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débarrasser plus promptement, allez le jeter à la voirie. Quoi vous reculez d'horreur à cette proposition ! Pourquoi donc cela ? S'il est vrai que tout meurt véritablement à la mort, pourquoi appelez-vous votre épouse celle qui vient de mourir? pourquoi lui témoignez-vous plus d'amour et de vénération quejamais, pourquoi vous disposez-vous à rendre à son corps les honneurs que vous refusez de rendre à la Divinité ? C'est que Vous êtes intimement convaincu, malgré vos blasphèmes, que nous survivons au delà du tombeau; que cette mort qui fait sur tous tant d'impression, et trompe nos sens, n'est, pour la raison comme pour la foi, que le passage à une autre vie supérieure; que le corps qu'elle a frappé ne fait que dormir, comme le disait Jésus-Christ en parlant de Lazare, comme nous le disons tous en termes plus ou moins explicites, et qu'il s'éveillera un jour à la voix de Dieu, pour être récompensé ou puni, lui aussi, pour les actions bonnes ou mauvaises auxquelles il aura coopéré de concert avec l'âme.

« C'est ici, s'écrie un écrivain célèbre, que la nature humaine se montre supérieure au reste de la création et déclare ses hautes destinées. La bête connaît-elle le cercueil, et s'inquiète-t-elle de ses cendres? Que lui font les ossements de ses pères? Ou plutôt sait-elle qui est son père, après que les besoins de l'enfance sont passés? Parmi tous les êtres créés, l'homme seul recueille les cendres de son semblable, et lui porte un respect religieux à nos yeux, le domaine de la mort a quelque chose de sacré. D'où nous vient donc la puissante idée que nous avons du trépas? Quelques grains de poussière mériteraient-ils nos hommages? Non, sans doute nous respectons les cendres de nos ancêtres, parce qu'une voix secrète nous dit que tout n'est pas éteint en eux, et c'est cette voix qui consacre le culte funèbre chez tous les peuples de la terre. Tous sont également persuadés que le sommeil n'est pas durable, même au tombeau, et que la mort n'est qu'une transfiguration glorieuse. >> (Génie du christianisme.)

Mais n'allons pas si loin en ce moment, et, laissant de côté le dogme bien important encore de la résurrection des corps, affermissons-nous de plus en plus, ce qui est l'essentiel, dans la croyance à l'immortalité de l'âme.

Soit que nous rentrions en dedans de nous-mêmes, et que nous considérions notre nature intime, soit que nous nous élevions jusqu'à Dieu et que nous méditions ses attributs les plus essentiels, soit que nous interrogions la croyance des peuples, en nous, au ciel et sur la terre, partout, en un mot, nous trouvons les preuves les plus nombreuses, les plus frappantes, les plus irrécusables de l'immortalité de notre âme.

« Oui, s'écrie, à ce sujet, l'abbé de Frayssinous, dans sa conférence qui n'est que le résumé des idées de tous sur l'immortalité de l'âme;« oui, nous avons dans nous je ne sais quel présage et quel pressentiment

d'une vie à venir. Pourquoi, en effet, cette envie secrète de nous survivre à nous-mêmes, d'éterniser notre nom dans la mémoire de nos semblables? Le villageois l'éprouve comme le savant et le guerrier. Le savant veut aller à l'immortalité par ses ouvrages, le guerrier par ses exploits, et le villageois voudrait vivre du moins dans le souvenir do ses enfants: il s'afflige de l'idée que bientôt peut-être il en sera oublié ; il voudrait pouvoir attacher son nom au bâtiment qu'il achève, à l'arbre qu'il a planté, au terrain qu'il a su rendre fertile. Mais voyez surtout dans les hommes fameux cet amour immense de célébrité, qui s'étend à la postérité la plus reculée, et se repaît de la pensée que leurs grandes et belles actions feront l'entretien de tous les âges. Pourquoi cela, s'ils n'étaient préoccupés de je ne sais quel espoir de jouir eux-mêmes de leur gloire dans les siècles futurs.

