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Revue Politique de LA SEMAINE

Nous voici en présence d'une question capitale, ta nomination des maires, et, cette fois encore, nous hous heurtons contre cette éternelle contradiction que nous montre le ministère libéral en opposition avec son programme. Pourquoi donc avoir nommé bruyamment une grande commission extra-parlementaire de décentralisation, si l'on devait s'attacher à river les liens qui font sentir la main du pouvoir jusque dans la dernière commune de France?

Dès le premier jour de la discussion il a été facile de voir, qu'à part cette concession qui oblige le gouvernement à prendre les maires dans les conseils municipaux, le nouveau projet de loi ne ferait que consacrer le système de 1831. M. LefèvrePontalis, en se tenant au côté pratique de la question, a pourtant clairement démontré qu'en voulant défendre avec trop de sollicitude les intérêts des citoyens au lieu de leur laisser le soin de les défendre eux-mêmes, le projet de loi en discussion les compromettra plutôt qu'il ne les servira. Il a prouvé, en outre, que ce projet sera nuisible aux intérêts du gouvernement.

On n'échappera pas, a t-il dit, à ce dilemme : ou bien le gouvernement choisira le maire, fût-il un mauvais maire, dans le sein de la majorité du conseil municipal, et si le gouvernement doit se résigner à l'humiliation d'un mauvais choix pourquoi ne pas laisser faire ce mauvais choix par le conseil municipal, au lieu de le faire lui-même ?

ou le gouvernement croira devoir prendre le maire dans le sein de la minorité du conseil, et alors le gouvernement donnera le signal de la lutte, de la résistance, et se fera des ennemis jusqu'au fond de ces villages dans lesquels les animosités locales se transformeront si aisément en passions politiques.

Ce raisonnement nous paraît irréfutable, et nous ne comprenons guère l'étrange figure qui a fait dire à M. le garde des sceaux que la loi de 1831 représentait la perfection de l'administration communale, comme Phidias représente la perfection de l'art. L'Angleterre, la Belgique, la Suisse, les États-Unis ont la libre administration de leurs intérêts communaux et n'ont rien à envier à notre régime. Que devient donc alors cette perfection de la loi de 1831 que M. Émile Ollivier présente à notre admiration? Ne serait-elle pas, au contraire, défendue par cette suprême raison qu'elle est, comme l'a dit M. Grévy, la pierre angulaire du pouvoir personnel?

La difficulté de donner à cette question une solution complétement satisfaisante tient surtoutȧceci, que le maire est à la fois le représentant de l'association communale et du pouvoir central.

C'était donc la question des attributions qu'il aurait fallu résoudre tout d'abord. En ne le faisant pas, on s'est mis dans l'impossibilité de trouver un système de nomination qui sauvegardât tous les intérêts et tous les principes.

térêt des populations, l'intérêt même du gouver
nement, qui doit le pousser à se débarrasser de
ses trop nombreuses charges, et surtout par deux

grandes choses, qui priment éternellement toutes
les autres le juste et le vrai.

Le mercredi 22 juin, grande rumeur et vive
émotion à la Chambre. Le président du Corps
législatif venait de recevoir une lettre des princes

d'Orléans demandant à rentrer en France. La
lettre est datée de Twickenham, 19 juin, et signée
de Louis-Philippe d'Orléans, comte de Paris,
François d'Orléans, prince de Joinville, Henri
d'Orléans, duc d'Aumale, et Robert d'Orléans, duc
de Chartres. Elle se termine par le paragraphe

suivant :

« Ce n'est pas une grâce que nous réclamons,
c'est notre droit, le droit qui appartient à tous les
Français, et dont nous sommes seuls dépouillés.
« C'est notre pays que nous redemandons, notre
pays que nous aimons, que notre famille a tou-
jours loyalement servi; notre pays dont aucune
de nos traditions ne nous sépare, et dont le seul
nom fait toujours battre nos cœurs; car pour les
exilés rien ne remplace la patrie absente. »

La lettre a été envoyée au comité des pétitions,
et la Commission s'est prononcée, à l'unanimité
moins une voix, pour l'ordre du jour. C'est aussi
l'opinion que le ministère doit défendre à la tri-
bune au nom de la raison d'État. C'est en vain
que des voix généreuses et d'éloquents appels ont
conseillé à l'Empereur de « faire grand » et de
montrer que le plébiscite du 8 mai lui donnait
une sécurité entière. Le vote de la Commission et
la résolution du ministère nous montrent assez
que la concorde et la paix ne sont encore pour
nous qu'un mirage!

La grande nouvelle, depuis si longtemps annoncée, est enfin un fait accompli. La reine d'Espagne vient d'abdiquer en faveur de son fils.... en exil. La cérémonie a eu lieu le 25 juin, à l'hôtel Basilewski.

En présence d'un certain nombre de fidèles, Isabelle II a lu un manifeste au peuple espagnol, qui sera sans doute publié, et dans lequel elle explique les motifs de sa résolution. On a donné ensuite connaissance aux assistants de l'acte d'abdication, qui proclame le jeune prince des Asturies roi de toutes les Espagnes sous le nom d'Alphonse XII. Les partisans de cette royauté déchue paraissent attacher une grande importance à la détermination qu'Isabelle s'est enfin décidée à prendre, non sans avoir longuement et obstinément résisté. Mais, dans l'état actuel des choses, on ne voit pas trop quel avantage ils peuvent s'en promettre. Les chances de restauration ne semblent pas devoir être meilleures avec Alphonse XII qu'avec Isabelle II, à moins que le maréchal Prim, qui est plus que jamais le maître de la situation au delà des Pyrénées, ne voulut les favoriser, mais il n'y a que quelques jours que Prim renouvelait encore aux Cortès ses déclarations d'opposition implacable au retour des Bourbons. Il ne semble pas, du reste, que l'on soit disposé le moins du monde à s'émouvoir à Madrid de l'incident, depuis quelque temps prévu, de l'hôtel Basilewski. Les Cortès viennent, comme on sait, de se donner quatre mois de vacances; les membres du gouvernement espagnol commencent à songer aux douceurs de la villégiature, et Prim lui-même se prépare à partir pour Vichy. Il n'y a donc rien de changé à la situation.

