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COURRIER DE PARIS

Cent ans de philosophie et trente ans de chemins de fer n'ont point amené ces résultats de fraternité universelle qu'espéraient les rêveurs. Cela étant, il n'y a plus, ce me semble, qu'à s'incliner; il faut même, malgré qu'on en ait, admirer dans la guerre quelque chose de surnaturel. Au milieu des pourritures physiques et morales qu'accumule une société d'affaires, d'intérêts, de marchandage, à côté des petits crevés sans cœur, des cocottes écœurantes et admirées, à côté des tripoteurs, des viveurs et des caissiers filants, comme de simples étoiles, il est peut-être salutaire de voir de grands exemples de renoncement, de désintéressement, d'héroïsme inconscient. Ce n'est pas sans émotion, je vous jure, qu'on songe à ces enrôlements volontaires, dont le crayon d'un de nos collaborateurs a retracé l'aspect enthousiaste! Certes, ce n'est ni l'amour du loisir, ni l'espoir de la fortune qui pousse ces jeunes gens à quitter leurs amis, leur demeure, leur gagne-pain, en échange d'une gloire anonyme et d'un résultat problématique. Ils savent ce qui se cache derrière leur sacrifice et ils partent tout de même. C'est que la grande voix de la patrie a parlé : l'ombre des volontaires de 1792 plane sur ces enfants qui s'en vont joyeusement, et dont la martiale gaieté donnerait de la confiance aux plus sceptiques.

nom français. Le fils d'un de mes amis, qui avait
été Prussien tout le jour, pleurait de rage le soir...
Que voulez-vous? l'honneur moderne est encore
beaucoup plus sauvage que nous ne le pensions
il y a un mois seulement.

Si préoccupé, à bon droit, que Paris soit de la
guerre, la mort sinistre de Prévost-Paradol a
douloureusement atteint tous ceux qui pensent et
qui réfléchissent. Disparaître ainsi, frappé de sa
propre main, au moment où il venait d'atteindre
un de ses rêves secrets, en pleine fortune, en
pleine jeunesse, en pleine santé! Ce sont là des
mystères affreux dont on n'ose sonder la profon-
deur.

Tout, dans la personne, dans le talent, dans la vie de Prévost-Paradol, semblait écarter l'idée de cette fin tragique! Qui ne l'avait rencontré, le matin, galopant dans l'avenue de l'Impératrice, correct, élégant, un peu raide, l'air anglais et puritain? J'ai sous les yeux une carte qu'il m'avait envoyée quelques jours avant son départ, pour me remercier d'un article paru dans le Figaro, oû j'avais essayé de le défendre contre la jalousie cachée et la sévérité hypocrite qui avaient salué sa nomination au poste d'ambassadeur.

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devant quelles responsabilités a-t-il reculé, jusque
dans une mort volontaire? On ne le saura pas
sans doute.

« Je suis très-touché, me dit-il, de votre équité « d'aujourd'hui et de la citation de la lettre dans laquelle j'ai rectifié autrefois le rapport du mi«nistre qui a supprimé le Courrier du Dimanche. » L'écriture de ce billet est aussi anglaise, allongée, un peu tremblée. Peut-être, pour ressembler tout à fait aux fils d'Albion, qu'un grand fond C'est dans le même ordre de sentiments que la de spleen se cachait sous la nature brillante de ce Marseillaise a excité des ardeurs dont nous pen-parfait gentleman. Il était lassé du journalisme; sions avoir perdu le secret : l'Opéra, théâtre des dilettanti et des blasés, s'est réveillé à ce chant qui sent la poudre, et ces voix qui d'ordinaire murmurent paresseusement brava! brava! s'égosillent à pousser des cris d'admiration. Mme Marie Sass et surtout M. Faure ont chanté en maîtres cet hymne de Rouget de Lisle, dans lequel vibre, depuis la Révolution, l'âme de la France. Chose étrange, en effet analysez à froid, couplet par couplet, les paroles de la Marseillaise, vous n'y trouverez que de mauvaises rimes, des idées banales et quelques vers absolument incompréhensibles. Mais quand la musique emporte dans son vol vers boiteux et strophes comiques, on ne songe plus qu'à des choses sublimes, on est entraîné hors de l'orbite de la vie ordinaire, on ne rêve que cœurs enflammés, mains tendues, armes caressées comme un espoir de vengeance. Le sculpteur Rude a fait une Marseillaise de pierre qui correspond exactement à la Marseillaise notée : la postérité ne les séparera point.

