Images de page
PDF
ePub

PURGATOIRE.

Objections. Il n'y a point de purgatoire. Vous admettez vous-mêmes qu'il n'y en aura point après le jugement général : pourquoi n'en serait-il pas ainsi auparavant ? Ce sont les prêtres qui enseignent cela, pour avoir des Messes et autres cérémonies funèbres qui toutes leur rapportent.

Réponse. Le dogme du purgatoire est bien l'un des plus touchants, l'un des plus utiles, même pour ce monde, de tous ceux que nous enseigne la religion. Aussi, estce l'un de ceux auxquels l'esprit et le cœur, l'âme entière s'ouvre le plus volontiers. Il y en a qui le nient cependant: ce sont nos frères séparés, ce sont encore quelques hommes qui, nés dans la religion catholi que, n'en ont gardé que le nom, si même ils ne l'ont également répud é, et qu'on tro ve toujours empressés à nier tout ce que croit et enseigne l'Eglise qui les a élevés.

Il n'y a point de purgatoire, disent-ils.

Parlez-vous bien sérieusenient? croyezvous bien ce que vous dites? pouvons-nous leur répondre. Ecoutez, en ce cas, ce que nous avons dit nous-même ailleurs (Le céleste banquet) sur ce sujet important. Nous n'aurions pas autre chose à vous dire aujourd'hui.

« Qu'il y ait un purgatoire, c'est-à-dire un lieu de purification cù souffrent les âmes qui meurent en état de grâce sans avoir entièrement satisfait à la justice divine, jusqu'à ce qu'elles puissent être reçues dans le ciel, où rien de souillé n'entrera jamais (Apoc. XXI, 27), c'est une vérité également prouvée par l'Ecriture, la tradition, le consentement général des peuples, le sentiment et la raison.

« Nous lisons dans les Ecritures: C'est une sainte et salutaire pensée de prier pour les morts, afin qu'ils soient délivrés de leurs péchés. (11 Mach. x, 46.) Ces morts pour qui il nous est recommandé de prier, afin d'obtenir la rémission de leurs péchés, ce ne sont point les saints, qui n'ont aucune souillure et jouissent du bonheur éternel; ce ne sont point non plus les damnés dont la peine est irrémissible; ce sont donc ceux qui se trouvent dans ce lieu intermédiaire communément appelé le purgatoire. Il existe

(114) Le genre de cet article ne nous permettant guère de faire au texte même des citations d'auteurs profanes, nous en faisons, en note, deux seulement. Voici d'abord ce que nous trouvons dans Platon: Quiconque subit un juste châtiment devient meilleur et gagne à souffrir, ou sert au moins d'exemple aux autres, que la terreur du supplice peut rendre à la vertu. Ceux qui profitent des punitions infligées par les homines ou par les dieux sont les condamnés dont l'âme malade n'est pas indigne de guérison; et ils y arrivent, dans un autre monde, comme dans le nôtre, par les souffrances et les remords, seuls expiations d'une vie criminelle. Mais les vils scélérats, › etc. (Gorgias, traduction de Victor Leclerc.)

donc un purgatoire, d'après l'enseignement des Ecritures.

« La tradition s'exprime d'une manière aussi positive à ce sujet, mais avec une telle réunion de témoignages qu'il estimpossible d'en concevoir une plus imposante. Et ici je ne discuterai pas les textes plus ou moins clairs de quelques savants appartenant à différentes époques de l'Eglise et connus seulement dans les hautes régions de la science. J'en appelle immédiatement à l'attestation universelle et constante, à l'attestation, sous toutes les formes, de tous les Chrétiens, pour ainsi dire, appartenant à tous les temps, à tous les âges, à toutes les conditions. Lisez, consultez, interrogez... interrogez non pas seulement la parole exprimée par la voix et les écrits, mais encore celle qui l'est d'une manière infinimentplus frappante, par nos actions, et vous reconnaftrez que, partout et toujours, les Chrétiens ont eu la foi la plus énergique à l'existence du purgatoire. Pourquoi, en effet, toutes ces prières publiques et particuliè res après la mort? Pourquoi l'eau sainte mêlée à nos larmes et jetée si souvent sur les restes des défunts, sur la terre même qui les renferme? pourquoi ces offrandes funèbres? pourquoi le saint sacrifice en leur faveur?... Evidemment, pour demander leur purification complète et leur délivrance. Mais à qui nos prières et nos bonnes œuvres de toute sorte peuvent-elles servir? Aux saints? Non, ils n'en ont pas besoin. Aux damnés? Non encore, leur sort ne peut plus être changé. A ceux conséquemment qui souffrent dans le purgatoire. L'existence du purgatoire est donc incontestable suivant le témoignage de la tra dition.

