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Pétronille viendra sur-le-champ. Bonne nuit je vous

souhaite.

(Elle sort.)

Dol. Allons, ma fille, allons nous reposer. Monsieur Danières, venez-vous reconduire ces dames? Dan. Ma foi, non ; je n'ai pas soupé, moi; je m'en vais manger une croûte, boire un ou deux coups, puis j'irai me coucher, ma chambre est là; ainsi, adieu, beau-père, bon appétit, dormez bien; j'ai l'honneur de boire à votre santé, bien enchanté d'avoir fait celui de votre connaissance.

[Scène Suivante.]

Danières, à table; Pétronille.

Pétro. (entrant.) Monsieur, je viens vous prévenir que le sourd s'est emparé de votre chambre, et qu'il est peut-être déjà dans votre lit.

Dan. Comment! Mais est-ce donc un enragé, que ce sourd-là? Tu n'as qu'à venir avec moi, tu verras comme je l'aurai bientôt fait sauter. (Il se lève, et va frapper à la port de la chambre à coucher; il écoute et voyant qu'on ne lui répond pas, il refrappe encore plus fort, et dit :) Il ne s'agit pas de ça, monsieur, il me faut ma chambre.

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Pétro. Mais, monsieur, ne faites donc pas tant de bruit, vous allez réveiller tout le monde.

Dan. Cela m'est égal; je me soucie bien que les autres dorment tranquilles quand je n'ai pas de lit. J'enfonce, hem! hem!

Dor. (dans la chambre.) Mais il me semble que le vent tourmente bien cette porte.

Dan. Est-ce qu'il me prend pour un vent! non, monsieur, ce n'est pas le vent, c'est monsieur Danières. (Il frappe.)

Pétro. Ah ça, monsieur, finissez votre tintamarre, ou je vais appeler madame.

Dan. Appelle qui tu voudras, moi je veux ma

chambre. (Il frappe.) Je l'assiège toute la nuit, et je l'emporte d'assaut.

Pétro. Il parle, écoutons ce qu'il dit.

Dor. Je suis pourtant bien malheureux! Oui, c'est, je crois, le plus grand malheur que d'être sourd; le jour, cela va assez bien, le mouvement des lèvres me fait deviner, mais la nuit, et dans une auberge encore; celle-ci est excellente, la maîtresse charmante, la société infiniment aimable. Jusqu'à la petite femme-dechambre, tout est au mieux. Mais sont-ils les seuls dans la maison ? Je fais une réflexion : j'ai pour plus de cent mille écus d'effets dans mon porte-feuille, et trois cents louis dans ma bourse; si je m'endors et qu'on vienne me dévaliser...Eh bien, ne dormons pas. Dan. Si tu ne dors pas, rends-moi ma chambre. Dor. Une nuit est bientôt passée...D'ailleurs, j'ai à écrire à plusieurs personnes.

Dan. Moi aussi, j'ai à écrire.

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Dor. Je vais me mettre contre cette porte avec mes deux pistolets à deux coups. (Danières fait un saut.) II Ꭹ a dans chaque canon une balle et deux lingots, c'est pour le premier qui entrera. (Danières fait un autre saut.) Si le premier coup manque," les trois autres ne manqueront peut-être pas.

Dan. La peste, comme il y va !48

Pétro. Eh bien! vous souciez-vous toujours de prendre votre chambre d'assaut ?

Dan. Non, non; c'est un sourd, ça n'entend ni rime, ni raison: il le ferait comme il le dit.

Pétro. Je le crois.

Dan. Il est bien heureux d'avoir des pistolets, sans cela je lui aurais fait voir comme je suis vif. Mais où est-ce que je vais me coucher, car enfin il faut bien que je me couche quelque part?

manger,

Pétro. Eh bien ! choisissez, dans la salle à sur un fauteuil; ou bien dans la cuisine, sous le manteau de la cheminée.

Dan. Sous le manteau de la cheminée, voilà de beaux draps; c'est le chat qui couche là.

Pétro. Il faut pourtant prendre un parti; à quoi vous décidez-vous ?

Dan. Sûrement, il faut que je prenne mon parti. Allons, Pétronille, je me décide pour la salle à manger, là, sur le grand fauteuil. (A Pétronille qui veut lever le couvert.) Pétronille, n'ôtez don crien; si je me réveille, je serai bien aise de manger un morceau; et puis j'ai payé, n'est-ce pas vrai ?

Pétro. Oui, monsieur, vous avez bien payé. (Elle sort.) Danières, seul, assis dans le fauteuil.