Un espoir nous reste. Une loi sur l'organisation municipale et départementale nous a été promise par le programme du centre droit, qui porte la signature des membres les plus influents du cabinet. Cette loi est à l'étude. Si, comme nous devons le supposer, elle consacre d'une manière sérieuse le principe de l'autonomie communale, le gouvernement ne pourra moins faire alors que de se rendre au vœu des populations, en laissant la nomination des maires aux conseils municipaux. Des négociations ont eu lieu entre les gouverLes raisons qui l'empêchent aujourd'hui d'opé-nements français et anglais, au sujet de nos pos

rer cette réforme auront cessé d'exister, et il ne lui sera plus possible d'y recourir pour justifier sa résistance.

La loi nouvelle va donner à ceux qui nous gouvernent le temps de la reflexion; qu'ils réfléchissent donc, et si le dédoublement des fonctions du maire est le seul moyen de remettre aux mains de la commune toute la part de souveraineté et d'indépendance à laquelle elle a droit, qu'ils s'y décident. Ils y seront amenés tôt ou tard par l'in

Signalons un fait qui nous intéresse directement et qui nous arrive par la voie.... de la tribune anglaise.

sessions de la côte occidentale d'Afrique.
M. Fowler a demandé des explications; il lui a
été répondu que ces négociations avaient eu pour
résultat un échange de territoire. L'Angleterre
devait nous céder la Gambie, qui touche au Séné-
gal, et recevoir en retour une partie de nos pos-
sessions enclavées dans le territoire anglais du
golfe de Guinée.

Nous pensons que le gouvernement a dû faire
pour le mieux dans cette question; mais il nous

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sera permis de nous étonner que, lorsqu'à Lon dres M. Gladstone a cru devoir déclarer que cession de la Gambie ne serait valable qu'aprè l'approbation du Parlement, en France, Chambres n'aient pas été consultées, et que non en soyons réduits à apprendre une nouvelle si in portante au point de vue de nos possessions colo niales, par les débats des chambres anglaises.

Le dessin que nous représentons à la première page montre sous son vrai jour la situation de Lisbonne et du Portugal. Le maréchal Saldanha règne et gouverne, et le peuple de Lisbonne lu donne des sérénades!

Le 19 juin, une manifestation publique, qui réunissait plus de douze mille citoyens, a chaleu reusement acclamé le héros du dernier con d'État. Les fanfares et les discours n'ont pas manqué à cette démonstration, et nous représentons le moment où l'on prononce l'une de ces allocu tions politiques.

Mais le Portugal a-t-il, en réalité, quelque chos à gagner à ce nouveau gouvernement? Nous voyons bien le maréchal décréter la liberté de la presse, le droit de réunion, d'association. Mais chef du gouvernement sait aussi bien que nous ce que valent ces libertés entre les mains d'ur dictateur.

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AUG. MARC.

COURRIER DE FARIS

Hier, vers les cinq heures du soir, une << scène émouvante avait rassemblé une foule con sidérable autour de l Hôtel-Central, cet immense caravansérail que l'Europe envie à la ville de «Paris. Un jeune homme de bonne mine et d'ex«< cellente tournure, chez qui, malgré l'air d'élégance devenu commun à tous les citoyens, on remarquait ces signes spéciaux que les vieillards appellent la race, la distinction, essayait d'api« toyer sur son sori la foule rassemblée. Ce jeune homme, à ce qu'il dit, a le malheur de descendre de l'illustre - vieux style maison de Bour« bon-Orléans. Sous prétexte que ses ancêtres « ont régné sur la France et qu'il porte le stig«< mate d'un passé dans lequel il n'est pour rien, les e propriétaires de l'Hôtel-Central ont refusé de « recevoir ce jeune voyageur. Pareille mésaven«<lure vient de lui arriver dans cinq ou six hôtels « de premier ordre, et M. Robert d'Aumale de« mandait, non sans une sincère émotion, si une «société démocratique, basée sur les mérites per« sonnels et ayant pour principe de ne point de«mander aux enfants compte des actes de leurs « pères, avait le droit de repousser un honnête homme, parce qu'il porte tel ou tel nom.

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Il nous semble que M. Robert d'Aumale a « pleinement raison. Nous n'avons pas le droit de « pénétrer dans la conscience de MM. les direc«teurs de l'Hôtel-Central, mais il nous semble qu'en cette occurre ce, leur zèle civique les a mal conseillés. Quand donc, hélas! disparaîtront « les dernières traces de discordes déjà si lointai« nes? Quand donc serons-nous assez sûrs de no« tre force pour ne plus craindre les héritiers d'un « vain titre et pour ne pas condamner de parfaits « gentlemen à l'étrange position de prince er

« rant.... >>

....

Tel sera peut-être le texte d'un entre-filet qu'on lira dans le Journal des faits du 2 juillet 1920. La passion avec laquelle on a accueilli, en sens différents, la lettre où les princes d'Orléans demandent leur retour au droit commun et l'abrogation de la loi qui leur interdit l'approche de l'Etat créé par leurs aïeux, la netteté avec laquelle les théoriciens politiques ont déclaré que, pour les dynasties déchues, il n'y a qu'un rôle possi ble, l'exil et la résignation, font logiquement prévoir le jour où les fils des races ci-devant royales, marqués d'un signe au front, comme Caïn, erre

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s étonner que, lo

a cru devoir déclare

ie ne serait vala

L'ILLUSTRATION, JOURNAL UNIVERSEL.

ront à travers l'Europe sans trouver où reposer | dévoué, très-lié avec lui, avait pompeusement cé-
leur tête.
lébré les mérites du peintre d'Ornans.