«< Dans tous les temps, on a préconisé, et avec raison, le dévouement de ceux qui savaient mourir pour la patrie; et, si l'âme est immortelle, je conçois très-bien comment on peut sacrifier la vie présente mais, si tout se borne au tombeau, l'existence actuelle est le bien suprême. La vie est d'un prix infini comparée au néant: vivre serait donc la souveraine loi; mourir pour ses semblables serait une inconséquence. Oui, l'homme n'affronte la mort que parce qu'il y voit le passage à une seconde vie. Ici le sentiment entraîne la raison, même dans celui qui serait matérialiste d'opinion. En mourant pour votre pays, vous aspirez à la gloire, lui dirai-je; mais si, après la mort, vous n'êtes pas plus que la statue ou la toile peinte qui pourra vous représenter, que vous importent les chants du poëte, les éloges de l'orateur, ou les récits de l'histoire ? Caton, qui n'était pas animé par ces motifs purs que le christianisme inspire, était de bonne foi, quand il disait : Je n'eusse jamais entrepris tant de travaux civils et militaires, si j'avais cru que ma gloire dût finir avec ma vie... Mais je ne sais comment mon esprit, s'élevant au-dessus de lui-même, semblait croire que c'était en sortant de cette vie qu'il commençait à vivre. »

Ces sentiments intimes se trouvent d'une manière plus ou moins développée et plus ou moins pure dans toutes les âmes. Ils sont donc fondés sur la nature, et doivent être satisfaits, si l'homme répond aux desseins du Créateur. Or ils ne le sont point par l'immortalité que donne la terre, immortalité trompeuse et à laquelle reste souvent étranger celui qui est censé la' posséder. Ils ne peuvent donc l'être que par l'immortalité dont l'âme jouit dans l'autre vie.

Une seconde preuve de l'immortalité de l'âme, preuve, du reste, intimement liée à celle que nous venons de développer, se tire de ces désirs immenses du bonheur qui sont en chacun de nous, et que rien, non plus, ne peut satisfaire ici-bas.

A Je vous invite,» dit encore l'orateur que nous citions tout à l'heure, « à descen

dre au fond de vos cœurs, pour y écouter dans le silence des sens et de l'imagination, la voix de la vérité; et chacun de vous dira volontiers avec moi Mon âme éprouve je ne sais quel désir d'être heureuse que rien de terrestre ne peut satisfaire. Je cherche avec inquiétude quelque chose que les créatures ne peuvent me donner; je cours après une ombre toujours poursuivie et toujours fugitive; plus d'une fois je soupire malgré moi de dégoût et d'ennui; je voudrais un plaisir pur, fixe, permanent; je comprends que le bonheur se trouve dans un cœur dont tous les désirs sont remplis. Mais ce repos, où le trouver? Quel est le mortel qui jamais l'a goûté sur la terre? Qu'il vienne donc nous en révéler le secret. Au milieu de ses palais superbes, de ses jardins délicieux, de la richesse de ses trésors, de l'éclat de sa gloire, de l'abondance de ses plaisirs, Salomon avoue qu'il n'est pas heureux et pourquoi ne l'est-il pas ? C'est que son oreille ne se rassasie pas d'entendre, ni son œil de voir, ni son cœur de désirer. Alexandre a conquis l'univers, la terre s'est tue devant lui. Eh bien! Alexandre est plutôt fatigué que rassasié de gloire; il soupire, il pleure au milieu des trophées du monde vaincu. Tibère, dégoûté de la puissance, va se renfermer dans l'île de Caprée; il cherche dans Je raffinement de la débauche ce qu'il n'a pu trouver dans la grandeur. Tibère sera trompé, le bonheur n'habite point avec lui dans le séjour de ses infamies; il sentira sa misère, et sera forcé d'en faire l'aveu devant le monde entier. Quels exemples mémorables du néant des choses humaines, et de leur impuissance pour nous rendre heureux! Je les ai rappelés pour nous faire sentir quelle est l'avidité du cœur humain, et comment sur la terre il est frustré dans ses espérances.