Il faut convenir que je me suis mis dans une fière colère avec ce maudit sourd. Ce n'est pas du sang qui coule dans mes veines, c'est du salpêtre. Aussi mon père me l'a bien dit: Mon fils Danières, tu ne mourras jamais que d'une colère. Il m'aimait bien, mon père. Ah! je l'aimais bien aussi. D'après ce qui vient de se passer1 avec ce chien de sourd, je commence à croire que mademoiselle Doliban ne m'aime pas: elle n'a pas pour moi la tendresse qu'on doit avoir pour un futur époux, et cela fait que je suis fâché de n'avoir pas suivi le conseil qu'on me donnait dans mon pays. Ils voulaient tous me faire épouser une grand'tante que j'avais, qui était plus riche...Elle avait des écus plus gros que moi; mais ce qui m'a empêché de l'épouser, c'est une réflexion que j'ai faite, parce qu'enfin si j'épouse ma tante, je serai donc mon oncle? C'était une bien brave femme, ma tante; elle me faisait de jolis cadeaux, entr'autres un de toute beauté,50 une robe à grand ramage qu'elle avait depuis trente ans. Quand j'ai vu cela, je m'en suis fait faire trois parapluies. Qu'est-ce que je dis donc, trois? quatre, parce que j'ai dit, avec cela je serai à couvert pour long-temps. C'était une bien belle femme que ma tante, elle n'avait qu'une dent, mais elle était belle, longue comme cela.

(montrant son bras.) C'est ma sœur qui a eu bien du bonheur; elle est passée en Amérique, elle a épousé un riche colon de l'endroit; ça fait à présent qu'elle est une des premières colonnes du pays: et tout cela a fait que...voilà le sommeil qui me gagne, mon valetde-chambre peut tirer les rideaux de mon lit. Je vous souhaite bien le bonsoir.

(La Pièce finit par le mariage de Dorbe avec Joséphine; Danières s'en console en disant, que puisque ses mariages réussissent si mal, il restera garçon.)

(1.) "As great a dunce as one could well wish to see."

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(2.) Entirely."

(4.) "At any rate."

(3.) "I fling you out."

(5.)" It costs me."

(6.) Let us go and celebrate the wedding."

(7.) "I must have found it so."

(8.) "It was on account of."

(9.) "You should have told it to him."

(10.) "To reserve for her."

(11.) "It is growing late." (13.) "It is all right."

(12.) "Let us go and meet." (14.) "Then we shall swim."

(15.) "That is good for nothing."
(16.) "What's that he is telling me."
(17.) "But he is to such a degree."
(18.) "I can stand it no longer."
(19.) "Extricate yourself."
(20.) "This is not an ordinary."
(21.) "Indeed! who talks about."
(22.) "In other respects."
(24.) "There is no reason."

(25.) "He makes himself at home."

(23.) "Send up."

(26.) "What is it you want?"

(27.) "At any rate."

(28.) "See now."

(29.) "Tremendously."

(30.) "You forget yourselves."

(31.) "If you say but black, he is sure to answer white."

(32.) "What harm is there in."

(34.) "I grant that he is deaf."

(33.) "Outstrips him." (35.) "At all events."

(36.)" And against her will, as you may suppose." (37.) "There is nothing like a well-matched couple." (38.) "If he is obstreperous." (39.) "How you talk!" (40.) Le quart d'heure de Rabelais, the awkward moment.

(41.) "Nothing of the sort."

(42.) "The flourishes."

(43.) "Do not show any reluctance."

(44.) "That is not the business in hand."

(45.) "It is immaterial to me. I care very little if." (46.) "With my brace of double-barreled pistols."

(47.) "If the first shot misses."

(48.) "At what a rate he goes!"

(49.) "After what has just taken place."

(50.) "Exceedingly beautiful."

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(51.) A flowered gown."

Scènes de la Fausse Agnes.

Comédie de Destouches.

[La Scène est dans un château, en Poitou.]

Angélique, seule.

Monsieur Des Mazures arrive aujourd'hui pour m'épouser; et moi, j'ai un moyen pour éviter ce malheur. Je connais à fond le personnage qu'on me destine. C'est un provincial très-fat,1 qui a la folie de se croire le plus grand génie de l'univers. Il compte trouver en moi un prodige d'esprit et de science, selon l'idée que mon père et ma mère lui ont donnée de ma personne, et c'est sur ce pied-là qu'il me recherche. Mon dessein est d'avoir au plus tôt une conversation particulière avec lui, d'y affecter tant de naïveté et d'ignorance qu'il ne puisse pas me souffrir. En un mot, je vais faire l'Agnès, et je ne doute point qu'il ne me trouve la plus maussade créature du monde.

[Scène Suivante.]

Angélique; M. des Mazures qui fait de profondes révérences à Angélique qui les lui rend par des révérences ridicules.

M. des Ma. (à part.) Pour une fille qui vient de Paris, voilà des révérences bien gauches. Je crois

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