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ment, nécessairement liés; tous ajoutent encore à ces liens naturels et nécessaires d'autres liens volontaires. Qui ne le voit? Qui ne le comprend? Notre-Seigneur n'a-t-il pas dit, en propres termes, à ses disciples, que celui qui voudrait être le premier parmi eux serait le serviteur des autres?— Qui voluerit inter vos primus esse, erit vester servus.(Matth. xx, 27.) Aussi le souverain Pontife, successeur de Pierre, chef visible de l'Eglise, prend-il pour premier titre celui de Servileur des serviteurs de Dieu : « Servus servorum Dei. »

Les vœux restreignent encore notre liberté déjà si restreinte, objectez-vous.

Soit; mais si cela est permis, très-légitimement permis, comme nous venons de le reconnaître, si cela est utile, souverainement utile même, comme nous l'avons montré plus haut, pourquoi ne le ferions-nous pas ?

Les vœux restreignent encore notre liberté déjà si restreinte.

Oui, pour le bien ou pour un plus grand bien. Quel inconvénient trouvez-vous à cela? Au lieu d'abaisser notre liberté, n'est-ce pas l'élever, au contraire, en la rapprochant de la liberté angélique, et même de la liberté divine? Par les voeux, par ceux principalement qui sont d'usage en religion, je veux dire par les vœux de chasteté, de pauvreté et d'obéissance, que fait l'homme ? Il brise ou relâche considérablement du moins les liens des passions, il met de côté, autant que possible, les embarras du siècle. Il devient donc plus libre, en réalité, qu'il n'était auparavant, comme celui dont on vient de briser ou de relâcher les chaînes, qu'on a débarrassé en tout ou en partie du moins du lourd fardeau qu'il était obligé de porter. Ecoutez le religieux, il vous parlera presque toujours dans ce sens : et sa conduite habituelle vous montrera qu'il parle bien sincèrement. On dirait que son âme a commencé déjà à laisser de côté le fardeau des sens et à briser les liens terrestres qui ne le feront plus gémir, quand il lui sera donué de voir, d'aimer et de louer Dieu, au jour si désiré de l'éternité.

Moraris, heu! nimis diu
Moraris, optatus dies:
Ut le fruamur, noxii
Linquenda moles corporis.
His cum soluta vinculis
Mens evolarit, o Deus,
Videre te, laudare te,
Amare te non desinet.

(Hymn. Dominic. ad Vesperas.)

Se lier pour un acte en particulier, pour quelques jours, passe encore, nous disent certaines personnes, mais pour des années entières, pour toute sa vie, quelle présomption et quelle imprudence de la part d'un être qui ne veut plus le soir, la plupart du temps, ce qu'il voulait le matin!

Si faire des vœux est un droit pour l'homme, droit fondé sur la nature comme sur la religion, ainsi que nous l'avons établi, pourquoi l'homme n'en userait-il pas de la manière qu'il l'entend? C'est-à-dire pourquoi

ne ferait-il pas des vœux pour plusieurs années, et même pour sa vie entière, aussi bien que pour un acte en particulier, ou pour quelques jours? Il y a droit, ou non. S'il y a droit, ce n'est point à vous qu'il appartient de le restreindre, à vous surtout qui ne cessez de proclamer la liberté de l'homme, et qui nous la vantez même outre mesure. Ce serait une singulière liberté que celle qui nous obligerait à l'exercer complétement sans qu'il nous fût permis d'en restreindre l'usage, si ce n'est pour un temps très-limité.

Si faire des vœux est un bien, si c'est pour la gloire de Dieu, le bonheur de la société, la sanctification de l'homme, ainsi que nous l'avons encore établi, pourquoi restreindre ce bien? Pourquoi ne pas lui laisser toute l'étendue que chacun veut et peut lui donner?

Mais, nous direz-vous, c'est précisément là la considération qui nous détermine dans notre opinion. Nous pensons que l'homme ne doit pas faire des vœux pour un temps considérable, et surtout pour toute sa vie, parce qu'il ne pourrait pas les garder.

