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LORD CLARENDON

On demandait un jour à lord Palmerston pourquoi l'Angleterre montrait tant d'attachement pour son aristocratie, et le noble lord répondit:

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- Voyez ce que les lords ont fait de l'Angleterre, et vous aurez la raison de notre puissance.

Lord Clarendon aura sa place, une place à part dans l'histoire de cette aristocratie qui a élevé un peuple, numériquement de second ordre, au premier rang des puissances qui composent la pentarchie européenne. Cette page, consacrée au ministre des affaires étrangères qui vient de mourir, classera son nom dans cette glorieuse avant garde de la noblesse d'Angleterre, qui ne prenait le pouvoir que pour réformer et améliorer, parce que, pour elle, le mot réforme était synonyme de conservation sociale.

C'est assez dire que lord Clarendon appartenait

au parti whig, qu'il n'a jamais déserté cette cause, et que le jour où le mouvement réformiste de l'Angleterre a ouvert les portes du parlement aux représentants des idées démocratiques, il n'a pas hésité à prendre le portefeuille des affaires étrangères, pour appuyer de son autorité et de son nom l'avénement des classes moyennes qui venait de triompher avec le ministère de MM. Gladstone et Bright.

Rappelons brièvement les actes principaux de cette existence patriotiquement dévouée au bien public, et nous verrons qu'elle offre un ensemble digne de notre estime et de notre respect. La lettre d'Atticus, publiée la semaine dernière par l'Illustrotion, nous donnait un parallèle des hommes d'État de l'Angleterre et de la France, et ce parallèle, tout à l'avantage des ministres anglais, nous montrait que le pouvoir, pour les hommes politiques du Royaume-Uni, n'était réellement que l'application d'idées nettement arrêtées; tandis

que chez nous le pouvoir n'était trop souvent que la réalisation d'ambitieuses visées. La carrière de lord Clarendon justifie pleinement ce jugement porté sur les ministres anglais et sur les nôtres. Là, on sait ce que l'on veut et où l'on va; ici, l'on vise au pouvoir pour la possession du pouvoir, au risque de mériter le mot sanglant de Tacite : Omnia serviliter pro dominatione.

Lord Clarendon est né avec le siècle, le 26 juillet 1800. Il fit ses études à l'Université d'Oxford, et s'y fit remarquer de bonne heure par les qualités qui l'ont plus tard distingué au pouvoir: la mesure et la clarté.

Comme la plupart des jeunes lords qui se consacrent à la politique, lord Clarendon entra tout jeune aux affaires. C'est la tradition anglaise. Pitt entrait à vingt-deux ans au parlement, et dès ses premiers discours, le parfement reconnaissait en lui l'un de ses chefs.

En sortant de l'Université, lord Clarendon en

trait dans la diplomatie, et à l'âge de vingt ans nous le trouvons secrétaire à l'ambassade de SaintPétersbourg.

Le jeune diplomate montra, dès son début, tout ce qu'on devait attendre de sa vive intelligence. Son esprit ne recherchait ni l'éclat, ni l'éloquence; mais dès qu'une affaire lui était confiée, on était sûr de la voir exposée sous son véritable jour; et c'est ainsi qu'à trente ans lord Clarendon méritait d'être choisi comme négociateur d'un traité de commerce entre la France et l'Angleterre.

Ce n'étaient encore là que des rôles secondaires. Il était né pour tenir sur le théâtre politique la première place, et à trente-trois ans il allait, en 1833, à Madrid occuper, comme ministre plénipotentiaire, un poste très-difficile. L'Espagne était en pleine guerre civile, et il fallait un esprit droit et ferme pour suivre, dans toute sa rectitude, la politique qu'il allait représenter.

Disons-le à son honneur: partisan du gouvernement constitutionnel et dévoué au trône de la reine

Christine, lord Clarendon sut, tout à la fois, témoigner ses sympathies bien sincères pour le gouvernement de la reine, et se montrer miséricordieux pour les partisans qui lui disputaient la succession de Ferdinand VII. C'est ainsi qu'il fit négocier une convention qui était toute favorable aux prisonniers carlistes, et qui adoucissait ainsi les rigueurs de cette lutte acharnée. C'est ainsi qu'il négocia encore avec le gouvernement de Madrid la convention appelée à supprimer la traite des noirs, et qu'il parvint à faire entrer le cabinet espagnol, si attaché au maintien du marché des esclaves, dans cette politique humanitaire qui poursuit, sur tous les points du globe, l'abolition de l'esclavage.

