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Tout cela n'est pas bien réfléchi chez eux, me direz-vous.

comme la lumière et la beauté du soleil frappent naturellement leurs yeux ? est-ce que les faits publics et nombreux sur lesque's repose cette religion, les prophéties, les martyrs, son établissement, sa conservation, est-ce que ces faits dont ils entendent parler tous les jours, ne font pas sur eux une impression profonde? est-ce que l'action intérieure de la grâce n'est pas là aussi pour suppléer à ce qui peut leur manquer?

Oui, sans doute; mais qu'y a-t-il done chez eux de bien réfléchi? Est-ce que tout serait préjugé chez eux, selon vous, même l'adhésion à ces vérités sur lesquelles il n'est permis à personne d'élever le moindre doute? Non, me direz-vous : ils les croient, comme ils peuvent et doivent les croire.

Je vous en dirai autant relativement à la religion.

PRÊTRES.

Objections. - Pourquoi tous ces prêtres? Ne pourrait-on pas choisir, dans chaque localité, quelques vieillards ayant les lumières et les vertus que semblent réclamer les fonctions sacerdotales? - Vos prêtres sont des hommes comme d'autres. Que de monstres il y a eu parmi eux, depuis Judas jusqu'à Verger! Ils ne sont guère meilleurs les uns que les autres. Comme on ne peut savoir, au juste, quels sont les bons, s'il y en a, on ne sait, non plus, à qui don

ner sa confiance.

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Réponse. Comme le prêtre est sans contredit l'appui le plus solide de l'édifice social, toutes les passions désorganisatrices sont continuellement déchaînées contre lui. De là les paroles accusatrices, ou plutôt les cris de fureur et de rage dont nous venons de donner un échantillon. Il suffit de les entendre, dans le silence des préjugés et des passions, pour en reconnaître aussitôt la fausseté, ou plutôt l'ineptie. Réfutonsles cependant comme s'ils avaient quelque solidité; car ils sont si souvent répétés, de tous côtés, qu'il en reste toujours quelque chose.

Pourquoi tous ces prêtres? demandez

vous.

Ne le voyez-vous pas vous-même? Il y en a partout, en effet les trouvez-vous inactifs, en bien des endroits? Soyez de bonne foi, et vous conviendrez que la plupart meurent à la peine, au contraire. Aux yeux de celui qui croit qu'il n'y a de travail qu'à remuer la terre, à frapper des pieds et des mains, les prêtres ne sont guère occupés, sans doute; mais pour celui qui pense, avec raison, que le travail de l'esprit et du cœur est toujours le plus sérieux et le plus pénible, les prêtres sont partout occupés, excessivement occupés. Ne savez-vous pas qu'un seul verset des Livres sacrés, qu'ils sont chargés d'étudier et d'expliquer aux autres hommes, est plus que suffisant pour occuper tous les instants de plusieurs d'entre eux?

Pourquoi tous ces prêtres? - Mais pour offrir au Ciel les hommages et les vœux de la terre. Qu'y a-t-il sur la terre qui ne vienne de Dieu, qui ne soit conservé par Dieu, qui ne tire toute son utilité de Dieu ? Et l'homme, en particulier, roi de la création, comme on dit communément, créé à l'image de Dieu, que possède-t-il qui ne vienne de Dieu? Que peut-il faire de bien, pour le temps DICTIONN. DES OBJECT. POPUL.

