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depuis quelques années, d'immenses privations. Ces privations les irritent au lieu de les changer, et ils se précipitent avec d'autant plus d'ardeur à la poursuite des jouissances matérielles qu'ils s'imaginent que ces jouissances, qui les préoccupent exclusivement, vont leur manquer bientôt.

Il y avait tout récemment, à cette occasion, dans un des organes les plus accrédités de l'opinion publique, un article élevé qui devait faire d'autant plus d'impression qu'il repose sur des faits dont chacun peut vérifier l'exactitude.

A mesure que la misère monte, dit-il, la frénésie des plaisirs sensuels suit, mais plus rapidement encore, une ascension parallèle. C'est un problème insoluble. Pour ne citer qu'un exemple entre beaucoup d'autres, ne parlons que des cafés. Pourraiton, en effet, nous expliquer comment et pourquoi, au milieu de la crise que nous subissons depuis trois ans et malgré la cherté des loyers et des subsistances, ces établissements, en se multipliant en nombre infini, voient également s'accroître leur clientèle dans des proportions qui étonnent?

« L'avidité du public parisien est telle pour le doux far-niente de l'estaminet, que certains propriétaires de ces heureux asiles de la vogue obligent la consommation à se renouveler chaque heure, et chaque heure mille personnes attendent et font queue à la porte.

« Un fait qui s'est passé samedi sur le boulevard du Temple est un exemple à citer entre mille, à l'appui de ce que nous avançons. Samedi donc, le Café Parisien, cet établissement gigantesque dont il a été si souvent question dans les nouvelles diverses de la presse, ouvrait ses portes à sept heures, pour le public muni de billets, et à huit heures pour le commun des curieux, dont le nombre ne s'élevait pas à moins de 60,000.

« On entre dans ce lieu de délices par le boulevard et par une galerie longue comme le passage Delorme; on arrive à un premier grand salon, puis on passe dans la grande nef, derrière laquelle est un autre grand salon triangulaire ayant dans son angle aigu une fontaine à jet de gaz et d'eau.

« Ce ne sont partout qu'arcades, glaces, marbres, statues, mascarons, lustres, candélabres, torchères, girandoles, embrasses, tables, buffets, comptoirs, billards, groupes, porte-queues, balustrades, voussures, peintures, vitraux, etc., etc. Il y a des glaces plus grandes que des portes cochères. Un chronomètre monumental représente, dans ce somptueux établissement, tous les phénoinènes magnétiques et astronomiques. L'édifice tout entier est de style florentin.

« Le soir de l'ouverture, sous la protection de 200 sergents de ville, officiers de paix et gardes municipaux, 30,000 personnes sont entrées au Café Parisien, 30,000 autres ont pu y pénétrer. Bref, c'est le plus beau café du monde. On y lit sur un riche tableau

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<< Luxe et misère! Nous demandons maintenant la solution de ce problème; mais nous sommes sûrs d'avance qu'elle ne nous sera pas donnée. » (L'Union.)

Dans cet état de choses, et vu la pente naturelle de l'homme à ne rechercher que trop avidement les plaisirs sensuels, estil sage, est-il prudent de revenir sans cesse à des questions dont le développement porte davantage encore à la recherche de ces plaisirs? La religion catholique n'est-elle pas infiniment mieux inspirée quand elle se place sur un terrain opposé, et qu'elle dit aux hommes bien intentionnés sans doute, qui agitent les questions dont nous parlons: « Prenez garde! vous vous lancez sur une pente glissante, excessivement dangereuse. Tous ceux que vous appelez après vous ne vous suivront que trop rapidement, si même ils ne vous entraînent beaucoup plus loin que vous ne voulez aller... Au bas est un abime affreux qui a déjà englouti un nombre infini de peuples, et qui engloutira de même tous ceux qui seront assez malheureux pour y tomber... Il est là, à vos pieds, toujours béant, toujours menaçant. Vous y touchiez naguère. Vous n'en êtes revenu que par miracle. Vous y toucherez encore demain, après-demain, et ce sera peut-être pour toujours... Prenez donc garde! je ne saurais trop vous le répéter. Ah! du moins, venez vous retremper souvent, et amenez-y également tous ceux qui vous suivent; venez, tous, vous retremper souvent dans mes doctrines spirituelles, qui assurent à l'homme, dans le sein de Dieu, le bonheur éternel de l'autre vie, et, dès cette vie même, le bonheur le plus pur qu'il puisse goûter dans la société de ses semblables! »>