De retour en Angleterre, il prend place, en 1839, à la chambre haute, dont la mort de son oncle venait de lui ouvrir les portes; et, dès l'année suivante, il entre dans le ministère de lord Melbourne comme ministre du sceau privé. Depuis cette époque, lord Clarendon n'a cessé d'être un des plus hauts personnages de la politique anglaise, et voici les souvenirs importants que nous rappelle son passage aux affaires.

En 1847, au milieu de l'agitation produite par la propagande enflammée d'O'Connell demandant le rappel de l'Union, lord Clarendon fut nommé lord lieutenant d'Irlande et, au milieu de ces popula-. tions surexcitées et justement indignées de l'oppression séculaire de leurs maîtres, le noble lord, par son administration prudente, par son inépuisable générosité, sut se faire aimer d'un pays qui ne pouvait voir en lui que le soutien d'une odieuse domination. A cette époque, l'Irlande souffrante et indignée, n'en était encore qu'aux revendications. Aujourd'hui, elle commence à obtenir justice, et le ministère réparateur de M. Gladstone s'efforce de verser un peu d'huile sur les plaies du passé. Mais cette justice de la politique anglaise est, il faut bien le dire, un peu tardive. Les deux millions d'exilés que la verte Erin a jetés sur tous les points du globe sont un vivant témoignage qui condamne à jamais la servitude que l'Angleterre a fait peser sur l'Jr.

lande!

Mais l'acte qui donnera le plus de lustre à la mémoire de lord Clarendon est, sans contredit, le traité de Paris, pour lequel il a représenté l'Angleterre. Et en effet, la politique qui nous a donné la guerre de Crimée et qui a fait armer la Turquie et les puissances occidentales contre la Russie, nous ouvrait des horizons nouveaux. C'était la fin de la Sainte-Alliance, c'était l'alliance de la France

et de l'Angleterre, c'était la liberté de l'Europe rendue à ses influences légitimes; et ce point de départ d'une politique nouvelle, c'est lord Clarendon qui eut l'honneur de le consacrer en signant le traité de Paris pour l'Angleterre.

Au commencement de 1858, lord Clarendon suivit lord Palmerston dans sa retraite. Mais ce repos fut de courte durée, et la chute du ministère Disraéli ramena au pouvoir l'homme d'État libéral, toujours disposé à consacrer les progrès de la politique anglaise.

En prenant le portefeuille du ministère des af

faires étrangères, lord Clarendon a pu dire, comme Chateaubriand dans ses Mémoires: « J'assiste à l'aube d'un monde nouveau!» La vieille Angleterre n'est plus. Fuit Ilium! Le vieux parti tory en est réduit à choisir M. Disraéli pour chef, et le parti whig tend la main à la démocratie qui monte. N'est ce pas là la condamnation de l'ancienne politique anglaise? L'Angleterre a dépensé dix-huit milliards pour combattre la Révolution française, et voilà aujourd'hui les idées de la Révolution française qui s'implantent et triomphent sur le sol anglais! HENRI COZIC.

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- Quoi! 15 p. 100 de perception pour la rentrée de nos impôts! Sommes-nous donc dans un pays barbare, où il faut procéder par réquisition, ou bien dans un pays civilisé?

15 p. 100! A quoi bon alors les succursales de la Banque de France, les chemins de fer, le télégraphe, l'agglomération des populations, puisque 38 millions d'habitants sont concentrés sur 60 millions d'hectares? La rentrée des impôts est-elle confiée à des percepteurs ou à des garnisaires?

La Banque de France qui, par parenthèse, et aux termes de la loi de 1857, devrait avoir une succursale dans chaque chef-lieu de département, au moins, à la date présente de 1870, la Banque de moins, à la date présente de 1870, la Banque de France, dont les billets sont acceptés et même re

cherchés par le dernier de nos paysans, pourrait faire la perception de nos impôts à peu près gra tuitement.

