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Mgr Bauer, à cheval, les passe en revue comme un général et leur communique son zèle. Le lendemain de ce combat, dans le petit jour du matin, toutes les voitures des ambulances de la presse et le personnel entier, fidèle au rendezvous donné sur l'ordre de l'intendance, se réunissaient dans la Cour des Tuileries, prêt à se remettre en route pour le champ de bataille. Quatrevingts voitures étaient rangées le long de la façade où tour à tour furent logés les rois et la Convention; les chirurgiens prenaient possession de leurs places, les cochers montaient sur leurs siéges. On n'attendait plus, pour partir, que le frère directeur, qui remplace le frère Philippe, directeur général, ce frère Philippe dont Horace Vernet a laissé le portrait. Le frère directeur arrive enfin; le docteur Ricord, président de l'ambulance, quitte le Dr Demarquay, va vers le directeur et lui demande des nouvelles du frère blessé qu'on avait laissé à Saint-Denis, à l'ambulance de la Légion d'honneur. Le pauvre frère allait mourir, comme son compagnon de la veille. La blessure reçue était mortelle. Alors le docteur Ricord, ému et voulant exprimer son admiration pour ces nouveaux missionnaires du devoir « Mon frère, demanda-t-il en souriant au frère directeur, est-il défendu dans votre ordre de s'embrasser? Et, comme on lui répondait non, le vieux médecin serra contre sa poitrine le digne frère, et après l'avoir embrassé : « Eh bien, dit-il, portez ce baiser au frère Philippe et à tous ceux de votre maison ! »

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Ils sont aussi du peuple, ces combattants en robe noire, ces combattants de la charité, et le dévouement, le sacrifice et le martyre sont bons à saluer partout, même par les fils de Voltaire. La lutte continuait au Bourget et à Drancy. A Drancy, les mitrailleuses françaises tenaient en respect les colonnes prussiennes et les faisaient reculer. De ce côté, nos soldats occupaient Groslay, tandis que le fort de l'Est contraignait à se taire les batteries ennemies de Pont-Iblon et de Blanc-Mesnil. Sur la droite, Vinoy enlevait Neuilly-sur-Marne, la Ville-Evrard et la MaisonBlanche. Protégé par l'artillerie de marine du plateau d'Avron, il s'approchait même de Chelles, dont les batteries étaient aussi réduites au silence et qu'on eût pu peut-être attaquer. Mais le soir venait.

Comme je quittais Drancy, où nos troupes se cantonnaient pour passer la nuit, apportaient du bois dans les cheminées, dévoraient quelque biscuit en hâte, le crépuscule approchait, le soir froid de l'hiver donnait aux champs une teinte uniforme et triste. De longues files d'ambulanciers, portant leurs drapeaux déployés, se rendaient du côté du Bourget pour relever les blessés dont l'âpre bise devait envenimer les plaies. Nous croyions le Bourget à nous depuis une heure au moins. Si notre infanterie n'avait pu s'y maintenir le matin, du moins, me disais-je, durant l'après-midi, notre artillerie, cette artillerie que j'avais vu établir, bombardant les murailles, crevassant les maisons, fouillant les haies où s'abritent les tirailleurs prussiens, les postes cachés où ils se blottissent, avait écrasé les premières constructions à droite du village, et avait dû atteindre là plus d'un ennemi. Nous dépassons nos avantpostes. Nous nous approchons de ces murs muets derrière lesquels sont les Prussiens, invisibles ce soir comme ils l'étaient ce matin. Ce village du Bourget, d'aspect pacifique, bicoque où l'on croirait entrer d'un bond, semble animé pourtant d'une vie latente on dirait que ces murs, ces crètes, ces maisons font le guet. Sur la route, des morts et des blessés. Ils ont roulé dans les fossés pleins de troncs d'arbres disposés en chevaux de frise. Des infirmiers de la garde nationale, des ambulanciers de la presse soignent les blessés, les relèvent et les pansent à cette place même où les frères ont recu leurs balles mortelles. J'ai laissé mon sabre dans une voiture et je porte, à cette heure, la charpie et les bandelettes du docteur Decla Nous arrivons, faisant placer sur les brancards es blessés, francs-tireurs, mobiles ou soldats de la ligne, jusqu'au fosse même qui garantit

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l'entrée du Bourget. Un lieutenant de la ligne gît là, dans une cabane, la tête appuyée sur un tas de coke. C'est le lieutenant Belsebé du 134o. Le docteur le relève; mais l'homme est mort. Sur la droite, près d'une maison de plaisance à toit d'ardoise, absolument écrasée, mais écrasée d'un coup. pliée, tassée en quelque sorte sur elle-même par les boulets, un mur s'élevait, un petit mur blanc que nos soldats ont franchi et qui défendait un jardinet au bout duquel, protégés par une haute palissade, les Prussiens, massés, blottis, attendaient les assaillants. Des cadavres français, tombés en pleine attaque, frappés, poitrines et faces en avant, sont encore là. L'un a une balle au front, l'autre a une balle au cœur.

