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LE PRINCE LEOPOLD DE HOHENZOLLERN

La petite principauté de Hohenzollern-Sigmangen faisait partie de l'ancienne Confédération ermanique. C'était l'une de ces cinquante souveinetés lilliputiennes d'outre-Rhin qui, semblaes à certaines académies de province, ne faisaient mais parler d'elles.

Ennuyé sans doute de cette obscurité et de cette uveraineté dérisoire, qui fournissait trois cents ommes à la Confédération, le prince Antoine de ohenzollern, père du prince Léopold, prend un eau jour une résolution héroïque. Il cède en 1850 s États à la Prusse, à la condition d'obtenir un ng princier à la cour de Berlin.

Le roi de Prusse, en échange, accorde au prince ntoine le titre d'Altesse Royale et le rang de

prince puiné de la famille royale.

Le père est général, et son fils, le prince Léopold, est colonel. C'est peu, direz-vous. Mais le prince trouverait sans doute votre observation impertinente, et vous répondrait qu'en fin de compte il fait partie de la famille royale de Prusse, ce qui répond à tout. Les rayons du soleil font partie de l'astre-roi.

Aussi, le prince a-t-il fait un favorable accueil à la demande qui lui a été adressée par le maréchal Prim. Il avait d'ailleurs un précédent qui était pour lui plein d'encouragements. Son frère, Charles de Hohenzollern-Sigmaringen, n'occupet-il pas aujourd'hui, en Roumanie, la place du prince Couza?

Le prince Léopold a donc accepté, et il a certainement obtenu, pour cet acte si important, l'au

torisation du roi Guillaume. Cela est si vrai, qu'à quinze jours de plus, comme il le désirait, dut del'une de ses visites à Paris, le prince, pour rester mander et obtenir l'autorisation écrite du roi de Prusse.

L'intrigue occulte de sa canditature a donc été pour nous une humiliation que la Prusse a cru pouvoir nous faire subir, comme tant d'autres oun'est pas disposée à laisser établir sur toutes ses trages. Mais la mesure est comble, et la France frontières un réseau de sentinelles prussiennes.

Louis XIV représentent la politique du passé. La Les Charlemagne, les Charles - Quint, les Prusse, qni rêve la même domination pour sa dynastie, apprendra que l'Europe ne veut plus voir ressusciter ces pouvoirs, qui n'ont jamais représenté que la force et l'oppression. H. C.

46

LETTRES D'ATTICUS

Au Directeur.

L'ILLUSTRATION, JOURNAL UNIVERSEL

de bonnes raisons pour le dire, des correspon-
dants de journaux très-distingués. Eh bien! s'ils
s'étaient conduits, comme journalistes, ainsi qu'ils
viennent de le faire comme diplomates, ils auraient
été congédiés bel et bien.

Il y a, dans notre état-major, des officiers du
plus haut mérite. Et pourtant... laissez-moi vous

Je cherchais quelles économies on pourrait pra- conter une petite histoire. tiquer dans le budget.

Eh bien ! la politique m'en indiqua une à laquelle personne de nous ne songeait : c'est la suppression des ambassades et des postes diplomatiques.

Au temps de la paix à tout prix, M. Guizot ne faisait qu'une seule recommandation aux diplomates en mission: « Surtout, ne nous faites pas d'affaires; et que nous entendions parler de vous le moins possible. »

M. Guizot aurait pu se dispenser d'une telle recommandation, si, au lieu de laisser partir un diplomate qui ne pouvait être que compromettant, il avait supprimé sa mission.

Vous pensez bien que, une fois affranchis de ce cercle infranchissable de la paix à tout prix, nos agents diplomatiques ont réparé le temps perdu, et n'ont plus songé qu'à « nous faire des affaires, »> pour employer le langage de M. Guizot. Ils sont d'ailleurs trop loyaux pour palper leurs émoluments sans les gagner.

Cherchez une circonstance où un agent diplomatique puisse être utile. En attendant que vous la trouviez, je vais, moi, vous dérouler toute la série des compromis que leur zèle nous attire.

Vais-je commencer par le Mexique? A quoi bon raviver une plaie encore mal fermée? Non : tenonsnous-en aux circonstances présentes.