Parlement, en Fr La présence des d'Orléans en France serait-elle

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Oui, répondit celui-ci avec son accent nar-

as été consultées, un danger pour le gouvernement impérial? Je ne quois et trainard, oui, cet article lui fera le plus

e

apprendre une nor

vue de nos posses

le pense pas. Certes, il y aurait là une habitude à
prendre lorsqu'à une première représentation à

grand bien.

Proudhon, dans son curieux livre : Du principe

des chambres Opéra on verrait d'un côté la famille impériale, de l'art et de sa destination sociale, s'est beaucoup

représentons al
de l'autre le duc d'Aumale et la comtesse de Paris,
le spectacle paraîtrait plus piquant, à coup sûr,

occupé de Courbet, qui était son compatriote et
dans les œuvres de qui il croyait voir une corré·

on vrai jour la que la pièce jouée derrière la rampe; le levain lation avec son propre naturalisme, avec sa re

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once l'une de ter, est, de toute sa famille, celui qui ressent le on, et nouse Le duc d'Aumale, à ce que j'ai entendu racon

plus vivement l'ostracisme dont il est frappé; il

, en réalité,quadore la France jusque dans ses plus minces mau gouvernen nifestations; il ne paraît pas un vaudeville, une

1 décréter la comédie à couplets, une brochure satirique qu'il on, d'associati n'en dévore avidement le texte : ce n'est pas la rose, ce papier imprimé, mais il est tout imprégné és entre les des parfums de cette rose immense qu'on appelle

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Pendant que je parle des princes, il faut dire un mot de l'abdication de la reine d'Espagne, abandonnant à son fils cette couronne qui lui a été arrachée et qu'elle ne veut pas reconnaître comme perdue. Ainsi l'antipape Pedro de Luna, quand il eut été chassé d'Avignon, puis de Château-Renard, q heures dr s'enfuit dans son pays d'Aragon, et retiré au fond semblé une des montagnes, avec deux ou trois cardinaux fidèles -Central, ceti à sa fortune, tous les matins il montait sur la tour De envie à de son manoir de Peniscola, et de là, inflexible borne mie comme le droit, entêté comme la justice, il anathématisait la terre infidèle.

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, malgré lar Dus les cit Je n'ai fait qu'entrevoir la reine Isabelle, et j'aauxquel voue qu'elle n'a pas précisément l'air fort royal. tion, essayan Je sais tout ce qu'on dit d'elle, et cependant je ne assemble puis me défendre d'une sympathie toute platoalheur denique pour cette femme qui fut reine à trois ans, maison qui naquit dans les intrigues et grandit dans les que se orages. Que de fois la canonnade vint troubler ses rêves d'enfant! Il lui fallut s'enfuir à la dérobée pendant que ses hallebardiers, à la manière des héros d'Homère, défendaient les escaliers de marbre du palais. Il lui fallut plus tard subir les audaces des ministres et les violences des généraux ! Pendant que les balles sifflaient, 'elle dut, l'âme brisée et le cœur honteux, signer les décrets qui chassaient ses amis fidèles! Toujours l'odeur de la poudre, le cri lointain des pronunciamientos! toujours la menace et l'injure! et quand cela eut duré près de quarante ans, une derniere secousse renversa ce trône incertain. Isabelle de Bourbon dut quitter cet étrange palais de Madrid, triste et grand comme le passé, avec ses jardins brûlés de soleil, où l'œil cherche de loin, comme un rafraîchissement, les cimes neigeuses du Guadarrama! Elle dut quitter Aranjuez et ses merveilleux ombrages, où les soirs sont embaumés d'un pénétrant parfum de fraise...

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cherche parfois peu heureuse de la vérité. Mais, fidèle à la franchise brutale qui le caractérisait, Proudhon ajoutait que M. Courbet avait plus d'une fois fait de la démocratie sans le savoir, comme M. Jourdain faisait de la prose; qu'il n'était pas un homme universel comme il semblait le croire; qu'il ne savait ni parler ni écrire (ce renseignement ne manque pas de sel, au moment où l'on s'occupe de la fameuse lettre); qu'il ne connaît point la vérité des principes sociaux, que sa vertu est faible, et que son apologie de l'orgueil artistique est ridicule.

«La modestie, ajoute Proudhon, est une des «< choses les plus délicates qu'il soit donné à « l'homme de goûter. Celui en qui le sophisme a « étouffé ce sentiment n'est plus un homme c'est " une brute! »>

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J'ai remarqué chez Courbet une certaine rouerie commune à beaucoup d'autres il s'ef>> force de tout amener à ses idées ou d'étendre « ses idées sur des choses qu'il comprend mal et qui ne sont pas niables: en revanche, il érige » volontiers en maxime la négation des choses qui « sont au-dessus de lui. »

L'aventure de M. Courbet et de la croix de la Légion d'honneur n'eussent pas, à coup sûr, modifié les opinions de Proudhon sur le peintre, son compatriote. Je laisse au public, qui forcément a suivi l'affaire, le soin de décider.

Allez faire un tour, soit aux expositions annuelles de peinture, soit dans les musées, et vous serez effrayés: 1° de l'absence générale du goût, dans le sens artistique donné à ce mot; 2o de la diversité des impressions devant des œuvres que la critique a de tout temps déclarées admirables.

Pour l'enfant, le beau idéal n'existe pas; il veut l'éclat, la couleur; un paravent proprement enluminé lui fera plus d'effet qu'un Rembrandt; pour les individus peu cultivés, c'est autre chose : il faut que le tableau représente quelque chose de précis, de correspondant à leurs idées quotidiennes; pourvu que les figures ne soient pas grotesques, la hauteur de l'idée, les délicatesses de la conception, les ravissements de la couleur leur sont inutiles. De là vient le succès des machines telles que le Convoi du pauvre, et mille autres que je pourrais citer.

L'État, pour nous renfermer dans l'esprit du suffrage universel, devrait donc récompenser et décorer d'effroyables barbouilleurs, puisque ceuxci sont les favoris des foules: s'il veut, au contraire déférer aux goûts de la majorité, il se heurte contre tant de petites coteries, contre tant d'écoles diverses, qu'il mécontente toujours plus d'artistes et d'amateurs qu'il n'en peut satisfaire.