C'est là le fond de toutes nos apologies chrétiennes. Elles ne sont point hostiles, des individus et des peuples. Elles ne sont comme vous voyez, au bonheur temporel point hostiles, non plus, précisément, à cette bonheur, science connue aujourd'hui sous science qui a pour objet de procurer un tel le nom d'Economie politique; elles signalent seulement les dangers redoutables auxquels nous nous trouvons tout naturellement exposés quand nous nous précipitons dans une telle voie, je veux dire, ce sensualisme qui énerve les corps, abâtardit les âmes, mine peu à peu les individus et les peuples, ce matérialisme toujours grossier, par quelques raffinements que vous le fassiez passer, qui conduit inévitablement au sensualisme, et qui, oubliant le ciel, ne tarde pas à perdre la terre elle-même, à laquelle pourtant il promettait de nous rattacher par toutes les puissances de notre être. D'où il suit que, bien loin d'être hostile à l'Economie politique, la religion catholique en est l'amie véritable; qu'elle seule peut l'éclairer, la guider, lui donner la clef de ces mystères qui,

depuis tant de siècles, tourmentent l'humanité, et qui la tourmenteront toujours,

EDIFICES

Objections. A quoi sert une église dans une commune ? Est-ce que chacun ne peut pas prier Dieu chez soi, soit dans son particulier, soit en famille? C'est une cause de dépense pour les habitants. Et puis, que de luxe dont on peut à la rigueur se passer, si on veut absolument une église! Combien d'autres édifices religieux! - C'est une partie notable de ces biens de mainmorte, comme on dit, qui ruinent le fise, et empêchent d'importantes transactions.

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Réponse. C'est une singulière question que vous nous faites là. A quoi sert une église dans une commune? demandez-vous. A quoi servent donc toutes les autres maisons de cette même commune? A quoi servent l'école et la mairie ?

Vous avez visité sans doute les grandes villes peut-être y demeurez-vous. A quoi servent donc toutes ces grandes et belles maisons qui s'y trouvent? A quoi servent ces édifices publics, ces palais de justice, ces pénitenciers, ces casernes ou gendarmeries, ces académies, ces halles, ces observaloires, etc., etc.?

Je vous en tends me répondre. Cela est évident; et les plus petits enfants eux-mêmes peuvent le remarquer. Toutes ces maisons ou constructions ont leur utilité, et quelques-unes même leur nécessité.

Les maisons particulières sont pour recueillir et abriter les familles, qui, sans cela, se disperseraient dans les déserts et au milieu des bois, à la manière des sauvages; les écoles, pour recevoir et instruire les enfants, qui, autrement, s'abandonneraient au vagabondage, croupiraient dans l'ignorance et dans le vice; les mairies, pour traiter des intérêts publics qui auraient beaucoup à souffrir, s'ils n'étaient quelquefois l'objet d'une discussion approfondie, de la part des notabilités du pays; les palais de justice, pour entendre les accusés, absoudre les uns el condamner les autres; les pénitenciers, pour réhabiliter les coupables; les casernes et gendarmeries, pour maintenir l'ordre, et assurer la stricte observance des lois; les académies, pour s'exercer à l'étude des scientes, des lettres et des arts, qui ont une influence si beureuse sur la civilisation; les balles, pour les échanges commerciaux, pour vendre et acheter les denrées, toutes les choses nécessaires à chacun de nous; les observatoires, pour étudier de plus près et plus à loisir les phénomènes célestes si intéressants pour la terre.

J'ai donc eu raison de dire, ajoutez-vous, que toutes ces maisons ou constructions avaient leur utilité et quelques-unes leur nécessité, puisque, sans elles, nous retom

parce qu'ils n'auront leur dénoûment que dans l'éternité.

RELIGIEUX.

berions bientôt à l'état sauvage, qui causerait à chacun de nous un grand nombre de privations, et la mort à plusieurs.