Nous laissons derrière nous les haies vives et les rails du chemin de fer. Un grenadier, abattu entre les rails, la figure écrasée sur le terrain, tient encore son chassepot dans ses mains crispées ce n'est qu'un cadavre. Je vois, au coin d'un mur, un pauvre petit soldat de la classe de 1870, imberbe, l'air d'un enfant, la joue grasse, et qui s'est venu blottir dans un coin de mur pour expirer plus doucement. Héros inconnus, sacrifiés à cette sublime chose : le devoir!

Tandis que les brancardiers et les frères les relèvent, recueillant en même temps les armes, une détonation retentit. Je crois que c'est un chassepot ramassé armé, et dont la batterie fait feu. Je m'écrie de laisser là les fusils les Prussiens, qu'on ne voit pas, mais qui sont là, cachés, peuvent, en effet, tirer sur ces hommes, qui recueillent morts et mourants.

Au moment où, franchissant une sorte de passerelle qui va vers le jardin, j'avançais, entrant dans le Bourget même, j'aperçois un officier prussien vêtu d'une longue capote noire, et qui se détache, pour ainsi dire, de la muraille où il se tenait collé. « Que demandez-vous, monsieur? me dit-il en français et saluant. N'avez-vous pas des blessés, monsieur? - Non, monsieur. » Il avait enjambé pour venir à moi un ou deux fils de fer tendus à terre, et qui servent soit à un télégraphe militaire prussien, soit à une mine, soit à la défense même du Bourget; fils de fer placés là pour faire trébucher, en manière de piége. Cet officier, jeune, rouge, l'air solide, coiffé de la casquette à petite cocarde, laissant traîner son sabre, qui battait ses lourdes bottes sous sa capote, était seul; mais, à quinze pas de là, j'apercevais un groupe compacte de Prussiens, de soldats de son régiment (régiment Élisabeth, garde royale), leur fusil à la main, de noir vêtus, et qui suivaient tous mes mouvements, abrités derrière les palissades du jardin. L'officier me demanda si nous avions perdu beaucoup de monde. Non; ceux que vous voyez là tombés, pas un de plus. — Ah! c'est étonnant, fit-il. Nous visons peu, mais nous visons bien.» Puis il ajouta : « Mais pourquoi avez-vous attaqué le Bourget? Nous y sommes fortement établis. Ce n'est pas, il est vrai, une position stratégique, puisque le feu de vos forts peut nous y atteindre; seulement, puisque vous nous l'avez pris une fois, nous le gardons... par amourpropre. Tâchez donc de le bien garder, monsieur, lui dis-je, car nous avons aussi notre amourpropre, qui s'appelle de l'orgueil national. — Oui, oui, oh! nous le savons, fit-il, et nous sommes à la fois très-étonnés et très-touchés des efforts de la nation française. La vérité est que vous devez être surpris; mais le secret de la résistance, c'est que vous avez affaire aujourd'hui à la nation. Ce n'est plus l'Empire qui combat, c'est la France; et n'est plus l'Empire qui combat, c'est la France; et c'est à la France que vous faites payer, par cette guerre impie, les criminelles fautes de l'empereur. Dans tous les cas, répondit-il, nous les payons aussi, et de notre sang. » L'entretien en resta là. Nous nous séparâmes, lui correct, strictement poli, moi de même. Il eut cependant le temps de me dire que les Prussiens savaient, depuis le mardi, qu'ils seraient attaqués le mercredi. Les soldats prussiens postés derrière lui, le fusil armé, nous regardèrent nous éloigner sans tirer un coup de feu.

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Mais quel regard de mélancolie je jetai sur ce village français, sur cette grande rue pleine de

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troupes noires, sur ce clocher d'église, sur ce coin. de terre, sur ce jardinet dont un hobereau berlinois semblait me faire les honneurs, en ajoutant cette grâce de ne me garder point prisonnier! Ah! patrie, que de douleurs et de hontes à effacer et à venger à la fois!

