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Dans quelques cas, assez rares, ces symptômes paraissent s'amender, de légers aliments sont supportés; mais la moindre imprudence ne tarde pas à détruire ce bien-être, cet espoir momentané, et il est extrêmement rare qu'après des désordres aussi graves le rétablissement soit complet.

Lorsque le poison, même donné à haute dose, est immédiatement vomi ou neutralisé par un contre-poison, les effets sont peu intenses, se dissipent assez rapidement. S'il a irrité le tube intestinal, a été absorbé en petite quantité ou promptement éliminé, les symptômes gastro-intestinaux, la réaction fébrile persistent pendant plusieurs jours; la période hyposthénique, si elle survient, offre peu de durée, est peu intense, et le rétablissement assez prompt, assez complet. Souvent le malade conserve, pendant quelque temps, une grande irritabilité gastro-intestinale.

Enfin, lorsque le poison est administré tous les jours ou à des intervalles assez rapprochés, et avec les matières alimentaires, comme dans les empoisonnements successifs, ou s'il est promptement vomi, il peut borner son action au tube intestinal, irriter momentanément ces organes, donner lieu à un malaise passager, ou bien produire un état d'amaigrissement, de dépérissement général et progressif. Souvent ce n'est qu'après 3, 4 tentatives, ou un temps plus ou moins long, que le crime est dévoilé par suite de l'aggravation instantanée des accidents (voyez Empoisonnement lent).

Quelques toxicologistes ayant surtout fixé leur attention sur les effets locaux, sur ceux qui constituent la première période de l'intoxication, ont considéré les poisons inorganiques comme des poisons âcres, irritants, caustiques. Les médecins rasoriens donnant au contraire plus d'importance aux effets qui constituent la seconde période, les considèrent comme des poisons hyposthéniques. On s'écarte également de la vérité en adoptant ces opinions d'une manière exclusive, puisque c'est dans ces deux ordres

d'effets que résident les caractères pathognomoniques de ee genre d'empoisonnement; effets qui peuvent varier, se succéder, alterner, selon la quantité de poison absorbée, sa plus ou moins prompte élimination, la résistence vitale, etc. Les maladies septiques, qui ont pour cause des virus, des matières miasmatiques, etc., viennent étayer cette manière d'envisager les effets des poisons inorganiques. D'ailleurs cette succession des effets, abstraction faite de la lésion locale, est naturelle, physiologique, et l'on pourrait même établir en axiome, d'après les faits observés, que toutes les fois qu'un poison âcre, irritant, pénètre en petite quantité dans l'économie, il produit la fièvre, une surexcitation organique; que, dans le cas contraire, il enraye le jeu des organes, déprime les fonctions, en s'opposant probablement à l'exercice régulier de l'hématose, de l'innervation.

Quoique les poisons inorganiques exercent le même genre d'influence, à l'intensité près, on peut, à l'aide des caractères chimiques ou organoleptiques des matières des vomissements; de quelques effets spéciaux, diagnostiquer un certain nombre de ces empoisonnements, si ce n'est spécifiquement, du moins génériquement. Dans l'intoxication par le phosphore, l'iode, le chlore, les hypochlorites, les sulfures alcalins, l'ammoniaque, les matières des vomissements, l'air expiré offrent les caractères organoleptiques de ces poisons. Avec les acides, les alcalis, les matières vomies sont fortement acides ou alcalines, et il existe, assez souvent, sur les vêtements, les organes externes, des taches caractéristiques. Avec les préparations cuivreuses, il y a des crachotements, des rapports cuivreux, et les matières sont vertes ou bleues. Les sels d'argent tachent la peau en brun, donnent un aspect caillebotté anx matières des vomissements. Les mercuriaux ont une saveur métallique spéciale, produisent une salivation et d'autres symptômes caractéristiques. Avec les préparations plombiques, les matières sont

blanchâtres, laiteuses, ont une saveur styptique, sucrée, il y a constipation, et les coliques, de nature nerveuse plutôt qu'inflammatoire, ont quelque chose de spécial. Les préparations arsenicales n'offrent rien en quelque sorte de caractéristique, et ce n'est que par voie d'exclusion qu'on peut diagnostiquer cet empoisonnement. Il en est de même pour les antimoniaux. Enfin, avec l'azotate de potasse, les sels de baryte, la saveur est amère, non métallique, et les symptômes nerveux ou convulsifs sont plus fréquents, plus intenses qu'avec les autres poisons minéraux.

