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La France et ses alliés remirent, le 28 mars 1761, à la cour de Londres, ainsi qu'au roi de Prusse, une déclaration par laquelle elles leur proposèrent un congrès à Augsbourg, pour la pacification générale. Mais la crainte des lenteurs, inséparables de ces sortes de négociations, fit, depuis, préférer à la cour de France une voie plus simple. Comme la guerre qu'elle faisait à l'Angleterre, pour les limites des possessions des deux souverains en Amérique, n'avait absolument rien de commun, outre la simultanéité du temps, avec la guerre que les puissances alliées du continent soutenaient avec le roi de Prusse, elle obtint le consentement de ses alliés pour négocier une paix séparée avec l'Angleterre. Le duc de Choiseul écrivit au ministre Pitt pour lui proposer une double négociation, l'une, entre la France et la Grande-Bretagne, seule; l'autre, entre toutes les puissances, générale. Cette proposition fut acceptée, et Augsbourg désigné comme lieu où s'assemblerait le congrès général.

Les ambassadeurs de toutes les puissances devaient se rendre à Augsbourg dans les premiers jours de juillet. Le roi de France nomma M. de Bussy, commis des affaires étrangères, pour se rendre à la cour de Londres, et le roi d'Angleterre, M. Stanley, pour aller en France; mais, de part et d'autre, on n'était pas disposé à faire la paix de cette manière, et toute cette négociation fut plutôt simulée que sérieuse. La France ne voulait probablement que trouver un moyen de faire connaître à l'Angleterre les conditions uxquelles l'Espagne consentirait à arranger amiable

ment ses différends, bien sûre que le cabinet de Londres les rejetterait, et que, dans ce cas, Charles III, qui ne s'était pas encore déclaré, romprait avec la cour de Londres. Pitt voulait la guerre, parce qu'elle avait pris une tournure malheureuse pour la France, et qu'il prétendait que cette puissance n'était pas encore assez abaissée. Il fit au gouvernement français des propositions de paix révoltantes, et refusa absolument sa médiation ou intercession pour un arrangement avec l'Espagne. Sur ces entrefaites, le pacte de famille fut conclu, et les deux ministres furent rappelés le 21 septembre 1761. Le roi de Prusse, de son côté, avait aussi élevé des difficultés ; il refusait d'admettre au congrès un ministre impérial, déclarant qu'il était en guerre avec la reine d'Hongrie, et non avec le chef de l'Empire. Il désirait d'ailleurs faire une paix séparée avec la France, avant d'entrer en négociation avec l'Autriche. Toutes ces circonstances empêchèrent la réunion du congrès d'Augsbourg.

Le principal obstacle qui empêchait la conclusion de la paix entre la Prusse et ses adversaires, était cette supériorité de forces qui donnait aux derniers l'espoir d'écraser Frédéric II. Cet obstacle fut écarté par la défection de la Russie et de la Suède. La cour de Vienne renonça dès-lors à l'espérance de recouvrer la Silésie, et montra des dispositions plus pacifiques. L'Angleterre pouvait abandonner le roi de Prusse à ses propres forces, et rien n'empêchait plus la paix particulière entre elle et la France. Le comte de Bute, qui, depuis le 6 mai 1762, était à la tête du ministère,

voulait donner la paix à la nation. Non-seulement le traité de subsides avec la Prusse ne fut pas renouvelé pour 1762, sous prétexte que Frédéric II n'en avait plus besoin, à cause de la mort de l'impératrice de Russie, tandis que l'Angleterre se voyait dans la nécessité de soutenir le roi de Portugal, mais on a même accusé le ministre de George III d'avoir voulu sacrifier ce monarque; il en fit, dit-on, la proposition à la cour de Vienne; le comte de Kaunitz, prenant ses offres pour un piège qui tendait à le brouiller avec la cour de Versailles, les rejeta avec d'autant plus de dédain, qu'à cette époque, l'état des affaires de l'Autriche était si brillant que tout lui présageait la conquête de la Silésie et l'accomplissement de tous ses projets. La persuasion de Marie-Thérèse était si forte, et sa sécurité si entière, que, croyant n'avoir plus besoin de la totalité de ses forces, elle réforma 20,000 hommes, peu de temps avant la mort de l'impératrice Élisabeth, qui changea tous les rapports. Quoi qu'il en soit, dans ces dispositions du gouvernement anglais, et avec le besoin de la paix qu'éprouvait la France, les négociations furent entamées, en 1762, par suite d'une proposition que le gouvernement anglais fit à la France, par l'organe du roi de Sardaigne. Les deux cours de Londres et de Versailles s'envoyèrent