Je ne dis pas que l'abstention de l'État, en matière artistique, doive avoir le moindre résultat. Malgré les intrusions administratives, l'art francais offre en ce moment un ensemble remarquable et des individualités hors ligne. C'est au nom de la logique et du bon sens que je parle. La Légion d'honneur ne devrait, à mon sens, récompenser que les services rendus à l'État, rien que ceux-là, c'est-à-dire tout ce qui relève de l'ordre militaire, judiciaire et administratif.

Que si vous pensez que des médailles et des rubans constituent soit une émulation, soit une utilité pour les artistes, que les artistes eux-mêmes s'érigent én société et décernent les récompenses aux plus dignes.

La mémoire de tout le monde est pleine des --Impossible! s'écriera-t-on; on a voulu laisser aux traits naïfs et énormes de la vanité de M. Cour- exposants le soin de décerner la médaille d'honbet. On se rappelle notamment celui-ci : Quel-neur, et ils n'ont pu s'entendre. Voilà où je vouqu'un lui parlait d'un article où un critique très- lais en venir; et dans ces quelques mots me pa

raît renfermée la condamnation des récompenses artistiques où les intéressés ne sont pas tombés d'accord, que voulez-vous que fasse l'État?

Tenez! c'est comme ces fameuses arènes de la rue Monge, dont on nous rebat les oreilles depuis quelque temps. Au moment où le budget est dans une position telle qu'il demande des prodiges d'équilibre, au moment où la ville de Paris est obérée, où l'on économise l'eau et le gaz (le long de certains boulevards extérieurs, on n'allume qu'un candélabre sur deux), un groupe d'archéologues respectables demande six cent mille francs pour conserver un rond de pierre, et parce que l'État les refuse, on crie au vandalisme.

Mais, sacrebleu! et les contribuables? mon voi

sin, moi, si vous voulez, qui ne sommes point archéologues, et qui, à tort sans doute, n'avons de respect pour les monuments que lorsqu'ils signifient quelque chose, de quel droit nous aurait-on fait payer cinq centimes seulement pour la conservation des Arènes?

C'est à vous, messieurs les archéologues, qui trouvez dans ces ruines un intérêt capital, c'est à vous et aux amateurs dont vous avez conquis les suffrages, de racheter, de conserver et de maquiller vos Arènes.

Parmi les autres préoccupations du moment, a figuré la proposition d'un député fort lettré, M. Steenackers, qui demandait pour les exécutions une sorte d'intimité à laquelle s'est refusée la Chambre. Les condamnés devaient être mis à mort dans l'intérieur de la prison, devant un public choisi; c'est ce public qui a paru devoir manquer et le projet a été sacrifié. On sait que depuis un an environ, ce système est adopté en Angleterre et ne soulève aucune réclamation. En France, je suis certain qu'il eût été gros de difficultés. Il y a vingt-trois ans, lorsqu'après son crime, le duc de Praslin se fut fait justice lui-même, on refusa obstinément de croire à son suicide et l'on entendait gravement affirmer que le malheureux s'était réfugié en Angleterre, où il vivait confortablement sous un faux nom. On n'hésitait donc pas à arguer de faux les personnages officiels qui avaient signé l'acte de décès du duc: jugez ce que les commères eussent dit des exécutions subreptices!

D'ailleurs, moi qui suis partisan déclaré de la peine de mort, j'eusse peu approuvé cette honte de l'échafaud, pour ainsi dire. La loi, traduite même par un coup de couperet, ne doit pas se cacher; c'est en plein air, en plein soleil qu'il faut exécuter ses arrêts.

Afin d'égayer autant que possible ce triste sujet, je vais finir par une anecdote probablement inventée à plaisir, mais fort caractéristique.

Un voleur de Dublin avait été condamné à mort, et son exécution fixée pour un jour qui se trouvait coïncider avec l'entrée solennelle d'un nouveau vice-roi dans la capitale de l'Irlande.

On ne voulut point attrister cette fête par l'aspect d'un gibet, et la pendaison du voleur fut remise au lendemain.

Son avocat, qui était fort zélé, découvrit dans ce retard un moyen d'empêcher l'exécution, et s'appuyant sans doute sur quelque vieille loi gothique, il fit une opposition juridique à l'œuvre du bour

reau.

Le plus drôle, c'est qu'un tribunal lui donna raison, et le brigand eut la vie sauvie. J'aime à penser que depuis il n'a pas récompensé son avocat en le volant, comme ce pick-pocket (c'est toujours en Angleterre que cela se passe) qui, accusé d'avoir dérobé un cheval, et acquitté, grâce au talent de son avocat, lui offrit, comme honoraires, ou douze pence, ou... le cheval volé.

FRANCIS MAGNARD.

REVUE POLITIQUE DE LA SEMAINE

Nous voici en présence d'une question capitale, fa nomination des maires, et, cette fois encore, nous hous heurtons contre cette éternelle contradiction que nous montre le ministère libéral en opposition avec son programme. Pourquoi donc avoir nommé bruyamment une grande commission extra-parlementaire de décentralisation, si l'on devait s'attacher à river les liens qui font sentir la main du pouvoir jusque dans la dernière commune de France?

Dès le premier jour de la discussion il a été facile de voir, qu'à part cette concession qui oblige le gouvernement à prendre les maires dans les conseils municipaux, le nouveau projet de loi ne ferait que consacrer le système de 1831. M. Lefèvre Pontalis, en se tenant au côté pratique de la question, a pourtant clairement démontré qu'en voulant défendre avec trop de sollicitude les intérêts des citoyens au lieu de leur laisser le soin de les défendre eux-mêmes, le projet de loi en discussion les compromettra plutôt qu'il ne les servira. Il a prouvé, en outre, que ce projet sera nuisible aux intérêts du gouvernement.