Et moi, je vous dis que l'église est un édifice encore plus utile, encore plus nécessaire qu'aucune des maisons et constructions dont nous venons de parler. J'irai même plus loin, et je dirai que l'utilité et la nécessité que nous reconnaissons dans chacune d'elles se retrouveront également, en un sens plus élevé, dans cette maison de Dieu et des hommes.

C'est dans cette maison en effet qu'est recueillie et abritée la famille religieuse qui, sans elle, serait obligée de se réunir à l'ombre des bois ou dans les cavernes, comme cela se pratique chez les sauvages; c'est là que les enfants de Dieu viennent apprendre à lire, à connaître et à pratiquer sa loi; c'est là que sont traitées et approfondies toutes les questions spirituelles qui intéressent la communauté; là que le pécheur vient s'accuser lui-même de ses fautes et en recevoir l'absolution, s'il veut s'en rendre digne; là qu'il trouve tous les moyens propres à sa réhabilitation, sans perdre sa liberté, ou plutôt en brisant ses chaînes; là que brille dans son incomparable éclat, le glaive de la justice divine, suspendu au-dessus de la tête des coupables qui ne veulent pas se convertir; là que se trouvent, dans toute leur vérité et toute leur pureté, l'étude et la pratique des sciences divines, des saintes lettres, des beaux-arts appliqués au service de Dieu et à la sanctification des hommes; là que se distribuent à tous, sans distinction d'âge, de condition ou de fortune, le pain si précieux de la parole divine et l'aliment plus précieux encore et plus nécessaire du corps et du sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ; là que, dans l'éloignement de toutes choses et dans le silence le plus profond, nous sommes ravis quelquefois, comme saint Paul, jusqu'au paradis, où nous entendons des paroles secrètes, qu'il n'est pas permis à l'homme de répéter (49*).

Si, à ces considérations et à d'autres semblables que nous pourrions présenter également, nous ajoutons que c'est au sortir de l'église que les liens de la parenté ou de l'amitié se resserrent, que les ennemis se réconcilient et s'embrassent, que se débattent, avec plus de calme et de bonne foi, les intérêts corporels et spirituels, divins et humains, il sera facile à tous de reconnaître que l'église est incontestablement la plus utile, la plus nécessaire même de toutes les constructions.

Aussi les anciens disaient-ils qu'il serait plus facile de trouver des villes sans murs que sans temples. Sans murs, une ville était censée ne pouvoir subsister alors, puisqu'elle

(49) Raptus est in paradisum, et audivit arcana verba que non licet homini loqui. (II Cor. x1, 4.)

ne pouvait se défendre contre les ennemis du dehors. Sans temples, il lui serait bien plus difficile de subsister, aujourd'hui comme alors, puisqu'il lui serait impossible de se défendre, non-seulement contre les ennemis du dehors, mais contre les ennemis du dedans, ces ennemis, les plus redoutables de tous, que nous portons en nousmêmes, je veux dire nos passions et nos vices.

Un peuple sans assemblée religieuse est un peuple athée, un peuple athée est un peuple sans frein efficace, et un peuple sans frein est un peuple qui se détruit lui-même, sans qu'il soit nécessaire, pour le punir, que les ennemis du dehors viennent le détruire. Au moyen de ses temples, au contraire, un peuple, quel qu'il soit, fût-il aussi barbare qu'était le peuple franc, avant l'établissement du christianisme dans notre pays, ce peuple insensiblement devient un peuple religieux, et, par la religion, un peuple heureux et florissant.