Il ne pourrait pas les garder, dites-vous? Alors, changez donc la nature de l'homme, ses désirs les plus irrésistibles! détruisez done la société de fond en comble! Que faisons-nous, en effet, chaque jour, tous tant que nous sommes, que voulons-nous, que demande le bonheur de la société, sa gloire, son existence même, si ce ne sont des promesses en tout et pour tout, des promesses. non pas de courte durée, mais pour un temps considérable, pour la vie entière, bien souvent? Voyez le militaire ! quand il s'engage, ne fait-il pas une promesse pour plusieurs années? L'instituteur, le professeur, d'autres encore, ne prennent-ils pas un engage ment analogue ? Quand l'homme et la femme s'engagent dans les liens du mariage, ne se font-ils pas réciproquement la promesse d'étre toujours l'un à l'autre? C'est aussi, en quelque sorte, un vœu perpétuel qui est fait, non pas au Créateur mais à la créature, sous les yeux du Créateur.

Tout cela est bien différent, me direz

vous.

Sans doute, mais la grande différence me semble tout à l'appui de mon opinion.

Quand un jeune homme s'engage, par exemple, qu'est-ce qui le détermine, la plu part du temps? Un coup de tête, moins que cela, un coup de vin. Combien de temps estil à prendre sa détermination définitive? Quelques jours, ou même simplement quelques heures. Quand un homme et une femme se marient, qu'est-ce qui les détermine la plupart du temps à cet acte si important de la vie? Quelques pièces de monnaie, une étendue plus ou moins grande de poussière, une passion aveugle, le caprice d'un instant. Combien sont-ils à prendre leur détermination définitive? Quelques mois, ou même simplement quelques jours.

Pour les vœux, pour les vœux perpétuels surtout, et principalement encore pour les

tracée, voie sainte dans laquelle tant d'autres ont marché avant lui, et marchent encore en même temps que lui! Puisqu'il n'y marche lui-même qu'environné des secous de tout genre dontil peut avoir besoin. Aussi l'expérience de chaque jour prouve-t-elle qu'il n'a été ni présomptueux ni impru

vœux qu'on fait en religion, c'est tout autre chose. Ce qui porte à ces vœux, c'est évidemment la chose la plus respectable qu'il y ait au monde, c'est l'amour de Dieu et du prochain, le désir de travailler plus sérieusement, plus efficacement, à la sanctification de son âme. La détermination à peu près arrêtée, que d'épreuves multipliées, longues, sérieuses, saintes, avant qu'elle devienne définitive!

Ce n'est pas toujours ainsi que les choses se passent, me direz-vous. Ce sont les parents, les prêtres surtout, qui inspirent les vœux et les font prononcer. De là de grands malheurs.

C'est là l'exception, l'abus de la chose, et non la chose. Or, vous n'ignorez pas que c'est en elle-même, et non par l'abus qu'en font les hommes, qu'il faut juger une chose, quelle qu'elle soit. Ne retrouve-t-on pas absolument le même abus dans les promesses dont nous venons de parler. Quand un jeune homine s'engage, par exemple, est-ce bien de lui-même qu'en vient le désir ? N'estce pas plutôt d'un camarade qu'il veut imiter, d'un père qui n'est pas fâché de voir son fils embrasser la même carrière que lui, d'uno famille dont il est le désespoir et dont il menace de devenir la honte? Quand des jeunes gens se marient, d'où leur en vient le désir? ou plutôt, car le mal consiste ici à peser d'un trop grand poids sur la volonté, et non à donner de salutaires avis qui, en celte circonstance, pas plus que pour les vœux, ne peuvent être hors de propos, d'où vient la détermination définitive? N'est-ce pas souvent de parents aveugles qui ne songent qu'à contenter leurs intérêts ou leurs caprices, sans s'inquiéter de l'avenir de leurs enfants? De là aussi de très-grands malheurs, des malheurs plus nombreux et plus irréparables encore que pour les vœux prononcés sans volonté propre, ou du moins sans une volonté suffisamment déterminée.