Une compagnie de fermiers, armée de la puissance d'exécution que l'on confie aux percepteurs, prendrait l'adjudication d'une rentrée de fonds de 1,760 millions pour un forfait de moins de 100 millions, certainement.

Comment donc se fait-il que la régie actuelle nous coûte 254 millions, chiffre scandaleux aux yeux des ignorants comme moi?

On peut affirmer par induction que des impo grevés de tels frais de perception sont mal répartis et que cette usure excessive de la perception suff rait seule pour faire sentir la nécessité urgente d changer la base de nos impôts.

Je m'étonne que M. Segris, qui doit être to aussi étranger que moi à la science financière, soit pas frappé, comme je le suis, de la nécessi d'un remaniement d'impôts, en présence d'un semblable exploitation exercée sur les contribu bles.

Il est un principe qu'on nous a inculqué dar les écoles, où nous avons passé avec M. Segris c'est que les frais généraux d'une industrie pèse d'autant moins sur chaque produit que la quanti de ces produits est plus grande.

D'après le même principe, les frais généraux l'exploitation sociale devraient peser d'autant moi sur chaque contribuable que le nombre en est pl grand.

Comment donc se fait-il que la part contributi dans les frais généraux soit plus forte pour chacu de nous, qui sommes 38 millions de contribuable que pour nos voisins de la Suisse, qui ne sont it qu 2 ou 3 millions?

M. Segris, qui doit avoir lu le Manuel du parf: négociant, de M. Devinck, membre de la commi sion municipale de Paris, nommée par l'Emp reur, pourra-t-il m'expliquer cette anomalie?

Il doit y ayoir là des mystères de centralisatio que la fameuse commission, dont M. Odilon Ba rot pleure le délaissement, aurait bien dû not révéler.

A propos de la commission de décentralisation vous savez par d'autres ce qui lui arrive.

On a dépensé la somme folle de 9,000 fr. pow faire composer ses rapports et ses délibérations mais on a dù reculer, par économie, sur la de pense babylonienne de 8,000 fr. qui restait à fair pour publier ce travail déjà composé.

D'aucuns vous diront que le gouvernement, de cidé à suivre une voie opposée à celle que la com mission, nommée par lui, lui conseillait de pre dre, a voulu tenir sous le boisseau, sous prétex d'économie, une publicafion qui l'aurait des obligé.

N'en croyez rien. C'est bien l'impossibilité de s procurer 8,000 francs sur une recette de 1,760 mi lions, qui seule a empêché la publication des rap ports de la Commission de décentralisation.

Mais cela vous montre, tout au moins, combie il est difficile de déplacer un centime dans ce mailles serrées d'un budget de près de deux mil lards, sans risquer de rompre tout le réseau.

Aussi, ne comprends-je pas la témérité de l Commission du budget, qui a cherché s'il n'y au rait pas moyen d'économiser une douzaine de mi lions, saLs déranger aucun service, quand on lu prouve qu'il est matériellement impossible de dis traire du budget même une somme de 8,000 francs pour retirer du purgatoire de l'imprimerie les rap ports de la Commission de décentralisation.

Il est vrai que, dans cette pénurie du Trésor, qu paie 254 millions de frais de perception, et pour ménager tant de braves gens blessés peut-être dans leurs convictions mais à coup sûr dans leur amourpropre, on aurait pu demander à chacun d'eux, ils sont cinquante, une cotisation de 160 francs pour parfaire les frais d'une publication que le gouvernement ne peut vraiment pas faire luimême. Aucun d'eux n'aurait refusé. Comment

M. Segris, dans l'embarras pénible où il se trouvait n'a-t-il pas songé à cet expédient, qui aurait tout arrangé?

Il est désolant, vous en conviendrez, que nous soyons privés des lumières de tant d'hommes compétents, convoqués par le gouvernement luimême, faute de 8,000 francs pour allumer les cierges.

Voilà ce que c'est que de payer 254 millions de frais de perception! Cela met la Commission de décentralisation sur la paille.

ction que des in

tion sont mal re perception prouvent à l'évidence que les impôts

Je vous disais donc que ces énormes frais de

rions de sucre le monde entier, où personne ne
peut nous faire concurrence.

