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même, et, par la bouche de M. Ewald, porte un jugement très-important et très-bien motivé, que nous ferons connaître amplement ci-dessous.

L'école rationaliste de Tubingue, héritière de Strauss et de Bauer, et à laquelle M. Renan semblait encore appartenir un peu, parle aussi de la Vie de Jésus dans la Gazette d'Augsbourg. J'ai le texte allemand sous les yeux. Voici les conclusions d'un assez long travail de M. Keim, qui a été très-remarqué: « C'est un roman... ce sont de <«< nouveaux Mystères de Paris, écrits avec rapi« dité pour amuser, sur un terrain sacré, un pu«blic de profanes... Sur toutes les questions gra«ves le livre est nul scientifiquement.

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« Au lieu de se jouer de cette grande histoire « de Jésus que tous les siècles contemplent avec recueillement, au lieu de flatter les esprits blasés, de contrister les croyants, et d'outrager « la science, je parle de la science libre, que « M. Renan se remette au travail avec conscience « et recueillement (arbeite er nüchtern und gewiffenhaft), qu'il n'essaye plus d'écrire en six mois, dans une hutte de Maronites, et entouré << de cinq ou six volumes, l'histoire des temps apostoliques annoncée dans son introduction : << alors il pourra obtenir son pardon des amis de

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« l'histoire véritable, qui, aujourd'hui, rient de << son singulier triomphe1.

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Enfin, je trouve dans un recueil français, pleinement dévoué à M. Renan, une défense de son livre qui me paraît aveugle en sa faveur; cependant l'auteur reconnaît que la manière dont M. Renan a employé les sources « n'a pas peu « contribué à répandre sur l'ouvrage entier une «< certaine apparence d'arbitraire, comme si l'au«teur, sans pitié ni souci des textes, s'était complu à les ajuster au gré de sa fantaisie pour en faire un Jésus de convention... Je serais de ceux, ajoute le critique, qui eussent désiré, en bien << des endroits, une méthode plus sévère d'inter(( prétation. »>

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'Gazette d'Augsbourg des 15, 16 et 17 septembre 1863.

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Un critique, qui croit en Dieu et qui n'est point sophiste, ce me semble, mais que je vois avec douleur fréquenter le groupe des sophistes, reproche aux nôtres de mal combattre M. Renan, et prétend que la vraie manière de le combattre serait de lui demander : « Quelles sont vos sources? Quel usage en faites-vous? » C'est pourtant là ce qu'ont fait tous les nôtres, et c'est ce que j'ai fait moi-même, comme on vient de le voir.

Je continue, et ce qui suit est le dixième exemple que j'ai promis comme première énumération des erreurs.

Il s'agit des frères de Jésus.

Nous allons discuter ce point avec soin et avec

étendue. Que le lecteur ne regrette pas sa peine : ce sera une étude féconde. Outre l'importante question historique et religieuse dont il s'agit, ceci va devenir pour mes lecteurs, s'ils le veulent bien, un exemple et un exercice de critique. C'est l'analyse d'un état mental qu'il est nécessaire de connaître. On va voir comment la critique qui a pour essence la négation du surnaturel se comporte en présence de celle qui a pour essence l'attention.

La question est celle-ci : Jésus-Christ a-t-il eu des frères et des sœurs?

M. Renan cite sur ce point les textes connus, tous ceux qu'il faut citer, sauf un seul, qu'il croit avoir quelque raison d'omettre. Et il admet, comme nous, ce qu'on est bien forcé d'admettre, que, dans le texte si connu : « Celui-ci n'est-il « pas le fils de l'ouvrier? Et sa mère n'est-elle « pas Marie? Et ses frères ne sont-ils pas Jacques « et Joseph, Simon et Jude? » M. Renan admet que ces quatre noms sont les noms des cousins germains de Jésus. Pourquoi est-on forcé d'admettre cela? Parce que plusieurs textes, que cite d'ailleurs M. Renan, parlent de Marie, sœur de la sainte Vierge, femme de Cléophas, comme étant mère de Jacques, de Joseph et de Jude. Voici ces.

textes : Soror matris ejus Maria Cleophæ (Jean, XIX, 25); Maria Jacobi et Joseph mater (Matth., XXVII, 56.) A quoi l'on peut joindre celui-ci, tiré des Épîtres: Judas J.-C. servus, frater autem Jacobi (epist. Judæ.) Les textes du Nouveau Testament nous donnent donc explicitement Jacques, Joseph et Jude (Simon, le quatrième, s'ensuit nécessairement), comme étant les fils de Marie, sœur de la sainte Vierge, et femme de Cléophas. Ce sont donc les cousins germains de Jésus. D'un autre côté, l'on accorde que les cousins germains du Seigneur sont toujours appelés ses frères, selon l'usage hébreu.

Le mot frère en hébreu, en grec et en latin, signifie d'abord frère proprement dit, puis cousin germain, puis parent. C'est ce que l'on peut voir, même dans les dictionnaires élémentaires, hébreux, grecs et latins. Ceci n'est nié de personne.

Voilà, ce semble, la question des frères du Scigneur pleinement résolue, puisqu'il est démontré, visible dans les textes, admis des deux côtés, que les quatre personnes appelées, selon l'usage hébreu, frères du Seigneur, sont ses cousins germains, les fils de Cléophas et de Marie, sœur de la sainte Vierge.

Mais voici que, malgré cela, M. Renan affirme

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