Ajoutons encore que les promesses faites aux créatures le sont à des êtres imparfaits, changeants, incapables souvent de tenir la parole qu'ils nous ont donnée de leur côté, tandis que les promesses faites au Créateur, le sont à l'être parfait, immuable, dont l'inépuisable générosité nous donnera beaucoup plus que nous ne sommes en droit d'attendre; et, de tout cela concluons que, si Vous regardez comme légitimes et bonnes les promesses dont nous avons parlé plus haut, quelle qu'en soit la durée, à plus forte raison devez-vous regarder comme légitimes et bonnes les promesses faites à Dieu, quelle qu'en soit aussi la durée.

Quelle présomption et quelle imprudence, avez-vous dit encore, de la part d'un être qui ne veut plus le soir, la plupart du temps, ce qu'il voulait le matin!

Il n'y a nulle présomption de sa part, puisqu'il attend tout, au contraire, de la puissance et de la bonté de Dieu. Il n'y a nulle imprudence non plus, puisqu'il a pris toutes les précautions imaginables, puisqu'il

e s'engage que dans la voie qui lui a été

dent.

Quant à ce que vous dites, que l'homme ne veut plus le soir, la plupart du temps, ce qu'il voulait le matin:

C'est une exagération, et même une grande exagération. Beaucoup le disent, je le sais, mais par figure: c'est une hyberbole, et non une manière rigoureuse de s'exprimer.

En tous cas, cela ne serait vrai que d'un petit nombre de personnes, et pour certaines choses de peu d'importance seulement.

Dites-moi donc, cette inconstance si grande, cette incroyable versatilité de l'homme, vous empêche-t-elle de reconnaître la légitimité et l'utilité de ses promesses à l'égard des autres hommes, quelles qu'en soient l'étendue et la durée? Pourquoi donc cette inconstance, cette versatilité vous empêcherait-elle de reconnaître la légitimité et l'utilité de ses promesses à l'égard de Dieu?

L'homme est inconstant, et même très-inconstant! remarquez-vous.

Soit. Eh bien! c'est une raison de plus de fixer son inconstance. Or, il n'y a pas de moyen plus propre à cela que le vou. Pourquoi donc toutes les promesses que nous faisons à nos semblables, promesses de vive voix, par écrit, promesses authentiques, si ce n'est pour fixer notre inconstance, et les assurer de notre parole, sur laquelle ils ont besoin de compter? Il en est de même des vœux pour Dieu. Le vœu perpétuel fait en face de l'Eglise, est bien la promesse la plus authentique qu'il puisse recevoir de nous. Le cœur de l'homme est une girouette, dites-vous. Et pourtant si ce cœur, créé à l'image de Dieu, comme la foi le dit si positivement, et comme la raison le reconnaît, si, malgré son inconstance, ce faible cœur sent en lui un besoin irrésistible de dévouement, si les intérêts de la société le réclament, si Dieu lui-même l'appelle, pourquoi donc n'irait-il pas s'enchaîner au pied des autels, pour se dévouer à leur service et au service de l'humanité?

Il s'en repentira, dites-vous; et alors il sera malheureux et fera le malheur des autres.

Qui vous l'a dit? est-ce que tout ne vous assure pas du contraire? Interrogez ceux qui se trouvent dans cette position, vous entendrez leur réponse; et, si vous ne voulez pas en croire leurs paroles, interrogez leurs actions.

Ils seront malheureux, dites-vous, et ils feront le malheur des autres.

Pourquoi donc, dans les communautés où l'on ne fait point de vœux perpétuels, mais des vœux de quelques années seulement, ne voit-on presque aucun religieux sortir, ses vœux expirés, et tous ou presque tous les renouveler, au contraire, avec joie et empres

sement? Que dis-je! mais ceux mêmes qui ont fait des vœux perpétuels que la loi ne reconnaît point, pourraient également quitter leur communauté, s'ils y étaient malheureux et s'ils rendaient les autres malheureux, comme vous prétendez

La honte les retient, me direz-vous.

