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poison, refluant dans les veines rénales, est éliminé directement par les urines sans passer par la grande circulation, par conséquent son effet est moins à redouter (M. Bernard). Il est des poisons qui n'agissent pas par cette voie, tels sont le curare, le venin des serpents venimeux, les virus, etc. Peut-être le mucus qui tapisse la muqueuse stomacale s'oppose-t-il à leur absorption. Cela ne peut s'expliquer par l'altération spontanée de ces poisons, des modifications que leur fait subir le suc gastrique, puisque le liquide, contenu dans l'estomac des animaux, conserve encore toute son activité par inoculation.

6. L'absorption par les petits intestins est bien plus prompte, plus active, plus constante, que par l'estomac, non-seulement en raison de la différence de structure comme chez les ruminants, mais encore parce que le suc intestinal offre toujours la même composition, tandis que celle du suc gastrique varie selon l'espèce animale; aussi, M. Segond, pour expérimenter les poisons, les médica ments, propose-t-il de les porter dans l'intestin, à l'aide d'une sonde, par une fistule stomacale.

7° Absorption par le rectum. Elle est aussi et même plus active que par l'estomac. Nous rapportons plusieurs empoisonnements par cette voie, par l'acide arsenieux, le sublimé, les opiacés, les plantes vireuses, la gratiole, etc., aussi rapidement graves on mortels que par la muqueuse gastrique. Une servante a empoisonné sa maîtresse avec l'acide azotique dans un lavement. Une autre femme, voulant intoxiquer son mari avec de l'acide sulfurique, donné aussi dans un lavement, n'en trouvant pas l'effet assez prompt, lui administra de l'arsenic par la bouche. Les médecins anglais admettent que les médicaments sont moins actifs par le rectum que par l'estomac et les donnent, dans le premier cas, à plus haute dose. MM. Roselli et Gaetano Strombio ont comparé ces deux modes d'absorption sur les chiens, dont l'estomac était vidé par le

jeûne et le rectum par un lavement. Avec 1/4 de grain de strychnine, dissous dans un peu d'alcool, le temps, avant l'arrivée de l'accès, a été, par l'estomac, le maximum de 13 à 15 minutes, le minimum de 10 à 12; par le rectum, le maximum de 10 à 12, le minimum de 4 à 10. Avec les sels de morphine, par l'estomac, le maximum d'action a été de 9 minutes, le minimum de 3; par le rectum, le maximum de 6, le minimun de 2. 1/4 de grain de strychnine, dissous dans l'alcool, tue un chien en 65 min. par l'estomac, et en 40 par le rectum. A 1/16 de grain, la strychnine occasionna la mort chez trois chiens par le rectum, non par l'estomac, et les accès tétaniques, chez deux d'entre eux, dans ce dernier cas, furent très-légers. Ces expériences prouvent que les poisons sont plus actifs par le rectum que par l'estomac. Cependant, il importe de tenir compte de la nature du poison, et si les opiacés, les strychnées, les solanées vireuses sont plus promptement absorbés par cette voie, il n'en est pas ainsi pour le sulfate de quinine, car pour combattre une fièvre intermittente, il en faut moins par la bouche qu'en lavement (M. Grisolle).

8. Absorption par la muqueuse des voies pulmonaires. C'est de toutes les surfaces la plus activement absorbante. Les gaz, les anesthésiques agissent ainsi d'une manière très-prompte. Une seule inspiration d'acide cyanhydrique anhydre foudroie à l'instant. Il en est de même par l'insufflation de la nicotine. Quelques centigr. de strychnine, par cette voie, intoxiquent un chien en quelques minutes. On peut ainsi, portions par portions, faire absorber 30-40 litres d'eau à un cheval, 60 gram. à un chat, 120 gram. à un lapin. Du bouillon, du vin, portés dans l'estomac, à l'aide d'une sonde, ont pénétré quelquefois dans les bronches sans graves accidents. L'absorption y est excessivement rapide : le cyanure jaune, le nitrate de potasse, le cuivre ammoniacal, le sulfate de fer, introduits dans les bronches, se trouvent dans le sang 2 à 6 minutes après (Panizza,

Mayer). C'est par cette voie que se produisent les empoisonnements par les matières gazeuses, les poudres inorganiques et organiques qui voltigent dans l'atmosphère, que se contractent les maladies épidémiques, miasmatiques, etc. Le curare, le venin des serpents venimeux, inactifs par la muqueuse gastro-intestinale et buccale, par la peau, sont au contraire très-actifs par cette voie (Voy. Empoisonnement par les matières gazeuses, tome II).