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Après la période de l'élan, voici que nous entrons, relativement à la guerre, dans la période des réflexions et des hypothèses. A chaque vitrine de papetier ou de libraire s'amassent les ouvriers, examinant, comme des experts en stratégie, la position des armées respectives, indiquée par de pe tits drapeaux en fer-blanc colorié. (S'il est colorié, il n'est plus blanc, me disent les grincheux. J'en conviens, mais c'est la faute de la langue française et non la mienne.) On évalue les distances; on se dit que la route est facile de la frontière à Berlin. Ce sont de petits conseils de guerre ambulants, où l'on débite quelques sottises, mais où éclate encore la rassurante confiance d'un pèuple aimé de la victoire, dont le drapeau, blanc ou tricolore, a flotté sous tous les cieux.

Dans les pensions, les enfants jouent à la bataille, entre Prussiens et Français, toujours au chant de la Marseillaise. Mais comment trouver des Prussiens? Il faut tirer au sort; et les pauvres victimes se laissent vaincre, pour l'honneur du

Prévost-Paradol était le plus jeune des membres
de l'Académie française; il avait succédé en
1865 à J.-J. Ampère sur le fauteuil illustré par
Bossuet, dans de moindres proportions, par le
cardinal de Polignac, un diplomate heureux,
celui-là, et par le poète Lemierre, celui de la
Veuve de Malabar.

Je pense qu'on a vu peu d'académiciens se sui-
cider en ce siècle; je ne sais guère que le critique
Auger, qui ait eu recours à ce douloureux re-
mède pour se guérir de la maladie de la vie. La
position d'Auger avait quelques lointaines analo-·|
gies avec celle de Prévost-Paradol. Comme il
appartenait à la commission de censure, et que
la faveur administrative n'avait pu être étrangère
à son entrée à l'Académie, l'opposition de ce
temps-là prenait volontiers le pauvre Auger pour
cible de ses railleries; quoique riche et heureux,
selon le monde, il était en proie à une maladie de
nerfs qui finit par lui rendre l'existence insup-
portable.

Il disparut un jour de chez lui; et, six semaines
après, on retrouva son cadavre sur les bords de
la Seine, près de Meudon.

Les suicides diplomatiques sont fort rares aussi. Après lord Castlereagh qui se coupa la gorge avec un rasoir, il y eut le comte Bresson, qui alla de lui-même chercher le grand peut-être. Ce comte Bresson avait eu une grosse part dans le mariage du duc d'Orléans, et surtout dans celui du duc de Montpensier. On lui savait beaucoup de gré d'avoir rétabli des relations amicales entre la France et la Prusse, qui nous gardait rancune de la révolution de 1830. En revanche, ses négociations pour les mariages espagnols lui valurent beaucoup de critiques. Il tomba dans une sorte de disgrâce, et, relégué à Naples, il s'y donna la mort à la fin de l'année 1847.

Tout ceci, je l'avoue, n'est pas d'une gaieté prodigieuse, mais il me semble qu'on n'a pas précisément le cœur aux gaudrioles en ce moment. Si quelque chose pouvait nous dérider, ce serait l'histoire étrange du complot qui se juge en ce moment à Blois.

Comme l'a dit un des accusés, Italien d'origine : « On ne sait pas conspirer en France. » Il est d'ailleurs à remarquer que bien rarement complot, conspiration ou conjuration, comme vous voudrez, est arrivé à bon port. La Réstauration a

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survécu à je ne sais combien de tentatives isolée.
de ce genre. Sous Louis-Philippe, les sociétés se-
crètes n'ont jamais obtenu d'autres résultats que
des échauffourées. Les révolutions se font sans cela.
Au reste, il faut avouer que si les complots n'a-
boutissent point, c'est qu'à peu de chose près, la
police est généralement fort au courant de ces
entreprises. De là, sans doute, est venue la légende
parisienne sur l'influence et les ressources de la
police.

