code actuel, les <«< cours et tribunaux appliqueront les peines du «< nouveau Code (a).

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Le motif de cette exception au principe général de la non-rétroactivité est que, la loi nouvelle n'ayant prononcé des peines plus graves qu'afin de prévenir plus sûrement une infraction, cette loi ne peut influer sur l'infraction déjà commise (b).

TROISIÈME PROPOSITION.

La loi abrogée, soit formellement, c'est-à-dire par une disposition expresse, soit tacitement, pàr le non usage (c) ou par l'inconciliabilité de ses dispositions avec celles d'une loi postérieure, est con-sidérée, pour l'avenir, comme si elle n'avait jamais existé. Il en est de même dans le cas où une loi rendue sur une branche de législation ne main

(a) Quod potissimum fit, si favorabilia legibus novis constituantur... favoribus scilicet ampliandis. (VOET, ad Pandectas, de legibus, n. 17.)

(b) Cependant, quelquefois la loi embrasse le passé comme l'avenir, particulièrement lorsqu'elle énonce formellement cette intention: « Nisi nominatim et de præterito tempore, et adhuc pendentibus negotiis, cautum sit, dit la loi 7, Cod., de legibus; ou encore lorsque la loi a pour but de confirmer quelque ancienne loi dont l'usage aurait été abusivement altéré : « At hujusmodi leges confirmatoriæ, ad pacem et stabilimentum eorum quæ transacta sunt, spectant.» (Bacon, Aphoris, 49.)

(c) L'abrogation tacite par le non usage ne se présume pas; aussi ne doitelle être admise 'que très difficilement : elle résulte spécialement de la cessation de l'ordre de choses pour lequel la loi avait été établie, selon cet axiome, cessante ratione legis, cessat lex ipsa.

tient pas les dispositions de l'ancienne loi sur lesquelles elle n'eût pas statué. Ainsi l'abrogation prononcée par l'article 1041 du Code de procédure civile est expresse et absolue, tandis que celle qui est exprimée dans l'article 7 de la loi du 3o ventose an 12 à l'égard des matières réglées par le Code civil, et dans l'art. 484 du Code pénal, ne s'applique qu'aux objets sur lesquels les deux Codes contiennent des dispositions (a).

De cette abrogation générale et absolue des anciennes lois de la procédure civile on ne doit pas tirer la conséquence qu'on ne puisse y recourir sous aucun rapport. Souvent au contraire il devient indispensable de les consulter pour éclaircir un texte obscur des nouvelles dispositions, ou pour résoudre telle autre difficulté que présenterait son application.

Tel est le sens de cette règle du droit romain,

(a) Je crois devoir mettre en regard les textes des trois dispositions citées, pour mieux faire saisir l'exemple donné par le professeur.

Art. 1041 du Code de procédure civile. « Le présent Code sera exécuté « à dater du 1er janvier 1807: en conséquence tous procès qui seront in<< tentés depuis cette époque seront instruits conformément à ses disposi«<tions; toutes lois, coutumes, usages et réglemens relatifs à la procédure «< civile seront abrogés. ›

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Art. 7 de la loi du 30 ventose an 12. « A compter du jour où ces lois (celles dont la réunion compose le Code civil) sont exécutoires, les lois romaines, les ordonnances, les coutumes générales ou locales, les statuts, << les réglemens cessent d'avoir force de loi générale ou particulière dans les « matières qui sont l'objet desdites lois composant le présent Code. »

"

«

Art. 484 du Code pénal. << Dans toutes les matières qui n'ont pas été réglées par le présent Code, et qui sont régies par des lois et réglemens particuliers, les cours et tribunaux continueront de les observer. »

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ff., loi 26, de legib. : Posteriores leges ad priores trahuntur, nisi contrariæ sint.

Ainsi donc, tout ce qui résulte de l'abrogation des lois dont il s'agit, c'est que les tribunaux ne sont pas obligés de les appliquer, et que par conséquent les parties ne peuvent fonder sur la contravention à leurs dispositions, soit un appel, soit un pourvoi en cassation.

Il est à remarquer en outre, que cette abrogation ne s'applique qu'aux lois et réglemens généraux qui étaient en vigueur dans les différentes contrées de la France, et non pas aux dispositions spéciales relatives à certaines matières sur lesquelles le Code de procédure n'en présente aucune. C'est ainsi qu'un arrêté du conseil d'état, du 1o juin 1807, a déclaré que ces lois et réglemens spéciaux ont continué de subsister comme lois de l'état et indépendamment des dispositions de ce Code (a).

QUATRIÈME PROPOSITION.

De ce qui précède nous tirons cette maxime, posée d'ailleurs en termes exprès dans la loi 80, ff., de reg. juris: les lois spéciales, c'est-à-dire particulières à une matière, doivent être appliquées de

α

(a) Quoique cet avis du conseil d'état soit relatif à la forme de procéder dans les affaires concernant la régie de l'enregistrement, il est néanmoins conçu en termes généraux. Il porte en résumé que « l'art. 1041 du Code de procédure civile n'a eu pour objet que de déclarer qu'il n'y aurait désor«< mais qu'une seule loi commune pour la procédure, et que l'on n'a en• tendu porter aucune atteinte aux lois de procéder, soit dans les affaires « de la régie de l'enregistrement, soit en toute autre matière pour laquelle «< il aurait été fait, par une loi spéciale, exception aux lois générales.

préférence à une loi générale, méme postérieure, lorsque celle-ci n'y a pas formellement dérogé (a).

De ce principe, qui n'est pas applicable aux lois de l'organisation judiciaire, il résulte: 1o, par rapport à celles qui règlent la compétence, que l'on doit toujours la considérer comme déterminée pour chaque tribunal par la loi qui lui attribue la connaissance d'une affaire que la loi générale n'a pas placée dans ses attributions (b);

2o Par rapport aux lois de la procédure civile ou criminelle, que toutes les fois que la loi particulière a posé des règles propres à certaines matières, il n'y a pas lieu de recourir aux dispositions des Codes de procédure civile ou d'instruction criminelle qui forment la loi générale. Par exemple, celles que le premier de ces Codes contient sur les arbitrages en matière ordinaire ne peuvent pas toujours être invoquées dans les arbitrages forcés en matière commerciale, parce que le Code de commerce renferme à leur égard des dispositions spéciales (c);

(a) In toto jure generi per speciem derogatur, et illud potissimum habetur quod ad speciem directum est. (L. 80, ff., de regulis juris.)

Le motif de cette proposition se tire de la volonté présumée de celui qui a rendu la loi nouvelle, qui, s'il avait voulu dérogér à la loi spéciale antérieure, l'aurait formellement exprimé soit par une disposition explicite, soit par une disposition évidemment contraire à la loi antérieure.

(b) Ainsi, d'après la loi générale, les cours d'assises ne sont appelées à prononcer que sur des faits qualifiés crimes (art. 231 du Code d'instruction criminelle); mais la loi spéciale du 8 octobre 1830 leur a donné la connaissance des délits politiques et de presse.

(c) On peut encore citer les matières qui font l'objet de l'avis du con-seil-d'état du 1er juin 1807, déjà cité, pag. 20.

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