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misme vital, la sensibilité, la contractilité, propriétés si étroitement enchaînées, ou plutôt les organes qui en sont le siège.

M. Magendie ayant constaté que les animaux ne peuvent supporter un abaissement de température de plusieurs degrés sans succomber, M. Brown-Sequard, qui a répété ces expériences, ne serait pas éloigné d'admettre que le froid produit par les poisons hyposthéniques soit cause de la mort; il en a retardé le terme, même dans quelques cas sauvé les animaux, en les plaçant dans une atmosphère chaude. Cette opinion paraît être partagée par MM. Dumeril, Dumarquay, Lecointe, qui ont expérimenté les médica ments sous le point de vue de leur action sur la chaleur animale : plusieurs ont produit un abaissement de température assez marqué, et les animaux ont toujours succombé quand elle s'abaissait de 3o. Alors ils trouvaient un état congestionnel du grand sympathique, nerf qu'ils considèrent comme présidant aux phénomènes de la calorification. Ce fait concorde avec ce qu'on observe chez l'homme dans la seconde période de l'empoisonnement par les poisons hyposthénisants; reste à savoir si cet abaissement de température ne dépend pas plutôt d'un défaut d'hématose, par suite de l'action chimique qu'ils exercent sur le sang. Dans les expériences de MM. Magendie, Brown-Sequard, etc., les animaux ont supporté un abaissement de température bien plus considérable; et si l'on coupe le gand sympathique au cou, ou le ganglion cervical supérieur, la température s'accroît dans les parties où il se distribue; augmentation de chaleur que M. Brown-Sequard attribue à la stase du sang dans les vaisseaux, par suite de leur dilatation, de leur paralysie, tandis qu'elle s'abaisse si l'on stimule le bout du nerf supérieur (M. Bernard). Le froid dans la période hyposthénique pourrait aussi s'expliquer parce que le foie étant, de tous les organes, celui qui reçoit le plus de poison, fabrique moins de sucre, ou bien encore par

l'incomplète combustion de cet aliment calorifique; M. Reynoso a trouvé du sucre dans les urines toutes les fois que, par une cause quelconque, la respiration était gênée, qu'un animal était sous l'influence d'un poison; fait qui a été confirmé par M. Lecomte, chez les animaux empoisonnés par l'azotate d'uranium.

Cette excursion dans le domaine de la physiologie, partie sans laquelle ne peuvent progresser les autres sciences médicales, si elle ne nous éclaire qu'incomplétement sur l'action intime des poisons, démontre cependant qu'ils produisent la mort en modifiant les phénomènes d'hématose, d'innervation, ou de contractilité, propriétés tellement réciproques et dépendantes, que l'une ne peut être lésée sans l'autre, ce qui explique l'apparente diversité d'action des poisons, la complexité de leurs effets.

IV.—Pronostic toxicologique.

Le pronostic de l'empoisonnement est grave, non-seulement parce que l'économie se trouve sous l'influence d'une cause qui tend sans cesse à enrayer les phénomènes organiques et fonctionnels, mais encore par les accidents consécutifs qui peuvent en résulter. Il varie selon la nature, l'activité, la quantité du poison, son état d'agrégation, sa solubilité, la voie d'introduction, les substances avec lesquelles il est mêlé, l'état de vacuité ou de plénitude de l'estomac, la nature des effets, des lésions; selon l'âge, le sexe, la constitution, l'idiosyncrasie, les conditions normales, morbides, l'habitude, les professions, le traitement, la période de la maladie, etc.

Le pronostic est d'autant plus grave que le poison est plus actif, donné en plus grande quantité; cependant, dans quelques cas, des doses élevées d'acétate de morphine, d'acide arsénieux,etc., n'ont pas produit plus d'effet que des doses plus faibles, et les personnes se sont rétablies aussi

promptement. Les poisons dissous sont plus à redouter qu'à l'état solide, mais si les vomissements sont prompts, il y a plus de chances, dans le premier cas, pour qu'ils soient plus complétement expulsés. Le pronostic est bien moins grave lorsque le poison est mélangé aux matières alimentaires, surtout si elles sont de nature à le transformer en composé insoluble. Il en est de même s'il est administré dans l'état de plénitude de l'estomac ; alors l'absorption y est moins active, l'effet local moins intense, et une portion du poison est éliminée par les reins sans passer par la grande circulation (M. Bernard). Dans les empoisonnements multiples, pendant un repas, les personnes qui ont beaucoup mangé sont moins incommodées, en admettant que la dose du poison soit égale pour tous; aussi les bateleurs, qui avalent de l'arsenic, ont-ils le soin de lester préalablement leur estomac, surtout avec des matières grasses, afin d'en ralentir l'effet, jusqu'à ce qu'ils l'aient expulsé par le vomissement. Le pronostic eşt d'autant plus fâcheux que le poison est déposé sur un tissu où l'absorption est plus active. L'état normal ou morbide du tissu, l'effet local du poison doivent être pris en considération, comme pouvant influencer son absortion.