Nous avions à Pékin un représentant chevaleresque, qui bravait tout, sous prétexte qu'il n'avait peur de rien. Qui vous dit que nos nationaux auraient été massacrés, s'il n'avait pas été là pour mourir à son poste?

un ambas

Nous avions nous avons encore sadeur à Madrid, un autre à Berlin. Depuis un mois, au vu et au su de tous les correspondants de journaux, la candidature du prince Hohenzollern se négociait sous le couvert entre Madrid et Berlin. Si MM. Mercier de Lostende et Benedetti avaient été de simples correspondants de journaux, au lieu d'être des ambassadeurs, cette négociation ne leur aurait pas échappé. Mais ce sont des diplomates, point assez indiscrets pour chercher à découvrir ce qu'on leur cache.

Si nous n'avions pas eu d'ambassadeurs ni à Madrid ni à Berlin, M. le duc de Gramont, ministre des affaires étrangères, n'aurait eu aucune raison de dire à la tribune ce mot chargé de dépit et de menaces : « On nous a tout caché. »

Nous voilà donc, nous, pauvres contribuables, exposés à une guerre sanglante, parce qu'il a convenu à deux diplomates de ne pas voir une candidature prussienue à l'horizon!

Après cette expérience, convenez qu'il est temps de tirer l'échelle de la diplomatie.

Voulez-vous que je vous signale un autre danger, dû à l'existence des ambassades?

Supposons que l'Emperenr ait écrit au roi de Prusse, demandant une réponse prompte et péremptoire.

Si nous n'avions pas eu un ambassadeur à Berlin, le roi de Prusse aurait bien été obligé d'adresser à notre Souverain cette réponse peut-être difficile, mais nécessaire.

Que fait le roi de Prusse, embarrassé et mis au pied du mur? Il donne une audience à notre ambassadeur à Berlin. Et voilà tout aussitôt les complications qui s'aggravent.

Ne vous semble-t-il pas, à voir ce qui se passe, que l'officialité paralyse toutes les facultés de l'homme?

Je ne doute pas que MM. nos ambassadeurs de Berlin et de Madrid ne soient des hommes fort intelligents. Ils seraient certainement, et j'ai

L'état-major prussien a fait, depuis longtemps, une carte stratégique des chemins de fer, trèsdétaillée et très-curieuse.

Un directeur de nos chemins de fer, ayant besoin de faire des études comparatives, demanda si l'on pouvait lui communiquer la carte stratégique des chemins de fer que notre état-major devait avoir dressée à l'exemple de l'état-major prussien.

Nous n'avons rien de semblable, lui fut-il
répondu. Et le directeur de chemins de fer laissa à
l'état-major le document prussien qu'on ne con-
naissait pas.

On se mit à l'étude, bien entendu. Mais la ma-
tière était si nouvelle qu'on fut obligé d'appeler à
l'aide les ingénieurs de nos lignes ferrées.
Vous voyez ce qu'il a fallu pour que nous avons
une carte stratégique de nos chemins de fer.

L'état de l'atmosphère pèse effroyablement sur moi.

On dirait que notre globe, lancé dans l'espace infini autour du soleil qui toujours change de place, traverse en ce moment des régions nouvelles et malsaines.

L'atmosphère est embrasée par des chaleurs sans évaporation. Un vent, sec et énervant comme le sirocco, traverse l'espace, un vent tout à fait inconnu jusqu'ici dans nos climats. Le baromètre est affolé. Tous les jours, l'orage pèse sur nous, et ne tombe jamais. Il semble qu'il n'y ait plus dans l'air assez de détente pour dégager une détonation.

Ah! que toutes les cataractes du ciel s'ouvrent à la fois! que le tonnerre éclate enfin ! Nous souffrirons moins de ses ravages que nous ne souffrons de notre langueur.

Il faut un dégagement à la situation, un grand coup de tonnerre, et que l'averse tombe: nous ne serons pas soulagés à moins.

Dans l'état d'oppression que me cause l'atmossphère, je n'ai goût à rien. Mes yeux fatigués et mon attention allanguie passent d'une lecture à l'autre, sans pouvoir se fixer sur aucune.

Je viens de voir, comme à travers un nuage, que Napoléon 1er déclara la guerre à la Prusse le 30 octobre 1806; et que, douze jours après, la monarchie prussienne s'écroulait sur les champs de bataille d'Iéna et d'Auerstædt.

On allait vite, en ce temps-là, sans télégraphe et sans chemin de fer.

Les Prussiens, aussi bien à Iéna qu'à Auerstædt, se battirent héroïquement. Il fallut les abattre à coups de canon, les clouer sur le sol ensanglanté à coups de baïonnette, les écraser sous les charges de notre cavalerie.