comme pour l'éternité, qu'avec l'assistance de Dieu ? De là les prières qui, en public comme en particulier, montent continuellement de la terre vers le ciel; de là tant de vœux, sous lant de formes différentes; de là le sacrifice, en usage partout, comme prière et comme offrande; de là le sacrifice de nos autels, le plus pur, le plus grand, le plus complet, le plus digne de Dieu de tous les sacrifices; ou plutôt, le seul pur, le seul grand, le seul complet, le seul véritablement digne de Dicu, parce que la victime qui y est offerte, c'est plus que la création tout entière, c'est celui par qui tout a été créé: Omnia per ipsum facia sunt; et sine ipso factum est nihil, quod factum est. (Joan. 1. 3.) Or, ce sont les prêtres qui sont particuliè rement chargés d'élever vers le Ciel les prières et les voeux de la terre; ce sont eux uniquement qui peuvent offrir le divin sacrifice dont nous venons de parler. Ces prières, ces vœux, ce sacrifice offerts par eux en tout lieu sont comme des liens mystérieux qui rattachent la terre au ciel, et l'empêchent de périr, emportée qu'elle serait infailliblement par sa faiblesse, ses misères et ses crimes.

Pourquoi tous ces prêtres? - Pour faire descendre partout sur la terre les grâces les plus abondantes du Ciel. De même que les prêtres sont, en quelque sorte, les délégués des hommes, pour aller porter leurs hommages au Seigneur; ils sont également les ministres dont le Seigneur veut bien se servir pour répandre sur les hommes la plupart de ses bienfaits. C'est l'idée qu'on s'en est toujours faite partout; mais c'est ce qui se remarque surtout dans notre religion. À peine l'enfant est-il né qu'un prêtre est là pour le régénérer par le baptême, et appeler sur lui toutes les bénédictions du Ciel. L'enfant a grandi, il possède sa raison et sa liberté, et peut choisir déjà entre le bien et le mal: hélas! le mal est souvent ce qu'il préfère, et il se met ainsi en révolte ouverte contre le Ciel un prêtre est là pour le réconcilier avec Dieu par le sacrement de pénitence. Avec l'âge, les passions, ces inclinations vicieuses qui sont en chacun de nous par suite du péché originel, se développent dans l'enfant. Celui-ci donc est obligé de lutter continuellement contre elles; il est obligé encore de résister aux mauvais conseils et aux mauvais exemples, aux séductions du monde. aux suggestions du démon.... Comment

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tous les temps, tous les lieux, toutes les personnes, sans aucune restriction Voyezvous actuellement pourquoi tous ces prétres? Et, s'il n'y avait ces prêtres pour enseigner aux hommes la religion, qui donc la leur enseignerait? Les savants?-Mais ils sont quelquefois plus ignorants que les autres en fait de religion. Les vieillards?

pourra-t-il, faible comme il est, résister à tant d'ennemis, lutter victorieusement dans tant de combats? Seul, il ne le ferait certainement pas; mais l'évêque, qui a la plénitude du sacerdoce, ce prêtre par excellence, vient à lui au nom de Dieu, et lui donne, dans le sacrement de confirmation, l'Esprit d'intelligence, de prudence et de force, dont il a si grand besoin. Cette descente du SaintEsprit semble ne point suffire encore à l'amour de Dieu et aux besoins de l'homme. Composé d'un corps et d'une âme, celui-ci réclame une union avec Dieu plus sensible, si je puis m'exprimer de la sorte. Le prêtre la lui procure encore, cette incroyable union, dans l'incomparable sacrement de l'Eucharistie.... Suivez ainsi l'homme, jusqu'à la fin de sa carrière. De quelque côté qu'il se dirige, dans quelque position qu'il se trouve, vous verrez toujours le prêtre à ses côtés, le dirigeant, le soutenant, le fortifiant, au nom de Dieu, l'élevant au-dessus de toutes les misères et de toutes les difficultés de la vie, jusqu'à ce qu'il l'ait introduit dans les cieux. Ne demandez donc point à quoi servent tous ces prêtres; car vous devez le voir aussi bien que moi du haut du ciel où ils sont allés dire tous les besoins de l'homme, ils versent sans cesse sur la terre tous les bienfaits de Dieu.