«Maintenant, je me replie sur moi-même, et je me dis: Le désir d'être heureux, c'est le besoin le plus impérieux de mon âme, c'est le penchant nécessaire de ma nature. Ce désir, ce n'est pas moi qui me le suis donné, je ne suis pas le maître de m'en dépouiller; je l'ai reçu de Dieu avec l'être et la vie. Si Dieu lui-même me l'a donné, si tel est le but où il me fait tendre sans cesse, ne faut-il pas que tôt ou tard il m'y fasse parvenir? Serait-il le Dieu de vérité, s'il me trompait dans les désirs qu'il m'inspire, s'il ne marquait le terme en me laissant dans l'impuissance de l'attendre; et si ce bonheur, pour lequel je sens qu'il m'a fait, n'existe pas pour moi sur la terre, ne faut-il pas que Dieu l'ait placé au delà du tombeau ? Dans la nature entière, tout marche à ses fins; le soleil et les astres, par leurs mouvements réguliers, remplissent leur destinée ; les animaux remplissent la leur en obéissant à leur instinct merveilleux. L'homme, dans cette chaîne immense des êtres, serait-il le seul à ne pas remplir la sienne, et la Providence l'aurait-elle condamné à courir sans cesse après la fin de sa nature sans y parvenir jamais? Ayons de plus justes, de plus

consolantes idées du Créateur, et de l'excellence de la nature humaine. »>

Si de la considération de notre propre nature nous nous élevons à la contemplation de la nature divine, nous trouvons dans la méditation de ses attributs des preuves plus concluantes encore, s'il est possible, en faveur de l'immortalité de l'âme.

Il est un Dieu créateur et conservateur du monde; tout le prouve, tout le reconnaît. Le nier, ce serait plus que de l'absurdité, ce serait une insigne folie, ce serait vouloir nier l'existence du soleil en plein midi. Etre infini, ce Dieu possède toutes les perfections au suprême degré. Il est juste et d'une justice infinie; il est saint et d'une sainteté infinie; il est sage et d'une sagesse infinie. Puisqu'il est infiniment juste, il doit rendre à chacun en raison de ses œuvres; puisqu'il est infiniment saint, il doit aimer et attirer à lui tout ce qui participe à sa sainteté, comme il doit détester et repousser au contraire tout ce qui s'en éloigne ; puisqu'il est infiniment sage, il doit donner une sanction suffisante à ses lois en arrêtant autant que possible, par la crainte de châtiments terribles, ceux qui les transgressent et en encourageant par l'attente des plus magnifiques récompenses ceux qui les observent. Or rien de cela ne saurait avoir lieu sans l'immortalité de l'âme. Donc l'âme est immortelle. C'est aussi clair que deux et deux font quatre, et c'est beaucoup plus satisfaisant. C'est aussi clair, puisque la raison en reconnaît aussi bien l'évidence; c'est beaucoup plus satisfaisant, puisque ce n'est pas la raison seulement qui le voit, mais le cœur aussi, mais l'âme entière, qui en le voyant a tressailli d'allégresse.

Oui, je suis immortelle ! s'écrie-t-elle à la vue des infinies perfections de Dieu, et il est impossible que je ne le sois pas; car si je ne l'étais point, Dieu ne serait ni juste, ni saint, ni sage, et, par conséquent, ne serait pas Dieu. Oui, je suis immortelle! et c'est là ce qui m'encourage à remplir chaque jour les difficiles devoirs qui me sont imposés, c'est ce qui me fait tendre de plus en plus à la perfection divine que je dois m'efforcer d'imiter, c'est ce qui m'empêche de quitter la voie sainte dans laquelle je suis entrée malgré les scandaleux triomphes du vice et les abaissements si désolants de la vertu: J'ai vu sous le soleil l'impiété au lieu du jugement, et l'iniquité au lieu de la justice, et j'ai dit dans mon cœur : Dieu jugera le juste et l'injuste, et alors ce sera le temps du rétablissement de toutes choses. (Eccle. III, 16, 17.)