Ce serait possible de quelques-uns, mais de tous, mais du grand nombre? c'est impossible. La honte ne saurait avoir assez de prise sur le commun des hommes pour les retenir dans un lieu où rien ne les obligerait de rester, s'ils y étaient malheureux, et s'ils faisaient le malheur des autres.

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Rappelons-nous d'ailleurs ce qui arriva a l'époque de notre révolution. Beaucoupas sans doute se trouvaient dans les com Qnautés qui y étaient entrés sous la pressica des idées précedemment dominantes.Et vo tant, quand tout cloître eut été brisé, L-3 peu sortirent volontairement, il faut a violence pour expulser les autres de ex douce et sainte retraite, et plusiears, mourant, ne se disaient pas moins martyrs du vœu qu'ils avaient fait à Dieu, co religieux, que de la foi qui les engageal, a Jésus-Christ comme Chrétiens.

Z

ZÈLE.

Objections. Je ne suis point aussi indifférent que vous le pensez en matière de foi. J'ai aussi une religion à laquelle je tiens beaucoup. Comme je ne me crois pas plus infaillible qu'un autre, je laisse chacun suivre sa religion comme il l'entend. — Vouloir agir autrement, c'est se mettre sur la voie qui conduit aux persécutions, comme les Catholiques en Espagne, en Italie, presque partout, comme le protestantisme en Angleterre, en Suède, presque partout également.

Réponse. C'est fort heureux que vous nous mettiez ici sur la même ligne que les protestants. Nous ne sommes point accoutuinés à tant de douceurs. Permettez-moi cependant, avant toute discussion, une petite réflexion. Quand les Catholiques font tout ce qui dépend d'eux pour communiquer aux autres leur foi religieuse, ils se montrent conséquents avec eux-mêmes, étant convaincus, publiant hautement que cette foi est la seule vraie, la seule venue du ciel, la seule propre à faire le bonheur de l'homme au ciel et sur la terre. Quand les protestants veulent les imiter, ils oublient ce qu'ils ont dit mille fois, ce qu'ils ne cessent de répéter chaque jour, que c'est à l'homme à former sa croyance, la Bible à la main.

Cela reconnu, abordons la question.

Nous la traitons ailleurs, notamment à nos articles Liberté religieuse, Religion, TOLERANCE; mais comme c'est une des questions qui sont le plus à l'ordre du jour, comme on dit communément, nous croyons utile d'y revenir ici.

Je ne suis pas aussi indifférent que vous le pensez en matière de foi, avez-vous dit. Si nous le pensons, c'est que vous nous le faites penser, je ne dis pas seulement par vos paroles, mais ce qui est beaucoup plus déplorable, par vos actions. Ce que vous venez de nous dire n'est pas non plus trèspropre à nous faire penser le contraire, pour peu qu'on y réfléchisse.

J'ai aussi ma religion à laquelle je tiens beaucoup, avez-vous ajouté.

Je ne suis pas fâché que vous me l'ass riez, d'autant plus que mille raisons me por taient croire que vous n'en aviez guere. dirais volontiers point du tout. Mais en puisque vous avez commencé à nous OLY** votre cœur, vous pourriez bien nous l'o un peu plus. Quelle est donc votre rein 4 Etes-vous catholique? Non pas pres ment. -Etes-vous protestant? - Pas dar tage. Etes-vous Juif? - Encore mis Mahométan? païen? - Beaucoup m encore. Qu'êtes-vous done? Puisque vous avez une religion, cette religion de avoir un nom? — Ce n'est pas nécessaire. Ja ma religion que je me suis faite à moinf C'est de ne faire à qui que ce soit ce que je u voudrais pas qu'on me fit à moi-même. Elle est courte votre religion. Je vous cre seille, en effet, d'y tenir beaucoup, car et vous échapperait facilement.