Le pronostic est plus grave chez les enfants, en raison de la délicatesse de leurs organes, de l'activité de l'absorption, du volume absolu moindre du corps: ainsi des doses médicales de laudanum produisent quelquefois chez eux des accidents graves ou mortels. Ces inconvénients sont souvent compensés par la promptitude, la facilité des vomissements, l'élimination plus prompte du poison. Par les mêmes raisons, les feinmes sont aussi bien plus influencées que les hommes, et chez elles, comme chez les enfants, les accidents nerveux, convulsifs, etc., sont bien plus fréquents, même avec les poisons qui ne les produisent que rarement. L'empoisonnement serait aussi moins grave chez l'adulte que chez le vieillard; cependant, nous man

quons de faits précis à cet égard. Les personnes fortement constituées résistent souvent moins bien à l'effet du poison que celles qui sont faibles, délicates. Quant à l'idiosyncrasie, il en est qui éprouvent des symptômes du narcotisme par des doses ordinaires d'opium; d'autres qui vomissent avec la plus grande facilité; par conséquent celles-ci auront bien moins à redouter l'effet des poisons. Nous doutons qu'on puisse s'habituer aux poisons minéraux sans que l'économie tombe dans un état de marasme, de dépérissement, etc. Les arsénicaux, les cuivreux, les mercuriaux, le plomb, etc., donnés même à dose médicinale, ont produit de graves accidents (voyez ces poisons, page 120). S'il est des personnes qui aient remplacé les alcooliques par l'acide azotique (Tartra), pris du sublimé tous les jours, à la dose de 4 grammes, pour exciter les forces digestives (Anglada), ces cas nous paraissent exceptionnels. Doit-on accepter saus contrôle l'habitude qu'auraient les habitants de la Styrie de prendre de l'arsenic pour se donner de l'embonpoint, un teint frais, faciliter l'ascension des montagnes, d'en administrer aux chevaux pour les rendre plus fringants, plus potelés? faits annoncés dans plusieurs journaux, et qui, dans les affaires criminelles, seraient invoqués, dit-on, par la défense. Les faits d'empoisonnement lent par ce poison prouveraient le contraire (page 120). Il n'en est pas de même pour les plantes vireuses, car des personnes ont pris, pendant vingt ans, 30 grammes de laudanum par jour sans inconvénient, et, chose bien singulière, ces mêmes personnes éprouvent quelquefois des symptômes d'intoxication par des doses plus faibles. Les vidangeurs, les cuisiniers, les repasseuses, les ouvriers des fabriques, etc., vivent dans des atmosphères qui seraient asphyxiantes pour d'autres. La forme pharmaceutique, l'époque du développement de la plante peuvent aussi avoir une certaine influence sur l'effet des poisons. Les plantes vireuses sont bien moins actives dans

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leur jeune âge, et leurs organes n'offrent pas non non plus le même degré d'activité.

Le raisonnement donnerait à supposer que les poisons dans l'état normal sont bien plus actifs que dans l'état morbide; cependant il n'en est pas toujours ainsi, puisque, dans le tétanos et autres névroses, la méningite cérébro-spinale, le choléra, etc., les malades supportent des doses insolites d'opium; que, dans la pneumonie, l'émétique et autres contre-stimulants sont administrés à doses très-élevées. Des maladies chroniques, l'ascite, etc., ont disparu sous l'influence d'un poison donné dans un but coupable. Les médecins rasoriens admettent même que l'effet des poisons contre-stimulants peut être annihilé par un état diathésique inflammatoire, et celui des poisons stimulants par un état morbide opposé. Plusieurs faits, quelle qu'en soit l'interprétation, viendraient à l'appui de cette assertion; cependant, dans une affaire d'empoisonnement, on ne doit pas les accepter d'une manière absolue, car nous rapportons des cas tout à fait opposés. Il faut tenir compte de l'état actuel de l'organe où est déposé le poison, de la maladie elle-même, de sa période, si elle est aiguë ou chronique, circonstances qui peuvent en faire varier l'effet.

Quant à la nature des poisons, en supposant le même degré d'activité, les poisons inorganiques sont bien plus à redouter que les poisons organiques, non-seulement parce qu'ils donnent lieu à des effets locaux très-graves, assez souvent suivis de lésions consécutives incurables, mais encore parce que, en raison de leur action altérante, désorganisatrice, ils produisent dans le sang, les organes, des modifications longues à guérir. Par les mêmes raisons, les poisons à effet dynamique, quoique plus actifs, toutes choses égales d'ailleurs, sont moins à craindre que les poisons à effet chimique.

Les empoisonnements accidentels sont moins graves que ceux par suicide, par homicide, parce que la quantité de

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