II. LES POISONS ORGANIQUES n'offrent pas la même homogénéité dans leur mode d'action que les poisons inorganiques. Beaucoup, en particulier les substances acres, irritantes, vésicantes, drastiques, donnent lieu à peu près aux mêmes effets locaux, aux mêmes modifications organiques et fonctionnelles que ces derniers, ou plutôt à un ensemble de symptômes analogues à ceux qui constituent le choléra sporadique ou épidémique peu intense; c'est ainsi qu'agissent, sauf quelques exceptions, les poisons fournis par les familles des aroïdées, narcissées, amaryllidées, asparaginées, colchicées, liliacées, iridėes, aristolochiées, polygonées, daphnées, euphorbiacées (excepté le suç de manhiot, qui contient de l'acide cyanhydrique), curcubitacées, chénopodées, plombaginées, globulariées, primulacées, gratiolées, gentianées, convolvulacées, campanulacées, térébinthacées, rhamnées, polygalées, violariées, balsaminées, rhutacées, renonculacées, la plupart des champignons, les cantharides, les viandes de charcuterie, etc. Plusieurs de ces poisons donnent lieu, en outre, à des symptômes convulsifs ou tétaniques, et, plus rarement, à des effets narcotiques. Quelquesuns exercent une action spéciale sur les organes de la génération, produisent la nymphomanie (gratiole), le priapisme (cantharides), l'avortement (rue, sabine).

III-Il est des poisons organiques qui agissent sur le

système nerveux, spécialement sur le cerveau, donnent lieu à un ensemble de symptômes désigné sous le nom de narcotisme, caractérisé par de la pesanteur de tête, de la céphalalgie frontale, avec constriction aux tempes, étourdissements, bourdonnements, vertiges, démarche vacillante ou impossible, hallucinations, délire gai, triste ou furieux, stupeur, coma. Les pupilles sont contractées, le plus souvent dilatées avec trouble de la vue, cécité passa. gère; la chaleur de la peau est ordinairement augmentée, quelquefois avec éruptions spéciales, démangeaisons. Il y a fréquence ou ralentissement et plénitude du pouls, sécheresse de la bouche, soif, gêne de la parole, de la déglutition, nausées, vomissements, constipation, plus rarement diarrhée, rareté, suppression d'urines ou difficulté dans l'excrétion, et, lorsque le coma est profond, gène de la respiration, avec symptômes d'asphyxie, relachement des sphincters, excrétion involontaire des matières fécales. La mort survient par l'aggravation de l'état comatique et asphyxique. Le rétablissement, s'il a lieu, est assez prompt, assez complet. De la céphalalgie avec pesanteur de tête, des troubles des sens, des paralysies partielles peuvent succéder à ces empoisonnements. Tel est le mode d'action des opiacés, des solanées et ombellifères vireuses, des caprifoliacées, des digitales, de l'if, du hachisch, de la nielle, de plusieurs légumineuses, des alcooliques, des gaz de la combustion, de l'éclairage et oxycarbonés, etc.

Avec les narcotiques purs, les opiacés, les solanées, le hachisch, les gaz oxycarbonés, les symptômes gastro-intesti naux paraissent plutôt dépendre de la modification cérébrale que de l'irritation gastro-intestinale; tandis que, avec les autres narcotiques, ils participent de l'une et de l'autre cause; aussi, en ce cas, ils sont bien plus intenses, et s'accompagnent, assez souvent, de symptômes convulsifs ou tétaniques; c'est ce qui a lieu avec la ciguë vireuse et surtout l'oenanthe. La digitale ralentit d'une manière très

marquée la circulation. Avec les opiacés les pupilles sont plus souvent contractées que dilatées, et le délire, les hallucinations moins constantes, moins prononcées qu'avec les solanées. Le hachisch donne lieu à un délire ravissant, fantastique. Ces caractères, ceux des matières des vomissements, qui, dans beaucoup de cas, offrent des traces du poison, ou du moins les caractères organoleptiques, pourront, à priori, distinguer ces divers empoisonnements, surtout si on ajoute les circonstances dans lesquelles ils se sont effectués.

IV. Il est des poisons qui paraissent exciter ou plutôt troubler le système nerveux, la circulation, les organes des sens un peu à la manière des narcotiques; mais à ce premier effet, qui n'est que passager, succède promptement l'extinction graduelle de l'intelligence, de la sensibilité, de la motilité, puis de la respiration, de la circulation et autres fonctions qui sont sous la dépendance du système nerveux dit de la vie organique. C'est ainsi qu'agissent l'éther, le chloroforme et autres agents anesthésiques, peut-être aussi les gaz hydro et oxy-carbonés, le protoxyde d'azote, les gaz cyanogène et cyanhidrique respirés par petites quantités. Les circonstances dans lesquelles s'est effectuée l'intoxication, les caractères organoleptiques spéciaux à ces poisons, dont s'imprègnent les matières des vomissements, l'air expiré, etc., l'instantanéité des effets, leur peu de durée, leur nature syncopale ou asphyxique, permettront d'établir le diagnostic différentiel de ces divers empoisonnements, de les distinguer de ceux produits par les narcotiques.

V.-D'autres poisons organiques agissent soit directement, soit par action réflexe sur la moelle épinière, et secondairement sur les muscles des organes qu'elle a sous sa dépendance. Les effets consistent principalement en des accès convulsifs et tétaniques intermittents, très-rappro

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