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user avec toute la modération que vous croirez convenir au bien des affaires.

AU MARQUIS DE VILLARS (1).

Versailles, le 9 mai 1701.

MONSIEUR LE MARQUIS DE VILLARS, Vos lettres du 27 et du 29 du mois dernier, m'ont été apportées par le courrier que vous m'avez dépêché. J'ai reçu en même temps par l'ordinaire celle que vous m'avez écrite le 23. Toutes deux m'ont informé des premiers mouvemens que l'on prétend avoir découverts en Hongrie, des ordres que l'Empereur a donnés pour les appai

et de la manière dont ces ordres ont été exécutés. La conduite que vous avez tenue depuis que vous avez été à Vienne, doit en effet persuader que vous n'avez nulle part aux démarches des Hongrois elle suffiroit pour en convaincre, quand même on pourroit douter de l'éloignement que j'aurai toujours, de favoriser des sujets rebelles à l'autorité

(1) Il étoit alors ambassadeur de France à Vienne, occupé de prévenir, s'il étoit possible, par quelque accommodement, la guerre que l'Empereur et ses alliés se préparoient à faire pour la succession d'Espagne.

légitimé de leur souverain (1). J'ai lieu de croire que l'Empereur ne peut douter de mes sentimens à cet égard; mais en même temps il y a beaucoup d'apparence que les ministres de ce prince seroient bien aises de fortifier les soupçons du peuple, et qu'ils croiroient rendre un service à leur maître de rejeter sur vous, dans la conjoncture présente, la haine d'une conspiration, ou véritable, ou peut-être trop légèrement crue.

Comme ils savent certainement qu'il est impossible de trouver aucun prétexte pour y réussir, et que la conduite que vous avez toujours tenue vous met à couvert de tout soupçon, il paroît qu'ils souhaiteroient que vous puissiez y donner lieu par une fausse démarche, Je suis persuadé que c'est pour vous porter à la faire, qu'on vous a donné les avis dont vous me rendez compte, par le mémoire joint à votre lettre du 27; car il est peu vraisemblable qu'un homme dans un poste de confiance, voulût trahir le secret et hasarder sa vie. Il est plus apparent que ces avis vous.

(1) Louis XIV avoit oublié ce qu'il nous apprend luimême dans ses Mémoires, de ses intelligences avec ces. mêmes Hongrois dans les années 1665 et 1666, (tome 11, page 35;) aussi-bien qu'avec les mécontens d'Angleterre, (page 203 du même tome. ),

auront été donnés par ordre des ministres de l'Empereur, pour vous obliger à vous retirer secrètement de Vienne, et pour faire croire, par cette évasion, qu'ayant eu part aux affaires de Hongrie, vous avez craint d'être arrêté, voyant toute la conspiration découverte : ainsi vous autoriseriez vous-même les faussetés dont on voudroit persuader le public. Comme il n'y a rien de plus opposé au bien de mon service, que d'appuyer par quelque démarche précipitée les artifices qu'on veut mettre en usage, je vous renvoie votre courrier pour vous instruire au plutôt de mes intentions sur cette affaire elles sont que vous demeuriez à Vienne, jusqu'à ce que je vous envoie des ordres précis d'en partir. Si la guerre se dé→ clare, vous reviendrez d'assez bonne heure pour me servir dans l'armée où je vous ai destiné; quand même vous n'y seriez pas au commencement de la campagne, je ne comp terois pas moins les services que vous me rendriez ailleurs.

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Secondement, si vous êtes parti de Vienne lorsque vous recevrez cette dépêche, comme je vois que vous l'auriez fait sous prétexte de quelque voyage prochain, et comme devant retourner incessamment, vous devez en effet y retourner immédiatement après avoir

reçu ma lettre. J'ai cependant donné les ordres nécessaires, pour empêcher que le comte de Zinzendorf (1), ne se retire sans que j'en sois averti. Vous pouvez compter qu'il répondra de vous, et que je fais dire au duc de Savoie, que s'il est en peine pour son ambassadeur, il conviendroit mieux de le retirer dès-à-présent, que d'attendre la déclaration de la guerre.

A l'égard de l'autre avis qu'on vous a donné, il est trop important pour ne le pas approfondir autant qu'il vous sera possible de le faire. Bien des circonstances me font cependant douter de la vérité. Le duc de MedinaSidonia a sujet d'être content, et il le paroît. Je ne donnerai aucun ordre pour faire arrêter l'homme qu'on vous a nommé, avant son retour de Vienne. Vous continuerez de faire ce que vous pourrez pour en découvrir davantage. Il est bien plus convenable que l'ambassadeur d'Espagne se retire dans l'électorat de Bavière, que d'attendre les ordres du roi d'Espagne dans les états de l'Empereur : rien n'y répond de la sûreté de sa personne.

J'ai reçu vos lettres du 16 et du 20 avril. Comme elles m'informent toutes des mouve

(1) Ambassadeur d'Autriche en France.

mens des troupes de l'Empereur, je n'ai point de nouveaux ordres à vous donner, que de continuer à m'informer de ce que vous en apprendrez.

AU MÊME.

Versailles, le 25 mai 1701.

MONSIEUR LE MARQUIS DE VILLARS, j'ai reçu vos lettres du 4 et du 7 de ce mois. Toutes deux m'ont fait voir que vous n'avez omis aucune diligence, pour découvrir plus particulièrement la vérité des avis secrets qu'on vous a donnés, la condition et le caractère de celui de qui vous les avez reçus; enfin, pour approfondir si la confidence est sincère, ou s'il vous a été envoyé par quelque ministre de l'Empereur, pour vous engager à quelque fausse démarche dans la conjoncture présente. Cet artifice est si conforme au génie du comte de Mansfeldt, que je croirois aisément qu'il en est l'auteur, et que celui dont vous avez reçu les avis, n'est point secrétaire du comte de Kaunitz. Il y a long-temps que vous m'avez écrit, que vos lettres étoient déchiffrées et vues à Vienne avant qu'elles partissent; ainsi l'homme qui vous a parlé, a voulu peut-être

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