On n'échappera pas, a t-il dit, à ce dilemme : ou bien le gouvernement choisira le maire, fût-il un mauvais maire, dans le sein de la majorité du conseil municipal, et si le gouvernement doit se résigner à l'humiliation d'un mauvais choix pourquoi ne pas laisser faire ce mauvais choix par le conseil municipal, au lieu de le faire lui-même ? - ou le gouvernement croira devoir prendre le maire dans le sein de la minorité du conseil, et alors le gouvernement donnera le signal de la lutte, de la résistance, et se fera des ennemis jusqu'au fond de ces villages dans lesquels les animosités locales se transformeront si aisément en passions politiques.

Ce raisonnement nous paraît irréfutable, et nous ne comprenons guère l'étrange figure qui a fait dire à M. le garde des sceaux que la loi de 1831 représentait la perfection de l'administration communale, comme Phidias représente la perfection de l'art. L'Angleterre, la Belgique, la Suisse, les États-Unis ont la libre administration de leurs intérêts communaux et n'ont rien à envier à notre régime. Que devient donc alors cette perfection de la loi de 1831 que M. Émile Ollivier présente à notre admiration? Ne serait-elle pas, au contraire, défendue par cette suprême raison qu'elle est, comme l'a dit M. Grévy, la pierre angulaire du pouvoir personnel?

La difficulté de donner à cette question une solution complétement satisfaisante tient surtout à ceci, que le maire est à la fois le représentant de l'association communale et du pouvoir central.

C'était donc la question des attributions qu'il aurait fallu résoudre tout d'abord. En ne le faisant pas, on s'est mis dans l'impossibilité de trouver un système de nomination qui sauvegardât tous les intérêts et tous les principes.

térêt des populations, l'intérêt même du gouver
nement, qui doit le pousser à se débarrasser de
ses trop nombreuses charges, et surtout par deux
grandes choses, qui priment éternellement toutes
les autres le juste et le vrai.

Le mercredi 22 juin, grande rumeur et vive
émotion à la Chambre. Le président du Corps
législatif venait de recevoir une lettre des princes
d'Orléans demandant à rentrer en France. La
lettre est datée de Twickenham, 19 juin, et signée
de Louis-Philippe d'Orléans, comte de Paris,
François d'Orléans, prince de Joinville, Henri
d'Orléans, duc d'Aumale, et Robert d'Orléans, duc
de Chartres. Elle se termine par le paragraphe

suivant :

« Ce n'est pas une grâce que nous réclamons, c'est notre droit, le droit qui appartient à tous les Français, et dont nous sommes seuls dépouillés.

« C'est notre pays que nous redemandons, notre pays que nous aimons, que notre famille a toujours loyalement servi; notre pays dont aucune de nos traditions ne nous sépare, et dont le seul nom fait toujours battre nos cœurs; car pour les exilés rien ne remplace la patrie absente. »>

La lettre a été envoyée au comité des pétitions, et la Commission s'est prononcée, à l'unanimité moins une voix, pour l'ordre du jour. C'est aussi l'opinion que le ministère doit défendre à la tribune au nom de la raison d'État. C'est en vain que des voix généreuses et d'éloquents appels ont conseillé à l'Empereur de faire grand » et de montrer que le plébiscite du 8 mai lui donnait une sécurité entière. Le vote de la Commission et la résolution du ministère nous montrent assez que la concorde et la paix ne sont encore pour nous qu'un mirage!

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La grande nouvelle, depuis si longtemps annon-
cée, est enfin un fait accompli. La reine d'Espa-
gne vient d'abdiquer en faveur de son fils.... en
exil. La cérémonie a eu lieu le 25 juin, à l'hôtel
Basilewski.

En présence d'un certain nombre de fidèles,
Isabelle II a lu un manifeste au peuple espagnol,
qui sera sans doute publié, et dans lequel elle
explique les motifs de sa résolution. On a donné
ensuite connaissance aux assistants de l'acte d'ab-
dication, qui proclame le jeune prince des Astu-
ries roi de toutes les Espagnes sous le nom d'Al-
phonse XII. Les partisans de cette royauté déchue
paraissent attacher une grande importance à la
détermination qu'Isabelle s'est enfin décidée à
prendre, non sans avoir longuement et obstiné-
ment résisté. Mais, dans l'état actuel des choses,
on ne voit pas trop quel avantage ils peuvent s'en
promettre. Les chances de restauration ne sem-
blent pas devoir être meilleures avec Alphonse XII
qu'avec Isabelle II, à moins que le maréchal Prim,«
qui est plus que jamais le maître de la situation
au delà des Pyrénées, ne voulut les favoriser, mais
il n'y a que quelques jours que Prim renouvelait
encore aux Cortès ses déclarations d'opposition
implacable au retour des Bourbons. Il ne semble
pas, du reste, que l'on soit disposé le moins du
monde à s'émouvoir à Madrid de l'incident, depuis
quelque temps prévu, de l'hôtel Basilewski. Les
Cortès viennent, comme on sait, de se donner
quatre mois de vacances; les membres du gou-
vernement espagnol commencent à songer aux
douceurs de la villégiature, et Prim lui-même se
prépare à partir pour Vichy. Il n'y a donc rien de
changé à la situation.

Un espoir nous reste. Une loi sur l'organisation
municipale et départementale nous a été promise
par le programme du centre droit, qui porte la si-
gnature des membres les plus influents du cabi-
net. Cette loi est à l'étude. Si, comme nous devons
le supposer, elle consacre d'une manière sérieuse
le principe de l'autonomie communale, le gou-
vernement ne pourra moins faire alors que de se
rendre au vœu des populations, en laissant la no-
mination des maires aux conseils municipaux.
Les raisons qui l'empêchent aujourd'hui d'opé-nements français et anglais, au sujet de nos pos-
rer cette réforme auront cessé d'exister, et il ne
lui sera plus possible d'y recourir pour justifier
sa résistance.