Vous medirez peut-être que Dieu récompense quelquefois la vertu d'une manière admirable, dès cette vie, comme il punit le vice par des châtiments épouvantables.

Oui, quelquefois, vous avez raison, mais non pas toujours comme le demandent ia justice, la sainteté, la sagesse, tous les attributs de la Divinité : « Il faut en convenir, »> ajoute ici l'abbé de Frayssinous, « si la vie présente n'était pas liée à un autre ordre de

choses, ce monde ne serait qu'un chaos, qu'une énigme inconcevable, qu'un perpétuel désordre qui accuserait la Providence. Dans tous les temps et chez tous les peuples que nous présente l'histoire, bien Souvent des vertus méconnues, des vices honorés, des forfaits échappés au glaive de la justice humaine, des familles ruinées par la mauvaise foi, des victimes infortunées de la haine et de l'envie, des prisons où gémit l'innocence, des échafauds où périt la vertu. Ces désordres qui éclatent de toutes parts sous nos yeux doivent nous rappeler l'ordre éternel dont Dieu est la source. Je sais qu'il y a dans les trésors de sa puissance de quoi réparer tout ce qu'il y a de déréglé dans le monde présent. Je m'élance dans le sein de son éternité, c'est de là qu'abaissant mes regards sur la terre, je la vois dans son véritable point de vue ; je reconnais que ce qu'il y a de plus discordant rentre dans l'harmonie universelle par sa liaison avec les desseins infinis de celui qui vit et règne au delà des temps. Les souffrances de l'homme vertueux sont à mes yeux non des injustices, mais des épreuves, mais des combats qui mènent à la gloire, et quand je compare ce qu'il souffre avec la couronne qui lui est réservée, je ne vois plus dans ses afflictions que les angoisses d'une âme en travail de son immortalité.

Mais, dira-t-on peut-être, pourquoi recourir à l'autre vie pour justifier là Providence? Vous cherchez des récompenses pour la vertu, elles sont dans la paix et le témoignage d'une bonne conscience; vous voulez des châtiments pour le vice, ils sont dans le remords qui en est inséparable.

;

« Ce n'est là qu'un vain système dont nous allons faire sentir toute la futilité. Vous voulez que la paix de l'âme soit la seule récompense de la vertu, mais cette paix n'en est pas toujours inséparable; il est des cœurs vertueux qui vivent au sein des alarmes timides usqu'à l'excès, ils craignent là où rien n'es à craindre. La délicatesse de leur conscience fait leur tourment; l'imagination les effraye de ses fantômes, elle leur peint de légers défauts sous les couleurs des vices les plus noirs, elle convertit en mal ce qui est bien. Or, au milieu de ces orages d'une âme agitée, la paix s'est évanouie et avec elle ce que vous croyez être la seule récompense de la vertu. Ce n'est pas tout, il faut que la récompense se mesure sur le mérite, et pourtant dans le monde présent cete règle d'équité se trouve perpétuellement viclée. En effet, cette paix de la conscience acompagne aussi des vertus qui d'ailleurs très-solides sont moins pénibles à la nature. et demande où sera la récompense de ces vertus plus fortes, plus difficiles? Je m'exlique: cet homme est né avec d'heureux penchants, par témpérament il est doux, modéré, maître de lui-même, la vertu lui est naturelement facile. Cet autre est agité par des pssions violentes, il faut qu'il soit patient talgré les saillies d'un tempérament fougueu, continent malgré l'impétuosité de