En m'éloignant, je vis encore un triste spectacle. Dans un plan de choux gît encore abandonné, depuis des semaines, le cadavre ou plutôt la momie d'un maraudeur, le corps parcheminé, desséché par le froid, d'un pauvre paysan tué en récoltant des choux. Une balle lui a troué le crâne, il y a deux mois peut-être. Son sac était près de lui. Sa blouse bleue se collait à son torse dont elle dessinait les côtes, et on apercevait la poitrine lacérée, labourée par le bec des corbeaux. Il tenait encore dans sa main osseuse mais crispée de squelette le couteau dont il s'était servi pour couper en hâte les racines. Et quel était le crime de ce malheureux, qui risquait ainsi sa vie pour gagner quelques sous en revendant ces choux coupés sous les balles ennemies? Pauvre diable! dont la peau jaunie, collée aux os, les orbites creuses, les jambes étendues, les pieds nus et rongés me faisaient songer aux horreurs de Goya, pauvre misérable tué par une balle prussienne, parce qu'il avait faim et que, pour vivre et en faire vivre d'autres, il ramassait des légumes devant le canon d'un fusil Dreyse! A mort. Cela est un crime en temps de guerre et aux yeux des envahisseurs.

Il y a ainsi des morts ignorées et des héroïsmes inconnus. Un matelot de ceux qui ont attaqué et pris le Bourget contait ainsi cette journée :

Nous avions enlevé les maisons, nous étions postés, blottis et fortifiés dans un bâtiment près du pont, soixante-sept camarades, deux enseignes et moi. Avec nous, quarante-trois prisonniers, dont un capitaine, tous de la garde royale. Nous les tenions bien, je vous en réponds. Nous sommes restés là trois heures, attendant qu'on nous secourût. Chaque fois qu'un tirailleur prussien se montrait de notre côté, un coup de carabine. Nous en avons abattu plus de deux cents sur le pont. Voilà qu'à un moment donné nous entendons des cris à droite. Nous disons: Ce sont les lignards qui viennent à nous!

Un des officiers, M. Bouisset, je crois, sort la tête pour voir. Deux balles au front l'étendent raide. Ce n'était pas la ligne. Tant pis, nous résistons; mais voilà que des obus, et des obus d'Aubervilliers, des obus français, tombent sur notre toit et le crèvent. Nous descendons dans les caves, tenant toujours nos prisonniers et faisant feu par les soupiraux. Mais alors les Prussiens arrivent en masse. Il faut battre en retraite. Nous ne pouvons emmener que le capitaine prussien, nous l'emmenons. Nous trouons un mur, nous passons à travers; nous en trouons deux, et nous forçons le capitaine prussien à trouer avec nous. La brèche faite, nous allons passer. Une volée de gre naille nous arrive par là. Nous étions tombés en pleine embuscade prussienne, et c'était une mitrailleuse qui nous saluait. Je me dis: C'est bien, nous sommes perdus. Tu as vu San-Luis, au Mexique, et il y faisait chaud, mais ce n'était rien. Cette fois, ton compte est bon, tout est fini. Notre enseigne, le dernier, était tombé; les deux basques de son habit emportées et les jambes pleine de mitraille. Le Prussien, le capitaine, veut profiter du coup de temps pour s'échapper, je l'étends raide. Il tombe. C'est bien. Je veux emporter l'enseigne. Il me dit: non, sauve-toi, garçon Les Prussiens venaient. J'ai traîné mon officier loin d'eux et nous avons pu l'aller rechercher le soir. Il n'est pas mort. Moi, je me suis jeté dans la Molette, le petit ruisseau qui coule là, et je suis resté jusqu'au soir, ne soufflant pas pour que ces canailles ne se doutassent point qu'il y avait là un matelot. Et le plus fort de tout, c'est que quand je suis revenu à Saint-Denis, le soir, voilà les moblots qui ne voulaient pas me laisser rentrer, parce que je ne savais pas le mot d'ordre! Sur les soixante-dix du Bourget nous étions rentrés quatorze et moi quinze. C'est çà aller comme il faut! Le nom de cet homme? je l'ignore. On pour

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Le matin du 30 novembre, le général Trochu, prenant le commandement de l'aile gauche de l'armée de Paris, quittait le fort de Rosny et, par une marche rapide et hardie, s'emparait du plateau d'Avron situé devant le fort.

Avron n'a pas d'autre importance que celle de cette éminence qui l'élève au-dessus des terrains et des régions qui l'environnent. C'est un plateau semé, comme tous les environs de Paris, de villas et de maisonnettes que le siége a malheureusement dévastées, saccagées, trouées de toutes parts. Là, comme partout, le visiteur ne peut s'empêcher de s'écrier Que de ruines pour le passé! Que de réparations pour l'avenir !