«Ne pouvons-nous pas ajouter ici que cette existence est également attestée par le témoignage unanime des peuples? Quoique les lumières du christianisme suffisent amplement pour nous éclairer, sortons par la pensée, si on le désire, du cercle de notre religion, interrogeons les peuples idolâtres sur leurs coutumes comme sur leurs croyances (114) et nous arriverons encore au même résultat. Chez eux, comme chez les Chrétiens, pourquoi toutes ces prières après la mort? pourquoi ces cérémonies funèbres

Dans le vi livre de l'Enéide le dogme du purgatoire est encore plus clairement exprimé :

[ocr errors]

De ses fers quand l'âme se dépouille, Comme elle garde encor la trace de leur rouille, Elle doit effacer par un long châtiment La souillure mêlée à son pur élément: Les unes, pour laver cette empreinte de bone, Flottent au sein des airs, où le vent les secoue, D'autres vont se plonger dans de larges torrents, Ou passent mille fois sur des feux devorants: Une peine diverse est marquée à chaque ombre. Puis da calme Elisée (hlas! en petit nombre) Nous venons habiter les fortunés abris.

(Traduction de BARTHÉLENT.)

de toute nature? pourquoi ces sacrifices dont quelques-uns (les sacrifices sanglants) ont une énergie d'expression physiquement plus frappante que le sacrifice chrétien ? Incontestablement pour obtenir la purification des morts. Iis reconnaissaient donc que les âmes, au sortir de cette vie, ont encore besoin, généralement parlant, d'être purifiées de certaines souillures, ce qui est l'essence même du purgatoire.

Pour en venir à une preuve moins difficile à constater, à la preuve du sentiment, je vous dirai actuellement Rentrons au dedans de nous-mêmes, examinons la conduite des autres hommes, quels que soient leur âge, leur condition, leur éducation, leurs principes; ne voyons-nous pas en nous, ne découvrous-nous pas dans les autres je ne sais quel instinct plus ou moins prononcé, qui nous porte tous indistincteinent à supplier, à notre manière, la toutepuissance divine en faveur de ceux que nous avons perdus? Considérez ces hommes qu'on a crus longtemps, qui se sont crus peut-être eux-mêmes sans aucune conviction, sans aucune pensée religieuse; considérez ceux dont l'impiété a tellement bouleversé les Ames qu'elles sont dans un état mille fois plus déplorable que si elles n'avaient jamais reçu aucune éducation religieuse; comme ces bonnes terres qu'un torrent dévastateur a rendues pires que si elles n'avaient jamais été cultivées. S'ils viennent à perdre une personne tendrement aimée, i's se montrent aussitôt religieux, du moins à leur manière. Ils prient, ils font des vœux. Il ne leur serait peut-être pas facile à eux-mêmes d'expliquer la valeur de leurs actes; mais ces actes ont pourtant une signification. Ne reconnaissant point le dogme du purgatoire, ceux dont nous parlons en ont du moins le pressentiment, si je puis m'exprimer de la sorte, et ils agissent en conséquence. Oui, je le soutiendrai toute ma vie, il est impossible à l'homme le plus impie, le plus immoral, le plus dur, le plus abruti, de rester longtemps calme en face d'un cercueil, pourvu qu'il s'abandonne aux réflexions qui lui sont alors tout naturellement suggérées. Quand il aura longtemps et sérieusement contemplé, dites-lui de rentrer au dedans de lui-même, et il sentira je ne sais quelle vague terreur, je ne sais quelle défaillance interne qui lui feront reconnaître le besoin, la nécessité même d'une intervention céleste pour ceux qui ne sont plus, intervention qu'il s'empresse de réclamer pour les autres, comme il désire qu'on la réclame un jour pour lui. Il y a donc au fond du cœur un sentiment inné, universel, indestructible, qui proclame, d'une manière plus ou moins claire, plus ou moins directe, l'existence du purgatoire.