Il est vrai que nous avions alors la supériorité du commandement, l'habitude de la victoire, et puis...

« Restaient ces vieilles bandes espagnoles, » a dit Bossuet dans sa magnifique oraison sur le prince

de Condé.

En 1806, dirai-je à mon tour, restaient ces vieilles bandes de la révolution, que le sentiment de leur invincibilité semblait rendre invulnérables.

Douze jours de campagne pour avoir raison d'une monarchie, — n'ai-je pas fait là un rêve de

malade?

Et je ne sais comment mon esprit énervé flottait
d'Iéna à Rosbach, et de Rosbach à Iéna.
C'était le 5 novembre 1757, dans les plaines de
la Saxe prussienne.

Dans moins d'une heure et demie, les Prus

défir

siens de Frédéric II, au nombre de 22,000,
une armée austro-française de plus de 50
hommes.

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Comment cela s'était-il fait? Eh mon Dieu!c bien simple. La supériorité du commandeme dont je parlais tout à l'heure, avait tout fait. Les Prussiens ont toujours été de très hab manœuvriers, et Frédéric II a été le plus ha sexl de tous.

En revanche, les Françeis étaient comman à Rosbach par l'homme le plus inepte et le présomptueux que la faveur des antichami royales ait jamais placé à la tête d'une armée prince de Soubise.

Pour mieux vous faire comprendre ce qui an à Rosbach et comment cela arriva, voyons ce aurait pu arriver à Solférino.

A Solférino, vous le savez, ce qu'on est con d'appeler le champ de bataille avait une pre deur de sept lieues. Les Français avançaien mesure que les Autrichiens se rapprochaiert leur fameux quadrilatère. Napoléon III cou le soir dans la même auberge où l'empereur d' triche avait déjeuné le matin.

Eh bien! supposez que cette retraite des A chiens à Solférino eût été une mariœuvre, et sous la conduite d'un nouveau Frédéric II, eussent pris l'offensive au point précis où ils laient attirer leurs adversaires. Ils auraient

qué les Français dans leur mouvement de ma che, et sans leur donner le temps de se concen

en ordre de bataille.

Supposez cela, et vous aurez Rosbach, sur si un prince de Soubise commande. Allez les guerres ont leurs destins, comme. livres.

N'est-ce pas là un symptôme, que moi, pour la paix est un culte, et qui suis persuadé que liance des peuples serait inaltérable sans l'int dynastique qui les divise, à leur insu, n'est-ce: dis-je, un signe du temps que je vienne vous ler bataille et stratégie?

Que nous ferait, je vous prie, Hohenzollern tholique occupant le trône d'Espagne, si son e sin protestant n'était pas décidé à ceindre, en: lemagne, la couronne de Charles-Quint?

Les peuples vivaient en paix un intérêt dy tique survient, et voilà la guerre allumée.

O ambition des princes! de quelle quantité froyable de maux vous devez compte à l'hu nité!

Et malgré tout, pourtant, l'oppression.... at sphérique est devenue si insupportable, qu'un co de tonnerre aurait été le bienvenu.

ATTICUS.

LE DESSERVANT DE SAINT-PABU

NOUVELLE (1)
(Suite.)

C'était en juin; le soleil inondait la plage e campagne de ses rayons d'or; les grillons jasa sous l'herbe, l'alouette montait dans l'espace: jetant au ciel et à la terre sa chanson matina les pâtours se renvoyaient la leur du fond des vées et de la crête des roches; les vaches ne glaient longuement en se rendant sur la lande?

dans les fossés des chemins.

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L'abbé, muni d'une sorte d'aumônière de lours noir, râpé jusqu'à la trame, était suivid pauvre homme, boiteux et bossu, qui cumulat Saint-Pabu les fonctions de bedeau, de soncea de cloches, de fendeur de bois et de commissi naire. Ce personnage se nommait Alain; il e père de dix enfants; les plus petits, jouant roulant dans la poussière ou sur le sable aînés, gardant les oies, les moutons, ramass de la fougère sèche, taillant des mottes dans la renne. La mère de cette nombreuse famille res tout le jour dans sa maison délabrée à filer, a

(1) Voir les No 1427, 1428,

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fe de 22,000.

de plus de

Eh mon Die

coter, à faire de la bouillie, tout en allaitant et en bercant son dernier né.

C'était une rude vie; mais elle ne se plaignait jamais, la courageuse ménagère, car elle n'avait jamais douté de la parole du Christ, qui a promis le royaume du ciel à ceux qui souffrent.