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Pourquoi tous ces prêtres ? Pour étudier la religion, dont ils sont les ministres, et la faire connaître au monde. Rien de plus important, rien de plus nécessaire assurément que la religion, mais aussi rien de plus élevé, rien de plus étendu et de plus profond, rien de plus difficile à bien connaître. Il n'est personne qui n'en convienne. Qu'est-ce que Dieu? Qu'est-ce que l'honme? Quels rapports unissent la créature au Créateur? Quels devoirs résultent de ces rapports? Voilà quelques-unes des innombrables questions qu'on est obligé de se faire, et auxquelles il faut bien savoir donner une réponse suffisante au moins, pour dire que l'on connaît la religion. Et pourtant tous doivent la connaître, parce que tous doivent la pratiquer. L'homme de travail et de peine n'en est pas plus exempt que celui qui peut consacrer tout son temps à l'étude, l'ignorant pas plus que le savant, le petit enfant lui-même pas plus que les grandes personnes; parce que tous sont également les enfants de Dieu, et que c'est la religion qui les rattache à ce bon Père. Or, qui donc leur fera connaître cette religion, fille du ciel? Qui la leur fera connaître telle qu'elle est, avec ses mystères, ses devoirs et ses consolations? Je vous l'ai dit, ce sont les prêtres. Allez donc, dit Jésus-Christ à ses apôtres, à ses envoyés, qui sont les évêques elles prêtres, instruisez toutes les nations..., leur apprenant à observer tout ce que je vous ai commandé. Et voilà que je suis avec vous, tous les jours, jusqu'à la fin du monde. (Matth. XXVIII, 18-20.) Ainsi, d'après la volonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, l'enseignement de la religion est confié au corps sacerdotal, et cet enseignement doit embrasser

- Mais on en sait moins quelquefois dans un âge avancé que dans la jeunesse. Le temps mine souvent l'édifice de nos connaissances au lieu de l'élever. Est-ce qu'il n'y a pas encore les préjugés, les passions de toutes sor tes, qui changent en ténèbres épaisses la lumière qui d'abord avait brillé d'un vif éclat à nos regards? Il n'y a donc, je le répète, qu'un corps spécialement chargé d'enseigner aux hommes la religion, qui puisse la bien faire connaître à tous. Que d'ignorance encore, grand Dieu! en fait de religion, malgré l'enseignement continuel des prêtres. Que serait-ce donc si cet enseignement venait à disparaître? Je ne crains pas de le dire, la religion cesserait d'être connue, et nous ne tarderions pas à retomber dans l'igno rance et le désordre du paganisme, d'où Jésus-Christ avait fait sortir le monde.

Pourquoi tous ces prêtres? - Mais pour donner aux hommes l'exemple de toutes les vertus prescrites par la religion. On l'a dit bien des fois, et rien n'est plus vrai, l'enseignement de la parole est ordinairement long et peu efficace, tandis que celui de l'exemple saisit rapidement et fait toujours une vive impression. Or, s'il en est ainsi en toutes choses, à plus forte raison en religion. Qui ne le comprend? qui ne voit clairement que, si l'enseignement religieux n'est accompagné du bon exemple, basé sur ce bon exemple, non-seulement il tombe à terre et reste inutile, mais produit même un effet tout opposé à celui qu'on recherchait? Vous m'an. noncez qu'il faut aimer le prochain, se dévouer pour lui quand cela est nécessaire. Si la charité qui est dans vos paroles se trouve également dans vos actions, je vous imiterai probablement; mais si cette charité n'est que dans vos paroles, et si c'est la haine, au contraire, et même une haine violente qui se trouve dans vos actions, votre charité ne vient point jusqu'à mon cœur, et c'est votre haine, au contraire, qui le brûle et le dévore. Vous m'annoncez encore, je suppose, qu'il faut aimer Dieu plus que toutes choses, et mourir courageusement, quand il le faut, pour la confession de notre foi. Si je vous vois accomplir fidèlement ce grand précepte que vous m'annoncez, je l'accomplirai aussi p0bablement; mais si vous n'en faites rien, si je ne vois en vous, au contraire, qu'indiffé rence pour Dieu et pour sa religion, vous au rez beau me parler d'amour et de foi, l'indiffé rence aussi glacera mon cœur et passera dans wes actions. Il en sera ainsi de tous les autres préceptes de la religion. Eh bien! de qui recevrons-nous donc cet enseignement du bon exemple, le plus efficace assurément, et sans lequel l'autre n'est rien? Des prêtres encore, cela est évident. Non pas qu'il n'y al