Depuis l'heureux coup de main du général Trochu, il ne se passe guère de jour sans que nous entendions parler des canons que nous avons établis sur ce plateau. C'est qu'en effet cette position d'Avron est aussi avantageuse pour nous qu'elle est inquiétante pour l'ennemi. Le plateau d'Avron, Soixante-dix mètres au-dessus du niveau de la Marne! nous donne barre sur le

chemin de fer de l'Est; la Maison - Blanche, le Raincy, le plateau de Chelles, Montfermeil, Neuilly-sur-Marne, Gournay, la Ville-Evrard et toute la vallée de la Marne. De ce point important, notre canon menace l'une des principales voies de communications de l'ennemi. La route de leur quartier général à Versailles, qui est en même temps l'une de leurs lignes de retraite, se trouve ainsi sous le coup de notre artillerie, et les convois de l'armée prussienne s'en ressentent déjà tous les jours.

Notez, en effet, que nos batteries comptent des pièces de marine servies par des marins, et pour faire

comprendre

les

coups terribles portés par nos pointeurs, il nous suffit de mentionner ici unfait que nous citait un mobile des trois bataillons de la Seine qui campent sur le plateau. Le jour de l'occupation d'Avron, l'ennemi essaya d'inquiéter nos positions, et mit en position une pièce qui lança quelques obus sur un bataillon posté derrière un petit taillis. Le commandant d'une batterie, averti, envoie dans cette direction une pièce avec

ABRIQUE

- op dietin to

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DÉFENSE DE PARIS.

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Les marins repoussant les Bavarois à la B

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Chemin de fer de Strasbourg. Carrière de Station de Villemomble. Gagny.

Carrières de Gagny

Maison rouge.

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SIEGE DE PARIS.

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Panorama de Villemomble à Neuills in Marne, vue

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se da plateau d'Avron.

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Croquis d'après nature par M. Gaildrau

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LA PRUSSE

L'ILLUSTRATION, JOURNAL UNIVERSEL

Les coups de fortune qui ont fait la grandeur de la Prusse ont été aussi rapides que brillants. En deux lustres, elle a fait les deux guerres heureuses du Danemark et de l'Autriche. Contre le Danemark, elle eut l'habileté de prendre pour alliée l'Autriche elle-même, dont elle méditait déjà l'abaissement. Contre l'Autriche, elle eut le talent de mettre à l'écart la France, qu'elle se proposait bien d'attaquer après l'anéantissement de sa rivale.

La Prusse, aujourd'hui, après ces deux succès si glorieux pour elle, se trouve aux prises avec la France. Les chefs qui la dirigent ont cru manifestement à la possibilité de refaire contre nous cette fameuse campagne de six jours qui s'est terminée à Sadowa. La lutte que nous soutenons depuis six mois est de nature à prouver déjà que la France n'est pas l'Autriche. On peut même affirmer qu'en ce moment notre force de résistance a dépassé toutes nos espérances. N'importe! la Prusse continue à se conduire comme si le succès etait certain pour elle.

La Prusse dévoile enfin tous ses desseins. La voilà qui répond à la dénonciation du traité de 1856 par la dénonciation du traité de 1867 relatif au Luxembourg. La voilà qui nous trace la carte de l'Empire d'Allemagne. La voilà qui reçoit l'adresse des députés du parlement de la Confédération du Nord, qui mettent aux pieds du roi Guillaume la couronne des empereurs d'Allemagne. Lisez cette adresse :

« Gracieux roi et maître !

« Sur l'appel de Votre Majesté, le peuple a entouré ses chefs et défend sur le sol étranger la patrie criminellement provoquée. La guerre exige des sacrifices énormes; mais la profonde douleur que nous éprouvons par la perte de tant de valeureux fils n'ébranle pas la ferme volonté de la nation, qui ne déposera les armes que lorsque la paix sera, par des frontières offrant plus de sûreté, mieux garantie contre des attaques renouvelées d'un voisin jaloux.

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Grâce aux victoires auxquelles les armées des loyaux confédérés de l'Allemagne ont conduit Votre Majesté, la nation attend une union durable Le Parlement de la Confédération du Nord, d'accord avec les princes d'Allemagne, vient auprès de Votre Majesté avec la prière de vouloir bien consacrer l'œuvre d'unification en acceptant la couronne impériale allemande. La couronne allemande sur la tête de Votre Majesté ouvrira à l'empire rétabli de l'Allemagne des jours de puissance, de grandeur, de paix, de prospérité et de liberté, garantis par la protection des lois.

«La patrie rend grâces au chef et à l'armée glorieuse à la tête de laquelle Votre Majesté reste sur le sol conquis. La nation n'oubliera jamais le dévouement et les exploits de vos fils. Veuille Dieu que le peuple puisse bientôt recevoir la paix par le glorieux empereur de l'Allemagne. L'Allemagne unie s'est montrée puissante dans la guerre sous son chef royal, l'empire allemand uni sera puissant et aimera la paix sous le sceptre impé

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« Soldats des armées unies de l'Allemagne! « Nous entrons encore dans une nouvelle période de la guerre. Comme je vous le disais dernièrement, avec la capitulation de Metz s'était éantie la dernière des armées ennemies que

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nous avions en face de nous au commencement
de la campagne.