Supposez,» dit l'abbé de Frayssinous (Culte, en général), « des temples, des assemblées religieuses, où tout ce qu'on voit, tout ce qu'on entend, doit naturellement faire de salutaires impressions: là des chants graves et purs, des cérémonies touchantes, un auguste appareil, le recueillement et le silence pénètrent les âmes, et les invitent à la méditation. Les passions s'apaisent, la pensée de la Divinité, en devenant plus vive, fait rougir le vice, ranime la vertu, console le malheur, dispose à des affections douces, à J'oubli des injures, à l'accomplissement des devoirs ordinaires de la vie. Si la religion garde la morale, on peut dire que le culte garde la religion, lui donne un corps, le rend sensible et populaire. Le culte est l'expression visible de la croyance et des règles des mœurs; c'est une suite de tableaux exposés aux regards de tous, où tous, sans effort et sans travail, peuvent voir tracés la doctrine qu'ils doivent croire et les préceptes qu'ils doivent observer. Et pourquoi le déiste blâmerait-il dans la religion ce qu'il approuve dans toutes les choses humaines? Je m'explique. Dans la société civile, s'eston contenté de porter des lois, d'en faire sentir les avantages, d'en recommander la fidèle observance? Non, sans doute; on a senti que, pour leur donner plus de force et d'empire, il fallait entourer ceux qui en sont les dépositaires et les organes de ce qui peut attirer les regards et fixer les hommages de la multitude. Si l'on dépouillait les lois et l'autorité publique de ces dehors imposants qui frappent l'imagination des peuples, semblent ajouter quelque chose à la réalité des objets, et par là même impriment plus de respect dans les âmes, qu'en résulterait-il? C'est qu'on verrait bientôt les liens de la dépendance et de la subordinatiou se relâcher, les lois tomber dans le mépris, l'esprit d'audace et de révolte éclater de toutes parts. Ainsi en serait-il de la religion, si elle était dépouillée de tout culte extérieur, et abandonnée à la pensée

de chaque particulier; on la verrait s'affaiblir par degrés, perdre son ascendant sur les esprits, devenir étrangère aux habitudes, à la conduite des hommes, et s'effacer presque de leur souvenir. Voyez encore ce qui arrive dans les sciences, les lettres et les arts. Que d'efforts n'a-t-on pas faits de nos jours pour faciliter les moyens d'instruction, et rendre comme pali ables les recherches et les connaissances de l'esprit humain! Non-senlement le burin a gravé la figure des plantes et des animaux dans un détail et avec une perfection qui étonnent; mais que n'a-t-on pas imaginé pour donner une forme visible aux connaissances historiques, géographiques, grammaticales! Que de tableaux pour peindre aux yeux ce qui ne semblait devoir être saisi que par l'esprit ! Et, quand il s'agit de la religion, on voudrait la dépouiller de tout ce qui parle aux sens et à l'imagination, de tout ce qui peut la faire pénétrer plus aisément et plus profondément dans les cœurs! Quelle inconséquence! » (Défense du christianisme.)

Ainsi, nulle vertu, nul bonheur, nulle existence même, pour un peuple, en dehors de la religion; nulle religion sans culte, et nul culte sans temple ou église. L'église est donc non-seulement utile, mais nécessaire.

Est-ce que chacun ne peut pas prier Dieu chez soi, dites-vous, soit dans son particulier, soit en famille.

Ce n'est pas seulement comme lien de prière que l'église est nécessaire, mais pour tout le culte, dont la prière n'est qu'une partie. Elle est appelée assez communément, il est vrai, jusque dans nos Livres saints, la maison de la prière: Domus mea, domus orationis vocabitur (Matth. xx1, 13), a dit Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui ne faisait que rappeler différents passages de l'Ancien Testament; mais cette dénomination lui vient évidemment ou bien de ce que c'est la prière qui nous y occupe le plus habituelleinent, ou bien de ce qu'alors la partie est prise pour le tout. Toujours est-il que l'église sert réellement, comme nous l'avons dit, nonseulement à la prière, mais au culte entier; en sorte que, en supposant que vous fussiez parvenu à prouver que nous pouvons prier dans nos maisons aussi bien qu'à l'église, je serais en droit de vous répondre encore que cette église n'en est pas moins utile et même nécessaire pour les autres parties du culte, à savoir l'enseignement de la loi, l'offrande du sacrifice, la purification des âmes, la communion, etc., etc. Du reste, celle supposition est inadmissible; je veux dire qu'il est tout à fait impossible d'admettre que l'église soit moins indispensable à la prière qu'aux autres parties du culte.

Vous dites que chacun peut fort bien prier Dieu chez soi, soit dans son particulier, soit en famille !... Je suis tout à fait de votre avis sur ce point.