parmi eux des pécheurs, et quelquefois de grands pécheurs. Toujours est-il que c'est parmi eux, généralement parlant, qu'il y a le plus de vertus. Ils sont le sel de la terre, a dit Jésus-Christ: Vos estis sal terræ. (Matth. v, 13.) Ce sont eux, par conséquent, qui empêchent le monde de se corrompre. Pour employer une comparaison plus frappante encore, et que nous devons également à JésusChrist, ils sont la lumière du monde. Placée de distance en distance, cette divine lumière empêche les hommes de s'égarer dans les ténèbres, et les conduit à Dieu, qui est dans les cieux: Vos estis lux mundi... sic luceat lux vestra coram hominibus, ut videant opera vestra bona, et glorificent Patrem vestrum, qui in cælis est. (Ibid., 14, 16.)

Pourquoi tous ces prêtres? - Mais pour soigner les pauvres, consoler les affligés, visiter les malades, recueillir le dernier soupir des mourants; pour exercer sur la terre, au nom du ciel, toutes les œuvres de cette sainte miséricorde, qui est le plus bel attribut de la Divinité. Que de misères de tout genre ici-bas! Pouvez-vous faire un pas sur cette terre, évidemment frappée de la malédiction céleste, sans entendre la plainte du malheur, le cri de la détresse, les gémissements de la souffrance? Et encore que de peines secrètes ! que de soupirs étouffés dans les cœurs! Qui donc écoutera toutes ces misères? qui les recherchera quand elles se cacheront? qui saura y compatir et les soulager? Le prêtre, vous dis-je. Présent partout, afin de pouvoir continuer partout aussi, et sous tous les rapports, la divine mission de Jésus-Christ, il dit, comme lui, à tous les hommes: Venez à moi, vous lous qui travaillez et qui étes chargés, et je vous donnerai une nouvelle vie: Venite ad me omnes, qui laboratis, et onerati estis, et ego reficiam vos. (Matth. xi, 28.) Il y en a d'autres qu'eux qui le font, me direz-vous. Oui, mais non pas avec le même dévouement et avec le même succès. Ils n'ont pas mission pour cela. Remarquez, en outre, que ceux dont vous parlez n'agissent ainsi que par l'impulsion, sous la direction et avec l'assistance du prêtre. Sans lui, ils ne feraient rien, ne tenteraient rien, sous ce rapport; sans lui, ils ne songeraient point à la miséricorde, ils ne sauraient même pas ce que c'est. Done, supprimez le prêtre, vous supprimez également la miséricorde. Donc, diminuez-en le nombre, vous diminuez, dans la même proportion, les œuvres de la miséricorde. En doulez-vous ? Il y a là-dessus un fait contre lequel aucuns raisonnements ne sauraient prévaloir. Avant que Jésus-Christ eût établi ses prêtres, il y avait des misères sur la terre, et même de plus nombreuses et de plus grandes que celles que nous voyons aujourd'hui, puisque le Rédempteur des homes ne leur avait point encore appris les moyens de les diminuer, en domptant les passions. Eh bien! donc, alors, qui songeait à compatir aux souffrances et à les Soulager? Personne. Tout ce que les plus sages savaient faire, c'était de répéter ces

paroles désespérées : « Souffre, sans te plaindre: car la douleur, quelque grande qu'elle soit, n'est jamais un mal. »

Ne pourrait-on pas choisir, dans chaque localité, avez-vous dit, quelques vieillards ayant les lumières et les vertus que semblent réclamer les fonctions sacerdotales?

