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la vérité sort de la bouche des enfans; mais, dites-moi, ma charmante, votre père et votre mère sont-ils persuadés comme vous, que votre sœur n'a point d'esprit. Babet. Oh que vous en savez long! 10 Mais je vous vois venir,11 vous voulez me tirer les vers du nez.'

12

M. des Ma. Non, sérieusement, dites-moi ce que vous savez là-dessus, et je vous promets que je planterai là13 votre sœur, et que je vous épouserai dans deux ans.

Babet. Oui! oh, je vais donc vous découvrir tout le mystère, pourvu que vous me promettiez de ne pas faire semblant que je vous aie parlé.

M. des Ma. Je vous jure...

Babet. Ah, ne jurez pas, vous me feriez peur.

M. des Ma. Eh bien, je vous donne ma parole de gentilhomme, que personne ne saura ce que vous m'aurez dit.

Babet. Cela suffit; mais voyez, je vous prie, si personne ne nous écoute.

M. des Ma. Je m'en vais regarder de tous les côtés. Babet. (à part.) Et moi je m'en vais t'en donner de toutes les couleurs.14

M. des Ma. Oh ça, nous sommes parfaitement seuls. Ne me cachez rien, ma petite poule.

Babet. Je m'en ferais conscience. plus vrai que ma sœur est imbécile.

Il n'y a rien de

M. des Ma. Je l'ai bien senti d'abord. Que j'ai bon nez ! 15

Babet. Elle avait près de douze ans qu'elle ne pouvait encore ni marcher, ni parler.

M. des Ma. Oh, oh, je ne savais pas cela.

Babet. C'est a cause de cela que mon papa et maman l'envoyèrent à Paris, afin que ma tante la fît un peu dégourdir.16

M. des Ma. Fort bien; voilà encore ce qu'on m'avait caché.

Babet. Ma tante eut toutes les peines du monde à

la faire parler, mais dès qu'elle sut parler, ma tante aurait voulu qu'elle fût redevenue muette.

M. des Ma. A cause de sa bêtise?

Babet. Vous l'avez deviné. Il venait tous les jours de beaux messieurs chez ma tante.

M. des Ma. Eh bien ?

Babet. Eh bien, elle les priait de donner de l'esprit à ma sœur; croiriez-vous bien qu'ils n'en ont jamais pu venir à bout ?17

M. des Ma. Parbleu, voilà une bêtise bien incurable!

Babet. Assurément, car lorsque nous sommes revenus ici, mon papa et maman l'ont trouvée encore plus sotte que quand elle en est partie.

M. des Ma. Cependant, ils prétendaient me persuader qu'elle avait de l'esprit comme un ange.

Babet. C'est qu'ils voulaient vous attraper pour s'en défaire.

M des Ma. Je m'en suis douté.18 Que je suis heureux d'avoir tant d'esprit !

Babet. Comme ils ne se défient pas de moi, parce que je suis une enfant, ils disent devant moi tout ce qu'ils pensent. Ah! qu'ils sont fâchés que ma sœur ait eu une conversation avec vous! Ils comptaient que vous les croiriez sur leur parole, et que vous l'épouseriez avant que d'avoir sondé son esprit, ou que vous la trouveriez assez jolie pour passer sur sa bêtise.

19

M. des Ma. Je n'étais pas si sot! on n'attrape pas comme cela le seigneur des Mazures. A qui vendentils leurs coquilles ?20

Babet. Oh ça, vous voilà bien instruit. me trahissez, je ne vous dirai plus rien.

Si vous

M. des Ma. Comptez, mon petit ange, que j'aimerais mieux mourir que de vous compromettre.

Babet. Vous seriez cause qu'on me fouetterait jusqu'au sang.

M. des Ma. Ne craignez rien, belle Babet; je ferai

semblant d'ignorer tout, mais je profiterai de ce que vous me dites.

Babet. Oh pour cela, vous ferez fort bien. Croyezmoi, je vous parle en amie, ne songez plus à ma sœur elle ne vous convient point, et je crois sans vanité, que je serai mieux votre affaire.

M. des Ma. Oui, mon cher cœur, vous avez tout l'esprit qu'il me faut; plût au ciel que vous eussiez l'âge de votre sœur, je vous épouserais tout à l'heure.

Babet. Eh bien, je vais me dépêcher de devenir grande. Adieu, monsieur, je me retire au plus vite, car il ne faut pas qu'on nous trouve ensemble.

[Scène Suivante.]