Oui, sans doute, il le peut, et même il le doit; mais il n'en est pas moins obligé de venir prier Dieu à l'église, dans l'assemblée des fidèles, parce que c'est là seulement que

se fait la prière publique, qui n'est pas moins obligatoire que la prière individuelle et en famille, parce qu'il a besoin de rallu mer dans son cœur, à ce foyer sacré, le feu de l'oraison qui, abandonné à lui-même, s'éteindrait infailliblement tôt ou tard. Je vais m'expliquer.

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Vous qui contestez cette vérité, écoutez mes questions et veuillez y répondre. Nest-il pas vrai que vous priez Dieu matin et soir, ou du moins très-souvent?-Oui.— N'est-il pas vrai que, vu l'indigence de votre nature, les grandes grâces que vous avez déjà reçues du Seigneur, et celles non moins grandes que vous en attendez encore, vous vous regarderiez comme un monstre d'ingratitude et de déraison, si, de temps en temps, vous n'éleviez votre esprit et votre cœur vers lui, pour le remercier de tous les bienfaits qu'il vous a déjà accordés, et Ini en demander la continuation? Oui. N'est-il pas vrai que vous le priez quelqueSois en famille, je veux dire dans la compagnie d'une épouse vertueuse, d'enfants pieux, de serviteurs probes et dévoués? - Oui. N'est-il pas vrai que, vu les besoins sans nombre qui assiégent cette famille, les grandes grâces qu'elle a déjà reçues de Dieu et celles non moins grandes qu'elle en attend encore, vous vous croiriez un monstre d'ingratitude et de déraison, si quelquefois vous ne vous entouriez de tous les membres qui composent cette famille, afin que, élevant ensemble vos esprits et vos cœurs vers lui, vous le remerciiez de tous les bienfaits reçus et vous lui en demandiez la continuation?Oui.-Eh bien ! done, portez vos regards au delà du cercle de votre famille. Ne voyezVous pas que vous faites également partie d'une société plus nombreuse, la famille chrétienne, qui ne se maintient sur la terre que par les grands bienfaits qu'elle reçoit à chaque instant du Seigneur! Et vous ne viendriez pas vous réunir à cette famille, dans la maison de la prière, afin que, élevant tous ensemble vos esprits et vos cœurs vers Dieu, Vous le remerciiezde tous ses bienfaits et vous lui en demandiez la continuation? Ah! sil en était ainsi, permettez-moi de vous le dire, vous seriez également un monstre d'ingratitude et de déraison.

Vous montreriez même d'autant plus d'ingratitude et de déraison, que les bienfaits déjà obtenus sont plus grands ou que le besoin s'en fait plus vivement sentir. Entendez-vous? Le canon tonne, les cloches ébranlent les nues, les temples s'ouvrent, les fideles y courent de toutes parts. Qu'est-ce done? C'est la paix qui vient d'être rendue à la terre, après les désastres d'une guerre cruelle. Ou bien, au contraire, c'est un fléau épouvantable qui s'est déclaré subitement, et qun décime la population. Aussi que de Jubilations on de larmes, que de cris de reconnaissance ou de supplication élevés en commun vers le souverain Maître de toutes Choses! Et vous, vous restez insensible!

vous ne pensez pas même à quitter votre maison! Ah! je vous le déclare, il faut que ce ne soit pas un cœur d'homme qui anime votre argile.

Mais ce n'est pas seulement pour l'accomplissement du devoir de la prière publique que l'église est utile et même nécessaire. Elle ne l'est guère moins pour l'accomplis sement du devoir de la prière individuelle; parce que c'est là seulement que nous pouvons prier dans un isolement absolu des choses de la terre, sans distraction, avec un recueillement profond, ayant au cœur le souvenir de tous les bienfaits du Seigneur, et le vif sentiment de sa divine présence; parce que c'est à ce foyer sacré, où le cœur de Dieu et celui des hommes se rencontrent, sans cesse alimenté par les mystérieux effets de Jeur amour réciproque, que s'entretient ou se rallume, en chacun de nous, le feu de l'oraison, qui s'affaiblit et finit par s'éteindre dans l'agitation et les glaces de ce monde. Permettez-moi encore ici quelques questions.

