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près que je vous écris. Vous les trouverez eucore plus en détail dans un mémoire qui lui a été écrit et dont il a pris copie. On lui a dit enfin, qu'il auroit été dangereux de délibérer long temps sur la réponse à faire à l'ambassadeur d'Espagne, et qu'il pouvoit aisé ment arriver, que cet ambassadeur eût ordre de faire passer un exprès à Vienne, immédiatement après que j'aurois refusé le testament, et d'offrir la succession entière à l'archiduc.

Vous parlerez de même au Pensionnaire. Vous lui ferez voir aussi que l'Empereur n'étant point engagé, il ne peut jamais y avoir de sûreté pour l'exécution du traité; et dans la vérité, l'on ne se trouveroit pas dans cet embarras, si le roi d'Angleterre et les Etats-généraux avoient pressé fortement l'Empereur de souscrire, au lieu de lui donner des espérances secrètes qu'il n'y seroit point forcé; s'ils avoient fait des démarches plus vives auprès du duc de Savoie; s'ils avoient agi de meilleure foi pour faire entrer les rois du Nord et les princes de l'Empire dans la garantie; enfin s'ils étoient convenus à temps des secours nécessaires pour l'exécution du traité; mais il ne faut encore leur faire aucun reproche, il suffit de parler au Pensionnaire, comme je vous le marque dans cette lettre, et de suivre le sens du mé

moire que je vous envoie ; vous pourrez même lui faire voir ce mémoire, mais sans lui en laisser de copie. Cependant, vous devez en cette conjoncture redoubler encore votre attention, pour être ponctuellement informé des résolutions que les Etats-généraux prendront, des ordres qu'ils donneront pour lever des troupes et pour l'armement de leurs vaisseaux. Vous tâcherez de pénétrer s'ils font, quelque proposition à l'électeur de Bavière; l'usage qu'ils prétendent faire des troupes qu'ils ont dans les Pays-Bas espagnols; s'ils forment quelque dessein sur les Indes, sur Cadix; enfin sur quelque place ou quelque port que ce soit de la monarchie espagnole, soit dans l'Océan, soit dans la Méditerranée.

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Vous direz à l'ambassadeur d'Espagne qui est à la Haye, que je vous écris de lui communiquer les ordres que je vous donne ; que le zèle qu'il a toujours témoigné pour le service de son maître, ne me laisse pas lieu de douter qu'il ne se joigne à vous, et qu'il ne vous donne tous les avis nécessaires pour le bien de la monarchie d'Espagne. Vous l'assurerez que je n'ai présentement (1) en vue, que

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(1) Cette restriction est glissée ici fort habilement. Louis XIV sentoit bien que, soit pour conserver la paix,

de la maintenir parfaitement unie dans toutes ses parties; vous lui communiquerez même la copie que je vous envoie, de la réponse que j'ai faite au conseil établi pour la régence.

MÉMOIRE

Que le roi fit présenter le 4 décembre 1700, par le comte de Briord, son ambassadeur extraordinaire auprès des Etats-généraux des Provinces-Unies (1).

SI Messieurs les Etats- généraux des Provinces-Unies paroissent présentement surpris, que le Roi ait accepté le testament du feu roi d'Espagne, ils remercieront bientôt S. M. de préférer en cette occasion le repos public aux avantages de sa couronne. Il suffira qu'ils aient le temps d'examiner les troubles infinis

soit par suite de la guerre, il faudroit bien faire à l'Autriche la part de la succession. Mais on ne pouvoit le dire crûment aux Espagnols qui avoient horreur d'un démembrement.

(1) Ce Mémoire est d'autant plus intéressant, qu'il contient l'exposé des motifs de Louis xiv pour accepter le testament du feu roi d'Espagne Charles 11. Il est sans doute l'ouvrage de M. de Torci; mais on ne pouvoit le séparer de la lettre du roi.

que l'exécution du traité de partage produiroit, et cette meme prudence les fera désister de la demande contenue dans le mémoire qu'ils ont remis à l'ambassadeur de S. M. Ils avoueront que le malheur de l'obtenir seroit commun à toute l'Europe, et certainement ils jugeront que rien n'est plus opposé au traité que d'en abandonner l'esprit, pour s'attacher uniquement aux termes. Car enfin il a fallu, dans cette conjoncture, distinguer l'un et l'autre. L'esprit et les termes du traité étoient unis, pendant que le roi d'Espagne a vécu, les dernières dispositions de ce prince et sa mort, y mettent une telle différence, que l'un est absolument détruit. Si les autres subsistent, le premier maintient la paix générale, les termes causent une guerre universelle. Cette seule observation vraie décide du choix à faire, pour se conformer à l'objet principal du traité, tel qu'il est expliqué par les premiers articles ; maintenir la tranquillité générale de l'Europe, conserver le repos public, éviter une nouvelle guerre par un accommodement des disputes. et des différens qui pourroient en résulter au sujet de la succession d'Espagne, ou par F'ombrage de trop d'états réunis sous un même prince. C'est par de tels motifs que le Roi a pris avec ses alliés, les mesures nécessaires pour

prévenir la guerre, que l'ouverture de la succession d'Espagne sembloit devoir exciter.

La vue de S. M, n'a pas été d'acquérir par un traité, les royaumes de Naples et de Sicile, la province de Guipuscoa et le duché de Lorraine. Ses alliés n'avoient aucun droit sur ces états; peut-être auroit-elle obtenu des avantages plus considérables par ses armes, si elle avoit eu dessein de les employer à l'occasion de la mort du roi d'Espagne; mais son principal objet étant de maintenir la paix, elle a traité sur cet unique fondement. Elle a permis à monseigneur le Dauphin, de se contenter du partage destiné à lui tenir lieu de tous ses droits sur la succession entière des royaumes d'Espagne. Il arrive donc que les mesures prises, dans la vue de maintenir la tranquillité publique, produisent un effet contraire, qu'elles engagent l'Europe dans une nouvelle guerre, s'il devient nécessaire, pour conserver la paix, d'user des moyens différens de ceux qu'on s'y étoit proposés. Si cette route nouvelle ne cause aucun préjudice aux puissances alliées de S. M., le seul désavantage retombe sur elle, et qu'elle veuille bien sacrifier ses propres intérêts au bonheur général de la chrétienté, non seulement il dépend de S. M. de le faire, mais encore elle a lieu de croire que

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