Alain n'était pas tout à fait aussi résigné que sa

lu comma compagne; il se laissait parfois aller à murmurer

avait tout fr

contre la destinée, mais si bas que Marie-Ange ne

été de très pouvait l'entendre, ni l'abbé Le Gwen non plus. a été le pla Seulement, lorsqu'il se sentait pris de mélancolie, il gagnait, par un long détour, la porte du débit taient com de tabac où se balançait un bouchon de houx flétri; il se glissait furtivement à l'intérieur, mettait un des antic sou sur le comptoir sordide, avalait à la hâte un ête d'une a petit verre de vin ardent, et se sauvait de son pied

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En se mettant à la suite de l'abbé, Alain s'était précautionné de deux grandes besaces vides, car les dons en nature étaient toujours les plus nombreux.

La première porte qui s'offrit au desservant fut

celle du forgeron.

En voyant l'abbé et son bedeau, l'artisan matinal abaissa son marteau levé sur l'enclume, et le salua d'un gai bonjour.

Le desservant lui expliqua, sans préambule, les raisons qui lui faisaient avancer l'époque de sa quête; il n'y avait plus un quartaut de blé à la maison, ni cinq francs vaillant dans le tiroir de la table.

Le forgeron appela sa femme, lui répéta les paroles de l'abbé, et celle-ci alla prestement retourner les poches de sa jupe des dimanches suspendue au panneau du lit de chêne, puis elle revint mettre dans la main du prêtre une pièce de vingt sous toute neuve en lui adressant une révérence et un sourire.

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Merci, monsieur le recteur, et bonne quête !... l'année est rude, mais les cœurs ne sont jamais fermés à Saint-Pabu, lui cria la femme d'un accent cordial, tandis que le mari recommençait à battre le fer en cadence.

Le vieillard s'arrêta de même à toutes les portes, entrant résolument lorsqu'elles étaient ouvertes; les poussant du bout de son bâton noueux quand elles étaient closes, et n'en épargnant aucune, car il savait quelle injure c'eût été faire au plus pauvre de ses paroissiens que de passer droit, sans tendre la main à son offrande.

Partout, malgré les circonstances défavorables où il se présentait, il trouva le même accueil. Les quelques fermiers ou propriétaires aisés de la commune mirent de l'argent dans son escarcelle, les autres jetèrent dans le sac d'Alain : qui, un paquet de filasse ou de chanvre; qui, un quartier de lard, un pot de beurre, un bloc de saindoux rance, un paquet de chandelles, une brique de savon; des pommes de terre, du froment, du blé noir, un bout de toile, des sabots, des bas de laine, un mouchoir.

Une fillette de quatorze ans courut après lui et lui offrit, en rougissant, deux fuseaux de fil de lin destinés à tisser la toile d'une fine gorgerette. Le bon abbé voulait refuser, mais la fillette glissa ses fuseaux dans la besace du bedeau et se sauva, les sabots à la main, pour mieux courir.

La tournée était finie et Alain devait aller, le lendemain, chercher ce dont il n'avait pu se charger immédiatement. Jamais la quête n'avait été plus abondante; le desservant en était ému jusqu'aux larmes.

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- Tu le vois, disait-il à Alain, pliant sous le poids de ses besaces pleines, la charité fait toujours des miracles comme au temps des pains et des poissons de l'Evangile. Là où il y a famine et peine, Dieu met nourriture et joie. Quand chacun donne, tous sont aidés et secourus. Voilà de quoi reconforter bien des travailleurs exténués de besoin, et ramener le rire aux lèvres pâles des petits enfants qui pleurent autour des huches vides.

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Et vous, monsieur le recteur? fit Alain.

Ne t'inquiète pas, j'aurai ma part de cette récolte. Cela commence déjà, car la joie rassasie, vois-tu. Quelle bonne paroisse! comme ils s'aiment, ces chers enfants que le bon Dieu m'a don nés !... Allons, mon brave Alain, un peu de courage; tâchons d'arriver avant l'heure de l'Angelus. Tout en parlant ainsi, l'abbé se dirigeait vers un sentier sablonneux, voulant revenir par la

grève afin de rafraîchir son front au vent de mer. Mais à peine eut-il fait quelques pas dans cette direction, qu'il s'arrêta court et dit au sonneur : Il ne faut pas que nous passions devant la porte de Marion. La bonne vieille est si misérable que ce serait conscience de quêter chez elle, surtout avant le temps.

