sitoires et de mandats d'amener qu'il y aurait d'arrondissemens où son ouvrage aurait circulé. Au milieu de ce conflit de poursuites incalculables, on ne retrouverait plus le principe conservateur de l'unité de la compétence; on chercherait même en vain un motif quelconque pour concentrer les poursuites dans tel Tribunal plutôt que dans tel autre, puisque tous auraient les mêmes droits de juger le délit. Une compétence arbitraire, et susceptible de se multiplier à l'infini, serait donc mise à la place de la compétence légale, qu'aucun magistrat ne peut s'attribuer de son chef. C'est l'anarchie la plus complète introduite au sein même de l'administration de la justice! Et quel sera le terme de ce. désordre, si le Juge Instructeur ou le Procureur du Roi de chaque arrondissement peut à son gré saisir son Tribunal de la poursuite du délit de calomnie; si la partie civile peut saisir tel Tribunal qu'il lui plaira de choisir? La raison seule repoussait un pareil systême; la loi l'a proscrit. La loi, en punissant dans un auteur une publication dangereuse, ne s'attache point au plus ou moins de publicité de l'ouvrage, pour multiplier le délit. Elle ne veut punir qu'un fait unique, qui s'est accompli là où la communication a commencé de s'établir entre le public et l'auteur. La loi connaît la récidive, elle ne connaît pas la réperpé tration des délits. Ainsi, dans le vrai sens de la loi, la calomnie verbale ou écrite s'est consommée là où le calomniateur a parlé, là où il a montré publiquement son écrit. Son délit ne se multiplie pas dans les cent lieux où cent autres bouches auront redit la calomnie, où cent autres mains auront fait circuler l'écrit. L'incendiaire a commis son crime là où il a porté sa torche. Le destructeur d'ane digue, là où il aura fait la rupture. Et le crime que punissent les lois ne s'est pas reproduit partout où les flammes se sont étendues, partout où les eaux se sont précipitées. Et pourtant, ces terribles effets ont leur terme, tandis que la propagation des idées n'a point de bornes. La calomnie se reproduirait donc éternellement; il y aurait donc des délits perpétuels et imprescriptibles! Mais la loi n'en reconnaît point. La prescription commence du jour du délit, et ce jour ne peut renaître sans cesse ! Si donc la première publication a été faite à Paris, par exemple, c'est à Paris que le délit s'est achevé. Dès ce moment, la prescription a couru. Donc, dès ce moment, le Tribunal de Paris est devenu le seul Tribunal compétent. Et si c'est à Paris, en effet, que l'ouvrage a été composé, qu'il a été imprimé, que le dépôt des cinq exemplaires a été fait; qu'il a été publié avec noms d'auteurs et d'imprimeurs, et après l'accomplissement des formalités prescrites par la loi, et qu'enfin il a été livré à la circulation, où donc pourrait-on chercher ailleurs le juge DU LIEU du délit ? La vente et la distribution ultérieuses sont des circonstances d'autant plus indifférentes, que les auteurs ne s'occupent presque jamais de ces détails. Cette vente, cette distribution doivent être r gardées comme la suite et la conséquence d'un délit déjà commis; mais elles ne peuvent attribuer à qui que ce soit une compétence déjà dévolue par la loi au Tribunal du lieu de la publication. Inutile de faire observer qu'il ne s'agit pas, comme sous l'empire de l'ancienne législation, de faire le procès au libelle souvent anonyme que l'on pouvait saisir et condamner, à l'instant même, dans plusieurs lieux à la fois; alors c'était le procès du livre et non celui de l'homme; mais aujour d'hui que pour condamner il faut un prévenu à punir, l'application des vieilles maximes sur la compétence en matière de libelles, ne serait plus qu'une monstruosité, et quand on consentirait à ne poursuivre qu'une seule fois pour un seul livre, on n'en donnerait pas moins à l'accusateur le droit de choisir ses juges, et les mandats pourraient toujours se croiser à l'infini sur le même prévenu. Ces étranges et inévitables conséquences auraient seules entraîné l'opinion du conseil, si les considérations premières, qu'il a tirées des plus simples notions du droit, ne l'eussent déjà convaincu qu'un délit unique, qu'il faut bien circonscrire par le tems et par le lieu, puisque c'est un fait accompli et individuel, ne peut avoir été commis par la même personne qu'une seule fois et en un seul lieu. Ce serait donc une erreur grave de dénaturer ainsi, en la multipliant, une compétence dont l'unité établie par la loi, est un bienfait garanti par la Charte. Délibéré à Rennes, le 29 mai 1818. Signé, VALTER, TOULLIER, MALHERBE, FÉNIGAN, JUMELAIS, CARRÉ, L. M. CHATPONT, GAILLARD DE KERBERTIN MÉRILHOU. Les avocats soussignés qui ont examiné la question proposée, et qui ont pris connaissance de la Consultation cidessus, déclarent y adhérer complètement en en adopter les résolutions. Rennes, le 29 mai 1818 LOFIN LALAIBE, TIENGOU TRÉFÉRIOU, KOBIN père, RESNAYS, RÉBILLARD, BELLAMY, MOREL, ROBIN fils, RICHELOT fils, FENIGAN fils. |