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égarements de la plus insigne folie, reviennent à la régularité de la plus profonde sagesse, et l'on se dit : Ce sont pourtant ceuxlà !... Dites seulement : Ce sont quelques-uns de ceux-là !... Car, ce n'est qu'une exception que Dieu rend quelquefois éclatante pour montrer qu'on peut revenir à lui en tout temps; nais, enfin, ce n'est qu'une exception d'après laquelle il serait très-dangereux de régler sa conduite.

Soyons donc sages dès nos plus tendres années, parce que tout âge appartient à Dieu, et doit lui être consacré! Soyons sages dès nos plus tendres années, parce que, comme le disent les saintes Ecritures, et comme l'expérience de tous les jours nous l'enseigne, l'homme doit suivre, dans un âge

plus avancé les sentiers dans lesquels il s'est engagé jeune encore: Adolescens juxta víam suam, etiam cum senuerit, non recedet ab ea. (Prov. xxII, 6.) Soyons sages dès nos plus tendres années, parce que peut-être nous n'en aurons pas d'autres, parce que c'est la sagesse du jeune âge qui est la plus décisive, la plus féconde en grands résultats!

Sans doute la sagesse du jeune âge n'est ni ne peut être celle de la vieillesse, quant à l'expression du moins. Elle est douce, riante, aimable comme la jeunesse elle-même. Mais c'est toujours, quant au fond, cette sagesse, fille de Dieu, qui est de tous les temps et de tous les lieux, ou plutôt qui ne reconnaît ni temps ni lieux, parce que, comme Dieu luimême, elle est éternelle.

L

LATIN.

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Réponse. Aujourd'hui que les esprits sont naturellement portés à l'indépendance et que les cœurs sont épris de je ne sais quel amour plus ou moins pur de nationalité, il n'est pas rare d'entendre répéter les questions que nous venons de poser. Questions, du reste, auxquelles il n'est pas difficile de répondre.

Pourquoi parler latin, une langue morte? nous dit-on.

Il vous est peut-être venu en pensée, à vous-même, quand vous avez assisté aux saints offices, dit à ce sujet le directeur du catéchisme de Saint-Sulpice (Exposition de la doctrine chrétienne), que l'Eglise ferait mieux de les célébrer en langue vulgaire. Pourquoi parler latin dans une assemblée de fidèles dont la plupart ne savent pas le latin? Dans les commencements, ajoute le même directeur, dont nous allons transcrire ici sinon les mots du moins l'idée, l'Eglise a célébré les Offices en latin dans l'empire romain, qui était très-étendu; elles les a célébrés en grec dans la Grèce; elle les a célébrés en arménien, en éthiopien, dans le pays des Arméniens et des Ethiopiens; elle à fait de même pour d'autres peuples. Mais, quand ces peuples corrompirent leurs langues, ce qui arriva peu à peu, l'Eglise ne changea pas ses prières publiques, elle continua à les réciter comme autrefois. Voilà comment elle finit par célébrer presque partout les Offices en une langue qui avait cessé d'être la langue vulgaire. Ces prières sont si simples, si belles, si vénérables par leur antiquité, il y a tant d'avantages dans leur uniforme expression, et il y aurait tant d'inconvénients à reconnaître officiellement leur indéfinie traduction dans toutes les langues, dans tous les idiomes du monde, que

l'Eglise a jugé convenable non-seulement de les maintenir là où elles se trouvaient déjà, mais encore de les faire adopter par les peuples qui se convertissaient à la foi chré tienne, quelle que fût la langue de ces peuples.

Pourquoi l'Eglise parle-t-elle latin, une langue morte?-Mais parce que c'est sa langue propre, celle qu'elle doit parler, par conséquent. Ce n'est donc point réellement une langue morte, mais bien une langue vivante, et qui le sera même toujours, puisque l'Eglise ne doit jamais périr.