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Signalons un fait qui nous intéresse directement et qui nous arrive par la voie.... de la tribune anglaise.

Des négociations ont eu lieu entre les gouvernements français et anglais, au sujet de nos possessions de la côte occidentale d'Afrique.

M. Fowler a demandé des explications; il lui a été répondu que ces négociations avaient eu pour résultat un échange de territoire. L'Angleterre devait nous céder la Gambie, qui touche au Sénégal, et recevoir en retour une partie de nos possessions enclavées dans le territoire anglais du golfe de Guinée.

Nous pensons que le gouvernement a dù faire pour le mieux dans cette question; mais il nous

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sera permis de nous étonner que, lorsqu'à Londres M. Gladstone a cru devoir déclarer que la cession de la Gambie ne serait valable qu'après l'approbation du Parlement, en France, nos Chambres n'aient pas été consultées, et que nous en soyons réduits à apprendre une nouvelle si importante au point de vue de nos possessions coloniales, par les débats des chambres anglaises.

Le dessin que nous représentons à la première page montre sous son vrai jour la situation de Lisbonne et du Portugal. Le maréchal Saldanha 1ègne et gouverne, et le peuple de Lisbonne lui donne des sérénades!

Le 19 juin, une manifestation publique, qui réunissait plus de douze mille citoyens, a chaleureusement acclamé le héros du dernier coup d'État. Les fanfares et les discours n'ont pas manqué à cette démonstration, et nous représentons le moment où l'on prononce l'une de ces allocutions politiques.

Mais le Portugal a-t-il, en réalité, quelque chose à gagner à ce nouveau gouvernement? Nous voyons bien le maréchal décréter la liberté de la presse, le droit de réunion, d'association. Mais le chef du gouvernement sait aussi bien que nous ce que valent ces libertés entre les mains d'un dictateur.

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AUG. MARC.

COURRIER DE PARIS

Hier, vers les cinq heures du soir, une « scène émouvante avait rassemblé une foule con« sidérable autour de l'Hôtel-Central, cet immense caravansérail que l'Europe envie à la ville de « Paris. Un jeune homme de bonne mine et d'ex«< cellente tournure, chez qui, malgré l'air d'élé<gance devenu commun à tous les citoyens, on « remarquait ces signes spéciaux que les vieillards appellent la race, la distinction, essayait d'api« toyer sur son sort la foule rassemblée. Ce jeune « homme, à ce qu'il dit, a le malheur de descendre « de l'illustre - vieux style maison de Bour« bon-Orléans. Sous prétexte que ses ancêtres « ont régné sur la France et qu'il porte le stig« mate d'un passé dans lequel il n'est pour rien, les propriétaires de l'Hôtel-Central ont refusé de

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« recevoir ce jeune voyageur. Pareille mésaven« ture vient de lui arriver dans cinq ou six hôtels « de premier ordre, et M. Robert d'Aumale demandait, non sans une sincère émotion, si une société démocratique, basée sur les mérites per«sonnels et ayant pour principe de ne point de«mander aux enfants compte des actes de leurs pères, avait le droit de repousser un honnête homme, parce qu'il porte tel ou tel nom.

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« Il nous semble que M. Robert d'Aumale a « pleinement raison. Nous n'avons pas le droit de pénétrer dans la conscience de MM. les direc«teurs de l'Hôtel-Central, mais il nous semble « qu'en cette occurre ce, leur zèle civique les a «mal conseillés. Quand donc, hélas! disparaîtront « les dernières traces de discordes déjà si lointai«nes? Quand donc serons-nous assez sûrs de no« tre force pour ne plus craindre les héritiers d'un « vain titre et pour ne pas condamner de parfaits « gentlemen à l'étrange position de prince er« rant.... »

Tel sera peut-être le texte d'un entre-filet qu'on lira dans le Journal des faits du 2 juillet 1920. La passion avec laquelle on a accueilli, en sens différents, la lettre où les princes d'Orléans demandent leur retour au droit commun et l'abrogation de la loi qui leur interdit l'approche de l'État créé par leurs aïeux, la netteté avec laquelle les théoriciens politiques ont déclaré que, pour les dynasties déchues, il n'y a qu'un rôle possible, l'exil et la résignation, font logiquement prévoir le jour où les fils des races ci-devant royales, marqués d'un signe au front, comme Caïn, erre

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éclarer que la ront à travers l'Europe sans trouver où reposer | dévoué, très-lié avec lui, avait pompeusement cé

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La présence des d'Orléans en France serait-elle un danger pour le gouvernement impérial? Je ne le pense pas. Certes, il y aurait là une habitude à

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l'Opéra on verrait d'un côté la famille impériale, de l'autre le duc d'Aumale et la comtesse de Paris, le spectacle paraîtrait plus piquant, à coup sûr, que la pièce jouée derrière la rampe; le levain d'opposition qui fermente dans les vraies âmes parisiennes se réjouirait à ce spectacle, mais rien de plus. Petit à petit, l'attrait de la nouveauté s'émousserait, et pardonnez-moi ce paradoxe irrespectueux on ne ferait pas plus attention aux princes d'Orléans qu'au prince Napoléon ou au prince Murat.

-

Le duc d'Aumale, à ce que j'ai entendu raconter, est, de toute sa famille, celui qui ressent le plus vivement l'ostracisme dont il est frappé; il adore la France jusque dans ses plus minces manifestations; il ne paraît pas un vaudeville, une comédie à couplets, une brochure satirique qu'il n'en dévore avidement le texte ce n'est pas la rose, ce papier imprimé, mais il est tout imprégné des parfums de cette rose immense qu'on appelle Paris.

Pendant que je parle des princes, il faut dire un mot de l'abdication de la reine d'Espagne, abandonnant à son fils cette couronne qui lui a été arrachée et qu'elle ne veut pas reconnaître comme perdue. Ainsi l'antipape Pedro de Luna, quand il eut été chassé d'Avignon, puis de Château-Renard, s'enfuit dans son pays d'Aragon, et retiré au fond des montagnes, avec deux ou trois cardinaux fidèles à sa fortune, tous les matins il montait sur la tour de son manoir de Peniscola, et de là, inflexible comme le droit, entêté comme la justice, il anathématisait la terre infidèle.