N'est-il pas vrai qu'il est des moments malheureux où l'homme ne prie plus avec la même facilité et la même ferveur qu'il le faisait précédemment? Oui. N'est-il pas vrai qu'il arrive une époque plus malheureuse encore où l'homme ne sait plus prier du tout, perdant ainsi l'unique moyen qui lui ait été donné d'entretenir en lui-même la vie de la grâce? Oui. - N'est-il pas vrai que cette funeste habitude qu'il contracte de peu et de mal prier d'abord, et ensuite de ne pas prier du tout, marche de front, ' généralement parlant, avec l'habitude de venir d'abord rarement et en mauvaise disposition à l'église, et ensuite de n'y pas venir du tout ?— Oui.-- Donc, encore une fois, l'église est indispensable à l'homme, pour la prière particulière comme pour la prière publique.

Je trouve dans le Messager de la Charité, un fait remarquable qui me semble venir ici fort à propos, et que pour cela je vais citer mot à mot, sauf ensuite à faire mes observations:

« C'était pendant le Carême 18.., la cloche du soir venait d'appeler les villageois à la modeste église du petit hameau de SaintB.... (département de l'Aude). M... C..., digne curé du lieu, fit à ses enfants assembles une courte exhortation. Le sujet qu'il choisit fut la prière, sujet touchant, sublime, souvent traité et toujours inépuisable!« Prions, mes enfants,» répétait le bon prêtre, «prions souvent, surtout en ce temps de miséricorde. Dieu lui-même, avant de consommer son œuvre de rédemption sentit le besoin de la prière, et se retira dans le désert. Répétons avec saint Pierre : Et à qui irons-nous, Seigneur, sinon à vous? car vous avez les paroles de la vie éternelle (50). Oh! qu'il serait à plaindre celui qui ne prierait pas. Dites-moi, mes enfants, en est-il parmi vous qui ne sentent

(50) Domine, ad quem ibimus? verba vitæ æternæ habes. (Joan. vs, 69.)

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pas le besoin et le charme de la prière?»Moi, tout le premier, monsieur le curé, je ne prie jamais!» s'écrie tout à coup un homme se dressant de toute sa hauteur audessus de l'assemblée recueillie, et promenant ses regards autour de lui, avec un air de défi et d'audace. La foule, par un mouvement spontané, se rapprocha de la chaire, une femme pâle et amaigrie serre entre ses bras deux enfants tremblants: « Moi! moi! répète l'homme, je ne prie jamais !» « O - «O mon Dieu!» dit le digne pasteur, en élevant les mains au ciel, « pardonnez-lui, et nous, mes frères, mes enfants, puisque le malhenreux ne prie jamais, prions pour lui!»>A cette voix, la foule s'agenouille, et, s'unissant au cœur du digne prêtre, récite lentement avec lui le Miserere. Toutes les poitrines inclinées se frappent à la fois, comme si toutes étaient responsables de l'impiété commise. L'expiation enfin est si unanime que, lorsque le bon prêtre se retourne pour donner la bénédiction, toutes les têtes étaient courbées, toutes... et, lorsqu'elles se relevèrent, un homme encore était à genoux... qui priait.

«Deux mois après, M. C.... parcourant un soir le village, s'arrête devant une cabane de chétive apparence, mais propre et bien rangée. Une femme faible, au visage heureux, filait devant la porte. Deux enfants, frais et joyeux étaient auprès d'elle. « Eh bien! ma pauvre Catherine, comment va la santé?-Oh! merci,monsieur le curé, je suis mieux maintenant; Jacques se conduit si bien... C'est que Jacques sait prier à présent, » dit un homme en sortant de sa cabane. Puis saisissant la main de M. C..... Oh! monsieur le curé ! quelle obligation je vous ai, je ne l'oublierai jamais! que Dieu vous bénisse comme vous le méritez pour le bien que vous m'avez fait ! Catherine, ma pauvre Catherine,» ajouta-t-il, en attirant ses enfants dans ses bras, « je veux que mes enfants apprennent leurs prières, je veux qu'ils ne les oublient jamais. »>

