Images de page
PDF
ePub

CHAPITRE XIV.

Nos

Autres effets du climat.

pères, les anciens Germains, habitoient un climat où les paffions étoient très calmes. Leurs loix ne trouvoient dans les chofes que ce qu'elles voyoient, & n'imaginoient rien de plus. Et comme elles jugeoient des infultes faites aux hommes par la grandeur des bleffures, elles ne mettoient pas plus de raffinement dans les offenfes faites aux femmes. La loi des Allemands eft là-deffus fort fingulière. Si l'on découvre une femme à la tête, on payera une amende de fix fous, autant fi c'est à la jambe jufqu'au genou; le double depuis le genou. Il femble que la loi mefuroit la grandeur des outrages faits à la perfonne des femmes, comme on mefure une figure de géométrie; elle ne puniffoit point le crime de l'imagination, elle puniffoit celui des yeux. Mais lorsqu'une nation Germanique fe fut transportée en Efpagne, le climat trouva bien d'autres loix. La loi des Wifigoths défendit aux médecins de faigner une femme ingénue, qu'en préfence de fon père ou de fa mère, de fon frère, de fon fils ou de fon oncle. L'imaginaiion des peuples s'alluma, celle des légiflateurs s'échauffa de même; la loi foupçonna

f

tout, pour un peuple qui pouvoit tout foupçonner.

cas,

Ces loix eurent donc une extrême attention fur les deux fexes. Mais il femble que, dans les punitions qu'elles firent, elles fongèrent plus à flatter la vengeance particulière, qu'à exercer la vengeance publique. Ainfi dans la plupart des elles réduifoient les deux coupables dans la fervitude des parens ou du mari offenfé. Une femme ingénue, qui s'étoit livrée à un homme marié, étoit remife dans la puiffance de fa femme, pour en difpofer à fa volonté. Elles obligeoient les efclaves de lier & de préfenter au mari fa femme qu'ils furprenoient en adultère elles permettoient à fes enfans de l'accufer, & de mettre à la question fes esclaves pour la convaincre. Auffi furent-elles plus propres à rafiner à l'excès un certain point d'honneur, qu'à former une bonne police. Et il ne faut pas être étonné fi le comte Julien crut qu'un outrage de cette espèce demandoit la perte de fa patrie & de fon roi. On ne doit pas être furpris fi les Maures, avec une telle conformité de moeurs, trouvèrent tant de facilité à s'établir en Espagne, à s'y maintenir, & à retarder la chûte de leur empire.

»

CHAPITRE X V.

De la différente confiance que les loix one dans le peuple, felon les climats. LE peuple Japonois a un caractère fi atroce,

que fes législateurs & fes magiftrats n'ont pu avoir aucune confiance en lui. Ils ne lui ont mis devant les yeux que des juges, des menaces & des châtimens : ils l'ont foumis, pour chaque démarche, à l'inquifition de la police. Ces loix qui, fur cinq chefs de famille, en établiffent un comme magiftrat fur les quatre autres; ces loix qui, pour un feul crime puniffent toute une famille ou tout un quartier; ces loix, qui ne trouvent point d'innocens là où il peut y avoir un coupable, font faites pour que tous les hommes fe méfient les uns des autres, pour que chacun recherche la conduite de chacun, & qu'il en foit l'infpecteur, le témoin & le juge.

Le peuple des Indes au contraire eft doux, tendre, compatiffant. Auffi fes légiflateurs ontils eu une grande confiance en lui. Ils ont établi peu de peines, & elles font peu févères; elles ne font pas même rigoureusement exécutées. Ils ont donné les neveux aux oncles, les orphelins aux tuteurs, comme on les donne ailleurs à leurs pères ils ont réglé la fucceffion par le mérite

reconnu du fucceffeur. Il femble qu'ils ont penfé que chaque citoyen devoit fe repofer fur le bon naturel des autres.

Ils donnent aifément la liberté à leurs efclaves; ils les marient; ils les traitent comme leurs enfans heureux climat qui fait naître la candeur des moeurs & produit la douceur des loix !

LIVRE

X V.

Comment les Loix de l'esclavage civil ont du rapport avec la

[ocr errors]

nature du climat.

CHAPITRE PREMIER. De l'efclavage civil.

L'ESCLAVAGE, proprement dit, est l'établis

fement d'un droit qui rend un homme tellement propre à un autre homme, qu'il eft le maître abfolu de sa vie & de fes biens. Il n'eft pas bon par fa nature; il n'eft utile ni au maître ni à l'efclave à celui-ci, parce qu'il ne peut rien faire par vertu; à celui-là, parce qu'il contracte avec fes efclaves toutes fortes de mauvaises habitudes, qu'il s'accoutume infenfiblement à manquer à toutes les vertus morales qu'il devient fier, prompt, dur, colère, voluptueux, cruel.

,

Dans les pays defpotiques, où l'on est déjà fous l'esclavage politique, l'efclavage civil eft

« PrécédentContinuer »