Ce n'était point sans une disposition de la divine Providence que Rome était maîtresse du monde quand l'Eglise commença à s'y établir. C'était pour préparer les peuples recevoir plus facilement l'Evangile qui allait leur être annoncé. Un des moyens les plus propres à cela, c'était la langue de la ville, reine des nations sous le rapport matériel, et qui allait le devenir pour toujours sons le rapport spirituel. L'Eglise adopta cette langue, répandue déjà plus ou moins communément par toute la terre, ou plutôt elle se l'appropria, en y introduisant des pensées et des sentiments précédemment inconnus. Qui ne le comprend aisément, en y réfléchissant le moins du monde. Le latin que parle l'Eglise n'est point la langue des Romains païens, mais celle des Romains catholiques. ne différe guère moins de la langue de Virgile et d'Ovide que de celle du Dante et du Tasse. Ce latin de l'Eglise n'est point devenu vul gaire, pour tous, après que cette Eglise se fut répandue par tout le monde, et il ne le deviendra probablement jamais; mais c'est encore, pensons-nous, par une secrète dispo sition de la divine Providence, de peur qu'en se vulgarisant il ne se corrompe, qu'en se corrompant il ne périsse, comme tout ce qui se corrompt. Ce latin est la langue officielle de l'Eglise, celle avec laquelie elle prie et enseigne, elle est en rapport, par conséquent, avec Dieu et les hommes. C'est, dès lors, la langue de l'Eglise avec

et

Te

laquelle Jésus-Christ a promis de se trouver jusqu'à la fin des siècles. Voilà pourquoi hous avons dit que bien loin d'être une langue morte, c'était une langue vivante, divinement vivante, en quelque sorte, et qui subsistera toujours avec l'Eglise qui se l'est appropriée.

Pourquoi parler latin?-C'est afin que l'unité soit plus complète dans l'Eglise de Jésus-Christ. Cette unité doit se trouver, avant tout, dans le symbole, qui est l'essence même du christianisme; mais elle doit se trouver également dans la prière, qui n'est pas antre chose que la foi passant par le cœur et l'élevant au ciel, d'où elle est descendue pour nous y appeler. Vous me direz peut-être que cette unité se trouverait dans les idées. Sans doute; mais, d'une part, n'est-il pas clair que, si elle se trouve aussi dans la parole, elle sera plus complète; et, d'une autre part, n'est-il pas clair encore que l'expression modifie souvent la chose exprimée, et que, si l'unité n'existe pas dans les paroles, elle pourra bien ne pas rester non plus dans les idées ?

Pourquoi parler latin? - Mais ne comprenez-vous pas que cette unité de langage est très-propre à faire sentir l'unité de la famille chrétienne, je dirai même de la famille humaine, si tous les hommes voulaient entrer dans le sein de l'Eglise catholique, comme ils y sont appelés. De quelques points du globe que soient partis différents catholiques, quand ils viennent à se rencontrer, fat-ce au milieu des mers, ou sur quelque plage déserte, ils feront, je suppose, le signe de la croix, en prononçant les paroles qui y sont attachées. Puis: Credo in Deum..., dira l'Européen; et in Jesum Christum Dominum nostrum..., ajoutera l'Américain; Credo in Spiritum sanctum..., dira, à son tour, l'Africain; Carnis resurrectionem, vitam alernam..., dira en terminant l'habitant infortuné de quelqu'une de ces îles converties depuis peu au christianisme; et tous se serreront avec amour, en attendant une union plus intime en Dieu, dans les étreintes d'une douce charité qui ne se fût pas fait sentir de même sans la langue commune à tous de l'Eglise notre mère.

Ne demandez donc plus pourquoi l'Eglise parle, en tout lieu, la même langue, dans ses Offices principalement, et dans son enseigne=ment officiel, si je puis m'exprimer de la sorte. Les raisons en sont évidentes aux yeux de tous, et plus on les approfondit, sous tous les rapports, ces raisons, plus on les trouve importantes et décisives.

Ne pourrait-elle pas parler, dans chaque localité, le langage du pays? nous dit-on

encore.

En admettant qu'elle le pût, nous devons reconnaître que cela aurait toujours de grands inconvénients et serait même quelquefois difficilement praticable.