Je n'ai fait qu'entrevoir la reine Isabelle, et j'avoue qu'elle n'a pas précisément l'air fort royal. Je sais tout ce qu'on dit d'elle, et cependant je ne puis me défendre d'une sympathie toute platonique pour cette femme qui fut reine à trois ans, qui naquit dans les intrigues et grandit dans les orages. Que de fois la canonnade vint troubler ses rêves d'enfant! Il lui fallut s'enfuir à la dérobée pendant que ses hallebardiers, à la manière des héros d'Homère, défendaient les escaliers de marbre du palais. Il lui fallut plus tard subir les audaces des ministres et les violences des généraux ! Pendant que les balles sifflaient, 'elle dut, l'âme brisée et le cœur honteux, signer les décrets qui chassaient ses amis fidèles! Toujours l'odeur de la poudre, le cri lointain des pronunciamientos! toujours la menace et l'injure! et quand cela eut duré près de quarante ans, une derniere secousse renversa ce trône incertain. Isabelle de Bourbon dut quitter cet étrange palais de Madrid, triste et grand comme le passé, avec ses jardins brûlés de soleil, où l'œil cherche de loin, comme un rafraîchissement, les cimes neigeuses du Guadarrama! Elle dut quitter Aranjuez et ses merveilleux ombrages, où les soirs sont embaumés d'un pénétrant parfum de fraise...

Triste métier, décidément, que celui de souverain! et de quelle étrange émotion on doit sentir bondir son cœur, lorsqu'on lit dans les journaux qu'on vient d'être assassiné, comme cela vient d'arriver au prince de Roumanie, - et qu'on voit les calculs politiques échafaudés sur ce simple petit événement. Cela ne fait-il pas penser au cri si comiquement triste du Péponnet des FauxBonshommes, à la lecture du contrat de sa fille : - Mais, sapristi, il n'est question que de ma mort, là-dedans!

Est-il temps encore de parler, non de l'affaire Courbet, mais des questions qu'elle soulève?

La mémoire de tout le monde est pleine des traits naïfs et énormes de la vanité de M. Courbet. On se rappelle notamment celui-ci : Quelqu'un lui parlait d'un article où un critique très

lébré les mérites du peintre d'Ornans.

Oui, répondit celui-ci avec son accent narquois et traînard, oui, cet article lui fera le plus grand bien.

Proudhon, dans son curieux livre: Du principe de l'art et de sa destination sociale, s'est beaucoup occupé de Courbet, qui était son compatriote et dans les œuvres de qui il croyait voir une corré lation avec son propre naturalisme, avec sa recherche parfois peu heureuse de la vérité. Mais, fidèle à la franchise brutale qui le caractérisait, Proudhon ajoutait que M. Courbet avait plus d'une fois fait de la démocratie sans le savoir, comme M. Jourdain faisait de la prose; qu'il n'était pas un homme universel comme il semblait le croire; qu'il ne savait ni parler ni écrire (ce renseignement ne manque pas de sel, au moment où l'on s'occupe de la fameuse lettre); qu'il ne connaît point la vérité des principes sociaux, que sa vertu est faible, et que son apologie de l'orgueil artistique est ridicule.

« La modestie, ajoute Proudhon, est une des «< choses les plus délicates qu'il soit donné à l'homme de goûter. Celui en qui le sophisme a « étouffé ce sentiment n'est plus un homme c'est " une brute! »>

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J'ai remarqué chez Courbet une certaine « rouerie commune à beaucoup d'autres il s'ef» force de tout amener à ses idées ou d'étendre «< ses idées sur des choses qu'il comprend mal et qui ne sont pas niables: en revanche, il érige » volontiers en maxime la négation des choses qui « sont au-dessus de lui. »

L'aventure de M. Courbet et de la croix de la Légion d'honneur n'eussent pas, à coup sûr, modifié les opinions de Proudhon sur le peintre, son compatriote. Je laisse au public, qui forcément a suivi l'affaire, le soin de décider.

Allez faire un tour, soit aux expositions annuelles de peinture, soit dans les musées, et vous serez effrayés: 1° de l'absence générale du goût, dans le sens artistique donné à ce mot; 2o de la diversité des impressions devant des œuvres que la critique a de tout temps déclarées admirables.

Pour l'enfant, le beau idéal n'existe pas; il veut l'éclat, la couleur; un paravent proprement enluminé lui fera plus d'effet qu'un Rembrandt; pour les individus peu cultivés, c'est autre chose: il faut que le tableau représente quelque chose de précis, de correspondant à leurs idées quotidiennes; pourvu que les figures ne soient pas grotesques, la hauteur de l'idée, les délicatesses de la conception, les ravissements de la couleur leur sont inutiles. De là vient le succès des machines telles que le Convoi du pauvre, et mille autres que je pourrais citer.

L'Etat, pour nous renfermer dans l'esprit du suffrage universel, devrait donc récompenser et décorer d'effroyables barbouilleurs, puisque ceuxci sont les favoris des foules: s'il veut, au contraire déférer aux goûts de la majorité, il se heurte contre tant de petites coteries, contre tant d'écoles diverses, qu'il mécontente toujours plus d'artistes et d'amateurs qu'il n'en peut satisfaire.

Je ne dis pas que l'abstention de l'État, en matière artistique, doive avoir le moindre résultat. Malgré les intrusions administratives, l'art francais offre en ce moment un ensemble remarquable et des individualités hors ligne. C'est au nom de la logique et du bon sens que je parle. La Légion d'honneur ne devrait, à mon sens, récompenser que les services rendus à l'État, rien que ceux-là, c'est-à-dire tout ce qui relève de l'ordre militaire, judiciaire et administratif.