Je mets en fait que le budget de la préfecture
ne suffirait point à payer tous les affiliés occultes
qu'on lui suppose.

Il n'est pas d'accusation plus familière, plus fréquente: « Un tel, mais il est de la police. » Il me semble, au contraire, que la préfecture n'a pas assez d'agents, et que ceux qu'elle emploie méri tent une couronne civique.

Au lieu de cela, on les taquine, on les injurie, on les dédaigne, et sans s'en apercevoir, on se met du côté des voleurs et des escarpes contre eux.

C'est à peu près le mot de cet ouvrier qui fête la Saint-Lundi, et qui, ne pouvant retenir un de ses camarades, lui crie avec l'expression d'un profond mépris:

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Faignant! J'parie que tu vas travailler.
Un autre côté comique, dans ce procès de Blois,
c'est la rapidité avec laquelle certains avocats, qui
ne voyaient dans ces débats qu'un prétexte à ré-
clame, qu'une occasion de candidature aux élec-
tions prochaines ont abandonné leurs clients lors.
qu'ils ont vu que l'attention publique se portait
d'un autre côté.

M. Rochefort obéit probablement au même sen-
timent, en retirant de la circulation son journal.
la Marseillaise. Ah! dame! les moments comme
celui-ci sont une rude épreuve pour les vaniteux,
et l'on ne pense guère à Monsieur tel ou tel,
quand on tend l'oreille du côté du Rhin.

Comme M. Courbet doit se réjouir d'avoir produit son effet avant ce grand cataclysme des querelles privées et des questions personnelles.

On attribue un mot bien typique au maître-peintre d'Ornans : la premi re fois qu'il rencontra M. Daumier le caricaturiste, qui, lui aussi, venait de refuser la croix, mais sans faire la moindre banque, il le complimenta chaudement; puis, tout à coup :

-

Tenez, Daumier, lui dit-il, je ne comprends pas que vous n'ayez point fait de tapage, comme moi, avec votre refus.

Je connais un autre exemple de persistance bien original; la chose se passe en 1848. M. Charles Blanc, alors directeur des Beaux-Arts, était fort sollicité pour l'établissement d'une méthode artistique nouvelle. Je ne vous dirai point laquelle, afin d'éviter les réclamations.

Accablé d'affaires et peut-être antipathique à l'innovation en question, M. Charles Blanc en remettait toujours le promoteur à un autre jour.

On arrive aux journées de juin; le canon tonnait chacun songeait avec anxiété à la lutte engagée: notre apôtre se dit que, pour sûr, M. Charles Blanc ne sera pas occupé ce jour-là, et le voilà accourant à la direction des Beaux-Arts.

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HISTOIRE DE LA GUERRE

L'ILLUSTRATION,

En commençant le récit de la guerre qui vient d'éclater entre la Prusse et la France, il est presque superflu de rappeler l'origine d'un conflit, depuis longtemps prévu. On peut dire que la candidature du prince Léopold de Hohenzollern à la couronne d'Espagne a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase.

Chacun se rappelle la longue liste de griefs que la Prusse se plaît à accumuler depuis quatre ans, comme pour mettre à bout notre patience. Pourrions-nous avoir oublié : l'exploitation de la victoire de Sadowa, poussée jusqu'à la spoliation; les souverains dépossédés; les nationalités confisquées; l'article 5 du traité de Prague dédaigneusement mis à l'écart; les garanties d'indépendance stipulées en faveur des puissances secondaires de l'Allemagne du Sud outrageusement violées; la forteresse de Mayence usurpée par l'armée prussienne; des traités militaires négociés et imposés au mépris de tous les droits; l'envahissement progressif érigé en système, l'emploi de tous les moyens pour réussir jeté comme un défi à la face de l'Europe; enfin, l'usurpation et l'arrogance sous toutes leurs formes intronisées dans la politique, de manière à placer irrévocablement la France au second rang?

Telle est l'arrogante préface que l'histoire donnera au récit de cette guerre. Arriver, par la domination de l'Allemagne, à la domination du continent européen; refaire, en un mot, contre la France et au profit de la Prusse, l'empire de la maison d'Autriche; c'est là incontestablement le but poursuivi à outrance et par tous les moyens par le gouvernement de Berlin, et c'est là une politique que nous ne pouvions laisser consolider à nos portes, sous peine de nous résigner au rôle de puissance de second ordre.