Qui ne voit, d'après ce que nous avons dit plus haut, que cette diversité toujours croissante de langages officiellement reconnus par l'Eglise, nuirait, extérieurement du

moins, à l'unité que Jésus-Christa demandée à son père pour les siens? Je vous prie pour eux, disait-il, afin qu'ils soient un, comme nous sommes un nous-mêmes : « Ut sint unum, sicut et nos unum sumus.» (Joan. xvii, 22.) Or l'unité du Père et du Fils consiste en ce que le Père se dit à lui-même tout ce qu'il est, dans un Verbe éternellement existant. Cette unité, dont celle de l'Eglise doit se rapprocher de plus en plus, semble donc demander que le prêtre, ministre de JésusChrist, dise à l'homme ce qu'est Dieu, dans une langue partout et toujours la même. Qui ne voit que, de l'extérieur, cette diversité peut passer à l'intérieur, comme nous l'avons dit encore? Qui ne voit qu'une liturgie en langue nationale peut faire naître l'idée et ensuite le désir d'une Eglise nationale, et bientôt engendrer le schisme, puis l'hérésie?

L'Eglise ne saurait donc adopter, dans chaque localité, le langage du pays, sans porter un coup plus ou moins funeste à l'unité. Ce serait affaiblir également les liens de cette fraternité qui résulte d'une langue commune. Vous me direz peut-être que cette fraternité n'en existerait pas moins pour cela. C'est possible; mais elle serait moins complète, et surtout moins sensible; est-ce que des hommes peuvent se regarder comme frères, quand, sous les yeux du même père et dans les bras de la même mère, ils parlent chacun un langage différent? En certains cas surtout, cela serait très-choquant. «Bien des fidèles sont obligés de voyager, dit à cette occasion l'auteur que nous citions tout à l'heure. Ils passeront, je suppose, et même à plusieurs reprises, d'un pays dans un autre. Ne leur est-il pas aussi agréable que commode, dans l'état où sont les choses, de voir partout les mêmes Offices, d'entendre partout les mêmes prières. Ils sentent alors que, quand on a le bonheur d'être Catholique, on n'est étranger nulle part. Supposez, au contraire, que chaque pays ait les Offices publics dans sa langue vulgaire, les étrangers n'y comprendront rien. Sans sortir même de la France, quel embarras n'épreuveriez-vous pas en passant de la Normandie en Bretagne, de la Bretagne dans le pays Basque, de la Provence dans l'Alsace?.. Ce serait tantôt l'allemand, tantôt le breton, tantôt le basque, tantôt le provençal: pensez-vous que ces variétés vous fussent agréables et vous parussent d'un bel effet? » Un homme était sur le point de quitter la paroisse qu'il habitait depuis longtemps, pour aller s'établir dans une paroisse voisine dont la liturgie n'était pas parfaitement semblable à celle à laquelle il était habitué: « Quoi donc ! lui dit quelqu'un, est-ce que vous ne voulez plus être des nôtres ? » Ainsi parlait le gros bon sens. Qu'aurait-il donc dit, s'il eût été question d'aller dans une paroisse où les paroles mêmes eussent été tout à fait différentes. « Ce n'est pas tout, » ajoute le directeur des catéchismes de Saint-Sulpice. « Les langues vivantes, celles qu'on voudrait voir partout adoptées dans l'Eglise, changent continuel

nom, le ministre de la religion, ne doit ni ne peut avoir la même uniformité, la même dignité, la même pureté que ce qu'il dit au nom de toute l'Eglise.

Vous me direz peut-être que le prêtre adresse pourtant aux fidèles quelques mots latins, même pendant les prières.

Oui, vous avez raison, quelques mots; mais ce sont des mots si simples, si fréquemment répétés, qu'il n'y a presque personne qui ne les comprenne. Qui ne sait encore que la posture du prêtre, son geste, son accent, le son de sa voix, mille choses servent à les faire comprendre?

A ces quelques mots près, à qui s'adresse le prêtre dans tout ce qu'il dit en latin, soit seul, soit avec l'assemblée des fidèles?