Ce

Cette objection n'est guère sérieuse assurément. Qui donc les choisirait, ces vieillards dont vous parlez? Et puis, quand ils auraient été choisis, qui donc leur dirait ce qu'ils auraient à faire? Qui leur en imposerait l'obligation? Car il y a là un sacrifice, et aucun sacrifice ne s'accomplit sans obligation. Qui les éclairerait? qui les dirigerait? qui leur donnerait les grâces nécessaires à l'accomplissement de ces saintes et sublimes fonctions? Les autres hommes, me direz-vous. Mais les hommes n'ont, en général, ni les lumières ni le pouvoir nécessaires pour une telle délégation. sera donc Dieu lui-même, répliquez-vous, mais Dieu par l'entremise de supérieurs aptes à cela. Alors, ce serait précisément ce que nous avons aujourd'hui. Vous parlez, il est vrai, de choisir les plus anciens. Dans quel sens le prenez-vous? Entendez-vous des anciens par la science, par la vertu, des vieillards d'âme, en un mot? Cela doit être, et cela est, généralement parlant, dans les idées chrétiennes; car prêtre veut dire vieillard. Entendez-vous des anciens d'âge, des vieillards de corps? Cela ne se peut, communément; car les idées, la force de l'âme,s'affaiblissent, la plupart du temps, avec le corps; et puis, en supposant que l'âme conservât ses lumières et sa force jusqu'à la fin, le corps n'aurait plus la même aptitude à la servir. Et cependant que de force demandent souvent les fonctions du prêtre? C'est un soldat de Dieu et de l'humanité; pour Dieu et pour l'humanité, il doit combattre jusqu'à la mort, et, s'il le faut, jusqu'à la mort la plus héroïque. Voyez ce qui se passe dans un temps de persécution, dans une épidémie, dans une mission, et surtout dans une mission lointaine, sur des plages inhospitalières. Que de fatigues de tout genre! Et comment le prêtre y résistera-t-il, s'il n'est encore dans toute la force de l'âge? Ne considérons, si vous le voulez, que les temps ordinaires. C'est le dimanche, par exemple. Le prêtre est obligé de rester à jeun une partie du jour. Malgré cela, il est obligé de confesser, prêcher, célébrer les saints Offices. Après une journée toute de fatigues, il commence à peine à prendre un peu de repos qu'on vient interrompre son sommeil pour aller administrer un mourant à l'extrémité de sa paroisse. Il faut bien y aller, quoi qu'il en coûte, à moins d'être sans foi et même sans cœur. Les chemins pourtant sont impraticables, l'air est glacial, le vent souffle avec violence; et, de plus peut-être, la neige couvre la terre, ou l'eau tombe par torrents. Ce que le prêtre dont nous parlons est obligé de faire en ce moment, il devra le faire également toutes les fois que le demanderont les besoins du dernier des siens, aux yeux des

hommes; car il est le ministre du bon Pasteur qui laisse là le troupeau entier, pour courir après la brebis égarée et la ramener au bercail. Or croyez vous franchement qu'un vieillard puisse suffire à l'accomplissement de ces pénibles fonctions? Non, évidemment. Quand il aura atteint cet âge, sans doute, il devra rester, autant que possible, dans ces fonctions, d'autant plus qu'un vieillard à cheveux blancs est réellement, aux yeux des hommes, la plus frappante image de la Divinité. Mais l'y mettre à cet age, généralement parlant, ce serait demander l'impossible. Qui ne voit même que, quand il s'y trouve déjà depuis longtemps, qu'il en a pris le goût, contracté l'habitude, qui ne voit, dis-je, qu'il ne peut y rester, sans un aide encore jeune, qui devient son appui, son bâton de vieillesse, comme on dit communément, qui s'éclaire de ses lumières, se forme par son expérience, et le remplace même, à l'occasion, en attendant qu'il le fasse complétement, quand le vieux prêtre aura terminé sa carrière? Ne dites donc plus qu'on pourrait choisir, dans chaque localité, quelques vieillards ayant les lumières et les vertus que semblent réclamer les fonctions sacerdotales. Dites plutôt que ce qui se fait dans l'administration que vous critiquez est réellement ce qu'il y a de mieux, et même tout ce qu'il y a de praticable.