ses désirs, modeste au milieu de tout le bruit de la renommée la plus éclatante. Si l'un et l'autre sont vertueux, la paix de l'âme est également leur partage sur la terre, mais le second a bien plus d'obstacles à vaincre, plus de victoires à remporter sur lui-même, sa fidélité est bien plus difficile: sa vertu est donc plus méritoire et digne d'une plus grande récompense et cependant la récompense serait la même si elle ne consistait que dans la paix du cœur. Mais voici une considération d'un plus grand poids : lorsque l'homme de bien meurt pour son devoir, qu'il sacrifie ses jours plutôt que sa conscience, c'est alors surtout qu'il se rend agréable à son Créateur et qu'il est digne de ses faveurs; et pourtant s'il n'est d'autre prix de sa vertu que la paix de sa conscience, où sera la valeur de son héroïsme ? Cette paix de l'âme descendra-t-elle avec lui dans le tombeau ? Vous êtes, je suppose, placé entre la prévarication et la mort: Dieu vous commande de mourir pour lui plaire, ce dernier acte de votre vie met le comble à' tous les autres, de tous c'est le plus méritoire et il faudra que vous le fassiez sans l'espoir d'aucun dédommagement ! quoi de plus injuste?

« On n'est pas mieux fondé à ne reconnaî tre d'autre châtiment du vice que le remords. Je conviens que le coupable trouve son premier châtiment dans le remords, qui l'accuse et qui le condamne; mais, si le remords est leur unique peine, les plus coupables seront bien souvent les moins punis, parce qu'ils sauront mieux que les autres. étouffer leur conscience sous le poids de leurs crimes entassés. Le remords, après tout, ne serait qu'un préjugé ridicule, dont il faudrait se débarrasser, si rien n'existait au delà du tombeau. Tant qu'une âme est pénétrée de la crainte d'un Dieu vengeur, je conçois en elle le remords; mais si cette crainte s'affaiblit et s'éteint, on verra le remords s'affaiblir et s'éteindre avec elle. Aussi les grands coupables ont-ils un secret penchant vers ces doctrines de matérialisme qui, en faisant mourir l'âme et le corps, leur assurent l'impunité. Débarrassés de toute terreur d'une vie future, ils pourront bien craindre le supplice ou l'opprobre, ils ne connaîtront pas le remords. Il est d'ailleurs un genre de crime qui resterait toujours impuni, je veux parler de ce crime, rare autrefois, aujourd'hui très-commun, l'effroi de la société et le scandale de nos mœurs, le suicide. Cet homme se doit à la société qui l'a nourri et qui a veillé à la conservation de ses jours; à sa famille avec laquelle il a contracté des engagements; dans tous les cas, à Dieu, qui lui a donné l'existence, et qui seul a le droit de la reprendre. N'importe, au mépris de toutes les obligations divines et humaines, il s'arrache la vie. S'il n'est pas égaré par une aliénation mentale, s'il conserve son libre arbitre, c'est un attentat affreux, et ce dernier attentat a mis peut-être le sceau à une vie toute criminelle. Où en sera le châtiment, s'il a’en

existe d'autres que le remords? Et ne dit-on pas que l'anéantissement du coupable est un châtiment suffisant? Non, car les peines infligées par la Providence doivent être telles qu'elles puissent intimider l'homme, le contenir dans le devoir ou l'y ramener. Or les méchants seraient sans crainte, si le partage du néant, tout misérable qu'il est, leur était assuré. Ne faut-il pas aussi que les peines soient décernées avec équité, qu'elles soient graduées sur le nombre, la nature et la grièveté des fautes; qu'il y ait différence de châti. ment là où il y a différence dans les délits ? La suprême justice, la sainteté parfaite, la sagesse infinie, Dieu, en un mot, pourrait-il confondre un simple vol avec le suicide? Et cependant, si l'anéantissement était la peine commune de toutes les fautes, elles seraient toutes également punies; ou plutôt aucune ne le serait par là positivement, du moins.>>

Si du ciel nous reportons nos regards sur la terre, nous y trouvons, dans la croyance unanime des peuples une nouvelle preuve, non moins décisive que les autres, en faveur de l'immortalité de l'âme.