«

Depuis, par les efforts les plus extraordinaires,
l'ennemi nous a opposé de nouvelles troupes récem-
ment formées, une grande partie de la population
française a quitté ses occupations et ses travaux
ordinaires, auxquels nous ne mettions aucun obsta-
cle, pour prendre les armes.

« L'ennemi vous a rencontré souvent avec des
l'avez
forces supérieures, et cependant vous
vaincu; car le courage, la discipline, la confiance
dans une cause juste ont toujours raison du
nombre.

«Tous les efforts de l'ennemi pour forcer le blo-
cus de Paris ont été définitivement repoussés;
souvent, il est vrai, avec de grands et sanglants
souvent, il est vrai, avec de grands et sanglants
sacrifices, comme à Champigny et au Bourget,
sacrifices, comme à Champigny et au Bourget,
mais aussi avec cet héroïsme dont vous avez fait
preuve en toute occasion. Les armées ennemies
qui, de toutes parts, venaient au secours de Paris,
ont éprouvé partout des échecs.

«Nos troupes qui, il y a peu de semaines, étaient devant Metz et Strasbourg, sont aujourd'hui déjà à Rouen, Orléans, Dijon, et, sans parler d'un grand nombre de petits succès, viennent de remporter encore deux nouvelles et glorieuses victoires, à Amiens et à Orléans, où la bataille a duré plusieurs jours.

« Plusieurs forteresses se sont rendues, laissant entre nos mains un grand matériel de guerre; je n'ai donc que des motifs d'une complète satisfaction; c'est pour moi à la fois une joie et un devoir de vous l'exprimer ici. Je vous remercie tous, depuis le général jusqu'au simple soldat!

«Si l'ennemi persiste à prolonger la guerre, vous persévérerez aussi, je le sais, dans cette tension universelle de toutes les énergies nationales, qui nous a valu jusqu'ici de si grands résultats, jusqu'à ce que nous arrivions à une paix glorieuse (ehrenvohen), en rapport avec les grands sacrifices de sang et de vies humaines que nous avons faits.

décembre 1870.

Quartier général de Versailles,
Signė GUILLAUME. »

LA QUESTION D'ORIENT ET LE LUXEMBOURG

La politique extérieure nous montre déjà le contre-coup funeste de la guerre que poursuit la Prusse et des principes iniques qu'elle veut faire prévaloir. A peine le cabinet de Saint-Pétersbourg a-t-il signifié la dénonciation du traité de Paris, que le cabinet de Berlin s'empresse de dénoncer le traité de 1867. Nous l'avons dit et nous le répétons. Le droit et les traités ne sont plus qu'une lettre morte. C'est la force qui règne et qui menace de refaire à son gré la carte de l'Europe et du monde!

Un mot sur ces deux traités.

Nous nous sommes demandé, depuis un mois, ce que l'Europe répondrait à ces coups d'État de la politique absolutiste, qui déchirent à la face du la politique absolutiste, qui déchirent à la face du monde civilisé le droit public européen. Eh bien! la réponse de l'Europe est à peu près connue : ellė courbe humblement la tête, et la presse anglaise qui traitait le premier jour cette question d'Orient comme une question de vie et de mort pour elle et pour l'Europe, s'incline lâchement devant toutes les convoitises de l'absolutisme. Qu'est devenu cet orgueil, de l'Angleterre, qui se vantait, en 1840, de faire passer la politique de l'Europe par le trou d'une aiguille?»

Le cabinet Gladstone, qu'on a salué naguère comme le précurseur de la régénération de l'Angleterre, subira devant l'histoire le reproche d'avoir présidé à la décadence de la politique anglaise dans le monde. M. de Bismark avait bien raison de dire que « l'Angleterre ne comptait plus. » Tous les journaux anglais nous annoncent que les puissances européennes sont d'accord pour la convocation d'un Congrès qui se réunira à Londres, et que les différents cabinets sont una

nimes pour accepter les modifications réclamée
par la Russie.

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A ce sujet, l'on s'est préoccupé de la situation. particulière de la France, et l'on s'est demandé si la République française se ferait représenter à ce sée au ministre des affaires étrangères du Gouvernement de la défense nationale, et cette conCongrès. Une invitation aurait, dit-on, été adresvocation aurait mis en présence deux opinions bien tranchées. La première fait valoir cette conau Gouvernement de Paris contient implicitesidération importante que la demande adressée ment la reconnaissance du Gouvernement de la République par les puissances, et les défenseurs de l'acceptation ajoutent que la présence du représentant de la France lui permettrait de faire directement les protestations les plus formelles contre ces violations des traités. D'autres, au contraire, soutiennent que l'abstention est, dans la crise présente, la seule politique digne de la République, et qu'après l'abandon de tous les principes par les cabinets européens, la France, laissée dans un isolement complet, doit, au nom de ses intérêts et C'est probablement à ce dernier parti que le Goude son honneur, réserver toute sa liberté d'action. vernement se rangera.