«La raison arrive encore au même résultat. Eclairée des lumières de la foi, elle nous enseigne que, sans être coupable de péchés graves, l'homme peut mourir, et meurt même la plupart du temps coupable d'un grand nombre de péchés véniels, ou bien avant d'avoir

entièrement satisfait à la justice divine pour les péchés mortels dont il a reçu le pardon. D'où elle conclut la nécessité pour lui de rester, après la mort, dans les flammes du purgatoire jusqu'à ce qu'il ait acquis une pureté parfaite, et soit devenu digne de s'unir à Dieu, qui est la sainteté même. »

Ainsi, tout semble se réunir pour prouver le purgatoire. D'où il suit que personne ne saurait avoir aucun prétexte de le nier, à quelque subterfuge qu'il ait recours.

Vous admettez vous-mêmes, nous dit-on, qu'il n'y en aura point après le jugement général pourquoi n'en serait-il pas ainsi auparavant?

La conséquence n'est pas rigoureuse, » avons-nous répondu encore à cette objection, dans l'ouvrage que nous venons de citer. « Il n'y aura plus de purgatoire après le jucement général parce que déjà aura été atteint le double but pour lequel Dieu l'a établi je veux dire la purification des âmes et la satisfaction à sa justice infinie. Ceux qui mourront à la tin du monde, ou qui n'auront point encore achevé de subir la peine à laquelle ils auront été condamnés, ceuxlà souffriront immédiatement autant qu'ils le devront pour être jugés dignes du royaume éternel. S'ils souffrent moins longtemps, ils souffriront davantage, et l'intensité compensera chez eux ce qui aura manqué du côté de la durée. Que la dette soit acquittée en totalité ou par parties, elle n'en est pas moins acquittée également dans l'un et l'autre

cas.

« On me dira peut-être ici: Pourquoi donc n'en serait-il pas ainsi avant le jugement dernier ?Ce serait la même chose comme vous en convenez, et la justice divine s'exercerait d'une manière plus uniforme.

« Pourquoi...? Mais si nous voulions avoir la raison de chaque chose, si nous voulions savoir surtout quels sont les motifs des impénétrables desseins de Dieu, nous serions promptement écrasés sous le poids de cette glorieuse majesté que nous aurions imprudemment scrutée, pour parler le langage des saintes Ecritures (Prov. xxv, 27). Je vais essayer pourtant de résoudre cette difficulté, parce que la réponse que j'ai à donner me fait entrer dans le fond même de mon sujel.

« Je dirai d'abord que, le temps détruit, il me paraît rationnel que Dieu ne conserve pas non plus un purgatoire temporel qui se trouve intimement lié à la conservation de l'Eglise sur la terre. C'est là la raison métaphysique de la chose. La raison morale, que je vais donner actuellement, me semble beaucoup plus importante à approfondir.

a Il est évident que dans ses actes, dans ceux principalement qui ont rapport à notre religion, Dieu ne perd jamais de vue la sanctification de l'homme, ce chef-d'œuvre, ce complément, ce résumé de la création terrestre. Sa propre gloire sans doute doit être la fin dernière de tout ce qu'il fait autrement, a dit le pieux et savant Fenelon, il agirait d'une manière moins parfaite que la

créature qui se propose pour but la gloire du Créateur. Mais, rien ne pouvant servir autant à cette gloire que notre propre sanctification, Dieu par cela même ne la perd jamais de vue, comme nous venons de le dire. Or la sanctification de l'homme, voilà précisément la raison pour laquelle Dieu a voulu que le purgatoire subsistât tant que durerait le monde, et qu'il cessât d'exister avec lui. Le monde détruit, à quoi servirait-il? A satisfaire pleinement à la justice divine, en achevant de purifier les âmes? Mais ce but est également atteint par une souffrance plus grande et moins prolongée. Il subsiste avec le monde, pour que le cri des victimes qu'il renferme soit un incessant appel à nos cœurs et nous entraîne à la pratique de toutes les vertus, à l'accomplissement de toutes les bonnes œuvres.