Les guerres de la monarchie ont eu pour résultat de mettre un terme à la prépondérance de la maison d'Autriche. La guerre actuelle est entreprise pour mettre un terme aux visées ambitieuses de la Prusse, pour rendre l'Allemagne à ses légitimes aspirations, et pour assurer à la France la place qu'elle a jusqu'à présent occupée en Europe. C'est donc avec raison que l'Empereur a pu dire, dans sa proclamation :

« Le glorieux drapeau que nous déployons encore une fois devant ceux qui nous provoquent est le même qui porta à travers l'Europe les idées civilisatrices de notre grande Révolution. Il représente les mêmes principes; il inspirera les mêmes dévouements. »

L'opinion était si bien pénétrée chez nous de la nécessité de cette lutte, que la déclaration de guerre a été partout accueillie avec enthousiasme et avec les démonstrations du plus ardent patriotisme. Le pays tout entier sentait sur notre frontière la pointe du fusil à aiguille, et il lui tardait de montrer que la France n'était pas disposée à subir le joug de la Prusse.

JOURNAL UNIVERSEL

l'heure où nous écrivons, de 115,000 hommes ! Une armée, en huit jours! Ce mot dit tout.

Paris, depuis le jour de la déclaration de guerre, a la fièvre. Les villes montrent, dans les départements, le même en'raînement. Partout, à la Cour, dans les rues, au théâtre, on chante l'hymne sacré des grands jours, la Marseillaise. Les départs de l'armée, à Paris, se sont faits au milieu d'une émotion indescriptible, et l'accueil fait à nos soldats par les départements de l'Est a prouvé combien étaient encore vivaces chez nous les souvenirs de l'invasion.

Des souscriptions patriotiques ont été ouvertes de tous côtés, et le chiffre des souscriptions temoigne des sympathies et du dévouement des populations pour l'armée.

A ces élans de patriotisme sont venues se joindre les préoccupations produites par les armements nouveaux. Toute discussion sur les éventualités de la guerre aboutit forcément à l'énumération des engins de guerre perfectionnés que la France et la Prusse peuvent mettre en présence.

Les réserves de toutes armes ont été rappelées. La garde nationale mobile est appelée à un service actif, et les bureaux d'engagements ont été ouverts à Paris et dans les départements. Le chiffre des enrôlements ne dit-il pas, d'un seul mot, l'impulsion patriotique du pays? Il est, à

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notamment aux principes posés dans la déclaration du congrès de Paris du 16 avril 1856, savoir: 1o La course est et demeure abolie.

2o Le pavillon neutre couvre la marchandise ennemie, à l'exception de la contrebande de guerre.

3o La marchandise neutre, à l'exception de la contrebande de guerre, n'est pas saisissable sous pavillon ennemi.

4o Les blocus, pour être obligatoires, doivent

Les services rendus par le fusil à aiguille à la être effectifs, c'est-à-dire maintenus par une force Prusse sont connus de tout le monde.

On sait qu'à Konigsgrætz on a compté six mille morts autrichiens contre deux mille prussiens. On sait qu'à Sadowa la bataille a été, pour l'Autriche, dix fois plus meurtrière que pour la Prusse, et l'on se demande de quel côté sera, dans la guerre actuelle, la supériorité de l'armement. La science est pour la guerre, comme pour le travail, la fée du siècle, et le public cherche à bien connaître ce que cette fée a fait pour nous.

Sur ce point, l'attention est donc vivement surexcitée, et l'on peut dire que les populations ne s'entretiennent que des progrès accomplis par notre génie militaire. Question capitale; car de la réponse qu'on lui fait dépend le moral de l'armée, disons mieux, le moral du pays.

Nous devons donc insister sur cette question, car si Montesquieu prend la peine de nous montrer l'infériorité de l'armement gaulois contre l'armement romain, c'est qu'il y a trouvé la cause de notre défaite après dix ans de lutte.