A Dieu, n'est-ce pas? Or, vous conviendrez sans peine que Dieu entend parfaitement ce qu'on lui dit dans cette langue.

lement. Il n'est pas rare qu'après une cinquantaine d'années les mots n'aient plus le même sens qu'on leur avait d'abord donné. Des mots, dans le principe très-convenables, comme formule de prières, donnent quelquefcis lieu, plus tard, à une autre époque, à des allusions inconvenantes. Il faudrait donc que l'Eglise fut toujours occupée à remanier partout ses prières, à changer ses livres d'Offices. Il y aurait lieu de craindre que, dans ces variations fréquentes, il ne se glissât des erreurs compromettantes pour la pureté de la doctrine chrétienne. »Et voilà précisément pourquoi nous avons dit que l'adoption, dans chaque localité, de la langue du pays, était difficilement praticable. Le principe de cette adoption une fois admis, il faudra l'étendre non-seulement à tous les lieux, ce qui est évident, mais encore à tous les temps, au fur et à mesure des changements notables qui se feront dans chaque langue, comme nous venons de le faire remarquer. De là un nombre infini de traductions qui auront également besoin de l'approbation de l'Eglise, pour être remises, en son nom, entre les mains de tous. Or, je vous le demande, par qui sera donnée cette af probation? Par l'évêque du lieu, pour chaque localité? Mais chaque évêque ne peut représenter l'Eglise, en pareil cas. Quelque respectable que soit son autorité, elle ne saurait s'étendre jusquelà. Par le Souverain Pontife? Mais il lui faudrait, ce qui est impossible, une connaissance approfondie de toutes les langues du monde. Par le Souverain Pontife, sur le rapport de chaque évêque diocésain? Mais, alors, ou ce sera l'évêque qui décidera la chose, ou le Souverain Pontife: dans le premier cas, c'est l'autorité qui n'est pas suffisante; dans le second cas, c'est la connaissance de la langue. Donc, avons-nous dit avec raison, l'adoption par l'Eglise, en chaque Jocalité, de la langue du pays, est difficilement praticable, si ce n'est même entièrement.

Parler une langue inconnue, ajoute-t-on, c'est à peu près ne rien dire.

Vous vous trompez, ou plutôt vous essayez de nous tromper, en confondant des choses parfaitement distinctes. Expliquons-nous

donc.

Parler à quelqu'un, de qui on veut se faire comprendre, une langue complétement inconnue, c'est à peu près ne rien dire, sans aucun doute. Mais vous ne voyez rien de semblable dans l'Eglise. Bien au contraire: quand le prêtre s'adresse aux fidèles, comme dans le sermon, les conférences, le caléchisme, il ne se contente pas de parler la langue de ceux qui l'écoutent, il se met, autant que possible, à leur portée. L'emploi, en pareil cas, de la langue vulgaire, et quel quefois d'une langue très-vulgaire, est, d'une part, nécessaire, et n'a pas, d'une autre part, les mêmes inconvénients que pour la liturgie. Cet emploi est nécessaire, avons-nous dit, puisque, sans cela, les fidèles ne pourraient être instruits. Il n'a pas les mêmes inconvénients que pour la liturgie, avons-nous dit encore; car ce que dit, en son propre

Sans doute, me répondrez-vous, mais il serait bien à désirer que les fidèles l'entendissent aussi, pour prier avec plus d'attention et de ferveur.

Nous en convenons; et voilà pourquoi, on a fait de tout ce qui se dit et se chante à l'église des traductions et des explications à la portée de tous les âges, de toutes les intelligences, de tous les caractères.

Quant à ceux qui ne savent pas lire, certaines cérémonies, certains mouvements, certains bruits bien connus les avertissent de ce qui se fait et de ce qui se dit dans nos Of fices. Ils peuvent toujours suivre le prêtre à l'église, quand ils y viennent avec de bonnes dispositions; et, dans le cas contraire, ils ne le suivraient pas, lors même que tout se dirait en français.

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Du reste, c'est une erreur de croire que, pour bien prier, il soit absolument nécessaire de suivre et d'entendre toutes les paroles dont se compose la prière dite ou chantée. Voyez les Carmélites leur âme est pourtant tout en feu en répétant ces psaumes latins dont elles ne comprennent pas les mots. C'est qu'elles se sont dit, en commençant, qu'elles allaient chanter les louanges de celui qui est l'assem blage de toutes les perfections, puis, à l'aide de ce son lent, grave, religieux qu'elles entendent et qu'elles contribuent elles-mêmes à former, à l'aide encore de tout ce qui frappe leurs regards, elles conservent jusqu'à la fin une douce et sainte émotion que ne leur aurait donnée peut-être aucune langue vulgaire parfaitement comprise. Et vousmême, dites-moi? entendez-vous chaque mot de ce concert de la nature qui quelque fois vous touche si profondément? Non, mais vous avez commencé par penser à celui à qui il s'adresse; puis à l'aide de ce son grave, religieux aussi, en un sens, à l'aide encore de tout ce qui frappe vos regards, vous éprouvez une douce et sainte émotion que ne vous procurerait peut-être aucune langue vulgaire parfaitement comprise. Cela peut vous donner une idée de ce qui se passe en celui qui, sans savoir le latin, sans pouvoir lire le français, assiste avec attention et piété aux saints Offices, à la Messe principalement.