Si je ne vous réponds pas sérieusement, comme vous voyez, c'est que ce que vous dites ne me paraît pas sérieux. Est-ce car vous pouvez appeler cela une religi n dit religion dit l'ensemble de nos devor non-seulement envers les autres hoa mais aussi envers nous-mêmes, et avant & at envers Dieu. Or, cela ne se trouve pa contenu dans votre court symbole. Qui 2. religion dit aussi la prière, l'offrande, tal ce que le cœur, la raison, le sens et nous prescrivent de faire pour témoigner notre reconnaissance à l'auteur de tout be et pour lui demander chaque jour les gris dont nous sentons que nous avons bes nous, pauvres créatures si ignorantes et s faibles. Or, on ne voit rien de cela dans 2 que vous appelez votre religion. Qui di reagion dit un lien ferme, indestructible, un surnaturel, divin, qui nous attache inebrialablement au devoir, alors même que £.S passions et celles des autres, alors que te tes les puissances mauvaises s'efforcea nous en détacher. Or, rien de sembla.. se trouve dans votre religion. Qui dit mgion dit un lien extérieur, public, gravi entre eux les membres d'une même fa puis les familles les unes avec les 105 de manière à faire régner l'ordre et a v

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dans ce que nous appelons la société. Or, telle ne saurait être votre religion. Que vous dirai-je enfin ! La religion vient du ciel, elle est Fille de Dieu, esprit infini et tout-puissant. Tout le monde en convient, tous le proclament hautement. Or, votre religion vient de la terre, elle est fille de votre intelligence, esprit fini et sans force. Elle n'est donc point la véritable religion.

Vous dites que vous vous êtes fait vousmême votre religion?

Mais ce droit que vous avez ou que vous prétendez avoir, tous l'ont ou doivent l'avoir également, la condition des hommes étant la même sur la terre. Or, ce droit sacré de se faire à soi-même sa religion, comment donc sera-t-il exercé par le simple campagnard, la pauvre femme, le petit enfant, par cette masse ignorante et tout occupée aux travaux matériels, qui forme évidemment l'immense majorité du genre humain?

Chacun d'eux aura la religion de sa famille ou de son pays, répondez-vous.

Pourquoi cela? qui vous l'a dit et sur quelle autorité vous fondez-vous pour le décider? Si d'ailleurs cette religion répugne à Eur raison ou à leur conscience? si c'est la religion des mahométans et des idolâtres ?

Voilà donc l'immense majorité des hommes hors d'état de se faire une religion et, par conséquent, d'en avoir une, d'après votre système,

Et vous tous, savants ou prétendus tels, êtes-vous dans une position plus favorable Four cela, absorbés que vous êtes dans vos Occupations scientifiques, autant et plus que les autres peut-être dans leurs occupations matérielles, aveuglés autant qu'eux, si ce n'est davantage encore, par les préjugés et les passions?

Comme je ne me crois pas plus infaillible qu'un autre, ajoutez-vous, je laisse chacun suivre sa religion comme il l'entend.

Ce serait assez naturel, d'après ce que nous venons de dire, mais à cela il y a un inconvénient. Ce que vous faites, tous devront le faire probablement selon vous. Il n'y aura, dès lors, nul enseigement religieux, nulle exhortation à la foi, ni dans la société, ni dans la famille. Or, la foi venant de l'ouïe, toute croyance supposant nécessairement l'enseignement religieux, comme l'Apôtre le dit positivement, et comme il est facile à chacun de s'en convaincre: Fides ex auditu, auditus autem per verbum Christi (Rom. x, 17), la foi bientôt disparaîtra complétement: en sorte que pour n'avoir pas voulu vous mettre sur la voie qui conduit selon vous aux persécutions, vous vous serez mis sur celle qui conduit inévitablement à la destruction de la religion, de cette divine religion sans laquelle cependant il n'y a pour l'homme nulle société possible, nulle existence. Nous avons tant de peine à maintenir la religion sur la terre en employant pour cela tous les moyens qui sont à notre disposition. Que sera-ce donc quand nul ne s'en occupera?