Nous ne savons si ce fait est vrai dans toutes ses parties, ou s'il n'a point été un peu arrangé, ou même si ce n'est point une pieuse allégorie: ce qui est incontestable, c'est qu'il ne se passe guère de cérémonie un peu importante dans une église, sans que quelque chose de semblable s'accomplisse. Tous sont là dans le plus profond recueillement. Le son des cloches, le chant des saints cantiques, la lumière vacillante des flambeaux, le parfum de l'encens, tout ce qui se voit et s'entend frappe les sens et fait sur l'âme une vive impression. Cependant le ciel s'entr'ouvre aux yeux de la foi, Jésus est descendu sur l'autel Prions, mes frères, dit le prêtre à l'assemblée si bien disposée, prions tous, ne cesse-t-il de leur répéter non-seulement par ses paroles, mais encore par ce qu'il fait, prions, c'est le précepte le plus recommandé peut-être et le plus observé dans notre sainte religion, c'est la loi la plus impérieuse de la nature ! Est-ce qu'il y en a parmi vous qui ne sentent pas le besoin et le charme de la

prière? Moi, tout le premier, dira alors, sinon positivement, du moins par ses dispositions intérieures et peut-être aussi par son attitude, quelque impie ou quelque indifférent qui se trouvera, je ne sais pourquoi, mêlé à la réunion des fidèles, moi, je ne prie jamais ni ne veux prier avec vous. - Prions, mes frères, poursuit le prêtre, de plus en plus absorbé dans ses communications avec le ciel, prions, sans qu'aucune voix, aucun exemple ne nous arrêtent; prions, car c'est le Seigneur lui-même qui est venu nous imposer ce précepte salutaire, et nous apprendre la manière de le remplir! Prions nonseulement pour nous, mais pour tous les Chrétiens, pour tous les hommes qui sont nos frères: Notre Père, qui êtes aux cieux, que votre nom soit sanctifié. (Matth. vi, 9 seq.) Le prêtre continue jusqu'à la fin la divine prière. Tous les fidèles la répètent avec lai intérieurement. Les anges et les saints l'écoutent avec respect, n'ignorant point quelle bouche l'a prononcée autrefois. Que dis-jel Jésus-Christ lui-même la reçoit dans ce divin cœur d'où elle est sortie primitivement. Elle est donc portée, partout ce qu'il y a de saint au ciel et sur la terre, au pied du trône du souverain Maître. Les voeux qu'elle renferme sont exaucés. Celui qui tout à l'heure refusait de prier est le premier à ressentir les effets prodigieux de la grâce car, fût-il de pierre précédemment, ressemblât-il à ces statues qui ont des yeux et ne voient point, des oreilles et n'entendent point, une bouche et ne parlent point, fat-il même, comme Saul, un ardent persécuteur des Chrétiens, il est environné d'une lumière céleste, et, tombant à genoux tout ému et tremblant Seigneur, s'écrie-t-il, lui aussi, que voulez-vous que je fasse? « Domine, quid me vis facere?» (Acl. ix, 6.)

Voilà, je le répète, des faits miraculeux qui s'accomplissent partout, et dont vous avez pu vous-même être témoin. Et, si vous n'en doutez point, comme en effet, il vous est impossible d'en douter, demanderez-vous encore à quoi sert une église dans une commune, et si les maisons particulières ne suffisent pas à l'accomplissement du devoir de la prière?

Mais, dites-vous, c'est une cause de dépense pour les habitants.

Et qu'importe la dépense si l'église est nécessaire, ainsi que nous venons de le prouver? Calculez-vous de même ce que peuvent vous coûter les maisons nécessaires pour mettre votre corps plus à l'aise et le retenir un peu plus longtemps sur cette terre de misères et de larmes? Calculez-vous de même encore ce que peuvent coûter toutes ces constructions qui importent plus ou moins à vos intérêts temporels? Non, assurément; et en supposant que vous calculiez tout, jusqu'au dernier centime, cela ne vous empêche pas de faire la dépense qu'elles exigent, ou du moins de l'approuver, ne fût-ce que tacitement. Pourquoi donc condamneriez-vous la dépense que peut occasionner cette demeure de nos âmes, cet édifice sacré, qui importe

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