Consultons les peuples de tous les temps et de tous les lieux, nous les voyons proclamer unanimement, par leurs actions aussi bien que par leurs paroles, leur croyance constante, invincible à l'immortalité de l'âme. Prenons chaque peuple en particulier, pour le mieux connaître; allons d'une ville à une autre ville, d'un hameau à un autre hameau, d'une famille à une autre famille, d'un individu à un autre individu; nous constatous presque partout la même croyance. Que dis-je allons avec nos savants et nos missionnaires chez ces sauvages qui méritent à peine le nom d'hommes. Vous diriez que, disséminés au milieu des déserts, sur les montagnes et dans les bois, ils n'ont rien qui les distingue des bêtes avec lesquelles ils passent leur vie. Pas du tout, regardez les bien, écoutez-les attentivement, quelque chose les distingue essentiellement. C'est ce port élevé, ce regard tourné vers les cieux; c'est cette attente d'une autre vie qui se manifeste, chez chacun d'eux, depuis Je commencement de sa carrière jusqu'à la fin. Or, je vous le demande, d'où vient cet élancement du cœur au-dessus de la terre, qui se manifeste en tous lieux, sans que rien puisse le comprimer, si ce n'est de la nature? D'où vient cette voix qui partout appelle l'homme vers les cieux, sans que rien puisse l'étouffer, si ce n'est de Dieu lui-même ? L'âme est donc immortelle.

Et pourtant, observez-vous, il y en a bien d'autres qui disent, comme moi, que quand

on est mort tout est mort.

Oui, il y en a d'autres, mais il n'y en a pas beaucoup, ainsi que je vous le disais tout à l'heure. Voulez-vous vous en assurer par vous-même? Comptez. Vous faites partie d'une réunion composée de mille personnes, je suppose. N'en prenons pas une trop forte; on se connaît mieux.. Sur ces mille personnes combien y en a-t-il qui ne croient point à l'existence d'une autre vie? Vingt?

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C'est trop. Dix? C'est encore beaucoup. Admettons cependant. Il y en a dix sur mille. Et encore parmi ces dix, n'y en a-t-il pas qui y croient au fond du cœur? N'y en a-t-il pas d'autres qui y croient en action, si je puis m'exprimer de la sorte, c'est-à-dire qui se conduisent de manière à montrer qu'ils ont cette foi à l'immortalité de l'âme qu'ils affirment ne point avoir? N'y en a-t-il pas d'autres qui y croiront demain, après-demain, dans vingt ans peut-être, mais certainement à la fin de leur vie? Oui, il y en a et c'est même le plus grand nombre. En sorte que, sur mille personnes, il serait peut-être difficile d'en compter une, oui une seule, en qui on ne découvrit, en aucun temps, aucune sorte de foi en l'iminortalité de l'âme. Et vous ne tremblez pas d'en voir si peu de votre opinion, sur un point si important, surtout quand l'univers entier se lève contre vous pour donner le plus éclatant démenti à vos timides assertions?

Il y en a bien d'autres, avez-vous dit.