A cet égard, nous sommes heureux de pouvoir constater que notre arme principale, le chassepot, a donné, dans toutes les expériences faites, des résultats très-supérieurs au fusil à aiguille :

1o Il pèse moins;

2o Il porte plus loin;

3o 11 tire plus juste;

4o Il donne douze coups contre huit; 5o Il s'encrasse moins.

L'avantage est donc incontestable.

Or, ce que nous venons de dire du chassepot, nous pourrions avec autant de vérité le dire de nos canons rayés, de nos mitrailleuses, de nos vaisseaux cuirassés et de nos torpilles. Notre armement est reconnu supérieur à l'armement prussien, et cette confiance est aujourd'hui partagée par l'armée et les populations.

Là repose, ne l'oublions pas, l'espoir de la grande campagne qui commence. Napoléon Ier avait coutume de dire que la confiance du soldat entrait pour trois quarts dans la victoire.

A ce sujet, nous devons consigner ici un fait qui attirait, la semaine dernière, l'attention de la presse et du Corps législatif.

On se rappelle qu'en 1868, il a été signé à SaintPétersbourg une convention afin d'exclure l'usage des balles explosibles. A cette convention ont adhéré toutes les grandes puissances, ainsi que plusieurs États secondaires. Mais le grand-duché de Bade n'avait pas suivi cet exemple. A Paris, on se préoccupait beaucoup de savoir s'il y adhérerait en vue de la guerre actuelle.

suffisante pour interdire réellement l'accès du littoral de l'ennemi.

Bien que l'Espagne et les États-Unis n'aient point adhéré à la déclaration de 1856, les vaisseaux français ne saisiront pas la propriété de l'ennemi `chargé à bord d'un vaisseau américain ou espagnol, à moins que cette propriété ne soit contrebande de guerre.

Des explications ayant été demandées à ce sujet par le cabinet des Tuileries à celui de Carlsruhe, la réponse a été affirmative. Les balles explosibles resteront donc proscrites à la grande satisfaction de tout le monde. Un engin qui tue à tout coup devait être aboli par les lois de la guerre. Hélas! ne nous reste-t-il pas l'emploi des mitrailleuses et des torpilles?

Nous devons encore consigner ici deux actes qui se rattachent essentiellement aux événements qui vont se produire. Nous voulons parler du droit des neutres et des fortifications de Paris.

Le gouvernement de l'Empereur a donné des ordres pour que, dans la poursuite de la guerre, les commandements des forces françaises de terre et de mer observent scrupuleusement, vis-à-vis des puissances qui demeureront neutres, les règles du droit international, et pour qu'ils se conforment

Le gouvernement de l'Empereur ne compte pas non plus revendiquer le droit de confisquer la propriété des citoyens américains ou espagnols qui serait trouvée à bord des bâtiments ennemis.

Quant aux fortifications de Paris, il eût été imprudent de laisser sans canons un système de défense qui nous a coûté si cher. Berlin est une ville ouverte, et Paris est aujourd'hui la ville la plus fortifiée de l'Europe. Il est donc sage d'user de tous nos moyens.

Le ministre de la guerre a ordonné que l'enceinte fortifiée de Paris et les forts extérieurs fussent mis immédiatement en état de défense et armés.

Ces travaux, qu'annonce aujourd'hui le Journal officiel, semblent gigantesques au premier abord, puisqu'il s'agit d'une enceinte de vingtsept lieues d'étendue, percée de cent portes, et d'une ceinture de forts détachés dont quelquesuns, comme celui du Mont-Valérien, sont de véritables villes; mais toutes les éventualités ont été prévues de longue main ; des dispositions ont été prises, au commencement même des constructions, pour mettre l'enceinte à l'abri des escalades, pour garnir promptement d'artillerie les faces et ies plans terrassés, pour compléter l'armement des ouvrages detachés. Il n'y a plus qu'à déblayer certaines parties des fossés, actuellement comblées, mais construites, et à établir aux barrières où les parties remblayées se trouvent des pouts-levis, dont toutes les pièces sont en magasin.

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En ce qui concerne les chemins de fer, les portions qui franchissent les fortifications de Paris sont organisées de manière à pouvoir être transformées en ponts tournants, qui laisseront la circulation libre ou l'entraveront à volonté.

