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C'est de là que naissent les obligations du bornage, de la clôture forcée dans les villes, les droits, et les devoirs de la mitoyenneté, etc. Nous en avons parlé dans le troisième volume, où nous avons fait voir que ces devoirs et ees engagemens sont d'une autre nature que ceux des servitudes prédiales.

12. L'art. 1370 ne donne que ces deux exemples d'engagemens résultant immédiatement de l'autorité de la loi; mais il en est une infinité d'autres. Nous ne nous proposons pas d'énumérer tous les engagemens qui naissent de la loi seule. Nous devons cependant indiquer ceux qui sont communs à tous les citoyens, à tous les membres de la société sans exception, quels que soient leur rang et leur état.

Tels sont, suivant Blackstone (1), tous ceux qui résultent de la constitution fondamentale du Gouvernement, chez nous de la Charte constitutionnelle, et qui lient également et réciproquement les gouvernans et les gouvernés, depuis celui qui se trouve élevé au faîte de la hiérarchie des pouvoirs. jusqu'au dernier prolétaire.

Ainsi tout citoyen, par exemple, est aussi rigoureusement tenu d'acquitter sa part des contributions publiques légalement imposées par l'autorité légitime, qu'il est tenu de payer toute autre dette à

(1) Book 3, chap. 9, § 2, tom. III, pag. 159, neuvième édition, Lond., 1783.

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laquelle il s'est conventionnellement obligé pour une cause licite; car tout membre de la société qui en partage les bienfaits, est obligé d'en supporter les charges.

Ainsi, il doit à la grande cause de l'intérêt public le sacrifice de ses biens, moyennant une juste et préalable indemnité; celui de sa personne, de sa vie même, si le besoin l'exige; il doit mourir, s'il le faut, pour la défense et le salut de la patrie.

De là l'obligation de satisfaire à la loi, dure en apparence, de la conscription, mais réellement nécessaire et juste, depuis qu'il n'y a plus de priviléges.

En un mot, tout citoyen doit obéir aux lois, et par conséquent au magistrat chargé de les faire exécuter, en tout ce qu'il commande en leur nom; à la chose jugée, lors même que le jugement est inique. Ainsi le veut encore la loi, fondée sur l'intérêt public, comme nous l'avons fait voir ailleurs (1).

13. Mais, d'un autre côté, les lois constitutionnelles de l'État imposent à tous les magistrats, à tous les dépositaires du pouvoir, dans tous les degrés de la hiérarchie, depuis les ministres jusqu'au dernier fonctionnaire public, des devoirs tellement importans, tellement rigoureux et tellement multipliés, sur-tout pour les premiers, qu'en y réflé– chissant, le sage est effrayé; il est tenté de s'écrier,

(1) Tom. X, en parlant de la chose jugée.

avec un philosophe de l'antiquité : Sapiens non ac cedat ad rempublicam!

Une vertueuse abnégation de soi-même et de son repos, jointe au sentiment de sa force et à un zèle ardent pour le bien public; ou, dans un autre sens, l'ambition, la soif du pouvoir, et l'éclat éblouissant de la fortune, peuvent seuls déterminer à se charger d'une responsabilité si étendue, qui pèse tout entière sur la tête des rois, dans les monarchies absolues, et dans les gouvernemens représentatifs, où la personne des rois est inviolable (1), sur la tête de leurs ministres. Ils répondent de toutes les atteintes portées à la sûreté, à la liberté individuelle des citoyens, de tous les abus d'autorité qu'ils protègent ou qu'ils ne répriment pas, des mauvaises lois qu'ils provoquent, des maux qu'ils pourraient empêcher ou réparer, du silence qu'ils gardent sur les plaintes qui leur sont adressées et qu'ils n'écoutent pas, ou qu'ils laissent sans réponse, etc. etc.

Il faut même remarquer qu'ils sont sans excuse; car, suivant la doctrine de notre art. 1370, les obligations des magistrats ne sont point rangées dans la classe des engagemens qui résultent de l'autorité seule de la loi, puisqu'ils peuvent refuser les fonctions qui leur sont déférées. En les bri

(1) Mais ils ne sont pas dégagés de la responsabilité morale. Voy. l'excellent livre des Directions pour la conscience d'un roi, par le sage et vertueux Fénélon.

guant, en les acceptant, ils se soumettent volontairement à remplir ponctuellement les obligations qui y sont attachées; ils en font même le serment, et leurs devoirs en deviennent par là plus rigou-. reux. Mais, hélas! où est-il le sage qui considère dans les places autre chose que les avantages, le pouvoir, la fortune qu'elles pourront lui procurer?

14. Les faits d'où la loi fait résulter des engagemens sans convention, sont de deux espèces, licites ou illicites. Notre art. 1570, suivant un abus de mots invétéré, a conservé aux premiers l'obscure et impropre dénomination de quasi-contrats (1), qui ne convient cependant plus à la nouvelle et saine doctrine qu'il a substituée à la fausse doctrine des Institutes de Justinien; il a également conservé aux seconds la dénomination plus convenable de délits et de quasi-délits.

(1) Cet abus de mots n'est propre qu'à mettre de la confusion dans les idées; il a quelquefois égaré Pothier lui-même, qui demande sérieusement quelles sont les choses requises pour former un quasi-contrat, comme il demande quelles sont les choses nécessaires pour former un contrat de vente.

Domat, l'ami de Pascal, dont l'esprit était si éminemment juste, s'est bien gardé de se servir de cette obscure et impropre dénomination de quasi-contral.

CHAPITRE Ier.

Des Quasi-Contrats.

SOMMAIRE.

15.Opinions des interprètes sur la nature des quasi-contrats et sur le fondement des obligations qui en résultent. 16. Le Code les a rejetées; mais la définition qu'il donne des quasi-contrats est imparfaite.

17. Il en donne seulement deux exemples, sans indiquer comment on peut connaître les autres. Il faut, pour cela, remonter au principe commun des obligations qu'ils produisent tous.

18. Elles sont des conséquences de la loi sacrée de la

pro

priété, de même que les engagemens qui résultent des quasi-délits.

19. Développement de cette vérité.

20. Les engagemens qui résultent des quasi-contrats et des quasi-délits, sont les conséquences de deux maximes qui dispensent de les énumérer.

21. Le Code ne contient de détails que sur deux quasi-contrats, la gestion des affaires d'autrui sans mandat, negotiorum gestor, et la répétition de ce qu'on a indûment payé. Ces détails sont puisés dans le droit ro

main.

22. Pothier prétend que, pour former le quasi-contrat negotiorum gestorum, il faut que le gérant ait eu l'intention de faire les affaires de telle personne déterminée, et de répéter d'elle les frais de sa gestion. 23. C'est une erreur. Les obligations qu'il produit sont fondées sur le principe que personne ne doit s'enrichir au - détriment d'autrui, et non sur l'intention du gérant. Preuves tirées du droit romain.

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