Mais, de grâce, ne le dites pas trop haut: car, entre nous, ceux dont vous parlez sont des gens dans la société desquels on n'aime pas trop à se rencontrer. Vous ne voudriez pas me les nommer, n'est-ce pas ? Eh bien! je vais le faire à votre place. Čeux qui refusent de reconnaître une autre vie après celle-ci, ce sont les impudiques, les voleurs, les assassins, tous ceux en un mot qui, transgressant ouvertement la loi de Dieu, craignent les châtiments qu'ils méritent par leur conduite. Et encore faut-il faire un choix parmi ces grands coupables. Les meilleurs, ou, pour parler plus exactement, les moins mauvais d'entre eux croiront encore volontiers à l'immortalité de l'âme, parce qu'ils ont l'espoir de fléchir, avant leur mort, la justice divine offensée par leurs péchés. Ceux qui refusent obstinément de la reconnaître, ce sont les impudiques qui veulent mourir dans la débauche, parce qu'ils savent que rien de souillé e saurait entrer dans le royaume des cieux; ce sont les voleurs qui ne veulent poin restituer, parce qu'ils n'ignorent pas que la justice divine leur demandera compte éernellement. du bien d'autrui, qu'ils auront éternellement sur la conscience; ce sont les assassins qui veulent mourir souillés du sang de leurs frères, parce qu'ils voient que ce sang crièra éternellement vengeance contre eux; ce sont, en un mot, tous ceux qui veulent mourir dans la transgression de la loi divine, parce que, n'ayant point demandé grâce en cette vie, ils ne peuvent espérer de l'obtenir dans l'autre.

Grand Dieu! quelle société! et c'et le témoignage dégoûtant de ces homme que vous ne craignez point d'opposer au émoignage si pur des patriarches, des propètes, des apôtres, des martyrs, des confeseurs, des anachorètes, des vierges, de tus les justes de tous les temps et de tous le lieux, au témoignage encore de ceux qi, sans avoir au cœur une sainteté parfaite y gardent intact cependant le dépôt acré des

vérités éternelles! Ah! vous devriez en rougir. Vous ne sauriez avoir je ne dis pas la certitude, mais le plus léger espoir d'être dans le vrai avec de tels hommes. Quittez donc leurs rangs; hâtez-vous d'en sortir, ou nous vous appliquerons le proverbe reçu de tous: Dismoi qui tu hantes, et je te dirai qui tu es. L'âme est un mot.

Oui, c'est un mot, comme Dieu aussi est un mot. Oui, c'est un mot, mais un bien grand mot, car il exprime une grande chose, l'une des plus grandes après Dieu lui-même, l'esprit créé à son image et à sa ressemblance, capable comme lui de penser et d'aimer, appelé à faire sa volonté, dans ce lieu d'épreuves, et à partager, dans l'autre vie, son immortalité bienheureuse.

Voudriez-vous dire le contraire? Préten driez-vous que c'est un vain son, un mot qui ne nous rappelle aucune idée positive, aucun être du moins réellement existant? Ce serait un peu fort. Et comment donc n'est-il aucune langue qui ne le prononce avec la signification que nous y attachons? Comment se fait-il que cette même signification lui soit donnée tout naturellement, sans nous quelquefois, et comme malgré nous?

Voyez le sauvage qui aura vécu dans l'isolement du désert. Je ne vous dirai pas qu'il n'a aucune idée d'une vie future, et conséquemment de l'existence d'une âme. Tout à l'heure j'affirmais le contraire; mais c'est chez lui une idée vague, confuse, dont il ne se rend pas compte à lui-même, bien loin de pouvoir le faire aux autres. Cependant arrive à lui un de ces missionnaires que le désir de sauver son âme et d'autres avec la sienne a porté à quitter sa patrie pour venir évangéliser ces pays plongés dans les ténèbres de la plus profonde ignorance, et, l'abordant avec bonté : « Mon frère, » lui dit-il, soit de vive voix, soit par geste, «j'arrive ici de bien loin, avec beaucoup de privations et de difficultés. Je viens à vous pour régénérer votre âme, et la conduire au ciel. » Le pauvre sauvage cherche en lui cette âme dont jamais personne ne lui avait parlé encore en termes aussi positifs et aussi clairs. Peu à peu les ténèbres se dissipent, la lumière se fait, il reconnaît l'existence de cette âme qui vient de lui être annoncée, il la voit, en quelque sorte, il la proclame lui aussi infiniment supérieure au corps, et il commence à mener une vie aussi spirituelle que celle qu'il a eue jusqu'ici a été matérielle.