COXE (Hist. of the house of Austria) et ADOLPHUS (Histor. George III) justifient lord Bute de cette perfidie dont le roi de Prusse l'accuse: ils prétendent que celui-ci a mal entendu une simple proposition d'accommodement, et ils se réfèrent à la correspondance de M. Keith qui était envoyé à Pétersbourg.

Préliminaires

de Fontaine

vembre 1764.

réciproquement des ministres : le duc de Nivernais alla en septembre à Londres, accompagné du fameux chevalier d'Eon, en qualité de secrétaire d'ambassade; Jean Russel, duc de Bedford, arriva en France. Quoique le duc de Choiseul eût cédé le porte-feuille des af faires étrangères à son cousin, le duc de Choiseul-Praslin, ce fut néanmoins lui-même qui dirigea la négociation. Le comte de Viri et le bailli de Solare, ministres de la cour de Turin à Londres et à Paris, se portèrent médiateurs entre les deux puissances.

Toutes les contestations qui subsistaient entre la bleau du 3 France et l'Espagne, d'un côté; la Grande-Bretagne et le Portugal de l'autre, furent terminées par les préliminaires qu'on signa le 5 novembre 1762, à Fontainebleau. Ils auraient été signés plus tôt, sans le marquis de Grimaldi, qui, persuadé que l'expédition anglaise contre la Havane manquerait, voulait en attendre l'issue, espérant, en faveur de cet échec, obtenir des Anglais des conditions de paix plus favorables. Quand on eut la nouvelle que cette expédition avait réussi, le ministre anglais haussa ses prétentions. La formalité de la signature du traité de paix définitif fut retardée jusqu'à ce qu'on fût parvenu à régler également les différends qui partageaient le roi de Prusse, l'impératrice-reine, et le roi de Pologne, électeur de Saxe.

Le roi de Prusse, persuadé qu'un moyen efficace pour finir promptement la guerre dont le poids l'accablait, était d'en faire sentir les calamités aux princes d'Empire, ordonna au général Kleist de se porter en

Franconie et en Bavière; ce corps prit Bamberg, menaça Nuremberg, et poussa ses courses jusqu'aux portes de Ratisbonne. Les électeurs de Bavière et de Mayence, les évêques de Bamberg et de Würzbourg, demandèrent à grands cris la paix, et prirent l'engagement de retirer leurs contingens de l'armée des cercles. La France ayant promis, par l'art. 13 du traité des préliminaires, de ne plus fournir de secours à l'impératrice-reine, les Autrichiens, qui, pendant que toute l'Europe combattait pour eux, n'avaient rien pu gagner sur le roi de Prusse, devaient perdre l'espoir d'y réussir, lorsqu'ils se trouveraient isolés et privés de tout secours.

avec la Prusse.

Ce fut le baron de Fritzsch, conseiller du roi de Négociations Pologne, qui fit les premières ouvertures de paix au roi de Prusse, comme venant de la part du prince électoral de Saxe. Le roi de Prusse accueillit ces propositions avec tout l'empressement que la prudence permettait de montrer. Ce prince convient lui-même qu'il avait le plus grand besoin de la paix. Ces anciennes armées avec lesquelles il avait tant de fois triomphé, n'existaient plus, et les nouvelles étaient composées de déserteurs ou de recrues. Le cabinet prussien était entièrement isolé. Les sentimens de l'impératrice Catherine à son égard étaient équivoques; le ministère anglais agissait envers lui moins en ami qu'en ennemi déclaré ; les Turcs, étourdis de tant de révolutions arrivées en Russie, déclinaient l'alliance défensive qu'on leur proposait depuis si long-temps. La Saxe, la Silésie et le Brandebourg étaient dévastés,

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