Est-ce bien vrai, d'ailleurs, que vous lais

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serez chacun suivre sa religion comme il l'entend. Nous désirons tous voir les autres dans les dispositions où nous nous trouvons nous-mêmes. Vous agirez en conséquence, Vous aussi, et vous le ferez avec une ardenr d'autant plus violente quelquefois que vous n'aurez point la charité chrétienne pour la tempérer et la régler. De là mille tracasseries de votre part, si ce n'est même la persécution. Les faits les plus éclatants viennent à l'appui de ce que j'avance ici. Les philosophes du dernier siècle s'étaient dit aussi : Que chacun se fasse à soi-même sa religion et ne s'occupe point de celle des autres. Partant de là, ils ont miné peu à peu l'édifice de la religion, et par contre-coup, de la société; puis les démolisseurs sont venus qui ont détruit en quelques années seulement ce que l'Eglise catholique avait établi pendant des siècles.

Vouloir agir autrement, avez-vous ajouté encore, c'est se mettre sur la voie qui conduit aux persécutions, comme les Catholiques en Espagne, en Italie, presque partout, comme les protestants en Angleterre, en Suisse, presque partout également.

J'ai montré, en commençant, quelle différence il y avait à faire entre les Catholiques et les protestants, relativement au zèle des uns et des autres pour faire partager leurs convictions religieuses.

J'examinerai ici seulement la question en elle-même.

Vous prétendez que le désir de faire des conversions conduit à la persécution?

En tout cas, ce ne serait pas la seule voie; car l'indifférence ou la prétendue indifférence en matière de religion y conduit aussi et même bien plus violemment, comme nous venous de le montrer.

Le zèle religieux y conduit-il cependant?

Non assurément; non, vous dis-je, tant qu'il reste zèle religieux, et qu'il ne change point de nature; car le zèle, c'est la charité; et la persécution, c'est la haine.

En qui le zèle fut-il plus grand qu'en Jésus-Christ, qu'il dévorait, comme il l'assure lui-même? et qui fut moins persécuteur?

En quels hommes le zèle fut-il plus grand que dans les Apôtres qui embrasèrent le monde de ce feu sacré que Jésus était venu apporter sur la terre ? et quels hommes ont été moins persécuteurs, quels hommes ont été plus persécutés?

Il y a eu des Chrétiens que le zèle a portés à la persécution, me direz-vous. Je ferai ici une distinction.

Ou ils agissaient alors par esprit politique ou bien par esprit religieux. Si c'est par esprit politique, pourquoi parler de la religion, quand elle n'est point en cause ? Si c'est par esprit religieux, je ferai une nouvelle dístinc

tion.

Ou ils agissaient en droit et avec raison, ou non. Dans le premier cas, pourquoi les blâmer, et surtout pourquoi blâmer la religion?

Dans le second cas, la religion les désavoue

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INTRODUCTION. Quelles sont les objections recueillies
fci avec la dénomination de populaires? A qui s'adresse
la réfutation qui en est faite? - D'où sont tirées ces ob-
9
jections? D'où la réponse faite à chacune d'elles?
ABBAYE, ABBE, ABBESSE.-Objections: Abus! abus!
abus! assemblage de tous les abus! Abus dans les bâ-
timents. Abus dans la conduite de ceux qui s'y trou-
vent, ou qui, étant censés s'y trouver, vont étaler ail-
leurs, comme l'abbé de cour, le scandale de leurs mœurs.
- Abus par rapport à
- Abus par rapport à la religion.
la société. Abus par rapport à la famille. - Abus en-
fin par rapport aux individus. - Quand la révolution a
détruit tout cela, elle a fait un acte bien méritoire aux
17
yeux de Dieu et des hommes.