M. des Mazures, seul.

Dieu merci, me voilà bien au fait,21 et par une voie qui ne peut m'être suspecte. Il n'y a point de doute maintenant que le père et la mère n'eussent formé le dessein de m'attraper comme un sot; mais ils seront attrapés eux-mêmes, car je n'épouserai point leur sotte fille, m'y voilà déterminé.

(1.) "A very conceited country squire.”

(2.) Agnès, (jeune fille très-innocente, qui n'a aucun usage du monde,) a young raw girl, a simpleton. Elle fait l'Agnès, she plays the simpleton. (Il est familier. Acad.)

(3.) "Very awkward."

(4.) "I am lost in it."

(5.) "We are out again." (6.) "Are you ready?"

(7.) "Artful."

(8.) A bon chat bon rat, tit for tat; they have met with their match.

(9.) "That will drive away your melancholy."

(10.) "What a shrewd cunning man you are!"

(11.) "I see your drift.'

(13.) I shall set aside."

(12.) "You wish to pump me."

(14.) "I am going to tell you all sorts of stuff." (15.) "What a foresight I have!"

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(19.) "Before having fathomed her."

(20.) "Whom do they intend to impose upon ?" (21.) Me voilà bien au fait, now I have it.

Scène du Grondeur.

Comédie par Brueys et Palaprat.

M. Grichard, vieux médecin; Lolive, son valet; Ariste, frère de Grichard.

M. Gri. Bourreau, me feras-tu toujours frapper deux heures à la porte?

Lol. Monsieur, je travaillais au jardin; au premier coup de marteau j'ai couru si vite que je suis tombé en chemin.

M. Gri. Je voudrais que tu te fusses rompu le cou, vaurien; que ne laisses-tu la porte ouverte ?

Lol. Eh! monsieur, vous me grondâtes hier à cause qu'elle l'était: quand elle est ouverte, vous vous fâchez; quand elle est fermée, vous vous fâchez aussi : je ne sais plus comment faire.

M. Gri. Comment faire !

Ar. Mon frère, voulez-vous bien...

M. Gri. Oh! donnez-vouz patience.

faire, coquin !

Comment

Ar. Eh! mon frère, laissez là ce valet, et souffrez que je vous parle de...

M. Gri. Monsieur mon frère, quand vous grondez vos valets, on vous les laisse gronder en repos.

Ar. (à part.) Il faut lui laisser passer sa fougue. M. Gri. Comment faire, infâme!

Lol. Oh çà, monsieur, quand vous serez sorti, voulez-vous que je laisse la porte ouverte ?

M. Gri. Non.

Lol. Voulez-vous que je la tienne fermée ?
M. Gri. Non.

Lol. Monsieur...

M. Gri. Encore? tu raisonneras, ivrogne ?

Ar. Il me semble après tout, mon frère, qu'il ne raisonne pas mal; et l'on doit être bien aise d'avoir un valet raisonnable.

M. Gri. Et il me semble à moi, monsieur mon frère, que vous raisonnez fort mal. Oui, l'on doit être bien aise d'avoir un valet raisonnable, mais non pas un valet raisonneur.

Lol. Morbleu! j'enrage d'avoir raison.

M. Gri. Te tairas-tu ?

Lol. Monsieur, il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée choisissez ; comment la voulez-vous ?

M. Gri. Je te l'ai dit mille fois, coquin. Je la veux ...je la...Mais voyez ce maraud-là, est-ce à un valet à me venir faire des questions? Si je te prends, traître, je te montrerai bien comment je la veux. Vous riez, je pense, monsieur le jurisconsulte?

Ar. Moi? point. Je sais que les valets ne font jamais les choses comme on leur dit.

M. Gri. Vous m'avez pourtant donné ce coquin-là. Ar. Je croyais bien faire.

M. Gri. Oh! je croyais. Sachez, monsieur le rieur, que je croyais n'est pas le langage d'un homme bien sensé.

Ar. Et laissons cela, mon frère, et permettez que je vous parle d'une affaire plus importante, dont je serais bien aise...

M. Gri. Non, je veux auparavant vous faire voir à vous-même comment je suis servi par ce pendard-là, afin que vous ne veniez pas après me dire que je me fâche sans sujet. Vous allez voir, vous allez voir. As-tu balayé l'escalier?

Lol. Oui, monsieur, depuis le haut jusqu'en bas. M. Gri. Et la cour?

Lol. Si vous y trouvez une ordure comme cela, je veux perdre mes gages.

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