Passons au traité du Luxembourg. On se rappelle que cette question fut un des premiers conflits qui montrèrent clairement à l'Europe que la Prusse et la France n'échapperaient pas à la rupture que chacun prévoyait depuis Sadowa. La Convention de Londres ajourna le choc en fordu Luxembourg, qui fut en partie démolie. çant la garnison prussienne à quitter la forteresse

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Ce qu'on ignore généralement, c'est que la Prusse, pendant les conférences de Londres, obtenait du gouvernement luxembourgeois l'annexion du Luxembourg au Zollverein de la nouvelle Confédération allemande. Les intérêts du duché sont liés à ceux de la Prússe, depuis cette époque, par un traité ignoré de notre diplomatie; cela ne suffit plus à la convoitise des Prussiens: ils veulent, là comme chez nous, le droit de propriété. Devant cette nouvelle atteinte au droit public, on s'est encore demandé ce que ferait l'Angleterre. Or, l'Angleterre paraît décidée à accepter la dénonciation du traité de 1867, comme elle se résigne le à accepter celle du traité de 1856

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Selon la Pall-Mall Gazette, la Prusse n'aurait dé-rés noncé le traité qu'après avoir acquis directement, par voie de négociation, les droits du grand-duc de Luxembourg, c'est-à-dire après avoir accompli l'opération qu'elle a empêché Napoléon III de faire en 1867. Suivant le Daily-Telegraph, l'annexion serait un fait accompli.

Croyez-vous que cette politique sans vergogne, si injurieuse pour l'Angleterre, si contraire à tous ses intérêts, ait ému la fibre patriotique du peuple anglais? Lisez le journal qui passe pour exprimer sûrement l'opinion publique en Angleterre.

De toutes les solutions possibles provoquées par les complications actuelles, le Times, adopte celle qui serait la plus arbitraire et la plus violente. D'après ce journal, la conférence de Londres aboutirait à un arrangement amiable des difficultés que soulève aujourd'hui la démarche imprévue de la Russie

L'Angleterre, pour prix de ses lâches complaisances pendant la guerre actuelle, recevrait l'Egypte, c'est-à-dire resterait maîtresse de la route marine des Indes et de l'Asie.

La Russie obtiendrait les Principautés danubiennes, et exercerait seule le protectorat de la mer Noire, s'assurant ainsi les bouches du Danube et formant pour ainsi dire l'investissement de Constantinople et de l'Empire turc.

Quant à la Prusse, elle deviendrait le grand empire d'Ailemagne avec le Luxembourg, l'Alsace et la Lorraine en pleine possession.

Ce plan-là a pu traverser l'imagination cupide de quelque marchand de la Cité de Londres; mais son exécution dépasserait l'audace même de M. de Bismark Le jour où une seule puissance sera constituée dans l'Europe centrale et où l'empire russe s'étendra de Moscou à Constantinopie, l'influence de l'Autriche et celle de la France étant

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anéanties, on peut dire que c'en est fait de la liberté du monde!

Mais ces arrangements cyniques, ces calculs inavouables n'ont pas encore, Dieu merci! la sanction du succès, la dernière morale que paraisse reconnaître aujourd'hui la politique européenne. Les absolutistes ont trop vite compté sur l'anéantissement de la France. Un pays qui, sans armée, soutient le choc d'un million d'hommes et donne aux vainqueurs des inquiétudes sur le résultat de leur victoire, n'est pas près de périr. Effacer son nom de la carte n'est pas chose aussi aisée qu'on peut le prétendre à Berlin et se le figurer à Londres. La France est sortie victorieuse de crises plus redoutables. Pourquoi ne sortirait-elle pas de celle-ci? HENRI COZIC.

LE BOIS DE CHAUFFAGE

Le Journal officiel publie la longue note suivante, qui calmera les vives appréhensions causées depuis quelques jours dans la population par la question des approvisionnements de bois de chauffage:

«La rigueur de la saison, en accélérant tout à coup la consommation du bois dans Paris, a fait subir une diminution rapide au stock de bois sec qui existe actuellement dans les chantiers. L'approvisionnement de la ville de Paris, au commencement de la saison d'hiver, était d'ailleurs inférieur aux quantités habituelles, à raison de deux circonstances combinées: la sécheresse de l'été dernier, qui avait empêché les arrivages par les 70ies fluviales, et l'investissement de Paris, dès le 8 septembre. Il n'est donc pas surprenant que les nagasins commencent à s'épuiser. Fort heureuement, le remède est à notre portée. La capiale possède, en dehors de ses approvisionnenents réguliers, d'immenses réserves de bois sur ied.