C'est le général Chabaud-Latour qui a la direction supérieure des travaux défensifs qu'a prescrits le ministre de la guerre. C'est un des officiers les plus distingués du génie, élève de l'École polytechnique, dont il sortit le premier en 1822.

Le général Chabaud-Latour est un de ceux qui ont conçu les premiers l'idée des fortifications de Paris, qui en ont tracé le plan et en ont dirigé l'exécution.

Ces préliminaires bien établis, évaluons les forces que la France met tout d'abord en ligne.

Nous ne donnons ici, bien entendu, que l'exposé général de notre armée de terre et de mer. Avionsnous besoin d'une loi, promulguée à grand fracas, pour savoir qu'on ferait acte de mauvais citoyen en révélant les mouvements des différents corps de notre armée ?

Nous nous contentons de mentionner ici le commandement de la flotte, qui a été donné au viceamiral Bouët-Willaumez. Nos vaisseaux auront certainement un grand rôle à jouer dans la mer du Nord; mais chacun comprend que les événements seuls pourront nous édifier sur la mission confiée à notre amiral. Nous n'ajouterons ici qu'un mot, c'est qu'on s'attend, du côté de la Baitique, à un coup de tonnerre.

L'armée de terre est divisée en huit corps, dont

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tonnage de 42,825 et d'une force nominale de | tage ou crépis à la chaux; des pelouses, des allées 7,892 chevaux. vertes, des boulingrins. La vie, plus active que dans la campagne, s'y révèle par des cabriolets, des tilburys, des carrioles de légumes, des boutiques ambulantes traînées par un ane, offrant l'appåt tentateur de leurs poteries, de leurs paniers, ou de la menue mercerie qu'elles étalent aux regards curieux des ménagères.

Cette force maritime, insuffisante pour faire une guerre offensive, est néanmoins respectable pour la défense des côtes et des ports prussiens dans les mers du Nord et de la Baltique.

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Y. K.

LE DESSERVANT DE SAINT-PABU

NOUVELLE (1)

(Suite)

L'abbé Le Gwen employa très-peu de temps à son repas et à sa toilette. Il refusa le morceau de lard que Toinon voulait lui faire griller, se tailla dans la miche de seigle une large tartine qu'il beurra et plia en deux, et l'enveloppa d'un papier; rajusta son rabat, laça ses gros souliers, prit son bréviaire, son bâton de houx, et sortit gaillardement de la maison en faisant un signe amical à Toinon, qui lui, courait après, une brosse à la main, pour donner à son unique soutane un certain air de propreté, à défaut du lustre effacé, et que nul effort n'eût pu raviver.

L'abbé était parti à neuf heures du matin de Saint-Pabu; il atteignit les faubourgs de la ville vers six heures du soir, n'ayant fait qu'une seule halte à mi-chemin pour manger sa tartine et prendre une écuelle de cidre.

Malgré son âge il allait du pas d'un soldat vigoureux, s'aidant à peine de son bâton, soutenu qu'il était maintenant par l'espoir de réussir dans sa tentative hardie. Et, comme si le digne homme eût eu besoin de justifier à ses propres yeux cette détermination, née d'un sentiment tout paternel, il se disait qu'agir en ce sens était, après tout, agir dans l'intérêt de ses paroissiens, auxquels un pasteur plus jeune, étranger au pays, ne saurait parler la langue du cœur. Pas une seule fois il n'en vint à penser que sa mort, sinon son départ, n'en vint à penser que sa mort, sinon son départ, amènerait un jour le même deuil; le bon abbé ne s'occupait jamais de trop de choses à la fois. Complétement rassuré sur l'issue de la conférence qu'il allait avoir avec son évêque, le chemin lui parut court jusqu'aux premières maisons de la ville, mais quand il vit se dresser tout près de lui, comme deux fantômes sombres, les tours de granit de la cathédrale, il fut pris d'un tremblement involontaire et son cœur, si vaillant tout à l'heure, sembla s'être tout à coup entouré d'une couche de glace. Ses lèvres devinrent sèches, et ses paupières tourmentées par un picotement particulier, clignotèrent de telle sorte que ce fut presque à tâtons qu'il vint heurter la première marche du perron de l'évêché.

