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renvois, et je cite en entier les textes qu'il ne fait qu'indiquer. Le présent livre est un manuel de critique. Je veux qu'on ait entre les mains les faits entiers, pour les étudier à loisir et juger par soimême, et vérifier de ses propres yeux comment travaillent aujourd'hui les sophistes et les athées.

Je soumets au jugement de l'opinion publique de pareils procédés de critique religieuse. Je les soumets aux amis de M. Renan. Je les soumets à M. Havet, et je demande à M. Havet s'il connaît du côté des chrétiens des discussions de textes conduites de cette manière. Je lui demande à qui doivent s'appliquer les paroles qu'il prononce contre nous, lorsqu'il déclare qu'on ne peut discuter avec nous, parce que « nous éludons les démonstrations. >> Je lui demande à qui s'applique cette assertion : « On se tire d'un mauvais pas, soit par une << entorse donnée au texte, soit par la supposition « extrême que le texte est altéré, soit par tout <«< autre artifice. » Ces paroles s'appliquent-elles à nous? s'appliquent-elles à M. Renan 1?

1 « Le but que la foi poursuit, dit aussi quelque part M. Renan, « étant pour elle absolument saint, elle ne se fait aucun scrupule d'invoquer de mauvais arguments pour sa thèse, quand <«<les bons n'existent pas. >>

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Qui fait cela, monsieur, je vous le demande? est-ce nous, ou bien est-ce vous ?

J'en appelle, dis-je, à la conscience de M. Havet, que je connais sincère.

Quoi, monsieur! c'est là le livre que vous louez comme une œuvre historique! Voilà le livre que tout à coup, avec cette roide impétuosité et cet éclat strident et ce triomphal enthousiasme qui a fait l'étonnement des lecteurs, vous venez présenter au monde, comme étant « la vie de Jésus «< écrite pour la première fois par un esprit capable de la comprendre et de la sentir! » Voilà ce livre enfin dont vous portez ce jugement risible : « La légende de Jésus entre aujourd'hui so<< lennellement dans l'histoire. »

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Permettez-moi de vous le dire, quand j'ai lu ces paroles qui, si elles ont un sens, ce que je ne puis affirmer, signifient bien que jusqu'à ce jour Jésus-Christ n'était pas dans l'histoire, mais seulement dans la légende, et qu'aujourd'hui le livre de M. Renan fait entrer Jésus dans l'histoire solennellement; quand j'ai lu ces paroles qui, au milieu des merveilles de l'école critique, sont encore vraiment remarquables, quand j'ai vu que l'histoire, par les travaux de M. Renan, a découvert le Christ, comme la philosophie nouvelle, l'école critique, selon M. Vacherot, a enfin découvert la raison, alors, permettez-moi de vous le

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dire, après avoir relu plusieurs fois ces paroles je me suis arrêté, et n'ai pu trouver d'autre explication que celle-ci : « C'est un malade qui

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parle. » Et, quelques jours plus tard, j'ai rencontré la même explication sous la plume si modérée de M. de Pressensé, à l'endroit où il qualifie votre éloge de M. Renan par ces paroles: «< ces << pages hautaines où respire une passion mala<< dive. >>

CHAPITRE III.

Après cette énumération d'une partie des grosses fautes du livre, dont il résulte d'abord évidemment qu'aucune assertion de l'auteur n'a plus de valeur que l'assertion contraire, nous entrons dans l'étude méthodique du livre. Nous allons voir quel en est le principe, la méthode et le résultat. Nous dirons ensuite quelques mots sur sa valeur comme œuvre d'art, sur le ton et le style de l'auteur dans cette vie de Jésus.

Le principe déclaré du livre est bien celui que dit M. Havet, savoir qu'au-dessus de l'homme et du monde, il n'y a rien, rien qu'une idée ; point de Dieu, mais une idée seulement. Et ce principe, selon M. Renan, aussi bien que selon M. Havet, doit être posé comme indiscutable. On

n'écrit pas pour ceux qui refusent encore de l'admettre : on ne discute pas avec eux.

Le principe de ce livre, c'est donc l'athéisme sans discussion, et c'est M. Havet qui, le premier, a nettement dégagé ce principe.

En sorte qu'au début du livre destiné à montrer que Jésus n'est pas Dieu, l'auteur pose en principe non discutable, qu'il n'y a point de Dieu.

D'après ce principe, tout fait ou tout texte qui, aux yeux de l'auteur, paraît s'élever plus haut que l'homme ou plus haut que nature, est, sur ce seul nul et absolument supsoupçon, tenu pour primé.

Ainsi l'auteur pose en principe indiscutable qu'il a le droit de supprimer les textes et les faits qui seraient contraires à la thèse qu'il entend démontrer.

Pour nous, nous discuterons ci-dessous le principe en lui-même, avec le soin que mérite cette question et le respect que nous devons à la raison publique.

Voilà ce que constate d'abord, sur le principe du livre, la critique qui a pour essence l'attention.

Mais, on le voit déjà, le principe implique la méthode, du moins en grande partie.

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