--

C'est vrai, fit Alain, mais elle saura demain que M. le recteur a quêté, et elle sera chagrine car elle veut toujours donner sa part.

Tu as raison, Alain, elle serait peut-être humiliée. Attends-moi là, sur la banche, je vais aller voir si elle est dans sa masure.

La Marion avait près de quatre-vingt-dix ans; elle était quasi aveugle, mais pas du tout sourde. Elle vivait seule, entre les quatre murs à demiécroulés d'une ancienne cabane de douaniers isolée au bord des dunes gazonnées qu'on nomme banches dans cette partie du littoral breton. Veuve d'un préposé des douanes, mort avant qu'elle eût droit à une pension, elle avait travaillé tant que ses forces le lui avaient permis, et avait élevé, jusqu'à l'âge de vingt ans, deux robustes garçons. Mais alors qu'ils commençaient à la faire vivre à leur tour, ils lui avaient été pris, l'un par la mer, l'autre par une fièvre aiguë.

De ce jour, la Marion n'avait plus voulu quitter la cabane d'où elle avait si souvent contemplé le bateau de pêche de son aîné, et quand elle s'éloignait de la banche, ce n'était que pour aller au cimetière prier sur la tombe de ses fils.

Devenue vieille et infirme, elle vivait d'aumônes, filait encore quelques quenouilles d'étoupes, et disait soir et matin son chapelet, assise sur ses talons au bord des dunes ou dans sa hutte.

Dès que l'abbé Le Gwen mit le pied sur le seuil la Marion tourna son regard éteint vers la porte et demanda qui était là.

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Viens lui demander pardon et la remercier à la chapelle, pendant qu'Alain sonnera la cloche; viens, ma fille.

Un instant après, l'Ave Maria chanta dans le pauvre clocher et alla dire l'heure du repos aux habitants de Saint-Pabu.

Ce soir-là, après le départ du bedeau, il y eut une longue conférence entre le desservant et sa gouvernante. On étala les provisions; on compta. les sous et les pièces blanches; on discuta l'urgence de tel ou tel besoin. Toinon dit la part qu'il fallait mettre en réserve pour le ménage; l'abbé celle des pauvres, qu'il essayait toujours de grossir, tout en ayant l'air de céder à son ministre de l'intérieur; puis l'on s'alla coucher, le cœur débordant de joie et de gratitude.

L'abbé Le Gwen s'apprêtait à souffler sa petite lampe, quand un pli, scellé d'un large cachet violet et placé sur la petite table qui lui servait de bureau, attira son attention.

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Le pauvre prêtre s'assit au bord de son lit, fit sauter le cachet armorié et alla vite aux dernières lignes de la missive épiscopale; mais à peine les eut-il parcourues qu'il devint pâle comme un mort et se mit à trembler de tous ses membres; puis, tombant à genoux devant son crucifix, il Huit jours au plus, Marion. Ce soir j'arrive appuya sa tête dans ses mains et resta là, sans de ma quête.

Le bon Jésus vous bénisse, monsieur le recteur! voilà longtemps que vous n'êtes venu par ici.

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Je serai peut-être morte; si ce n'était pas cffenser le bon Dieu, je dirais je l'espère. Pourquoi ne point faire comme tout le monde? Ils ont donné, la Marion donnera. Je sais qu'il y a encore au mur une poupée d'étoupes, prenez-la, monsieur le recteur; peu vaut mieux que rien.

L'abbé Le Gwen voulut résister.

Est-ce que vous auriez dessein de faire pleurer mes pauvres yeux à présent, monsieur le recteur?... Ils n'ont plus de larmes, allez! Tenez, si vous êtes pitoyable à la Marion, prenez son étoupe et dites demain à la messe une prière pour ses enfants. Pauvres chers! il y a longtemps qu'ils dorment là-bas !

Et la vieille indiquait d'un geste éloquent la colline de sable où s'étageaient autour de l'église les humbles tombes de Saint-Pabu.

Elle n'avait pas besoin d'y voir pour cela; son cœur lui disait toujours de quel côté se dressait la croix du cimetière.

mouvement.

(La suite prochainement.)

ÉLISA FRANCK.

BIBLIOGRAPHIE MUSICALE

Editions bijou des opéras célèbres (Alphonse Le Duc, éditeur, 35, rue Le Peletier).

