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droites du cœur contiennent aussi beaucoup de sang ordinairement liquide. Les poumons, quand l'intoxication se prolonge, sont aussi congestionnés. Les mêmes lésions, l'état apoplectique du tissu sous-arachnoïdien s'observent avec les alcooliques, et la lésion dominante est la congestion pulmonaire avec les gaz asphyxiants.

Les poisons anesthésiques ne laissent pas de traces de lésions appréciables; ou bien ce sont celles de l'asphyxie, de la syncope. Le cœur est ordinairement mou, flasque, le sang diffluent, liquide, mousseux, ou mêlé à des bulles d'air, et les poumons quelquefois emphysémateux.

Avec les poisons convulsivants ou tétaniques, la moelle épinière, ses vaisseaux, ses membranes sont fortement congestionnés la première est quelquefois enflammée, ramollie; de la sérosité sanguinolente existe dans la séreuse. Ces lésions siégent surtout à la partie supérieure de la moelle, dans les points correspondant au plexus nerveux des membres où les convulsions ont été les plus violentes. Comme les animaux meurent asphyxiés, les poumons sont aussi fortement congestionnés. Des lésions se rencontrent rarement dans le tube intestinal, ou bien elles sont peu intenses.

Dans l'empoisonnement par les poisons narcotico-âcres, acres et tétaniques, les lésions siégent à la fois sur le tube intestinal, le cerveau ou la moelle épinière.

Enfin, dans l'intoxication par les poisons septiques, le sang veineux et artériel est brun verdâtre ou noirâtre, incoagulé, extravasé dans les tissus parenchymateux, les muqueuses, ce qui rend ces organes mous, très-putrescibles.

III. — Mode d'action des poisons.

Peut-on, d'après les effets, les lésions, remonter au mode d'action des poisons? connaître la náture intime de ces effets, de ces lésions? savoir par quel mécanisme les

poisons produisent la mort? Pour répondre à ces questions, il faudrait connaître la vie dans son essence, et elle ne nous apparaît que dans ses manifestations; savoir si les corps organisés sont soumis aux mêmes forces, régis d'après les mêmes lois que les corps anorganiques, comme le pensent les organiciens purs, ou bien si une force spéciale (force vitale, principe vital, etc.) préside à leur formation, à leur développement, à leur conservation, d'après les vitalistes; questions ardues, insolubles, comme, du reste, tout ce qui tient à l'essentialité des choses, et qui ont exercé en vain la sagacité des hommes de génie.

En nous renfermant dans notre sujet, nous ferons remarquer que les vitalistes, comme les organiciens, ne peuvent contester que la matière, dans l'organisme en action, se trouve dans des conditions différentes que dans l'organisme mort ou privé de vie, et, qu'après avoir reçu l'impulsion vivifiante ou l'organisation, par une cause qui probablement nous restera toujours inconnue, il se produit, soit en elle-même, soit entre elle et les agents extérieurs, des modifications spéciales, par suite desquelles elle s'accroît, parcourt ses diverses périodes; que c'est même le concours des agents extérieurs qu'elle se maintient à l'état vivant.

par

Comme les phénomènes dans les corps vivants sont de nature chimique, physique, dynamique ou vitale, tout corps, tout agent qui enrayera un ou plusieurs de ces phénomènes amènera la maladie ou la mort, plus ou moins promptement, selon leur importance. Chez les êtres les plus simples en organisation, le phénomène vital fondamental consistant dans l'assimilation immédiate des matériaux que l'animal trouve dans le milieu ambiant, l'action du poison sera simple, comme l'organisme, le phénomène lui-même. Dans les animaux des classes élevées, plusieurs appareils organiques concourent simultanément au maintien de la vie, ils sont même dans une dépendance tellement réci

proqué, que si l'un d'eux vient à être lésé, le jeu des autres se trouvé enrayé, et par suite la santé compromise. L'appareil destiné à préparer les matériaux alibiles n'est pas d'une importance si immédiate que sa fonction ne puisse être suspendue pendant un certain temps, puisque des hommes ont pu vivre pendant vingt et un jours sans prendre d'aliments; aussi la mort ne survient-elle promptement que lorsque les lésions de cet appareil sont assez intenses pour réagir sympathiquement sur les autres. Elle est lente, au contraire, lorsque ces lésions s'opposent seulement à la digestion (voyez Poisons, acides, alcalins, etc.). L'appareil respiratoire est tellement important, que tout être organisé ne peut se passer d'air, même pendant trèspeu de temps; aussi, les agents qui s'opposent à cette fonction, soit mécaniquement (gaz asphyxiants), soit chimiquement (gaz qui s'emparent de l'oxygène), soit indirectement ou par l'intermédiaire du système nerveux (strychnées, agents anesthésiques, etc.), éteignent promptement la vie. Il en est de même des poisons qui ont une action chimique sur le sang (la plupart des poisons minéraux), ou dynamique sur le cœur (chloroforme, digitale, etc.), organe destiné à répandre ce liquide réparateur dans tous les tissus. Le système nerveux, dit la vie de relation, peut cesser ses fonctions pendant un certain temps, sans que la vie soit immédiatement compromise. C'est tout le contraire pour le système nerveux, qui préside aux phénomènes de la chimie vivante, autrement dit de la vie organique, qui sert de lien entre cette dernière et celle de relation. La mort est alors prompte, immédiate. Le rôle des organes sécréteurs peut aussi être suspendu pendant un certain temps, d'autant plus que quelques-uns peuvent se suppléer momentanément; cependant les poisons qui accroissent d'une manière exagérée la sécrétion gastro-intestinale peuvent amener la mort assez promptement. Quant au foie, organe à fonction très-complexe et encore incom