« Ces réserves consistent dans les mille hectares le plantations dont se composent les bois de Bouogne et de Vincennes, et dans les arbres qui borlent les boulevards de la ville et les routes de la banlieue; cette dernière ressource, à elle seule, représente des quantités considérables.

L'administration de la Ville s'est occupée de réaliser, dans le plus court délai, ces moyens de chauffage. Le maire de Paris a ordonné de larges Coupes dans les bois de Vincennes et de Boulogne, et l'administration des ponts et chaussées fait abattre, sur la plus grande échelle, toutes les bordures des routes nationales et départementales.

« Le syndicat du commerce de bois prête un conCours aussi précieux que désintéressé à cette vaste xploitation; il adjoint son personnel à celui de a Ville, il offre ses chantiers comme lieux de déôts et de distribution.

Ces mesures doivent rassurer complétement la population parisienne. Non-seulement elles auont pour effet d'augmenter, pour ainsi dire à volonté, les ressources de la consommation générale, nais elles rendent au libre commerce, au fur et à nesure des abattis, d'une part, les bois requis Jour la boulangerie, et que les bois blancs exisant aux environs de Paris pourront suppléer lans une mesure importante, et, d'autre part, les ois requis par l'administration de la guerre pour es besoins des troupes.

« On peut être assuré, d'ailleurs, que ces abats, conduits avec résolution et discernement, conilieront, autant que faire se pourra, les nécestés de la crise présente avec la conservation de ette couronne de verdure qui est l'orgueil de otre chère cité, mais que nous ne devons pas héter à sacrifier pour la défense de la République de la patrie. »

On a signalé, ces jours derniers, dans certains artiers de Paris, des troubles et des scènes de vastation qui avaient précisément pour but le llage du bois de chauffage. Espérons que la mere prise par le Gouvernement va mettre un rme à ces scènes regrettables. P.P.

BONDY

Nous marchons lentement, parce que le temps met obstacle à la poursuite de nos opérations; mais nous devons néanmoins constater à notre avantage que le cercle des lignes d'investissement va s'élargissant.

Ainsi sur le point que nous reproduisons, les avant-postes prussiens se sont avancés jusqu'à Bobigny, sous le feu du fort de Romainville. Bobigny est abandonné depuis longtemps par eux, et aujourd'hui Bondy, situé plus loin, est occupé par nos batteries. Nous en avons un certain nombre, et leur feu est disposé de manière à troubler le repos que la forêt de Bondy prête encore aux masses invisibles de l'ennemi.

Les batteries de nos marins causent surtout à l'ennemi de vives préoccupations. En lisant le rapport qui lui était présenté sur le feu des pièces de marine de nos forts, M. de Molke disait au général Burnside: « C'est la première fois que leur artillerie répond sérieusement à la nôtre. » Ces jours derniers encore, l'officier supérieur qui commandait les Prussiens au Bourget aurait également, dit-on, exprimé cette opinion: « Si toute l'armée française était composée de ces marins, nous serions à plaindre. }} - Nous n'avons pas assurément trois cent mille marins; mais les canons des forts, les batteries de Bondy, d'Avron, et de nos autres redoutes prouveront aux Prussiens que nous en avons assez pour leur enlever les positions qu'ils possèdent autour de Paris.

HENRI VIGNE.

LA MOUTURE A PARIS

Nos approvisionnements de blé consistaient en farine et en grains, et l'une des premières préoccupations du Gouvernement de la défense nationale dut être de songer à l'installation de moulins à Paris. Question grave; car, pour quiconque s'est à Paris. Question grave; car, pour quiconque s'est occupé de cette opération spéciale, il est reconnu que l'organisation d'une meunerie à vapeur exige un temps considerable. C'est donc à ce sujet qu'il était sage de prévoir, et de prendre les mesures nécessaires. Ce fut là peut-être le premier acte du nouveau ministre du commerce et de l'agriculture.

A peine M. Magnin faisait-il son entrée au ministère, à la suite du 4 septembre, qu'il se hâtait de faire venir de La Ferté trois cents paires de meules. C'est à cette précieuse acquisition que Paris doit aujourd'hui le pain qu'il mange!