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A la Messe, avons-nous dit, car quels chants alors, et surtout quel spectacle! L'Evangile rapporte que, quand Jésus mourut sur le Calvaire, le gouverneur des Romains avait fait mettre au-dessus de sa croix, en hébreu, en grec et en latin, cette inscription que tous ainsi pouvaient lire Jésus de Nazareth, roi des Juifs. Le sacrifice de la Messe est la re

présentation et la continuation du sacrifice de la croix. Au-dessus de la victime sainte est une inscription, faite en une langue que chacun peut comprendre, de toutes les qualités de Jésus. Cette langue, que chacun peut comprendre, même celui qui ne sait pas lire, c'est la langue du cœur, dont une foi brûlante nous donne l'intelligence.

LIBERTÉ RELIGIEUSE.

Objections. Pourvu qu'on soit honnête, il est bien libre à chacun d'avoir une religion ou de n'en point avoir du tout, — de s'en faire une à sa manière, de suivre du moins celle dans laquelle il est né. - Que l'autorité ne s'en mêle point; car, après avoir été persécutée, elle persécuterait à son

tour.

Réponse. Nous répondons à cela ailleurs notamment à notre article Religion, mais ce sont des questions si souvent répétées dans le monde, quoique peu sérieuses au fond, que nous croyons devoir en faire un article particulier.

Pourvu qu'on soit honnête, dites-vous, il est bien libre à chacun d'avoir une religion ou de n'en point avoir du tout.

Parler ainsi, c'est n'avoir aucune idée des choses qui nous intéressent le plus, c'est Soutenir le pour et le contre en même temps. En quoi consiste l'honnêteté ? Dans l'accomplissement de nos devoirs évidemment. Qu'est-ce que la religion? L'ensemble de tous Los devoirs. Affirmer donc que, pourvu qu'on soit honnête, il est libre à chacun d'avoir pune religion ou de n'en point avoir, c'est Soutenir le pour et le contre en même temps. Je sais bien que par religion on entend plus particulièrement l'ensemble de nos devoirs envers Dieu. Mais c'est une idée incomplète de la religion. En s'arrêtant là cependant, il est évident qu'on ne peut séparer l'idée es d'honnêteté de celle de religion, puisque nos Ca devoirs envers Dieu sont aussi des devoirs, et j'ajouterai même les plus essentiels de Lous, nos devoirs fondamentaux, ceux en qui se trouvent la source, la règle, la sanction de tous les autres.

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Ecoutons à ce sujet le sage directeur des catéchismes de Saint-Sulpice. (Exposition de la doctrine chrétienne.)

« Si quelqu'un venait vous dire : N'est-il

Te pas libre à un enfant d'honorer ses parents ris ou de ne pas les honorer, pourvu d'ailleurs

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qu'il soit honnête? vous en seriez fort surpris, et, à votre tour, vous demanderiez à cet étrange questionneur comment il entend demeurer honnête homme en négligeant l'accomplissement d'un devoir aussi essentiel qu'est celui de respecter son père et sa mère. Mais vous, mon ami, vous ne seriez pas plus raisonnable, si vous pensiez qu'il fût libre chacun d'avoir une religion ou de n'en point avoir du tout, pourvu que l'on soit honnête homme. N'avoir pas de religion, ce Dest assurément pas être raisonnable, ni honnête. Les bêtes n'en ont pas, parce

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qu'elles ne connaissent pas Dieu; voudriezvous faire comme elles, ni plus ni moins, vous qui le connaissez? Croirez-vous bien que vous serez un honnête homme, quand vous n'aurez ni de respect pour ses volontés, ni d'égards pour ses droits, ni de reconnaissance pour ses bienfaits?