plétement connue, comme il est destiné à fabriquer du sucre, à faire subir au sucre de canne une modification particulière qui le rend propre à être brûlé dans l'acte de la respiration, qu'il n'en fabrique plus dans la dernière période de la vie (M. Bernard), ne pourrait-on pas admettre que les poisons produisent la mort en s'opposant à cette fonction,soit en agissant directement sur le foie, tels que les poisons inorganiques, qui se condensent spécialement dans cet organe; soit indirectement, tels seraient ceux qui agiraient sur la partie du bulbe rachidien qui préside à cette importante fonction (agents anesthésiques, etc).

Nous venons d'exposer en quelque sorte la manière d'agir des poisons, ou plutót par quel mécanisme ils peuvent produire la mort. L'action simple, unique dans les animaux inférieurs, sera d'autant plus complexe qu'on s'élèvera dans l'échelle animale. Comme dans tous les tissus vivants, il se passe deux ordres de phénomènes fondamentaux qui constituent essentiellement la vie, l'un chimique et l'autre dynamique ou vital; que ces deux phénomènes sont dans une dépendance tellement réciproque, que l'un ne peut exister sans l'autre, l'action intime des poisons doit donc porter sur l'un de ces phénomènes, ou sur les deux simultanément ou successivement.

C'est évidemment par leur action chimique et en réagissant sur les produits immédiats du sang, de nos organes qu'agissent les poisons minéraux. D'après Liebig, 100 gram. de fibrine saturent 3 4/10 d'acide arsénieux et 5 de sublimé, et la même quantité d'albumine, 1/4 d'acide arsénieux. Si ces réactions se passaient absolument de même dans l'organisme vivant, on conçoit combien peu il faudrait de ces poisons pour anéantir la vie. Les autres poisons de cette section formant aussi des composés insolubles avec les produits organiques, agissent évidemment de même; ceux qui sont formés d'un acide végétal (tartrates, acétates, etc.), étant transformés en carbonates, en

se combinant avec 8 équivalents d'oxygène, s'opposent en outre à l'artérialisation du sang (Liebig). Enfin les acides, les alcalis réagissent aussi sur les éléments, les sels du sang.

Quelques chimistes sont portés à admettre que les poisons agissent en déformant les globules du sang, siége de l'hématose. Quoique cette modification ait été constatée dans l'empoisonnement par le chloroforme, l'acide cyanhydrique; que M. Brainard, professeur à Chicago, ait trouvé, sur les pigeons piqués par le crotalophorus trigemmus, les globules rouges presque sphériques, les globules blancs groupés entre eux sous forme de masses mamelonnées ; que MM. Dumas et Bonnet aient aussi noté cette déformation, en mélangeant le sang avec les poisons, elle n'est pas constante d'après ce dernier auteur. D'ailleurs, ces observations ne s'appliquent qu'à un très-petit nombre de poisons, sont faites dans des conditions trop différentes pour en tirer des déductions générales.

L'effet de quelques poisons est trop prompt, trop passager pour admettre qu'ils agissent chimiquement. Puisque par la pression des nerfs, la sensibilité, la motilité des parties où ils se distribuent peuvent être suspendues; que le chloroforme et autres agents anesthésiques, les narcotiques, le froid produisent le même résultat; qu'injecté dans les veines l'opium abolit momentanément la contraction du cœur, et le café la réveille; que la strychnine excite la motilité; que le curare anéantit la sensibilité, la nicotine l'irritabilité musculaire, deux effets isolés que produisent aussi plusieurs autres substances injectées dans les veines, (M. Flourens, page 736, t. II), il n'est pas déraisonnable d'admettre que les poisons narcotiques, anesthésiques, tétaniques, etc., intoxiquent plutôt par un effet dynamique, en agissantsurle système nerveux ou musculaire, et modifiant soit isolément, soit simultanément et par action directe ou reflexe, les principales propriétés qui constituent le dyna

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