Vous-même qui niez l'immortalité de l'âme et jusqu'à son existence, vous qui avez répété mille fois peut-être en votre vie : « Quand on est mort, tout est mort, » ou bien: « L'âme est un mot, » vous qui le répétez encore en ce moment, c'est à votre propre témoignage que je vais en appeler pour vous confondre. Vous avez passé, je suppose, l'âge des passions. Vous voilà arrivé à cette époque de la vie où nous jugeons des choses plus sainement que jamais. Une maladie sérieuse, en laissant à votre raison toute sa force, est venue appeler davantage encore votre attention à la considération des

vérités éternelles : « Mon ami, vous dira le ministre de la religion, « mon ami,» répéteront après lui peut-être un père, une mère, une épouse, des enfants tendrement aimés, mon ami, sauvez votre âme. Il en est temps; car bientôt Dieu aura décidé pour toujours de son sort!» Vous y aviez pensé déjà de vousmême. Le voile abaissé sur vos yeux se déchire de plus en plus. Vous reconnaissez cette âme immortelle que vous aviez vue si pure dans votre enfance, et dont vous n'aviez commencé à nier l'existence qu'après l'avoir souillée et rendue en effet méconnaissable par le péché, et vous allez faire tout ce qui dépendra de vous désormais pour lui rendre son antique beauté.

Direz-vous actuellement que l'âme n'est qu'un mot? Ne voyez-vous pas, au contraire, que c'est une chose réelle, à la vérité de laquelle tout rend hommage au ciel et sur la terre, et qu'on ne peut révoquer en doute sans rejeter également toutes les autres choses, puisqu'il n'y en a point dont l'existence soit plus généralement, plus irrésistiblement attestée, non pas en un lieu seulement, mais partout?

C'est tout au plus un souffle, ainsi qu'on l'appelle communément, même dans nos livres religieux.

Oui, c'est un souffle, mais un souffle divin, et ce souffle est une âme vivante, comme le disent en propres termes les saintes Ecritures: Et inspiravit in faciem ejus spiraculum vitæ, el factus est homo in animam viventem. (Gen. 11, 7.)

Oui, c'est un souffle, comme l'ange, mi nistre du Seigneur, est une flamme de feu: Qui facit angelos suos spiritus, et ministros suos flammam ignis. (Psal. c, 4; Hebr. 1, 7.) C'est-à-dire qu'elle franchit, elle aussi, avec une facilité et une rapidité incroyables toutes les distances de l'espace et du temps; mais, comme elle a toujours conscience d'ellemême, de quelque manière qu'elle se manifeste, comme elle peut faire, et fait souvent, en réalité, des choses grandes, admirables, sinon aussi surprenantes que les œuvres de Dieu, esprit infini, du moins d'une magnificence proportionnée à sa nature d'esprit créé, comme étant venue de Dieu, elle retourne d'elle-même, sa mission achevée sur la terre, dans le sein du Dieu de vérité qui l'a rachetée: In manus tuas commendo spiritum meum, redemisti me, Domine Deus veritatis. (Psal. Xxx, 6.) Cette image sous laquelle on la représente ne saurait nous empêcher de reconnaître sa spiritualité et son immortalité.

Voulez-vous dire le contraire? prétendezvous que l'âme n'est réellement qu'un souffle matériel et périssable, dont il ne reste plus rien après son rapide passage? Ah! vous allez recevoir aussitôt sur ce point le plus éclatant démenti, non pas seulement de la religion, mais de la raison, du cœur, du témoignage unanime des peuples, de tout ce qui a mission de Dieu de nous attester la vérité la plus essentielle. Non, ce n'est point un souffle, à la manière du moins dont vous l'entendez, celle qui a été créée à l'image de Dieu! Non, ce n'est point un souffle seulement, celle doni

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