« Vous vous flatteriez d'être honnête homme, parce que vous ne feriez tort à aucun de vos frères; mais les droits du père de famille sont-ils moins vénérables, moins sacrés que ceux des enfants?... C'est Dieu qui est le père de la famille, et vous ne penseriez pas seulement à lui!... Ne voyez-vous pas que par une pareille conduite vous outrageriez Celui qui est de tous les êtres le plus grand, le plus aimable, le plus digne de Vos respects et de votre amour? Et vous croiriez encore être un honnête homme !... Absurde prétention!

« Vous ne seriez pas raisonnable non plus ; permettez-moi d'ajouter: Vous seriez un insensé. Ce mot vous choque, il vous blesse, mais voyez et réfléchissez un instant : Que vous y pensiez ou que vous n'y pensiez pas, que vous le vouliez ou que vous ne le vouliez pas, vous mourrez un jour, peut-être même bientôt, et certainement quand vous ne vous y attendrez pas. Votre corps sera porté au cimetière. Votre âme... où ira-t-elle? Vous vous estimez trop pour croire qu'il en soit de vous comme de votre chien et de votre cheval, que, quand vous mourrez tout soit mort votre âme survivra. Eh bien, je vous le demande encore une fois, où ira-t-elle? S'il y a un Dieu, comme personne n'en doute sérieusement, vous paraîtrez devant lui pour être jugé; votre sort se décidera en ce moment solennel. Dieu récompensera-t-il celui qui ne l'aura pas servi, celui qui aura vécu sans religion?... Vous devez donc vous attendre aux plus grands malheurs; vous vous serez fait à vous-même un mal irréparable; Vous vous serez perdu sans ressource, et alors vous verrez si vous avez été raisonnable en vivant sans religion.

« Après cela, que vous soyez honnête envers les autres hommes, c'est possible à la rigueur; je vous conseille cependant de ne pas trop vous flatter sur cet article. Je n'ignore pas que l'on rencontre quelquefois de la probité, de l'amitié, un certain dévouement dans quelques hommes qui ne pratiquent aucune religion. C'est le plus souvent l'effet d'une bonne éducation qu'ils ont reçue et des bons exemples qu'ils ont sous les yeux; effet de la religion, par conséquent, sinon en eux-mêmes, du moins dans les au

tres. Mais qu'un homme ait des penchants mauvais, qu'il soit par nature porté à la colère, à l'avarice, à l'ambition; qu'il soit orgueilleux, sensuel, égoïste (et quel est celui d'entre nous qui n'a pas quelques-uns de ces mauvais penchants?...), cet homme ne se laissera-t-il pas entratner ordinairement à la fougue de ses inclinations déréglées, s'il ne cherche pas dans la religion un remède et un soutien?... Il se gardera peutêtre des excès que réprouve l'honnêteté publique, ou qui pourraient compromettre ses intérêts; mais il fera souffrir ceux qui l'entourent, il sacrifiera tout à ses vues personnelles; s'il peut s'enrichir aux dépens d'autrui, tout en gardant les dehors de la probité, ne comptez pas sur lui. Ah! si l'on savait ce que sont, le plus souvent, dans leurs mœurs privées, dans l'intérieur de leur famille, dans leur commerce intime, ces hommes sans religion, qui se disent honnêtes!... Après tout, je n'ose pas dire qu'ils aient tort. Celui qui n'a pas de religion, qui ne croit ni à Dieu, ni au diable, comme on dit communément, ni au ciel, ni à l'enfer, pourquoi se gênerait-il? S'il peut se venger de son ennemi, s'il peut prendre adroitement la bourse de son voisin, s'il peut se procurer du plaisir, n'importe aux dépens de qui que ce soit, pourquoi se priverait-il ? Qu'estce qui le retiendrait ?... La crainte d'un avenir? Il n'y en a point pour lui. La conscience? Ce n'est qu'un beau mot, un airain sonnant. Le seul mal, à ses yeux, est de se déshonorer devant le public ou de tomber dans les mains des gendarmes. Cet hommelà peut être pire qu'une brute, il est néanmoins conséquent avec lui-même.

