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une somme, me la paie en pleine connaissance de cause, ne peut la répéter, quand même il aurait eu intérieurement l'intention de le faire : Quod quis sciens indebitum dedit, hâc mente ut posteà repeteret, repetere non potest, loi 50, ff de condict. indeb., 12. 6, parce qu'il est censé m'en avoir fait don, suivant la règle admise par le Code, ainsi que nous le verrons bientôt : Cujus per errorem dati repetitio est, ejusdem consultò dati donatio est. Loi 53, ff de R. J.

Vous ne pouvez donc, à plus forte raison, avoir aucun principe d'action pour répéter la somme que yous avez dépensée contre ma défense formelle.

Mais enfin, et c'est ici la dernière objection que l'on peut faire, le possesseur de mauvaise foi, prædo, qui fait des dépenses utiles sur le fonds d'autrui, est autorisé à les répéter, quoiqu'il doive s'en imputer la faute : Prædo autem de se queri debet, qui sciens in rem alienam impendit. Cependant la loi 53, ff de hæred. pet., 5. 3, dit qu'il est plus humain de lui rembourser ces dépenses, parce que le demandeur ne doit pas s'enrichir de ses pertes: Benigniùs est in hujus quoque personâ haberi rationem impensarum: non enim debet petitor ex alienâ jactura lucrum facere.

Donc le negotiorum gestor, qui a géré une affaire utilement contre la défense du propriétaire, doit être entendu à répéter ses dépenses et frais de gestion, afin que le propriétaire ne s'enrichisse pas à ses dépens.

Je nie la conséquence, et je réponds, avec un grand jurisconsulte déjà cité (1), qu'il y a une différence essentielle entre le cas du possesseur de mauvaise foi, qui fait des dépenses utiles à l'insu du propriétaire, et le negotiorum gestor, qui fait des dépenses en gérant une affaire, malgré la défense formelle du propriétaire. Le possesseur de mauvaise foi, prædo, n'a pas l'intention de gérer l'affaire d'autrui, mais la sienne propre; il serait absurde de lui supposer l'intention de gratifier le propriétaire qu'il cherche frauduleusement à dépouiller, et de lui faire don des impenses utiles qu'il a faites. Au contraire, celui qui gère l'affaire d'autrui contre la défense expresse et spéciale du maîn'a pas l'intention de gérer sa propre affaire : il ne peut done avoir d'autre intention qu'il puisse honnêtement avouer, que celle de gratifier le propriétaire. L'intention de réclamer ses dépenses, malgré la défense du maître, tendrait à lui faire un jour un procès : ce serait prêter au gérant un dessein très-blamable.

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La décision de Justinien est done conforme à la justice et aux principes du droit; elle nous paraît devoir être suivie, sur-tout sous l'empire du Code, dont les dispositions sont d'ailleurs moins favorables que le droit romain au possesseur de mauvaise ~foi, prædoni, comme on peut le voir par l'art. 555.

(1) Joy. Edmond Merille sur les cinquante décisions de Justinien, chap. 33, n.° 10.

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56. Les paiemens d'une chose non due, et qu'est obligé de rendre celui qui les a reçus par erreur ou sciemment, sont le second exemple donné par le Code, des obligations que la loi fait naître sans convention, à l'occasion d'un fait de l'homme, et qu'il appèle des quasi-contrats (1).

Le droit romain donnait à celui qui avait fait ces paiemens l'action en répétition, appelée condictio indebiti, sur laquelle on trouve, dans le Digeste, un titre entier, lib. 12, tit. 6, de condictione indebiti. Pothier en a fait un petit Traité qu'il a mis à la suite des contrats de bienfaisance. Telles sont les sources où le Code a puisé les dispositions que nous allons expliquer.

57. L'art. 1376 porte : « Celui qui reçoit par er› reur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû, s'o› blige à le restituer à celui de qui il l'a indûment

» reçu. »

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L'art. 1377 ajoute: Lorsqu'une personne qui, par erreur, se croyait débitrice, a acquitté une dette, elle a le droit de répétition contre le créan» cier. »

De ces deux articles corrélatifs, l'un énonce l'engagement de celui qui a reçu ce qu'on ne lui devait pas, l'autre le droit de celui qui a payé ce dont, par erreur, il se croyait débiteur.

58. Le premier est dans tous les cas tenu de

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(1) Instit., § 6, de oblig, quæ quasi ex contractu, 3. 28.

restituer, soit qu'il ait reçu par erreur et de bonne foi, soit qu'il ait reçu sciemment, sachant qu'il ne lui était rien dû. Il peut même, dans ce dernier cas, y avoir une raison de plus pour l'obliger à la restitution, s'il y a eu de la mauvaise foi de sa part.

Dans l'un et l'autre de ces deux cas, son obligation dérive de la loi de la propriété, de cette grande règle d'équité naturelle, que nous avons expliquée suprà, no. 55: Jure naturæ æquum est, neminem cum alterius detrimento et injuria fieri locupletiorem. Loi 206, ff de R. J.

Il est bien évident que celui qui reçoit en paiement une chose qu'on ne lui doit point, d'une personne qui, par erreur, s'en croyait débitrice, s'enrichirait sans droit et au détriment d'autrui, cum injuriâ et detrimento alterius, s'il n'était

de la rendre.

pas obligé Inutilement objecterait-on qu'il l'a reçue du propriétaire, qui lui en a transféré la propriété volontairement et par son fait (1); car le propre de la tradition était de transférer la propriété avec la possession. Voy. Instit., § 40, de rerum divis.

La réponse est que, même en droit romain, où cette maxime est puisée, elle n'était vraie que dans les cas où le propriétaire avait fait la tradition en vertu d'un titre ou d'une juste cause. Ibid.

(1) Id quod nostrum est, sine facto nostro, ad alium transferri non potest. Loi 11, de R. J.

Mais la simple tradition ne transférait jamais la propriété, si elle n'était précédée d'une juste cause: Nunquàm nuda traditio transfert dominium, sed ità si...... aliqua justa causa præcesserit, propter quam traditio sequeretur. Loi 31, ff de adquir. rerum dom., 41. 1. A plus forte raison, sous l'empire du Code civil, où la tradition n'est plus au nombre de~ moyens d'acquérir et de transférer la propriété. Voy. art. 711.

Or, dans le cas d'une chose donnée en paiement par erreur, nulle juste cause ne précède la tradition. Il n'existe ni consentement ni volonté de transférer la propriété ; car il n'y a point de consentement valable, s'il n'a été donné que par erreur. (1109). Le paiement reste donc sans cause, et ne peut par conséquent avoir aucun effet. (1131). Celui qui a reçu ce qui ne lui était pas dû, d'une personne qui, par erreur, s'en croyait débitrice, n'a donc ni titre ni droit pour le retenir. La loi l'oblige à le restituer (1376), et donne à la personne qui a payé le droit de répétition. (1377). Ces dispositions ne sont, comme on voit, que des conséquences directes et nécessaires de la loi de la propriété. C'est d'elle que naissent, d'un côté, l'obligation de rendre, imposée à celui qui a reçu ce qu'on ne lui devait pas, et, de l'autre côté, le droit accordé à celui qui a payé ce que, par erreur, il croyait devoir, le droit de répéter la chose.

59. Mais remarquez que la répétition n'est accordée que sous deux conditions: la première,

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