Au détour du chemin se dressait un calvaire en bois, nu et pauvre comme tout ce qui était à Saint-Pabu. L'abbé s'agenouilla auprès de ce signe vénéré et fit une courte prière, puis il gagna la route du chef-lieu en coupant à travers champs. En le voyant passer, les hommes et les femmes occupés au labour le saluaient avec respect et se signaient pieusement en disant pour le succès de sa cause un Pater et un Ave; mais nul n'avait l'indiscrétion de retarder sa marche en l'abordant. Les braves paroissiens de Saint-Pabu n'osaient murmurer contre la décision de Monseigneur, c'eût été un péché; mais ils trouvaient que le prélat avait une rude manière de récompenser le mé-porte massive à sculptures de chêne; ce lourd rite et les vertus de leur bien-aimé recteur. N'y avait-il pas d'autres desservants à nommer qui eussent été ravis d'obtenir la bonne cure offerte à l'abbé Le Gwen?

Ainsi allaient les réflexions des laboureurs pendant qu'ils poussaient la charrue ou bêchaient le sol rebelle de cette pauvre contrée; ainsi allaient celles des pêcheurs en sortant de l'anse sablonneuse, leur petite voile enflée par une fraîche brise, et leurs filets traînant à l'arrière de leur barque; car, cux aussi savaient la nouvelle; un mot de Toinon avait suffi, et les petits enfants eux-mêmes en devisaient au pied des haies de pruneliers, en mangeant leur croûton de pain. noir, assaisonné des fruits sauvages qui bleuissaient les rameaux épineux sous lesquels ils s'abritaient.

Toute la timidité craintive du pauvre prêtre de campagne reparut à l'aspect de ces murs séculaires tenant du palais et de la forteresse; cette

marteau d'airain figurant une tête de dragon, le remplirent d'épouvante, bien que ce ne fût pas la première fois qu'il en affrontat la vue; mais aujourd'hui il était vieux; l'évêque qui avait autrefois consenti à le laisser à Saint Pabu était mort, et son successeur paraissait être beaucoup plus ferme dans sa volonté.

En moins d'une seconde, sans avoir besoin de la tirer de sa poche, l'abbé Le Gwen relut par la pensée la lettre du prélat, et il sentit son courage s'évanouir au point d'être tenté de rebrousser chemin et de retourner à son village faire ses apprêts de départ.

A ce moment la porte s'ouvrit pour laisser passer un élégant abbé qui le salua d'un geste gracieux et s'effaça pour lui faire place. Ce geste, ce mouvement ôtèrent toute réflexion au desservant que semblait fatalement attirer l'ouverture béante. Il inclina ses cheveux blancs devant la tête couronnée de boucles brunes de l'abbé citadin et entra en trébuchant sous la voûte sombre du vestibule, sans songer qu'il n'avait pas même secoué la poussière de ses souliers à cordons de cuir, ni celle de sa soutane rapée.

Ivon, le pâtour auquel était dévolu l'honneur de répondre la messe du recteur, allait vers chaque groupe enfantin et redisait ce qu'il avait vu pendant l'office sur la belle figure de l'abbé, surtout cette grosse larme tombée sur la nappe de l'autel. Si les marmots ne comprenaient pas la sublime poésie de cette larme, et c'est probable, ils savaient que les larmes naissent de la douleur, Le sort en était jeté. L'abbé Le Gwen balbutia et leur petit cœur était tout ému de pitié en ap- une question au concierge, suivit la direction qu'il prenant que leur doux recteur avait du chagrin; lui indiquait à travers une haute galerie à vitraux que ce chagrin venait de ce qu'on voulait l'en-peints, et se trouva devant un huissier qu'il salua voyer bien loin, bien loin, dans un grand bourg sans grève, sans landes fleuries et sans bruyères aux clochettes roses et violettes.

Pauvre terre, tendres cœurs!

VI

Les abords d'un chef-lieu de département, cette capitale au petit pied qui vaut bien qu'on la compte, n'en déplaise à Paris, s'annoncent toujours par des maisons blanches à volets verts, à toits de tuiles ou d'ardoises; des kiosques parfois prétentieux; des jardins clos de murs en caillou

(1) Voir les No 1427, 1428, 1429 et 1430.

comme il eût fait Monsieur le Maire où Monsieur

le Préfet.