« On nous objecte que ceux qui professent la religion ne sont pas toujours exemplaires dans leurs mœurs. Mais, pouvons-nous dire d'abord, ce ne sont point des hommes religieux. Ils ont le masque de la religion, ils n'en ont point la réalité. Il y a peut-être des principes religieux au fond de leur âme. Alors, ce sont des hommes inconséquents, qui ne vivent pas selon leurs principes, la plupart du temps... Je dis la plupart du temps, car ces principes les avertissent quel quefois, les retiennent, les portent au bien, malgré leurs inclinations naturellement vicieuses. Quant à ceux qui ont les mêmes inclinations, les mêmes défauts que ces mauvais Chrétiens, et qui n'ont d'ailleurs aucune religion qui les avertisse, qui leur inspire de salutaires remords, qui condamne leurs excès; de tels hommes ne seront-ils pas encore sans comparaison beaucoup plus mauvais? « Vous voyez donc bien que l'on ne peut être ni honnête homme, ni homme vraiment raisonnable sans religion. >>

N'est-il pas libre à chacun de s'en faire une à sa manière? avez-vous dit encore.

Parler ainsi, c'est se faire Dieu, plus que Dieu; c'est se croire capable de faire ce qui est impossible à Dieu. C'est se faire Dieu, puisqu'il n'y a que Dieu qui puisse lier les consciences, parler aux hommes du haut du ciel, leur annoncer des récompenses ou des

châtiments pour l'avenir : ce qui est le propre de la religion. C'est se faire plus que Dieu, puisque c'est s'arroger le droit de modifier, de changer ce qu'il a lui-même établi. C'est se croire capable de faire ce qui est impossible à Dieu, car Dieu, à proprement parler, n'a pas fait la religion, en ce qu'elle a d'essentiel au moins; il l'a seulement promulguée. Qu'est-ce que la religion, en effet? C'est l'ensemble des rapports qui existent entre le Créateur et la créature. Čes rapports existent nécessairement par le fait même de la création, et il ne serait pas libre à Dieu, malgré sa toute-puissance, de les changer ou de les modifier, de faire, par exemple, que les créatures ne fussent pas dépendantes du Créateur, et ne lui dussent pas, à ce titre, respect, amour, obéissance. Affirmer donc qu'on est libre de se faire une religion à sa manière, c'est se croire capable de faire ce qui est impossible à Dieu, c'est une monstrueuse impiété.

Sans remonter si haut, d'ailleurs, qui ne comprend que si on est libre de se faire une religion à sa manière, on pourra toujours, en vertu de la même liberté, modifier celle religion, s'en dispenser à l'occasion, la rejeter complétement pour en adopter us autre, ou n'en point avoir du tout. Ce serait dès lors une religion qui n'obligerait point, une religion sans valeur, sans utilité, une religion qui n'en aurait que le nom, mais n'en serait point une en réalité.

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L'auteur que nous citions tout à l'heure s'est fait la même objection: « Avant que nous y répondions, » dit-il, « voyez un peu ce qui s'est passé dans le monde en fait de religion. Dans un grand nombre de pays, on a cru honorer la divinité en se laissant aller à la débauche; les païens honoraient Bacchus par le vin et Mercure par le vol; d'autres versaient le sang de leurs enfants ou jetaient dans un brasier ardent ces innocentes victimes, pour apaiser la colère du ciel; rien n'a été si commun que les sacrifices d'hommes que l'on égorgeait sur les autels dans les cérémonies religieuses. Nous aurions milie autres cruautés ou extravagances à rappor ter dans ce genre, s'il le fallait. Comment, après une telle expérience, dire que chacun doit se faire une religion à sa manière?

«Nous entendons dire quelquefois à certaines personnes J'ai des principes de religion et de morale, j'élève souvent mon âme à Dieu, je me confie dans la bonté de ce Maître souverain qui peut me pardonner, et je veille à ne pas faire de mal aux autres; je leur rends même volontiers service dans l'occasion. Voilà ma religion, c'est ainsi que je me la suis faite; ne me suffit-elle pas?

<< Tout cela est assurément fort bien, mais cela ne suffit pas. D'abord, vous venez de voir à quelles extravagances les hommes peuvent se laisser aller en religion, quand ils ne sont pas conduits par une autorité supérieure. Vous pouvez, vous, être plus sage que d'autres, mais n'est-il pas évident que pour prévenir tant d'abus et d'erreurs fн• nestes, il fallait une règle commune que tous

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