« Qui ne le voit? Qui n'en a fait mille fois la remarque? Entrez dans les églises; voyez ce qui se passe dans le monde; pénétrez, par la pensée, au fond des cœurs: pourquoi ces chants lamentables, ces cérémonies funèbres? Pourquoi ces visites aux malades, ces aumônes, ces pratiques de mortification, après un enterrement? Pourquoi ces saintes pensées, ces élans du cœur vers le ciel, à la vue d'une tombe entr'ouverte ? Il est aisé de le comprendre, c'est pour obtenir de Dieu la délivrance des âmes que l'on suppose être dans le purgatoire. Ajoutons ici que c'est là le motif qui agit le plus efficacement sur le cœur endurci de l'homme, et que c'est souvent le seul qui fasse impression. Pourquoi ce jeune impie est-il devenu tout à coup profondément religieux? Pourquoi ce vieillard verse-t-il avec joie dans le sein des pauvres l'argent dont jusqu'ici il avait fait son dieu? Pourquoi cette femme mondaine est-elle devenue presque subitement le modèle des plus nobles vertus chrétiennes? Vous ne l'ignorez pas, c'est qu'ils ont perdu ceux à qui ils étaient le plus attachés en ce monde; et, pour hâter leur bonheur dans l'autre vie, ils se déterminent sans peine aux plus difficiles sacrifices, à une conduite tout opposée à celle qu'ils ont eue jusqu'ici. Ils ne pensaient nuliement à Dieu pour euxinêmes; ils y pensent tous les jours pour des ames si chères. Ils s'exposaient eux-mêmes sans inquiétude à d'éternels supplices; ils craignent de laisser souffrir un temps plus ou moins considérable ceux qu'ils ont aimés, et ils s'empressent d'abréger leurs souffrances en se soumettant avec amour aux plus saintes prescriptions de la religion. Retranchez le dogme du purgatoire tel que nous le reconnaissons, et les vivants ne penseront aux morts qu'un instant et d'une manière superficielle; ou, s'ils y pensent profondément et longtemps, on ne les verra jamais du moins se consacrer pour eux à une vie d'abnégation et de vertus. Ce dogme est donc une source inépuisable de bonnes œuvres, et par conséquent un moyen efficace de sanctification pour les âmes. Dieu seul connaît parfaitement tout le bien qui se fait sur la terre, et quel en est le principe. Pourtant

je ne crains pas de me tromper en affirmant qu'une somme importante de ce bien, la plus importante peut-être, provient chez l'homme de sa croyance au purgatoire, à ce purgatoire temporel, te! que nous l'enseigne la religion catholique, dont nous pouvons diminuer l'intensité et la durée par nos bonnes

œuvres. >>

Ce sont les prêtres qui enseignent cela, ajoutez-vous, pour avoir des Messes et autres cérémonies funèbres qui toutes leur rapportent.

Oui, sans doute, ce sont les prêtres qui enseignent cela, et il le faut bien, puisqu'ils sont chargés d'enseigner toutes les vérités de la religion. C'est une de celles auxquelles ils reviennent le plus fréquemment partout, et sur lesquelles ils insistent le plus énergiquement, et ils ont raison, puisqu'il n'y en a pas qui fassent plus d'impression sur les cœurs, et nous portent plus sûrement à l'accomplissement de nos devoirs religieux, à la pratique de toutes les vertus, ainsi que je viens de l'établir, et qu'il est facile à chacun de s'en convaincre. Entendez-vous la chose autrement? Voulez-vous dire, par exemple, que ce sont les prêtres qui ont inventé ce dogne, ou qu'ils l'enseignent sans y cro re eux-mêmes? Vous diriez cela sans raison, ou, pour mieux dire, contre toute raison.

Les prêtres auraient inventé le purgatoire? En ce cas, ce sont donc les prêtres qui ont écrit le passage des Ecritures que j'ai cité précédemment, et mille autres où la même doctrine se trouve enseignée aussi strement, quoique en termes moins clairs? Ce sont donc les prêtres qui ont composé égale ment les deux passages de Platon et de Virgile que j'ai placés aussi sous les yeux du lecteur, et un nombre infini d'au tres passages qui prouvent que l'antiquité croyait comme nous que les âmes des morts ont besoin de purification, et que cette purification s'obtient surtout par des sacrifices offerts à la Divinité?