L'huissier prit son nom, marcha devant lui de l'air d'un personnage important, le fit entrer dans un vaste salon garni de fauteuils en velours brun et orné des portraits en pied de plusieurs évêques et cardinaux, puis il lui dit qu'on appellerait son nom quand Monseigneur serait prêt à le recevoir.

Tout d'abord l'abbé ne s'assit pas; il contemplait, inquiet et troublé, ces meubles sévères, ces personnages à la mine hautaine, aux costumes imposants, qui le regardaient immobiles et froids. Plus que jamais son sang bourdonnait dans ses oreilles; son cœur et ses tempes recommencèrent à battre. Le malaise et la lassitude finirent par le

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faire s'affaiser sur un fauteuil auprès de la porte par laquelle l'huissier l'avait introduit. Combien de temps le malheureux desservant resta-t-il plongé dans l'espèce de somnolence magnétique qui s'était emparée de lui aussitôt qu'il s'était laissé tomber dans le fauteuil, c'est ce dont il ne put se rendre compte, lorsqu'il s'éveilla brusquement à l'appel de son nom fait d'une voix forte et presque impatiente tout près de son oreille.

-Monseigneur attend monsieur le desservant; il l'a déjà fait avertir deux fois.

Pardon, murmura l'abbé en se levant et en cherchant d'un œil inquiet la porte du cabinet de l'évêque, pardon, je m'étais assoupi malgré moi... la fatigue...

L'huissier, sans daigner lui répondre, ouvrit la porte et annonça: Monsieur le desservant de Saint-Pabu!

VII

Des lampes étaient allumées dans toutes les pièces. Le cabinet de Monseigneur, vaste et superbe bibliothèque aux panneaux de chêne, était éclairé par deux magnifiques lampadaires de l'époque de la renaissance, et un admirable christ en ivoire ressortail sur un fond de velours violet au-dessus d'un long canapé de même étoffe.

L'évêque donnait ce jour-là un grand dîner aux autorites civiles du chef-lieu, et il avait quitté un instant ses convives pour recevoir l'humble visiteur qu'il savait venir de loin, bien que ce ne fût ni le jour ni l'heure de ses audiences.

D'une courtoisie et d'une bienveillance extrêmes pour ses inférieurs, l'évêque les faisait rarement attendre, et il s'était imposé l'obligation de ne jamais remettre à un autre jour les pauvres prêtres de campagne, dont il savait le temps compté et la bourse légère.

Assis dans un vaste fauteuil auprès d'une table chargée de livres, le prélat portait la soutane violette, le camail, les fins souliers à boucles et les manchettes de dentelle. Sa petite calotte de velours faisait valoir ses cheveux, moins argentés par l'âge que par la poudre, et formant une couronne touffue autour d'un beau front sans rides. Sa physionomie distinguée, sa taille mince et droite, ses mains fines et blanches, en faisaient le type du prélat de souche aristocratique. Aussi ne pouvait-on s'étonner quand on apprenait que Monseigneur appartenait à l'une des plus vieilles et des plus nobles familles de la Bretagne.

L'abbé Le Gwen ne l'avait vu qu'une fois dans une grande cérémonie, mitre en tête, crosse en main. De nouveau l'espoir rentra dans son ame quand il vit ce visage aimable, ce geste plein de grâce par lequel le prélat lui offrait son anneau pastoral à baiser, et lui désignait ensuite un siége à deux pas du sien.

Le desservant refusait de s'asseoir; l'évêque lui ordonna en souriant d'obéir. Il fallut installer la sordide soutane dans le velours à crépines de soie et les souliers poudreux sur le tapis semé de fleurs brillantes.

L'abbé Le Gwen finit par se croire le jouet d'un rêve; Saint-Pabu et ses misérables masures étaient si loin de tout ce qu'il avait sous les yeux!... Cependant, il garda encore assez leur souvenir pour se rappeler le but de sa visite.

Aux premiers mots qu'il hasarda et qui exprimaient sa reconnaissance de l'honneur que lui faisait Monseigneur; de sa bonté, dont il était si peu digne, l'évêque l'interrompit :

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