Vos prêtres, dites-vous encore, sont des hommes comme d'autres.

Comme hommes, oui, ils sont absolument comme d'autres, cela est de la plus grande évidence. Comme prêtres, non; cela n'est pas moins évident. Comme hommes, ils ont l'âme et le corps, avec les qualités et les défauts inhérents à ces deux natures. Il y a en eux, par conséquent, l'ange et la bête. Comnie prêtres, ils font prévaloir l'âme sur le corps, l'ange sur la bête, le bien sur le mal; et non seulement ils le font euxmêmes, mais Dieu les aide à cela de toutes ses grâces, et, sous ce rapport, ils ne sont plus des hommes comme d'autres.

Non, ils ne sont plus des hommes comme d'autres, quand ils sont prêtres; parce que, comme nous l'avons dit, ils ont été choisis pour offrir au ciel, d'une manière spéciale, les vœux et les hommages de la terre; parce que, seuls, ils ont le pouvoir de célébrer l'auguste sacrifice de nos autels. Faites ceci en mémoire de moi, leur a dit JésusChrist, quand il l'institua au moment de sa mort: Hoc facite in meam commemorationem. (Luc. XXII, 19.)

vous envoie... Recevez le Saint-Esprit : les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez, et ils seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez : « Sicut misit me Pater, et ego mitto vos... Accipite Spiritum sanctum: Quorum remiseritis peccata, remittuntur eis; el quorum retinueritis, retenta sunt. » (Joan. xx, 21.) Ils sont donc les ambassadeurs du Roi des rois, les ministres de ses grâces, et principalement de ses grâces spirituelles. Dites-vous d'un ambassadeur d'un des rois de la terre qu'il est comme le reste de ses sujets? Non, vous répondrait - on, si vous le disiez; car il représente son mattre, et celui qui le méprise, méprise le roi qui l'a envoyé. Il doit en être de même à l'égard des prêtres, ces envoyés de Jésus-Christ et de Dieu.

Non, ils ne sont point des hommes comme d'autres, car ils sont les docteurs de la loi nouvelle, les prédicateurs de l'Evangile : Enseignez toutes les nations, leur a dit JésusChrist, leur apprenant à observer tout ce que je vous ai commandé. Et voilà que je suis avec vous, tous les jours, jusqu'à la consommation des siècles. (Matth. xxvIII, 18-20.) Comprenez-vous la portée de ces paroles? Ils ont le dépôt de la loi ; ils sont les pierres vivantes sur lesquelles cette loi sainte a été gravée par le Saint-Esprit lui-même; que dis-je! ils sont les organes dont se sert Notre-Seigneur Jésus-Christ, pour continuer au monde son divin enseignement. Ce n'est pas que nous soyons capables de former de nous-mêmes aucune bonne pensée comme de nous-mêmes, dit l'apôtre saint Paul, mais c'est Dieu qui nous en rend capables. Et c'est lui aussi qui nous a rendus capables d'être les ministres de la nouvelle alliance, non par la lettre, mais par l'esprit; car la lettre tue, et l'esprit donne la vie. Que si le ministère de la lettre gravée sur des pierres, qui était un ministère de mort, a été accompagné d'une telle gloire, que les enfants d'Israël ne pou vaient regarder le visage de Moise, à cause de la gloire dont il éclatait, qui devait néan moins finir, combien le ministère de l'esprit doit-il être plus glorieux? (11 Cor. 1, 5, 8.) Il est vrai que tout cela concerne le minis tère épiscopal; mais, quand on parle des prêtres en général, on entend aussi les évêques. Et puis, que sont les prêtres, cousi dérés en eux-mêmes? Les délégués, les coopérateurs de l'évêque. Donc, leur minis tère est de la même nature, et les élève, sous ce rapport, au-dessus des autres hom

mes.