Notre marine y trouverait un fret encore plus

de la perceptions sur lesquels un tel prélèvement s'exerce, sont mal précieux que le sel; et la fabrication affranchie

a nécessité urgen

ts.

répartis.

Faites-moi l'amitié de me concéder,

· pour un

is, qui doit être instant, que nous sommes un pays démocratique.

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de la taxe du sucre décuplerait les bienfaits dont
elle a déjà doté, malgré tout, notre agriculture.

Je m'arrête, de peur de passer pour un outre

Notez que je n'ai abordé que le budget de la dépense.

Ecience financie Car, si vous me contestiez cela,·
suis, de la né riez sans trop d'accrocs à la logique,
en présence raisonnement que je vais faire tomberait sur le cuidant en finances.
-e sur les cont nez.
us a inculqué doivent être établis de telle façon, que tous les ci-
ssé avec M toyens, en proportion de leurs facultés, payent le
nécessaire du budget, et que ceux qui profitent de
uit que la que la communauté au delà de la moyenne des con-

ane industrie pe

s frais généra eser d'autant

nombre

en est

tribuables, paient l'excédant.

Les impôts de consommation, que chacun ac-
quitte, doivent être très-légers, pour n'être ni in-
justes ni oppresseurs. Car, suivant la mesure où
ils s'exercent, ils arrêtent ou favorisent l'essor de

part contrit la consommation.
forte pour ch
En Angleterre, qui n'est pourtant pas un pays
de contrib démocratique, M. Gladstone s'est avisé un beau
, qui ne sa jour d'abaisser de 50 0/0 les taxes de consomma-
tion.

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Par un phénomène étrange, je dis étrange à notre point de vue, ces taxes, diminuées de née par l'E moitié, ont donné une plus grosse recette au Trée anomalie sor. Les gens qui consommaient peu de thé, par de centralis exemple, en ont consommé davantage; et ceux M. Odilon qui n'en consommaient pas s'y sont habitués. t bien dů.

écentralis rrive.

9.000 ft. délibéra ie, sur

restait

ernement

e que la

La logique démocratique veut que je paie trèsbon marché pour les taxes auxquelles je ne puis échapper, et très cher pour les taxes dont je puis

m'affranchir.

Je ne puis me dispenser de consommer du pain, du sel, du vin et de la viande, et mon voisin, qui est plus riche, n'en consomme pas plus que moi, malgré sa fortune. Conséquemment, la part contributive pour la consommation nécessaire doit être la plus minime possible.

Mais je puis me dispenser de consommer du tabac, des alcools, des cartes à jouer, etc. Par conséquent, on a le droit de me faire payer le plus cher possible pour la passion qu'il me plaît de satisfaire. Je n'ai qu'à renoncer au cigare, à l'abl'aurait sinthe, au jeu, aux chevaux, si je trouve la taxe

lait de F

sous pré

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Oui, j'y ai songé. Et j'ai calculé, aussi, de combien une taxe réduite et facile à percevoir augmenterait la consommation du vin en France. Supposez que par une réduction de taxe chacun de nos 38 millions de consommateurs puisse s'approvisionner d'un hectolitre de vin.

Est-ce que 114 millions de droits perçus sur 38 millions d'hectolitres de vin consommé, à raison de 3 fr. par hectolitre, ne vaudraient pas mieux que 114 millions perçus à grands frais sur 10 millions d'hectolitres à raison de 11,40?

Ce calcul, M. Gladstone l'a fait avant moi; et il l'a appliqué en Angleterre au grand avantage du

Trésor.

Je ne parle pas de l'impôt du sel, dont les frais dépassent 50 p. 100. Le sel, affranchi d'impôt, donnerait un fret précieux à notre navigation, qui cherche le fret, et nous permettrait de constituer

nos réserves de viande.

Vous savez quelles énormes taxes pèsent sur le sucre, sous prétexte de protection réclamée par nos colonies. Le fisc exerce sur les fabriques de sucre comme le donneur de knout, en Russie, exerce sur le délinquant, qu'il bâtonne jusqu'au point où il sent que la vie du patient va cesser. Le fisc mesure ses coups sur le fabricant de sucre, et frappe sur lui jusqu'au point où le producteur devrait fermer sa fabrique et cesser de produire. Si cette persécution prenait fin, nous inonde

Oh! ici, il y aurait beaucoup à dire. Mais quelles réformes peut-on espérer obtenir avec des ministres aussi ignorants en ces matières que nous pouvons l'être, vous et moi, et qui n'ont que ce mot éternel à vous répondre, d'accord avec une majorité complice: « C'est à prendre ou à

laisser?