L'installation de ces meuneries représente, pour l'alimentation de Paris, une des opérations capitales du siége, puisque c'est à elle que se rattache la base de la nourriture, le pain. Aussi a-t-on heuréusement songé à mettre à profit les divers établissements qui se prêtaient avec avantage à la création de ce précieux service. L'usine Cail, dont nous nous sommes déjà occupé, le chemin de fer du Nord, l'usine des Arts-Réunis, que nous représentons dans ce numéro, et quelques autres, ont permis d'arriver à des résultats satisfaisants, dans un temps relativement court.

Nos compagnies de chemins de fer ont été, nous devons le dire, pour la défense de Paris, des auxiliaires utiles, dévoués et puissants. Le chemin de fer d'Orléans a vu créer, dans ses vastes salles, des ateliers toujours en activité pour la confection des ballons. Le chemin de fer de Lyon a travaillé pour la fabrication des nouveaux affûts que réclamait l'artillerie. Le chemin de fer du Nord s'est à la fois occupé des ballons et de la mouture. Les meuneries de sa gare de La Chapelle, que nous reproduisons, sont un de nos établlssements importants de mouture. Ces meules, comme celles des autres établissements, travaillent jour et nuit, et ne s'arrêtent que le temps nécessaire pour rhabiller les meules. C'est que ce Gargantua qu'on appelle Paris, possède aujourd'hui plus de deux millions

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Les nombreuses visites que nous avons faites aux divers établissements de mouture nous ont laissé cette conviction, que ce travail d'organisation est peut-être l'un de ceux dont Paris s'est le moins occupé, mais aussi l'un de ceux que l'administration a poursuivis avec une énergie des plus louables. Ainsi, la meunerie installée dans l'usine des Arts-Réunis, a commencé ses travaux le 17 septembre, le premier jour de l'investissement de Paris, et le mois suivant, le 18 octobre, un mois après, la meunerie commençait à fonctionner. Or, il faut ordinairement un intervalle de huit mois pour mettre en marche une minoterie qui prendrait, comme celle des Arts-Réunis, vingt paires de meules. Ce rapprochement permet d'apprécier l'énergie déployée en cette circonstance.

Nous conseillons d'ailleurs aux curieux qui veulent suivre de près le travail de la défense de Paris, de visiter en détail ce dernier établissement. Ils peuvent compter, de la part de M. Ducastel, le directeur, sur un accueil des plus affables, et cette visite leur permettra de voir avec quelle habileté, disons le mot, quelle perfection, cette rapide installation a résolu, sur un espace trèslimité, tous les problèmes assez compliqués de la

mouture.

Les Arts-Réunis, dites-vous? Quel peut donc être le trait d'union entre les arts et la mouture? Un mot d'explication va vous mettre au courant de l'opération.

Cette usine des Arts-Réunis a le mérite d'avoir réalisé, sans ostentation et sans bruit, l'une des améliorations les plus chères à la démo cratie.

Depuis vingt ans, nous entendons réclamer avec insistance, au profit des travailleurs, la création d'ateliers où l'ouvrier pourrait trouver aussi, lui, comme le capitaliste, à des conditions modérées, cette immense force de la vapeur qui donne au travail le levier d'Archimède. Eh bien! l'usine des Arts-Réunis a été construite uniquement en vue de la destination spéciale que nous signalons ici. C'est l'application d'une idée juste et la réalisation d'un vœu cher aux ouvriers de la capitale. L'article-Paris, qui a créé le cosmopolitisme du goût français, pourra désormais se faire à la vapeur.

Or, l'article-Paris chômant pour le quartd'heure, M. Magnin s'est entendu avec le directeur pour y monter des moulins, et la mouture s'y fait avec cette merveilleuse précision que donne la mécanique à toutes ses créations.

Vous entrez, et dans la pièce où viennent se décharger les sacs de blé livrés par le ministère, vous trouvez à droite le récipient où se verse le blé, et à gauche, les deux récipients où viennent tomber, d'un côté la farine, et de l'autre le son. Vous avez ainsi tout sous la main.

Mais, entre ces deux récipients, quel travail s'est accompli à l'intérieur! Un élévateur a monté le blé; les tarares l'ont nettoyé, les vingt paires de meules l'ont moulu; la bluterie l'a dépouillé du fin et autres agencements ingénieux. son, et tout cela mécaniquement, par des vis sans

L'arrêté qui nous a soumis au régime du pain bis, vous dit assez que le système de mouture, pratiqué dans les meuneries de Paris, ne vise plus à la fine fleur de la farine. La mouture donne, aujourd'hui, 85 et 87 au lieu de 75 pour cent. C'est en moyenne une augmentation de douze pour cent.

Sur les quantités énormes que nous avons à moudre, c'est une augmentation considérable et dont nous devons tenir compte. Le pain ne manquera pas. Nous en avons, au moins, jusqu'à la fin de mai.

Les déclarations faites à la suite des dernières

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