DU COURAGE. A valeur fe montre dans les occa Lions légitimes, de l'on ne doit pas fe hâter d'en faire hors de propos une vaine parade, comme fi l'on avoit peur de ne la pas retrouver au befoin. Tel fait un effort & fe préfente une fois, pour avoir droit de fe cacher le refte de fa vie. I. E vrai courage a plus de conftance & moins d'empreffement; il eft toujours ce qu'il doit être; il ne faut ni l'exciter ni le retenir. L'homme de bien le porte par-tout avec lui; au combat, contre l'ennemi; dans un cercle, en faveur des abfens & de la vérité; dans fon lit, entre les attaques de la douleur & de la mort. La force de l'ame qui l'inf pire eft d'ufage dans tous les tems; elle met toujours la vertu au-deffus des éve nemens, & ne confifte pas à fe battre, mais à ne rien craindre. Tel eft le vrai courage, celui qui mérite d'être loué. Tout le refte n'eft qu'étourderie, extravagance, férocité: c'eft une lâcheté de s'y foumettre ; & je ne méprife pas moins celui qui cherche un péril inutile, que celui qui fuit un péril qu'il doit affron ter. Je n'ai jamais vû d'homme ayant de la fierté dans l'ame, en montrer dans fon maintien ; cette affectation eft bien plus propre aux ames viles & vaines, qui ne peuvent en impofer que par-là. Un étranger fe préfentant un jour dans la falle du fameux Marcel, celui-ci lui demanda de quel pays il étoit.» Je fuis Anglois, répond l'étranger.» Vous Anglois? Réplique le danfeur? Vous feriez de cette Ifle où les citoyens ont part à l'admi»niftration publique, & font une portion de la puiffance fouveraine? Non, Monfieur; ce front baiffe, ce regard timide, » cette demarche incertaine, ne m'annon»cent que l'esclave titré d'un Electeur.«. Je ne fçais fi ce jugement montre une grande connoiffance du vrai rapport qui eft entre le caractere d'un homme & fon extérieur. Pour moi, qui n'ai pas Thonneur d'être maître à danfer, j'aurois penfé tout le contraire. J'aurois.dit: » Get Anglois n'eft pas courti fan; je n'ai » jamais quidire que les courtifans euffens ༡, » le front baiffe & la démarche incertaine::: » un homme timide chez un danfeur, pour» roit bien ne l'être pas dans la chambre: » des Communes ». Affurément ce. Mon-Geur Marcel-là doit prendre fes com-patriotes pour autant de Romains. DU DUEL. ARDEZ-VOUS de confondre le nome Gfacré de l'honneur avec ce préjugé feroce, qui met toutes les vertus à la pointe d'une épée, &n'eft propre qu'à faire de braves fcélérats. Que cette méthode puiffe fournir, fi l'on veur, un fupplé-ment à la probité; par-tout où la probité regne, fon. fupplément n'eft-il pas inutile ? Et que penfer de celui qui s'expofe à la mort pour s'exempter d'être honnête homme ? MAIS encore, en quoi confifte cet affreux préjugé ? Dans l'opinion la plus. extravagante & la plus barbare. qui jamais entra dans l'efprit. humain; fçavoir, que tous les devoirs de la fociété: font fuppléés par la bravoure; qu'un homme n'eft plus fourbe, fripon, ca lomniateur, qu'il eft civil, humain, poli, quand il fçait fe battre; que le mentonge fe change en vérité, que le vol devient légitime, la perfidie honnête, l'infidélité louable, fi-tôt qu'on foutient tout cela le fer àla main; qu'un affront eft toujours bien réparé par un coup d'épée, & qu'on n'a jamais tort avec un homme, pourvû qu'on le tue. Il y a, je l'avoue, une autre forte d'affaire où la gentillefle fe mêle à la cruauté, & où l'on ne tue les gens que par hazard; c'eft celle où l'on fe bat au premier fang. Au premier fang! Grand Dieu ! & qu'en veux-tu faire de ce fang, bête féroce? le veuxtu boire? DIRA-T-ON qu'un duel témoigne que l'on a du cœur, & que cela fuffit pour effacer la honte ou le reproche de tous les autres vices? Je démanderai quel honneur peut dicter une pareille décifion, & quelle raifon peut la juftifier? A ce compte, fi l'on vous accufoit d'avoir tué un homme, vous en iriez tuer un fecond pour prouver que cela n'eft pas vrai. Ainfi, vertu, vice, honneur, infanie, vérité, menfonge, tout peut tirer fon être de l'évenement d'un combat; une falle d'armes eft le fiége de toute juftice: il n'y a d'autre droit que la force, d'autre raifon que le meurtre toute la réparation dûe à ceux qu'on outrage eft de les tuer, & toute offenfe eft également bien lavée dans le fang de l'offenfeur ou de l'offenfé. Dites; fi les loups fçavoient raifonner, auroient-ils d'autres maximes? VIT-ON un feul appel fur la terre quand elle étoit couverte de héros ? Les plus vaillans hommes de l'Antiquité fongerent-ils jamais à venger leurs injures perfonnelles par des combats particuliers? Céfar envoya-t-il un Cartel à Caton, ou Pompée à Céfar, pour tant d'affronts réciproques? & le plus grand Capitaine de la Grèce fut-il deshonoré pour s'être laiffé menacer du baton? D'autres tems, d'autres mœurs; je le fçais mais n'y en a-t-il que de bonnes? & n'oferoit-on s'enquérir fi les mœurs d'un tems font celles qu'exige le solide honneur ? non, cet honneur n'eft point variable; il ne dépend ni des tems, ni des lieux, ni des préjugés ; il ne peut ni paffer, ni renaître; il a fa fource érernelle dans le cœur de l'homme jufte & dans la regle inaltérable de es devoirs. Si les peuples les plus éclairés, les plus |