Ah! si c'était à prendre! ou même à laisser!
Mais non ce n'est ni l'un ni l'autre.

Et c'est pourquoi nous avons le budget le plus...
autoritaire, dans le pays le moins fait pour le
supporter.
ATTICUS.

ABDICATION DE LA REINE ISABELLE La reine d'Espagne vient d'abdiquer en faveur de son fils, le jeune prince des Asturies.

Les personnages de son entourage, restés fidèles à sa fortune, lui conseillaient depuis quelque temps cet acte d'abrégation, qu'ils jugeaient, dans cement les intérêts de la dynastie. La cérémonie a l'état présent de la Péninsule, devoir servir efficaeu lieu, à l'hôtel Basilewski, résidence de la reine à Paris, en présence des membres de la famille royale, et d'un certain nombre de dignitaires, de généraux et d'hommes publics d'Espagne, parmi lesquels se trouvaient les généraux Lersundi, Gassel et San-Roman, les ducs de Medina-Coeli, de Riançarès, de Sesto, d'Arco, de Ripalda, de Rivas; les marquis de Casa Irujo et de Pena Florida, le comte d'Ezpelata, M. d'Albacete, etc.

Isabelle II avait à sa droite son fils, le prince des Asturies, puis l'infant don Sébastien, et à sa gauche, sa mère, la reine Marie-Christine, les infantes et le comte d'Aquila. Et c'est d'une voix assurée et d'un air souriant, qui écartait toute idée de sacrifice et de regrets, qu'elle a donné lecture de l'acte d'abdication, que tous les assistants furent ensuite invités à signer.

La cérémonie s'est terminée par un baise-main. La reine, en cédant à son fils ses droits politiques, a déclaré qu'elle entendait conserver sur lui tous ses droits civils. « En conséquence, dit-elle dans son manifeste aux Espagnols, dont elle a donné également lecture lors de la cérémonie dont il vient d'être question, je conserverai sous ma garde et sauvegarde Don Alfonso tant qu'il résidera hors de sa patrie et jusqu'à ce que, proclamé par un gouvernement et des Cortès représentant le vœu légitime de la nation, je vous le remette, ainsi que j'en ai l'espérance et que je m'en sens la force, encore bien qu'en vous le promettant ici mon cœur maternel soit déchiré. En attendant, je m'efforcerai d'inculquer à son intelligence les idées généreuses et élevées qui sont conformes à ses inclinations naturelles et qui le rendront digne, j'en ai la confiance, de ceindre la couronne de Saint-Ferdinand et de succéder aux Alphonses, ses prédécesseurs, qui ont légué à la patrie et qui lui lèguent un trésor de gloires impérissables. Ainsi Alphonse XII devra être, à partir de ce jour, votre véritable roi, roi espagnol, roi des Espagnols, et non pas roi d'un parti.

>>

Les Espagnols en jugeront-ils ainsi? Et l'abdication d'Isabelle aura t-elle les conséquences que ceux qui l'ont conseillée en attendent? C'est ce que le temps nous apprendra.

On a remarqué, disons-le en terminant, que don François d'Assises, mari de la reine, bien que convoqué, s'est abstenu de paraître à la cérémonie de l'abdication.

P. DOULLAY.

LE PROCÈS DE "L'INTERNATIONALE"

Le public a suivi avec une sérieuse attention le procès de l'Internationale, et nous devons une mention particulière aux traits saillants qui ont caractérisé ces longs débats.

Un mot d'abord sur l'origine de cette vaste association, qui compte aujourd'hui des affiliés dans toute l'Europe. L'Internationale, fondée à Londres, en 1864, a eu des affiliés, à Paris, en 1865. Au mois d'avril 1868, la justice prononçait la dissolution de l'Internationale.

Mais cette association a-t-elle cessé? S'est-elle réellement dissoute, ou bien a-t-elle continué d'exister et de poursuivre d'une manière occulte le but qu'avant 1868 elle poursuivait au grand jour? Telle est la question que s'est posée le ministère public qui a amené le procès actuel.