L'éditeur Alphonse Leduc publie les œuvres les plus célèbres au théâtre dans une édition in-octavo qui donne la partition avec chant et piano. Ce petit format, dans lequel la musique gravée se détache nettement des lignes de la portée, a su conserver, dans les parties de l'accompagnement, la plus grande clarté. C'est donc une bibliothèque nationale des plus élégantes et des plus commodes que M. Alphonse Leduc offre au public. Voici Les Noces de Figaro, Don Juan, le Barbier de Séville, Norma; c'est-à-dire les classiques de la musique. Je ne puis qu'approuver ces éditions bijou des partitions; ce sont des volumes qui doivent prendre rang sur les rayons d'une bibliothèque, à la suite des œuvres du génie humain. Et pourquoi la musique serait-elle séparée de la poésie ou de la littérature? Pourquoi n'entre-t-elle pas à son rang dans des casiers, à côté des autres ouvrages? Une partition n'est qu'un livre, après tout: elle contient la pensée, le sentiment, l'âme d'un poète, comme un volume de poésie; le tout est de savoir y lire.

Il faut bien le dire, peu de gens la connaissent, cette langue de la musique, peu de gens rassemblent ces sept notes, cet alphabet si restreint et pourtant si varié, et l'écoutent parler. Pour la com

prendre, cette langue, il faut qu'un instrument la fasse vibrer à nos oreilles; elle a besoin d'un interprète; la faute en est à notre éducation musicale; je connais peu de gens, j'entends même parmi des instrumentistes fort remarquables, qui sachent lire une partition; s'ils n'ont pas un piano qui les aide, elle est muette pour eux. Je voudrais qu'on ouvrît les Noces de Figaro, de Mozart, et le Barbier de Séville, de Rossini, comme les pièces de Beaumarchais, et que la phrase du musicien résonnât à l'oreille du lecteur comme la phrase de l'écrivain. Je voudrais enfin que cette partition comme un livre. Nous n'en sommes pas là, malheureusement: ce que nous apprenons le moins, en France, c'est la musique vocale, et pourtant c'est cette éducation seule qui fait le véritable musicien. Mais celuilà qui jouit pour luimême de ses propres études, qui se fait pour ses propres jouissances et ses jouissances intimes une bibliothèque tout entière qu'il emporte avec lui, qui peut mettre dans son bagage de voyageur Mozart à côté d'Alfred de Musset, Rossini à côté d'un volume de Voltaire, Glück auprès d'un tome de Racine, celui-là, dis-je, est

fût

rare. Heureux homme il sait la musique pour lui, mais

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pour lui seul. Et qui donc lui a donné ce plaisir, cette joie de pouvoir faire parler ces notes écrites sur cinq lignes? Le solfége, que nous abandonnons tant, et sans lequel il ne peut y avoir de vraie instruction musicale. Je vois donc, dans ces volumes que M. Alphonse Leduc nous envoie, une bibliothèque musicale, et ce que je lui désire ce sont des lecteurs. Mais que M. Leduc, l'éditeur, se rassure sur son entreprise, je crois pouvoir répondre de son succès auprès des pianistes, et ils sont nombreux.

M. SAVIGNY.

L'ILLUSTRATION, JOURNAL UNIVERSEL

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Vue générale de la ville de Blois, prise de la rive gauche de la Loire. D'après la photographie de M. Mieusement.

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LA HAUTE-COUR DE JUSTICE.

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rapport, en date du

4 mai dernier, au ministre de la justice, M. le procureur-général Grandperret,

sans entrer dans le
détail des faits ni dans
l'examen des charges

spéciales à chaque

inculpé, a donné de
l'affaire un apercu
d'ensemble qui la fait
connaître suffisam-

inent. Ce document
nous appartient. Il
nous est donc loi-
sible de le passer suc-
cinctement en revue,
et c'est ce que nous
allons faire.
Grâce aux réu-

nions publiques, y voyons-nous, les révolutionnaires ardents s'étant reconnus, purent se rapprocher pour organiser une insurrection et préparer un attentat contre la vie de l'empereur. La police constata leurs réunions secrètes. Que se passait-il dans réunions? Un

ces

des affiliés, nommé Verdier, voulant se dégager de l'entre

prise, alla à la préfecture de police et révéla tout. Il dit que l'on y discutait les moyens pratiques de faire la révolution ; que le jour de l'enterrement de Victor Noir, l'indécision des chefs avait empêché le mouvement, auquel Blanqui était opposé; mais que, depuis, le parti Blanqui avait fusionné avec l'autre; qu'un comité d'action et un

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