à remplir, pour lui plaire, tous mes devoirs fur la terre. Qu'est-ce que tout le fçavoir des hommes m'apprendra de plus? Le Philofophe, qui se flatre de pénétrer dans les secrets de Dieu, ofe affocier sa sagesse à la sagesse éternelle; il al prouve, il blâme, il corrige, il pref crit des loix à la. Nature, & des bornes à la Divinité; & tandis qu'occupé de ses vains systêmes, il se donne mille peines pour arranger la machine du Monde, le Laboureur qui voit la pluie & le foleil tour-a-tour fertilifer fon champ admire, loue & bénit la main dont il reçoit ces graces, fans fe mêler de la maniere dont elles lus marviennent l ne cherche point à juftifier fon ignorance ou ses vices par som incréduliré. Il ne cenfure point les œuvres de Dieu, & ne s'attaque point à fon maître pour faire briller fa fuffifance. Jamais le mot impie d'Alphonfe X. ne tombera dans l'efprit d'un homme vulgaire, c'est anne bouche sçavante que ce blafphême étoit réservé. L LES premiers qui ont gâré la cause de Dieu, font les Prêtres & les Dévots, qui ne souffrent pas que rien se faffe felon l'ordre établi, mais font toufours intervenir la Justice Divine à des évenemens purement naturels; &, pour être fûrs de leur fait, punissent & châtient les méchans, éprouvent ou récontpensent les bons indifféremment avec des biens ou des maux, felon l'évenement. Je ne sçais, pour moi, si c'est une bonne Théologie; mais je trouve que c'est une mauvaise maniere de raifonner, que de fonder indifféremment fur le pour & le contre les preuves de la Providence, & de lui attribuer, sans choix, tout ce qui fe feroir également fans elle. Les Philosophes, à leur tour, ne me paroiffent guères plus raisonnables quand je les vois s'en prendre 21 Ciel, de ce qu'ils ne sont pas impafssibles; crier que tout est perdu, quand ils ont mal aux dents, ou qu'ils font pauvres, ou qu'on les vole; & charger Dieu comme dit Séneque, de la garde de Ieur valife. Ainsi quelque parti qu'ait pris la Nature, la Providence a toujours raison chez les Dévots, & toujours tort chez les Philosophes. SOURCE de justice & de vérité, Dieu clément & bon! dans ma confiance en toi, le suprême vœu de mon cœur est que ta volonté soit faite; en y joignant 1 la mienne, je fais ce que tu fais; jaequiefce à ta bonté: je crois partager d'avance la fuprême félicité qui en est le prix. Un homme qui craint Dieu n'est guère à craindre; son parti n'est pas redoutable, il est seul ou à-peu-près; & l'on est sûr de pouvoir lui faire beaucoup de mal, avant qu'il songe à le rendre. DE LA SPIRITUALITÉ DE L'AME. Lus je réfléchis sur la pensée & fur Pla nature de l'Efprit humain, plus je trouve que le raisonnement des Matérialistes reffemble à celui d'un fourd qui nie l'existence des fons, parce qu'ils n'ont jamais frappé son oreille. Ils font fourds, en effer, à la voix intérieure qui leur crie d'un ton difficile à méconnoître : une machine ne pense point, il n'y a ni mouvement, ni figure qui produise la réflexion: quelque chose en toi cherche à brifer les liens qui le compriment: l'espace n'est pas ta mesure; l'Univers entier n'est pas assez grand pour toi; tes sentimens, tes desirs, ton inquiétude, ton orgueil même autre principe que ce corps étroit dans lequel tu te sens enchaîné. ont un NUL être matériel n'est actif par luis même, & moi je le suis. On a beau me difputer cela, je le sens ; & ce sentiment qui me parle est plus fort que la raison qui le combat. J'ai un corps sur lequel les autres agissent & qui agit sur eux cette action réciproque n'est pas douteu se: mais ma volonté est indépendante de mes sens; je consens ou je résiste; je fuccombe ou je suis vainqueur, & je sens parfaitement en moi-même quand je fais ce que j'ai voulu faire, ou quand je ne fais que céder à mes passions. J'ai toujours la puissance de vouloir, non la force d'exécuter. Quand je me livre aux tentations, j'agis felon l'impulfion des objets externes: quand je me reproche cette foiblesse, je n'écoute que ma volonté; je suis esclave par mes vices, & libre par mes remords: le sentiment de ma liberté ne s'efface en moi que quand je me déprave, & que j'empêche enfin la voix de l'ame de s'élever contre la loi du corps. L'homme est donc libre dans ses actions, & comme tel, animé d'une substance immatérielle. La Nature commande à tout animal, & la bête obéit. L'homme éprouve la même impression; mais il se reconnoît libre d'acquiefcer ou de résister; & c'eft fur-tout dans la confcience de cette liberté, que se montre la spiritualité de fon ame. Car la Physique explique en quelque maniere le méchanisme des fens & la formation des idées ; mais dans la puissance de vouloir, ou plutôt de choisir, & dans le sentiment de cette puissance, on ne trouve que des actes purement spirituels, dont on n'explique rien par les loix de la Méchanique. à PLUS je rentre en moi, plus je me confulte, & plus je lis ces mots écrits dans mon ame; fois juste & su feras heureux. Il n'en est rien pourtant, confidérer l'état présent des choses. Le méchant profpere, & le juste reste opprimé. Voyez aussi quelle indignation s'allume en nous quand cette attente eft frustrée! La confcience s'éleve & murmure contre son Auteur; elle lui crie en gemiffunt: tu m'as trompé. Je t'ai trompé, téméraire! & qui te l'a dit? Ton ame est-elle anéantie? As-tu ceffé d'exifzer? Q Brutus! ô mon fils! ne fouille point ta noble vie en la finisfant; ne laisse point ton espoir & ta gloire avec ron corps aux champs de Philippest Pourquoi dis-tu : la Vertu n'est rien |