Le Tribunal est donc appelé à décider si l'article de la loi sur les sociétés secrètes est applicable à l'Internationale. Toutefois, il est clair que ce côté de la question qui va se juger n'est pas celui qui intéresse le plus l'opinion. Un jugement tranchera, la semaine prochaine, ce point de droit. Mais l'Internationale n'en préoccupera pas moins vivement l'opinion publique.

Pourquoi? Parce que cette Société, à tort ou à raison, est regardée comme le centre où se débattent les graves questions qui agitent aujourd'hui la grande famille des ouvriers. Ce n'est point, d'ailleurs, un fait sans intérêt ni sans gravité, que cette organisation puissante des travailleurs de tous les pays, qui, grace à une correspondance incessante, peuvent à un moment donné se concerter et s'entendre, et, par une propagande intelligente et infatigable, recruter une formidable légion.

Aussi la renommée de cette immense association était-elle redoutable. Elle n'est pour beaucoup d'esprits qu'un épouvantail, dont il faut absolument se débarrasser, et l'on se rappelle à ce sujet, les inquiétudes qu'à fait naître dans tous les pays la question des grèves.

de prévenus ont protesté avec indignation contre Mais il est juste de reconnaître que beaucoup la responsabilité que l'on voulait faire retomber sur eux. L'un d'eux, Abriel, a trouvé, pour repousser ce reproche, des mouvements d'une énergie qui allait jusqu'à l'éloquence.

Le but ostensible de l'Internationale est l'émancipation matérielle et morale du travailleur. Mais pour atteindre à ce but, digne d'encouragements, quels sont les moyens employés par la Société?

Nous touchons ici au point vif de ce débat. Il est certain que les congrès tenus par les travailleurs sont loin d'avoir proclamé des principes toujours acceptables, et nous n'aurions qu'à rappeler ici certaine réunion tenue en Suisse, et qui aboutit à l'adoption de doctrines communistes.

Le communisme est malheureusement la plaie des sociétés ouvrières. Mais nous devons reconnaître que ce sont les représentants des associations battu cette déplorable idée. Ce qui domine dans françaises qui ont le plus chaleureusement comles sociétés françaises, c'est le désir de voir propager le principe de l'association, en vue d'arriver par le travail libre au bien-être et à la propriété.

Or, ce point de vue entre aujourd'hui si bien dans l'opinion, que nous l'avons vu se produire au Corps législatif. Examinons donc avec attention. et sans parti pris les projets d'amélioration qui se produisent, séparons l'ivraie du bon grain, et accueillons toute idée juste qui peut conduire au bien. HENRI VIGNE.

LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE Jean-des-Figues, par Paul Arène (Librairie internale, in-18).

Est-ce un roman calqué sur la réalité? Non. Est-ce une fantaisie purement imaginaire? Encore moins. On dirait une autobiographie morale, enjolivée d'aventures invraisemblables; il y a, dans le récit de Jean-desFigues, l'adolescent Provençal, quelque chose de per

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MEETON.

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onnel, un accent vrai qui n'appartient pas aux héros e convention. Seulement l'auteur, par une heureuse abileté, a frappé l'enfant d'un coup de soleil qui est esté dans la tête de l'homme; il a mis ainsi sur le ompte d'une douce folie des incorrections impardonables en notre âge de petits crevés. Jean-des Figues st sentimental, il est amoureux, il est poète; il fait école buissonnière à Paris comme aux champs, et, u moment d'épouser une blonde poupée de Toulmouhe, s'en va de par le monde avec la Salomé de Renault, qu'il appelle toset, et qui vit dans 1 compagnie de mauignons ziganes. Il a beaucoup d'hunour et d'originalité ans les détails de ette menue épopée agabonde. Certaines igures ne s'oublient as: l'âne Blanquet, e notaire-numisma

e-musicien, Cabrilens, le sculpteur Bargiban, qui, faute le marbre, taille des camées dans des cailles d'huître. On me dit que ce charmant livre est un début, du moins en prose, et je le crois. On y sent la fraîcheur d'une inspiration jeune. Rappelons en terminant que M. Paul Arène est ce spirituel parodiste qui a si finement chargé les outrances exotiques et sauvages du Parnassiculet contemporain.