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ABSOLUTION. — Objections: Qu'ai-je besoin de votre
absolution? Il n'y a que Dieu qui puisse remettre les
péchés. C'est d'ailleurs une grande simplicité de
croire que quelques paroles prononcées dans une langue
qu'on n'entend plus puissent changer l'état des âmes, et
de rouges comme l'écarlate, qu'elles étaient peut-être,
les rendre blanches comme la neige. Gardez donc vo-
tre absolution pour vous, je vous le répète; quant à moi,
je dormirai fort bien sans cela. - Elle n'est que pour un
trop grand nombre une source de désordre, par la facilité
avec laquelle elle remet les péchés.
33
ABSOLUTISME. Objections: C'est aussi clair que le
jour, la religion catholique a toujours été et est encore
aujourd'hui favorable à l'absolutisme. Rappelez-vous
le moyen âge. Voyez l'Italie, l'Espagne, l'Autriche.... Ce
sont là les objets de son amour, ses œuvres, en quelque
sorte. Cette sympathie de la religion catholique pour
l'absolutisme ne doit point nous surprendre, puisque le
gouvernement de son chef, tant sous le rapport temporel
que sous le rapport spirituel, est le plus absolu de tous
les gouvernements. - Voilà pourquoi sans doute tous les
peuples s'en éloignent de plus en plus, chaque jour, ainsi
que ceux qui cherchent avant tout les intérêts du peuple.

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ABSTINENCE.- Objections: Ce n'est point ce qui en-
tre dans le corps qui souille l'âme.... Dieu ne damnera
point pour un morceau de viande. - La viande n'est pas
plus mauvaise le vendredi et le samedi que les autres
jours.- Ici, la viande est interdite; faites quelques pas,
et la défense n'existe plus. Vous croyez que c'est Dieu
qui veut cela ?
Quant à moi, je suis le conseil de l'A-
pôtre, je mange tout ce qu'on me présente. A quoi
sert, en réalité, l'abstinence? - J'ai bien assez des pri-
vations auxquelles je suis forcé de me soumettre, sans
en accepter de volontaires.
53

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A BUS. Objections: Il n'y a qu'abus dans la religion,
et surtout dans la religion catholique. Admettons qu'il
n'y ait, à parler rigoureusement, aucun abus dans la reli-
gion catholique, considérée en elle-même; toujours est-il
qu'il y en a de très-nombreux et de très-grands qui vien-
nent d'elle, ou, ce qui est à peu près la même chose, à son
occasion; et nous demandous comment une religion di-
vine peut être la cause, ou, si vous voulez, l'occasion de
tous ces abus. Quoi que vous puissiez dire, c'est tou-
jours à l'occasion de la religion qu'ont lieu les plus grands
abus. On ne peut s'empêcher de le remarquer et de se
demander pourquoi Dieu permet cela.
61

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ACCAPAREMENTS. Objections: Comment voulez-
vous que nous aimions les prêtres et la religion qu'ils
enseignent? On dit qu'ils cherchent à nous faire mou-
rir de faim. C'est pourtant vrai, assure-l-on, chacun
d'eux met une somme proportionnée à sa fortune, pour
former une bourse qu'on appelle bourse noire, qui est
destinée à accaparer tous les blés, et à affamer aiosi les
populations. Il faut bien qu'il y ait quelque chose de
semblable. Est-ce que, sans cela, les biés se seraient
maintenus, depuis si longtemps, au prix où ils sont ? Les
récoltes ne sont pas mauvaises. Et puis, d'ailleurs, la plus
mauvaise récolte suffit pour nourrir la France pendant
plus de quatre ans.
AMBITION. Voy. les articles AMOUR-PROPRE, Jé-

SUITES.

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69

AME.Objections : Quand on est mort, tout est mort.
- Il y en a bien d'autres qui le disent comme moi. --
L'âme est un mot. C'est tout au plus un soufile, ainsi
qu'on l'appelle communément, même dans nos livres re-
ligieux. C'est le corps qui pense. Si la faculté pen-
sante était en nous réellement et substantiellement dis-
tincte du corps, elle aurait une existence à part, tandis
que nous la voyons toujours commencer avec lui, se dé-
velopper, décroitre et finir en même temps que lui. -
Où serait d'ailleurs cette âme que jamais personne n'a
pu voir, et dont on n'a jamais pu découvrir la place,
quelques recherches qu'on ait faites.

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