Ce sont les prêtres qui ont inventé le purgatoire? Mais citez donc le nom du premier inventeur, l'époque où cette invention s'est faite? Citez cela approximativement du moins. Quoi ce serait venu de soi, saus bruit, sans réclamation de personne contre la nouveauté gênante, sacrilége, simoniaque? Vous ne le ferez croire à personne, et probablement vous ne le croyez pas non plus

vous-même.

Les prêtres enseignent le dogme du purgatoire, sans y croire! Interrogez-les tous vous-même, et, ce qui est mieux encore, interrogez leurs actes, et ces actes vous diront, comme leurs paroles, qu'il ne se passe peut-être pas un seul jour sans qu'ils prient, dans leur particulier et sans espoir d'aucune rétribution, pour leurs parents et leurs amis défunts, sans qu'ils fassent pour eux-mêmes provision de mérites, si je puis m'exprimer de la sorte, afin que soit abrégé le plus possible ce temps d'expiation qu'ils s'attendent à passer, eux aussi, dans les flammes du purgatoire, sans qu'ils recommandent ins

tamment de prier pour eux après leur mort. Quand ils voient cette mort approcher, ils font cette recommandation d'une manière bien plus pressante et bien plus remarquable. Est-ce qu'il meurt beaucoup de prêtres sans laisser, soit de vive voix, soit par écrit, un certain nombre de Messes à dire et des bonnes œuvres à faire à leur intention? C'est un fait public, dont peuvent déposer les hommes les plus honorables, les populations entières? Et, si cela est incontestable, comment pouvez-vous dire que les prêtres ne croient pas eux-mêmes à l'existence du purgatoire, et qu'ils n'enseignent ce dogme que par intérêt? Sans doute ils reçoivent ordinairement une certaine rétribution pour les Messes qu'ils disent, pour la plupart des cérémonies funèbres qu'ils accomplissent à l'intention des morts, et cela est bien naturel, puisque, comme l'enseigne saint Paul, le prêtre doit vivre de l'autel auquel il est attaché (115); mais qu'est-ce que cela pour des fonctions toujours ennuyeuses et répugnantes, surtout si elles sont remplies sans conviction, quelquefois tristes et déchirantes? Qui ne comprend d'ailleurs que, ces fonctions supprimées, les émoluments du prêtre seraient à peu près les mêmes; car ces émoluments ne sauraient être moindres, comme on en convient généralement, et il faut bien après tout que le prêtre vive dans son état, comme tout autre. Voyez le ministre protestant. Il n'a ni Messes à dire, ni cé rémonies funèbres à accomplir, pour la déliTrance des Ames du purgatoire; et cependant il est beaucoup plus riche, générale ment parlant, beaucoup plus heureux, au point de vue terrestre surtout, que le prêtre catholique, obligé de prier chaque jour, nonseulement pour les vivants, mais aussi pour

les morts.

Les prêtres auraient inventé le purgatoire, pensez-vous...! Ah! si cela était, il ne faudrait pas les en blâmer, mais les en louer hautement; au lieu de déchirer la mémoire de ces utiles inventeurs, il faudrait leur accorder une bonne part dans ces honneurs funèbres qu'ils nous auraient appris à rendre

-

aux trépassés, car ils auraient fait là l'invention la plus consolante, la plus utile, la plus féconde en vertus qu'il soit possible d'imaginer. Nous l'avons déjà dit, et il est inutile de nous répéter. Contentons-nous de citer seulement ici le témoignage de deux laïques dont la parole fera, ici surtout, beaucoup plus d'impression que la nôtre:

« Qui ne voit la portée morale d'un tel dogme, » dit, après avoir prouvé et expliqué le dogme du purgatoire, le savant auteur des Etudes philosophiques sur le christianisme, << qui ne voit la confiance qu'il inspire, les motifs qu'il présente à la vertu? Que ne peuvent le souvenir d'une mère, la foi dans son intercession au ciel, pour les enfants qu'elle a laissés sur la terre? Que ne peut la foi dans l'efficacité de nos bonnes œuvres pour la délivrer des maux qu'elle souffre, et que son amour pour nous lui a peut-être attirés ? Que ne peut l'espoir de notre réunion dans le sein de ce Dieu qui nous a faits les uns pour les autres et tous pour lui, et qui ne fera que consommer son ouvrage en nous réunissant? Ainsi d'un père, d'un enfant, d'une épouse, d'un frère, d'un ami. »>