- OEuvres complèles de Lucrèce, traduction nouvelle, par Ernest Lavigne, avec une étude sur la physique de Lucrèce, par Frédéric André. (Hachette;

in 8°.)

It n'est plus question de l'Anti-Lucrece du cardinal de Polignac. Un de nos meilleurs professeurs, M. Martha, enseigne aux

échos surpris de la Sorbonne que les idées générales émises par le poète romain sont aujourd'hui partie intégrante du sens commun hommage d'autant plus précieux qu'il émane d'un adversaire philosophique. L'Université même s'est crue obligée d'offrir aux écoliers des morceaux choisis du De Natura. Des traductions nombreuses se publient ou se préparent, en vers et en prose. M. Sully Prudhomme en est resté pour l'heure au premier chant; et avons signalé son introduction, parfois indécise ou subtile, mais toujours sincère. Voici venir maintenant M. Ernest La

nous

vigne qui, au milieu des luttes de la polémique, s'est rappelė ses essais de l'Ecole normale et les complète avec le goût plus sur et la conviction plus arrêtée de l'homme fait. Scrupuleusement fidèle, il s'attache à rendre, avec la pensée et la poésie de son auteur, cette allure particulière qui est la couleur locale du génie et la patine du temps. Son décalque intelligent, large et simple, est tout ce que peut être une excellente version en prose d'un poète. C'est beaucoup, c'est presque tout, du moins à nos yeux. M. Ernest Lavigne se fait

un monstre des traductions en vers; il est vrai qu'il considère les Géorgiques de Delille comme un modèle du genre; il vrai encore que des difficultés spéciales peuvent contraindre par instants le traducteur poète à certains compromis, à des efforts trop sensibles. Mais aussi quelle vie supérieure, quel accent plus particulier de ressemblance anime les morceaux réussis d'une bonne traduction en vers! L'excellent travail de M. Lavigne est accompagné d'une introduction sur la Physique de Lucrèce, par M. Frédéric André, ancien élève de l'É

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LE CHATEAU DU BELVÉDÈRE

Le Be ve 'ère? nous y arriverons tout à l'heure. Parlons d'ator.l de We mar, une vile littéraire. Nombre d'écrivains célèbres y ont vécu. Wieland, le poète d'Oberon, de Musarion, celui que l'on appelait le Voltaire de l'Allemagne, y fut professeur des fils de la duchesse douairière de Saxe. Herder y est mort. On y montre sa

Le château du Belvédère, résidence de l'Empereur de Russie et du Roi de Saxe pendant la visite de LL. MM. au Grand-Duc de Weimar.

maison, comme on y

montre celle de Schiller, que la ville a achetée, et dont elle a fait une sorte de musée où sont exposés tous les objets qui ont appartenu à l'auteur des Brigands. La maison de Goethe y fut longtemps aussi un lieu de pèlerinage. Aujourd'hui on ne la visite

plus; un locataire égoïste s'y est barrica

dé après en avoir brusquement fermé la por

te au nez du public. On ne voit plus ce cè lèbre cabinet de tra

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comme Wieland. Sa statue est partout. Il en a une colossale, au pavillon des Templiers, dans Schlosspark, tout près de la villa qu'il y habitait, l'été. Une villa, splendide... comme sa table de travail. Toutefois, pour lui, elle avait un avantage: elle était à peu de distance du château de plaisance du grand-duc, le Belvédère, et il n'avait que quelques pas à aire pour aller saluer le prince.

Nous voici enfin arrivés à destination... par le chemin des éccliers, j'en conviens.

C'est qu'aussi ce château, notre dessin en fait foi, n'a rien a'absolument remarquable. Ses serres sont belles, son petit parc est joli, et c'est tout. Et si nous le mettons sous les yeux du lecteur, c'est qu'il doit être prochainement la résidence de deux majestés : l'empereur de Russie et le roi de Saxe, en visite chez une Altesse royale le grand-duc de Saxe-Weimar. Privilège de tête couronnée qui ne peut remuer sans appeler l'attention. Privilège! En est-ce un?

RENE DU MERZER.

2

A

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