9° Ayant passé en revue les principales voies d'introduction des poisons dans l'économie, celles par lesquelles se produisent ordinairement les empoisonnements accidentels ou criminels, comme complément nous dirons seulement quelques mots des autres surfaces absorbantes. Sur les séreuses l'absorption est aussi prompte que sur le tissu cellulaire, et 8 à 10 fois plus active que dans l'estomac. Christison ayant déposé 120 gram. d'un soluté d'acide oxalique dans la cavité péritonéale, n'en trouva que 4 gram. après la mort, qui eut lieu en 14 minutes. De l'huile phosphorée étant injectée dans la plèvre, le péritoine, l'air expiré devient phosphorescent en moins de 2 minutes. Les poisons déposés sur les parois veineuses et artérielles sont aussi absorbés, mais moins promptement dans le dernier cas. Injectés dans ces vaisseaux, leur effet est des plus prompts. Le chloroforme, l'acide cyanhydrique, etc., agissent avec une rapidité extrême. Des doses médicamentcuses peuvent, par cette voie, agir comme toxiques, soit par leur effet chimique sur le sang (sels de plomb, de bismuth, d'étain, etc.), soit par leur effet dynamique sur le cœur, les centres nerveux (digitale, strychnées, etc.). Cependant 20, 40 centigr. d'émétique ont été injectés dans les veines sans inconvénients pour l'expulsion des corps étrangers engagés dans l'œsophage, tandis que la même dose peut intoxiquer par le tissu cellulaire. Les strychnées, les sels de morphine, l'acide cyanhydrique, poisons si actifs, lorsqu'ils arrivent au centre nerveux par voie d'absorption,

n'ont que peu ou pas d'effet lorsqu'ils sont déposés sur les nerfs bien isolés, même sur le cerveau, le cervelet. Le venin de la vipère, appliqué sur les muscles, les enflamme sans produire de trouble général (Fontana). Enfin l'absorption est excessivement lente sur les tendons, les aponevroses, les os, tissus qui sont encore bien moins vasculaires que le cerveau, les nerfs.

10° Les poisons insolubles sont-ils absorbés? Cette question n'est pas tout à fait résolue. Il Y a des faits pour et contre. En général on admet que les corps complétement insolubles ne sont pas absorbés, à moins qu'ils ne deviennent solubles sous l'influence des chlorures alcalins, des acides, comme l'a démontré M. Mialhe pour les mercuriaux et autres poisons minéraux, et M. Orfila pour les borate, tartrate, oxalate, phosphate de plomb, et M. Melsens pour le sulfate. Cependant voici des faits qui prouveraient le contraire: Kramer introduit dans l'estomac d'un chien du cinabre, et constate ce corps, en nature, dans les vaisseaux capillaires de cet organe. Le professeur ÕEsterlin frictionne la peau du ventre d'un chat, pendant 4 jours, avec de l'onguent mercuriel, et trouve du mercure, en nature, dans les fèces, le sang, et en grande quantité dans le foie, surtout dans la vésicule, la rate, le dépôt des urines, non dans le système nerveux. Il a obtenu à peu près les mêmes résultats sur un chat auquel il a fait avaler, pendant 7 jours, de l'onguent mercuriel. Le même professeur a trouvé du charbon dans le sang des veines mésaraïques, de la veine porte, du foie, du cœur droit, chez des lapins, des chats, des coqs qui avaient avalé, pendant 6 jours, du charbon. M. Meisonide a trouvé du charbon dans les cloisons interlobulaires des poumons sur les animaux qui en avaient pris. Le résultat a été négatif dans le cas contraire. Il a constaté des globules d'amidon dans le sang mésentérique des animaux, auxquels il en avait administré. MM. Mialhe, Lébert, Bernard n'ont pas obtenn les mêmes résultats. MM. Bérard

Orfila, Robin donnent à un chien, à jeun depuis 24 heures, 16 gram. de charbon de bois porphyrisé. Deux jours après, l'animal étant toujours à jeun, ils le tuent, et trouvent des molécules de charbon anguleuses dans le sang du foie, examiné au microscope, à un grossissement de 450. Ils en trouvent moins dans les poumons, un ganglion mésentérique, le sang de l'oreillette gauche du cœur, et aucune trace dans la veine porte, le chyle. Ils n'en trouvèrent pas cheż un chien qui avait copieusement mangé, auquel ils avaient donné, en deux doses, 32 gram. de charbon porphyrisé. Mêmes résultats sur un chien, à jeun depuis 24 heures, auquel ils avaient administré 32 gr. de noir de fumée, en deux jours, et qui fut tué et examiné le troisième. Il en a été de même pour l'amidon, donné aussi à la dose de 32 gram., en deux jours, sur deux chiens à jeun, tandis qu'il y avait des globules amylacés dans l'intestin. M. Berard pense que si le charbon porphyrisé est absorbé, non le noir de fumée, c'est qu'étant anguleux et acéré, il peut ainsi s'insérer dans la substance molle des villosités et s'ouvrir un passage.

11° Quelle est l'influence du système nerveux, et en particulier du nerf pneumogastrique sur l'absorption des poisons? Elle paraît être peu marquée, et même nulle. Brodie coupe les nerfs d'un membre, dépose du worara sur une plaie, et l'intoxication a lieu aussi rapidement que si les nerfs eussent été intacts. Après avoir coupé tous les rameaux nerveux qui se distribuent à la lèvre supérieure ou à la langue d'un chien, M. Panizza instille sur ces parties 1 goutte d'acide cyanhydrique, et les effets sont aussi prompts que dans l'état normal (M. Berard).

Quant à l'influence des nerfs pneumogastriques sur l'absorption stomacale, les opinions varient à cet égard, ou sont diversement interprétées, ce qui dépend probablement de l'espèce animale qui a servi à l'expérimentation; de la manière dont les expériences ont été instituées. La

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