En exprimant ces touchantes pensées, l'apologiste que nous venons de citer ne faisait que répéter celles d'un autre écrivain qui avait combattu précédemment, avec beaucoup plus d'éclat, pour la même cause: « Ådmirable commerce, » s'écrie ici l'illustre auteur du Génie du christianisme, « admirable commerce entre le fils vivant et le père décédé, entre la mère et la fille, entre l'époux et l'épouse, entre la vie et la mort! Que do choses attendrissantes dans cette doctrine! Ma vertu à moi, chétif mortel, devient un bien commun pour tous les Chrétiens; et, de même que j'ai été atteint du péché d'Adam, de même ma justice est passée en comple aux autres. C'est une belle chose d'avoir, par l'attrait de l'amour, forcé le cœur de l'homme à la vertu; et de penser que le même denier qui donne le pain du moment au misérable, donne peut-être à une âme délivrée une place éternelle à la table du Seigneur. »

Q

QUATRE-TEMPS.

Objection. L'Eglise saisit pourtant toutes les occasions qui se présentent d'imposer à ses enfants des actes de pénible mortification.

Réponse. Le jeûne des Quatre-Temps est celui qui s'observe dans l'Eglise à l'occasion des quatre saisons de l'année. Chacun est de trois jours le mercredi, le vendredi et le samedi. Le premier est au commencement du Carême, le second dans la semaine de la Pentecôte, le troisième dans le mois

de septembre, et le quatrième dans le mois de décembre.

Les incrédules et les mauvais Chrétiens ne voient guère arriver ces jours sans se perinettre quelques attaques contre le jeûne en général, contre celui-ci en particulier. Nous avons parlé ailleurs du jeûne en général; donnons quelques explications sur le jeûne des Quatre-Temps.

L'Elise saisit pourtant, nous dit-on, tou tes les occasions qui se présentent d'imposer à ses enfants des actes de pénible mortification.

(115) Nescitis quoniam qui in sacrario operantur, quæ de sacrario sunt, edunt? (I Cor. ix, 13. )

DICTIONN. DES OBJECT. POPUL.

38

Dites plutôt de sanctification et de bonheur... De sanctification, cela est évident, puisque le jeûne est un moyen de sanctification en soi, et qu'il appelle après lui toutes sortes d'autres bonnes œuvres, comme la prière et l'aumône. J'ai ajouté aussi le bonheur, puisque, après ces quelques jours de jeûne, nous nous sentons meilleurs Chrétiens, plus rapprochés du ciel, plus heureux même dès cette vie.

J'ai connu des hommes sensuels qui n'appelaient jamais ces sortes de jeûne que les contre-temps. Oui, les contre-temps pour les passions, les contre-temps pour les démons, les contre-temps pour le mal...! Mais, pour la vertu, pour le ciel, pour notre bonheur bien entendu,pour notre bonheur éternel surtout, ce sont des jours avantageux au contraire, des jours de salut, comme dit saint Paul : Ecce nunc dies salutis. (II Cor. vi, 2.)

Que l'Eglise saisisse toutes les ocasions qui se présentent d'imposer à ses enfants des actes de sanctification, fussent des actes durs à la chair, des actes de mortification, et même de pénible mortification, comme vous avez dit, cela ne doit surprendre personne. N'est-ce pas sa mission sur la terre? Le monde ne laisse échapper aucune des occasions qui se présentent pour détourner les hommes de la voie qui conduit au ciel, et les entraîner dans l'abîme de l'enfer. Donc, aussi, l'Eglise de Jésus-Christ, qui est sur la terre pour combattre le monde, doit saisir toutes les occasions qui se présentent pour éloigner ses enfants des sentiers de la perdition et les conduire au ciel. Or, le précepte du jeûne est un des moyens les plus propres

[ocr errors][merged small]

à obtenir ce grand résultat; et j'ajouterai que ce moyen est d'autant plus efficace qu'il est employé plus à propos, comme en cetto circonstance.