Que si vous pensez que des médailles et des rubans constituent soit une émulation, soit une utilité pour les artistes, que les artistes eux-mêmes s'érigent én société et décernent les récompenses aux plus dignes.

-Impossible! s'écriera-t-on; on a voulu laisser aux exposants le soin de décerner la médaille d'honneur, et ils n'ont pu s'entendre. Voilà où je voulais en venir; et dans ces quelques mots me pa

raît renfermée la condamnation des récompenses
artistiques où les intéressés ne sont pas tombés
d'accord, que voulez-vous que fasse l'État?

Tenez! c'est comme ces fameuses arènes de la rue Monge, dont on nous rebat les oreilles depuis quelque temps. Au moment où le budget est dans une position telle qu'il demande des prodiges d'équilibre, au moment où la ville de Paris est obérée, où l'on économise l'eau et le gaz (le long de certains boulevards extérieurs, on n'allume qu'un candélabre sur deux), un groupe d'archéologues respectables demande six cent mille francs pour conserver un rond de pierre, et parce que l'État les refuse, on crie au vandalisme.

Mais, sacrebleu! et les contribuables? mon voisin, moi, si vous voulez, qui ne sommes point archéologues, et qui, à tort sans doute, n'avons de respect pour les monuments que lorsqu'ils signifient quelque chose, de quel droit nous aurait-on fait payer cinq centimes seulement pour la conservation des Arènes?

C'est à vous, messieurs les archéologues, qui trouvez dans ces ruines un intérêt capital, c'est à vous et aux amateurs dont vous avez conquis les suffrages, de racheter, de conserver et de maquiller vos Arènes.

Parmi les autres préoccupations du moment, a figuré la proposition d'un député fort lettré, M. Steenackers, qui demandait pour les exécutions une sorte d'intimité à laquelle s'est refusée la Chambre. Les condamnés devaient être mis à mort dans l'intérieur de la prison, devant un public choisi; c'est ce public qui a paru devoir manquer et le projet a été sacrifié. On sait que depuis un an environ, ce système est adopté en Angleterre et ne soulève aucune réclamation. En France, je suis certain qu'il eût été gros de difficultés. Il y a vingt-trois ans, lorsqu'après son crime, le duc de Praslin se fut fait justice lui-même, on refusa obstinément de croire à son suicide et l'on entendait gravement affirmer que le malheureux s'était réfugié en Angleterre, où il vivait confortablement sous un faux nom. On n'hésitait donc pas à arguer de faux les personnages officiels qui avaient signé l'acte de décès du duc: jugez ce que les commères eussent dit des exécutions subreptices!

D'ailleurs, moi qui suis partisan déclaré de la peine de mort, j'eusse peu approuvé cette honte de l'échafaud, pour ainsi dire. La loi, traduite même par un coup de couperet, ne doit pas se cacher; c'est en plein air, en plein soleil qu'il faut exécuter ses arrêts.

Afin d'égayer autant que possible ce triste sujet, je vais finir par une anecdote probablement inventée à plaisir, mais fort caractéristique.

Un voleur de Dublin avait été condamné à mort, et son exécution fixée pour un jour qui se trouvait coïncider avec l'entrée solennelle d'un nouveau vice-roi dans la capitale de l'Irlande.

On ne voulut point attrister cette fête par l'aspect d'un gibet, et la pendaison du voleur fut remise au lendemain.

Son avocat, qui était fort zélé, découvrit dans ce retard un moyen d'empêcher l'exécution, et s'appuyant sans doute sur quelque vieille loi gothique, il fit une opposition juridique à l'œuvre du bour

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SALON DE 1870

OEUVRES REPRODUITES PAR

V'Illustration.

En vue de Rome, tableau de M. Luminais.

La Ville éternelle apparaît au bas de la colline. En vue de Rome! Ces mots magiques, lancés par les éclaireurs de l'armée gauloise, sont venus frapper les oreilles des chefs; ils se précipitent au haut de la montée pour jouir plus tôt de leur triomphe inespéré. La joie dèborde de la poitrine de ces barbares; c'est à peine s'ils osent en croire leurs yeux; mais le vieux chef étend le bras avec autorité, montrant le chemin à suivre, ce chemin qu'il connaît pour l'avoir déjà glorieusement parcouru. C'est bien Rome; dans quelques instants la Gaule sera vengée.

M. Luminais a rendu avec un vif sentiment le caractère général de cette scène; il connaît mieux qu'aucun peintre l'époque où il choisit d'ordinaire les sujets de ses tableaux, et son talent a toute la vigueur et la puissance nécessaires pour bien la traduire. On pourrait cependant désirer un peu plus de légèreté dans l'exécution; sous ce rapport, nous préférons l'aquarelle que l'artiste a exposée en même temps que son tableau, et qui reproduit le même épisode.

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Environs de Paris, paysage de M. C.-Th. Sauvageot.

Le site est admirablement choisi; on y retrouve, à côté des éléments les plus pittoresques de la nature, le ciel, les arbres et l'eau, les traces du passage de l'homme qui complètent sa physionomie particulière. A notre sens, la figure humaine prend une importance trop considérable dans ce tableau; nonseulement nous la trouvons d'une taille exagérée, mais nous aimerions mieux que le peintre se fût dispensé de l'introduire dans son cadre; l'écluse et l'escalier rustique indiquent suffisamment le caractère civilisé du paysage. Ce u'est pas évidemment la nature humaine qui a séduit M. Sauvageot dans ce paysage et lui a donné l'i dée d'en faire un tableau; il était donc préférable de la laisser de côté, pour concentrer toute l'attention sur les parties expressives; en ne représentant que les objets dont l'enseinble l'avait frappé, le peintre courait la chance d'imposer son idée avec plus de force. Quoi qu'il en soit, le tableau de M. Sauvageot est très remarquable; c'est même pour cela que nous nous hasardons à lui faire cette petite critique de détail.

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Le retour de la fête, tableau de M. G. Jundt.

M. Jundt est le peintre des vapeurs; il excelle à rendre

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