Non, ils ne sont plus des hommes comme Non, les prêtres ne sont point des homd'autres, parce que, comme nous l'avons dit mes comme d'autres! Car ils ne sont pas encore, c'est de leur ministère que Dieu veut seulement les prédicateurs officiels de la loi bien se servir pour répandre sur les hom- divine, ils en sont aussi les plus fidèles mes ses bénédictions et ses grâces: Qui observateurs. De leur cœur, où elle est gra vous écoute m'écoute, leur a dit Jésus-Christ, vée par l'Esprit-Saint, elle passe, avec le et qui vous méprise, me méprise. Or celui sang, ainsi dire, dans leurs pensées, qui me méprise, méprise celui qui m'a envoyé. leurs a Qui vos audit me audit, et qui vos spernit me spernit. Qui autem me spernit, spernit eum qui misit me.» (Luc. x, 16.) Et ailleurs : Comme mon Père m'a envoyé, et moi aussi je

dans sentiments, dans toutes leurs

actions. Ils sont, dans leur ensemble, comme la morale évangélique mise en pratique. Les attaquer donc, les mépriser seulemen, c'est attaquer, ou du moins mépriser la loi

DES OBJECTIONS POPULAIRES. chrétienne, cette loi qui a été donnée au monde pour l'éclairer et le sanctifier.

Non, encore une fois, les prêtres ne sont pas des hommes comme d'autres! Car ils sont tout particulièrement les ministres de la charité de Dieu à l'égard des hommes, et surtout à l'égard des hommes malheureux, l'incarnation, en quelque sorte, de sa miséricorde. Les repousser donc, c'est comme repousser le cœur de Dieu, quand il vient à nous pour écouter nos plaintes, nous consoler et nous soulager.

Vous allez me demander peut-être pourquoi Dieu n'a pas choisi de créatures réellement au-dessus de la nature humaine pour leur donner à remplir ce ministère divin.

Pourquoi? Mais parce qu'il ne l'a pas voulu. Qui sommes-nous donc pour oser demander compte à Dieu de ses actions? Est-ce à celui qui ne sait rien, qui n'est rien, à vouloir diriger la conduite de la souveraine Intelligence, de l'Etre infini?

Pourquoi? Mais pour faire éclater davan lage sa puissance et sa gloire. Plus l'instrument dont on se sert est impropre aux choses pour lesquelles on l'emploie, plus la main qui s'en sert se fait remarquer. Le prêtre n'est entre les mains de Dieu qu'un instrument dont il se sert pour élever les hommes à la sanctification et au bonheur. Instrument indigne, avez-vous dit. Tant mieux, en un sens, pouvons-nous vous répondre; car nous ne verrons alors que celui qui s'eu sert; il aura seul notre reconnaissance, notre vénération, notre amour.

