tutions du Gouvernement ne leur paroissoient point observées, cru rent devoir reclamer contre cette nouveauté. M. Rousseau attendit longtems l'effet de leurs représentations au premier Syndic; & croyant enfin n'être que trop convaincu que le Confeil refusoit d'y avoir égard, sa douleur lui suggera de renoncer folemnellement a ses titres de Bourgeois & de Citoyen de Genève. Flétri publiquement dans ma Patrie, dit-il à un de ses amis, j'ai dû prendre le feul parti propre à conferver mon honneur, fi cruellement offense. C'est avec la plus vive douleur que je m'y fuis déterminé : mais qüe pouvoisje faire? Demeurer volontairement membre de l'Etat après ce qui s'étoit passé, n'éloit-ce pas confentir à mon deshonneur? Les amis de M. Rousseau ont blâmé sa démarche; ils l'ont trouvé au moins trop précipitée. Plusieurs font encore perfuadés qu'il n'a pas eu même le droit de le faire. QUOI QU'IL en soit, sa Lettre au premier Magistrat de Genève fut lue dans l'Assemblée du Confeil. On délibéra si l'on devoit accepter l'abdication qu'il y fait à perpétuité de fon droit de Bourgeoisie & de Cité; les fentimens se partagerent. Quelques-uns regardoient cette abdication comme une insulte faite à la République, & osoient en demander vengeance : mais après avoir recueilli les voix, on se contenta d'enregistrer la Lettre; & chacun se retira en filence. , DEPUIS ce fatal instant, M, Rousseau, quoiqu'adopté par un grand Roi au nombre de ses Sujets, & glorieusemenr dédommagé, par cette naturalisation, des pertes volontaires qu'il a faites à Genève; M. Roufleau, dis-je, infiniment sensible, d'ailleurs, à ce témoignage de bienveillance & d'estime de la part du Roi de Prusse, semble cependant avoir dit un adieu éternel à la Société. Mais la Société, qui l'admire toujours, qui ne prétend pas imiter la République de Genève, ne reçoit point cet adieu, Elle attend au contraire de lui, qu'il lui prouve de plus en plus que fon ame est au-dessus de ses adverfités, & que ses talens, comme fa sageffe, font à l'épreuve de l'inf tabilité des chofes humaines. Le portrait fi bien colorié qu'il a fait de lui-même dans sa retraite, ne fait peur à personne; on aimera toujours à le reconnoître à des traits si rares, & à le voir le même. » Plus ardent, dit-il, qu'éclairé >> dans mes recherches, mais fin"cere en tout, mêmecontre moi; > simple & bon, mais sensible & » foible; faifant souvent le mal, & „ toujours aimant le bien; lié par >> l'amitié, jamais par les chofes, » & tenant plus à mes sentimens » qu'à mes intérêts; n'exigeant >> rien des hommes & n'en voulant >> point dépendre; ne cédant pas >> plus à leurs préjugés qu'à leurs >> vo'ontés, & gardant la mienne >> aussi libre que ma raifon; crai>> gnant Dieu fans peur de l'Enfer; >> raisonnant fur la Religion fans >> libertinage; n'aimant ni l'impiété >>> ni le fanatisme; mais haïssant les >> intolérants encore plus que les >>> Esprits forts: ne voulant cacher » mes façons de penser à perfon>> ne; fans fard, fans artifices en >> toute chose, disant mes fautes à >>mes amis, mes sentimens à tout >> le monde; au Public ses vérités, >> fans flatterie & fans fiel, & me > souciant aussi peu de le fâcher >> que de lui plaire: voilà mes cri>>> mes & mes vertus. LE Public auroit tort de fe facher des vérités que lui dira M. Rousseau; il les assaisonne de tant . de pensées utiles, vertueuses & admirables; il les exprime avec tant d'esprit, d'éloquence & de perfuafion, qu'on ne peut au con traire trop defirer qu'il continue de lui parler le même langage : mais on l'estime auffi trop fincerement, pour ne pas fouhaiter en même tems qu'il épargne à fon cœur & à sa santé de nouvelles disgraces: on voudroit qu'il fût aussi heureux qu'il mérite de l'être. POUR répondre, autant qu'il dépend de nous, à ce defir, à cet empressement du Public, que nous venons d'exprimer, pour les ouvrages de cet Ecrivain célèbre, nous lui donnons aujourd'hui fon ESPRIT, ses MAXIMES, & fes PRINCIPES; & nous ofons nous flatter que M. Rousseau s'y reconnoîtra avec plaisir sous ses vérita bles traits, en même tems que le Lecteur se les rendra utiles. |