Il n'entre point dans le plan de cet ouvrage de rechercher à quelle époque précise remonte le jeûne des Quatre-Temps, ni pour quelle raison il a été positivement institué. Qu'il nous suffise de dire ici qu'il est de la plus haute antiquité, et que, outre les motifs particuliers que chacun de nous peut avoir en l'observant, l'Eglise en propose deux généraux le premier est d'appeler les bénédictions célestes sur les fruits de la terre, à la production desquels concourent les quatre saisons de l'année: le second est d'appeler également les bénédictions divines sur les ordinations des ministres de la religion, qui se font ordinairement en ces temps-là.

Touchante sollicitude de l'Eglise, notre Mère Elle sait qu'il y a pour chacun de nous une double vie, celle du corps et celle de l'âme, la vie matérielle et la vie spirituelle, deux sortes de biens, par conséquent, les biens matériels, qui entretiennent en nous la vie du corps, et les biens spirituels qui entretiennent également en nous la vje de l'âme, les biens matériels qui nous viennent de la terre, et les biens spirituels qui nous viennent du ministère sacerdotal; elle ne cesse donc de le rappeler à ses enfants en temps opportun, elle fait tout ce qui dépend d'elle pour les porter à obtenir de Dieu, par leurs bonnes œuvres, de ne point tarir la double source de ces biens, mais de la rendre, chaque jour, au contraire, de plus en plus abondante et salutaire.

QUÊTE.

Objections. Des quêtes, et encore des quêtes, et toujours des quêtes de la part du clergé! Pourquoi dans l'église? C'est une cause de distraction, pour ne rien dire de plus. Ne pourrait-on pas penser que vous en gardez une partie pour vous ? — On n'ose vous refuser souvent; et on donne alors beaucoup plus qu'on ne peut. -Pourquoi ne pas laisser chacun faire sa charité comme il l'entend?

Réponse. Sous une forme ou sous une autre, il y a toujours eu des quêtes en ce monde, et il y en aura probablement toujours. C'est une conséquence des besoins de T'humanité, et de la nécessité de recourir aux âmes compatissantes pour y subvenir. Il y en avait chez les Juifs, comme aujourd'hui, malgré la dureté proverbiale de leur cœur. Témoin ce tronc devant lequel se plaça Jésus-Christ, et où il vit la pauvre veuve venir après les riches qui avaient fait de grandes offrandes, et mettre encore plus qu'eux, comme il le fait remarquer si senséinent à ses disciples, car tous les autres avaient mis de leur superflu, tandis qu'elle avait donné de son indigence même tout ce qu'elle avait, tout ce qui lui restait pour vivre : « Omnes enim ex eo, quod abundabat illis, miserunt: hæc vero de penuria sua

omnia quæ habuit misit totum victum suum. » (Marc. x11, 43.) On'en fait dans les assemblées profanes, comme dans les assemblées religieuses. On ne l'a jamais trouvé mauvais. On ne le trouve pas mal encore sans doute intérieurement. On le blâme dans le clergé. C'est assez naturel ce qui est bien chez les autres doit être mal chez lui, aux yeux de la prévention et de la haine.

Des quêtes, et encore des quêtes, et toujours des quêtes de la part du clergé ! nous dit-on quelquefois.

Des quêtes! dites-vous. Cela vous étonne? Mais, je viens de vous le faire remarquer, i y en a toujours eu partout, et il y en aurs toujours. C'est la conséquence des grands besoins de l'humanité. La misère est souvent comme un torrent qui menace d'empor ter une portion notable de l'humanité. Il faut bien que nous réunissions nos efforts pour empêcher ou réparer ses ravages.

Des quêtes, et encore des quêtes! Y en a-t-il autant que vous semblez le croire? Vous exagérez beaucoup, ce ie semble. Voyez dans la campagne, par exemple! Il est des lieux où il n'y en a jamais ou presque jamais. Dans les lieux où il y en a le plus souvent, c'est une fois par semaine. Or, qu'est-ce que cela comparativement aus

« PrécédentContinuer »