Pourquoi? Mais pour nous-mêmes, et dans nos propres intérêts. Si nous voyions dans les prêtres des créatures d'une nature supérieure à la nôtre, si nous ne remarquions en eux aucune de ces faiblesses, et même de ces fautes qui se trouvent en nous si fréquemment et en si grand nombre, nous n'en approcherions qu'avec crainte et tremblement, en quelque sorte. Voyez ce que nous éprouvons quand nous approchons de quelque personnage environné de tout l'éclat des grandeurs terrestres, quoique nous soyons bien convaincus que cet éclat n'est qu'extérieur, et cache souvent de plus grandes misères que celles qui sont en nous. Que serait-ce donc si cette grandeur était réellement ce qu'elle paraît à l'extérieur? Je vous l'ai dit, nous n'approcherions qu'avec crainte et tremblement; et quand, par la réflexion, nous serions parvenus à vaincre cette frayeur, notre cœur, du moins, se fermerait instinctivement et malgré nous, et, quoi que nous pussions faire, nous n'obtiendrions pas de lui facilement, si même nous l'obtenions jamais, qu'il dévoilât toutes ses misères secrètes. Mais quand nous pensons que celui dont nous nous approchons est absolument de la même nature que nous, quand nous voyons qu'il a passé par les inêmes faiblesses, les mêmes fautes, si ce n'est même par des faiblesses et des fautes plus grandes encore, nous nous approchons avec une entière confiance, quelle que soit notre position. Malade, montrez toutes vos

plaies, quelque affreuses qu'elles vous paraissent à vous-même, au médecin qui vous promet, au nom du Seigneur, une infaillible guérison. Ne craignez point, vous dis-je; car il en a eu de semblables, dont il est complétement guéri. Il n'est donc pas seulement le ministre de l'infinie miséricorde du Seigneur, il en est encore la manifestation la plus éclatante.

Que de monstres il y a eu parmi eux, ajoutez-vous, depuis Judas jusqu'à Verger !

Et dans les autres classes de la société, il n'y en a point eu, sans doute! Quoi! le monde est à peine créé que je vois le traître Caïn immoler son frère Abel. Et, depuis co temps-là, est-ce que le sang cesse de couler sur la terre? Que de meurtres, et quelquefois que de meurtres abominables! Que de monstres, par conséquent, pour me servir de votre expression! Je viens de vous montrer le frère immolant son frère. Faut-il vous montrer le père immolant son fils, le fils lui-même immolant les auteurs de ses jours? O prodige d'horreur! Ce tigre à figure humaine n'avait point assez d'une victime. Enivré, en quelque sorte, d'un sang qui devait être doublement sacré pour lui, il contemple, avec un rire diabolique, le poignard encore fumant qu'il vient de retirer du sein de son père, et il le plonge et replonge, coup sur coup, dans le sein qui l'a porté et nourri lui-même. Voilà le monstre le plus affreux de tous, puisqu'il est en opposition, de la manière la plus frappante, avec les lois de la nature. Mais non, il en est, je crois, de plus abominables encore. Voyez-vous les pasteurs des peuples, pour parler le langage des anciens, ceux à qui le Seigneur luimême a dit: Vous êtes des dieux, et les fils du Très-Haut, quoique vous deviez mourir comme le reste des hommes. (Psal. LXXX, 6, 7.) Au lieu de veiller à la garde des peuples qui leur ont été confiés, et de travailler à les rendre heureux, quelques-uns ne songent qu'à leur ruine. « Révoltons-nous contre Dieu,» s'écrient ceux qu'on a appelés les persécuteurs, et, pour contraindre les peuples à marcher dans cette voie impie, il n'y a point de supplices auxquels ils n'aient recours. L'imagination la plus féconde est inhabile à servir leur cruauté; et j'en entends un désirer que l'humanité n'ait qu'une tête pour l'abattre d'un seul coup. Voilà bien actuellement le plus affreux des monstres, puisqu'il n'est pas possible de se mettre davantage en opposition avec les lois de la nature. Donc, si vous maudissez la classe sacerdotale, parce qu'elle renferme des monstres, maudissez toutes les classes qui en renferment également. Donc, si le titre de prêtre est odieux à vos yeux, parce qu'il a été souillé, autant que cela était possible, par deux crimes abominables, tous les autres, même les plus vénérés généralement, le seront aussi, puisqu'ils ont été souillés également, autant que cela était possible, par les crimes les plus abominables.

Vous me direz que cela est plus surprenant chez les prêtres..

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